Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Gabriel ATTAL.
GABRIEL ATTAL
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation, on va bien sûr parler budget dans un instant, mais d’abord cette prise de parole de Gérard COLLOMB, l’ancien ministre de l’Intérieur, dans un tweet vendredi, et à nouveau hier dans le journal " Le Point ", il s’exprime au sujet de l’accueil du navire " Ocean Viking " avec ses migrants à bord, pour lui c’est un tournant dans la politique migratoire de la France qui crée un précédent et pourrait encourager les réseaux de passeurs, que lui répondez-vous ?
GABRIEL ATTAL
Moi je crois que le tournant, ça aurait été de ne pas respecter le droit international et de refuser l’accès à l’un de nos ports à un bateau qui s’y présentait, et je pense que Gérard COLLOMB le sait, ça a été un grand ministre de l’Intérieur dans la première partie du précédent quinquennat, et je pense que l’enjeu maintenant c’est d’agir au niveau européen pour que les règles que nous avons réussi, quand même, à fixer au niveau européen, en matière de partage de l’accueil des demandeurs d’asile, puissent être respectées.
ADRIEN GINDRE
Au niveau national il estime que cette politique-là peut revenir à faciliter l’accession au pouvoir de l’extrême droite, comme ça s’est passé en Italie.
GABRIEL ATTAL
Moi je crois qu’on entend, en ce moment, ceux qui hurlent qu’on accueille trop et ceux qui crient qu’on n’accueille pas assez, et que finalement il y a une forme " d’hystérisation " du débat, sur un sujet qui devrait au contraire nous rassembler, et pour ça je pense qu’il faut en revenir aux faits. De quoi parle-t-on ? On parle de 234 personnes, femmes, hommes, 57 enfants, où est-ce qu’ils sont ? Ils sont sur une zone fermée, dont ils ne peuvent pas sortir, pendant qu’on examine leur situation. Et que va-t-il se passer…
ADRIEN GINDRE
Mais a priori ça Gérard COLLOMB le sait…
GABRIEL ATTAL
Et que va-t-il se passer, Adrien GINDRE, pour aller au bout, pour ceux qui nous regardent et qui nous écoutent, dans les tous prochains jours les deux tiers de ces personnes vont quitter la France pour être accueillis dans 11 pays européens qui acceptent de partager cet accueil. On a beaucoup travaillé pour qu’il y ait cette solidarité entre différents Européens, ce sont donc une soixantaine de personnes qui seront accueillies en France pour que leur situation soit regardée, examinée, et voire si elles relèvent ou pas de l’asile.
ADRIEN GINDRE
L’inquiétude de Gérard COLLOMB, c’est que ça crée un précédent, il révèle même, dans cet entretien au « Point », la raison de sa démission en 2018, il dit en gros qu'il est parti parce qu'Emmanuel MACRON à l'époque voulait créer un hotspot, un centre de contrôle pour migrants, à Toulon, là précisément où ces migrants ont été accueilli cette fois-ci.
GABRIEL ATTAL
Moi je n’étais pas membre du Gouvernement à l'époque, je ne connais pas ce dossier, j'ai le souvenir que Gérard COLLOMB avait quitté le Gouvernement peut-être surtout pour les municipales à Lyon, en tout cas c'est ce qu'il avait déclaré à l'époque, j'ai du mal à comprendre qu’on quitte le Gouvernement pour un projet qui n'a jamais abouti, ce qui est assez étrange, mais encore une fois je pense que l'important c'est de regarder comment aujourd'hui on sort de cette situation, et on a besoin, et je crois que ce sera le cas dans les prochains jours, que l'Union européenne clarifie un certain nombre de choses et de règles.
ADRIEN GINDRE
Donc pas de tournant, on l'a entendu, comme vous le disiez, dans la politique migratoire de la France. Revenons à l'actualité qui vous concerne plus directement avec un vote ce week-end au Sénat, dominé par la droite, on le rappelle, concernant les retraites, pour prévoir de relever l'âge légal jusqu'à 64 ans, ça va dans votre sens, dans le sens du Gouvernement, pourquoi ne pas reprendre ce texte voté au Sénat ?
GABRIEL ATTAL
Parce qu’on a fait le choix de la concertation avec les partenaires sociaux, on a eu l’occasion de l'annoncer il y a maintenant plusieurs semaines, la concertation a débuté, c'est mon collègue ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, qui mène cette concertation avec les syndicats, on doit aboutir d'ici à la fin de l'année, avant les fêtes, et un texte doit être présenté à la rentrée, mais moi je reconnais une forme de constance des LR au Sénat, qui chaque année, depuis plusieurs années, déposent des amendements sur ce sujet-là, je veux y voir, aussi, la possibilité, lorsqu’un texte de loi viendra devant le Parlement, que nous trouvions une majorité pour le faire adopter puisque, à l'Assemblée nationale, avec le groupe des LR, il y a une majorité pour voter un texte sur les retraites, si chacun est cohérent évidemment avec les engagements qu'il prend devant les Français.
ADRIEN GINDRE
Donc c'est une question de calendrier, ce n’est pas une question de fond, quand le texte dit…
GABRIEL ATTAL
Et de méthode, quand même.
ADRIEN GINDRE
On peut allonger la durée de cotisation, reporter l'âge légal de 62 à 64 ans, cela dit les Républicains du Sénat proposent aussi une convention nationale pour parler de l'équilibre, de la pénibilité, des carrières longues, de l'emploi des seniors, c'est leur forme de concertation, mais, alors on va dire calendrier et méthode, mais sur le fond il n'y a pas de divergences.
GABRIEL ATTAL
Non, et surtout moi ce que je veux dire c’est qu'on passe beaucoup de temps à parler du comment et pas assez à parler du pourquoi, parce que la réalité c'est que cette réforme elle est très importante, pas uniquement pour des questions d'équilibre budgétaire du système, évidemment c'est très important et ça fait partie de la réforme, mais aussi parce que grâce à cette réforme nous allons améliorer le taux d'emploi dans notre pays. Si on avait le taux d'emploi de nos voisins allemands on aurait beaucoup moins de problèmes de finances publiques, plus vous avez de…
ADRIEN GINDRE
Les Républicains sont d’accord avec vous, ils disent juste " allons-y. "
GABRIEL ATTAL
Plus vous avez de Français qui travaillent, plus vous avez de recettes fiscales et sociales pour notre pays, pour financer des grandes priorités, le réinvestissement dans nos services publics, dans l'école, dans l'hôpital, et donc l'enjeu c'est de travailler un peu plus, travailler plus pour vivre mieux, là où vous en avez d'autres qui vous disent qu'on pourrait travailler moins, mais ce serait travailler moins pour gagner moins, c'est ça l'enjeu de cette réforme. On estime à 12 milliards d'euros les recettes fiscales et sociales supplémentaires dont bénéficieront nos finances publiques à horizon 2027 grâce à cette réforme, c'est évidemment très important, encore une fois, pour financer nos services publics, l'école, financer la transition énergique, écologique.
ADRIEN GINDRE
Un mot quand même de la méthode encore, ce week-end votre collègue des Solidarités Jean-Christophe COMBE a dit " ce sera donc effectivement un projet de loi en janvier ", ça veut dire qu'en janvier ce sera un projet de loi classique, c'est exclu désormais d'avoir recours à un projet de loi de financement de la Sécu rectificatif pour faire passer cette réforme ?
GABRIEL ATTAL
Non, je ne crois pas que ce soit exclu du tout, c'est une possibilité, mais en tout cas un texte de loi sera présenté en tout début d'année 2023.
ADRIEN GINDRE
D’accord. Cette alliance avec les Républicains elle avait aussi été évoquée par le président de la République il y a encore quelques jours, fin octobre, dans une émission sur France 2, est-ce qu'elle est toujours d'actualité, est-ce que vous avez eu des gages, des Républicains, sur leur capacité à voter certains textes, par exemple il y a aujourd'hui à l'Assemblée le début de l'examen de la loi de programmation du ministère de l'Intérieur, est-ce que vous avez des sujets sur lesquels vous attendez leur soutien ?
GABRIEL ATTAL
Mais nous ce qu’on veut, et ce qu’on recherche, c’est des alliances et des majorités de projets, sur le fond. Il y a déjà eu un texte qui a été adopté à l'Assemblée nationale avec les voix des Républicains, c'est la réforme de l'assurance-chômage pour inciter davantage à la reprise d'emploi pour des personnes qui sont au chômage. La semaine dernière j'ai fait adopter un texte budgétaire, le projet de loi de finances rectificative avec l'abstention, grâce à l'abstention des Républicains, et du Parti socialiste, et donc sur différents textes on peut trouver, parfois avec les LR, parfois avec d'autres groupes de gauche, des majorités, des alliances, de projets. Autre exemple, un texte qui va arriver prochainement sur les énergies renouvelables, je n'imagine pas que des groupes écologistes, des groupes de gauche, qui matin, midi et soir, rappellent, ils ont raison, l'importance de développer le renouvelable, l'éolien, le photovoltaïque dans notre pays, ne votent pas ce texte-là. Donc vous voyez bien que selon les sujets on peut arriver à des alliances et à des majorités de projets, c'est exactement ça qu'on cherche.
ADRIEN GINDRE
Les Républicains sont en train en ce moment de désigner leur futur président, ils voteront début décembre, je précise d'ailleurs qu'il y aura un débat, le seul débat entre candidats à la présidence des Républicains lundi prochain sur LCI, entre Eric CIOTTI, Aurélien PRADIE et Bruno RETAILLEAU, est-ce qu'en fonction du nom du vainqueur, Gabriel ATTAL, vous pensez que le travail pourra être plus simple avec les Républicains ?
GABRIEL ATTAL
Non, moi je ne veux pas interférer dans le congrès des Républicains en désignant un candidat favori, c'est évidemment à eux de désigner leur président, ce qui est certain c’est que face aux défis que notre pays a à relever aujourd'hui, une crise internationale, la guerre en Europe, l'inflation qui est revenue partout dans le monde de manière très forte et très brutale, l’enjeu migratoire, la transition écologique, moi je pense qu'on a besoin, au Parlement, d'hommes et de femmes de bonne volonté, prêts à se retrousser les manches ensemble au service des Français, voilà, et je pense que sur les différents textes que je viens d'évoquer, il y en aura d'autres, on doit pouvoir trouver le chemin d'une adoption de ces textes au service des Français, et oui on aura besoin, sur un certain nombre de textes, des LR pour travailler avec nous, mais c'est des textes, c'est des sujets, pour lesquels ils se sont engagés devant les Français. On parlait de la réforme des retraites, la candidate LR, Valérie PECRESSE, pendant la campagne présidentielle, s’est engagée, si elle était élue, à une réforme des retraites et à un report de l'âge légal, les députés LR, qui sont aujourd'hui à l'Assemblée nationale, se sont engagés sur ce projet-là, donc quand on arrivera avec un texte qui prévoit ce projet, devant l'Assemblée, il me semble évidemment totalement légitime que les députés LR puissent le voter, s'ils sont cohérents avec les engagements qu'ils ont pris devant les Français.
ADRIEN GINDRE
Sur les textes de budget, donc vous avez la charge, vous pouvez utiliser le 49.3 pour faire passer les textes comme vous le souhaitez, sur les autres textes est-ce que le gouvernement pourra avoir recours au 49.3 hors budget ?
GABRIEL ATTAL
Vous avez vu que sur le texte sur l'assurance-chômage on a pu le faire passer sans 49.3, et j’ai bon espoir que sur la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur, qui est examinée à partir d'aujourd'hui dans l'hémicycle, qui prévoit des moyens supplémentaires pour la police, qui prévoit qu'on puisse doubler le temps de présence des forces de sécurité sur la voie publique dans la décennie qui vient…
ADRIEN GINDRE
Mais s’il n’y a pas de majorité est-ce que c’est exclu, est-ce que vous direz dans ce cas-là on prendra acte ?
GABRIEL ATTAL
Qui prévoit qu’on investisse pour la cybersécurité dans notre pays, moi je ne vais pas me placer dans une hypothèse où on n’arriverait pas à trouver un chemin, je pense qu'on trouvera un chemin, et encore une fois la semaine dernière ce qui s'est passé avec le projet de loi de finances rectificative, que j'ai portée, qui est un texte budgétaire, c'est qu'on a réussi à le faire adopter sans 49.3 parce qu’on a beaucoup travaillé en amont avec les oppositions, j'ai travaillé avec les LR, j’ai travaillé avec les députés socialistes, même avec d'autres groupes qui finalement ont voté contre, et on a vu qu'on trouvait un chemin pour passer sans 49.3.
ADRIEN GINDRE
Alors si un chemin est trouvable est-ce que ça veut dire que le risque de dissolution, qui était encore évoqué il y a quelques jours par " Le Journal du Dimanche ", est désormais écarté ? Hier encore Marine LE PEN dit " cette dissolution elle nous fait pas peur. " Est-ce que vous, par exemple, vous êtes prêt à repartir en campagne législatives s’il le faut ?
GABRIEL ATTAL
Moi je ne me place pas dans cette hypothèse-là, parce que si ce matin je vous disais ça, Adrien GINDRE, ça voudrait dire que tout ce que je viens de vous dire précédemment, c'est-à-dire la possibilité qu'on a, quand même, face aux enjeux qui sont devant nous, à répondre aux attentes des Français, à répondre aux besoins qu’ils ont de protection en échangeant, en discutant, en travaillant avec d'autres formations politiques, y compris de l'opposition, ça voudrait dire que je considère que ça ne marchera pas.
ADRIEN GINDRE
Donc vous faites le pari que vous pouvez fonctionner avec cette Assemblée ?
GABRIEL ATTAL
Mais j’ai vu que ça fonctionnait, j’ai vu sur un texte budgétaire, la semaine dernière, qu’on était capable de le faire adopter en travaillant ensemble en amont, mais pour ça il faut être deux à le souhaiter, en tout cas moi ça sera toujours mon souhait, ce sera toujours, je crois, celui du gouvernement.
ADRIEN GINDRE
Je reviens d’un tout petit mot sur la réforme des retraites, vous évoquez le calendrier, l'utilité de la réforme, le fait est qu'il y a quand même une opposition et qu'en termes de calendrier cette réforme elle peut intervenir en début d'année prochaine, au moment où les prix du gaz et de l'électricité vont augmenter, au moment, on va en parler, où la remise à la pompe arrivera à son terme, au moment où il y aura peut-être des coupures d'énergie, même si bien sûr on ne le souhaite pas, est-ce que vous trouvez que c'est le bon calendrier, est-ce que c'est le bon moment, dans ce contexte social, pour faire une réforme des retraites ?
GABRIEL ATTAL
Je pense que c'est la bonne méthode que de se donner du temps pour concerter, maintenant, si on suit votre logique, effectivement on peut se dire que la passer rapidement, « en catimini », sans concertation tout de suite dans les textes budgétaires là, il y a un amendement, vous l'avez rappelé, qui a été adopté par les LR, de ce point de vue là ça aurait été plus simple, mais moi je pense que c'est aussi, du coup, tout à notre honneur, à celui du président de la République, que de donner le temps de la concertation. Ce n’est pas facile de porter cette réforme, moi je ne suis pas là devant vous, ce n’est pas par plaisir qu’on porte cette réforme, et je sais très bien qu'une réforme des retraites c'est toujours difficile, quand vous regardez dans le passé il y a toujours eu des oppositions, il y a toujours eu des manifestations, c'est une réforme difficile…
ADRIEN GINDRE
Et s’il y en a vous tiendrez bon, le gouvernement, même en cas de mouvement social d'ampleur, fera la réforme ?
GABRIEL ATTAL
Je pense que tout le travail qui est mené actuellement vise justement à répondre aux inquiétudes qu’ont une partie des Français, qui sont relayées par les partenaires sociaux. Quand on dit qu'on va décaler l'âge légal, comment est-ce qu'on tient compte de ceux qui ont commencé à travailler jeunes, de ceux qui ont eu une carrière pénible, pour qu'ils puissent partir toujours avant les autres, comment est-ce qu’on agit sur le cumul emploi-retraite pour des personnes qui souhaiteraient faire une transition entre le travail et la retraite…
ADRIEN GINDRE
Mais il faudra faire la réforme coûte que coûte même s'il y a des oppositions dans la rue ?
GABRIEL ATTAL
Mais il faut faire cette réforme, on a besoin de cette réforme, encore une fois on en a besoin pour l'équilibre du système de retraite, on en a besoin aussi pour financer nos grandes priorités et les grands défis qu'on a à affronter.
ADRIEN GINDRE
Alors, je le disais, il y a un contexte d'inflation également, ce matin encore le patron de CARREFOUR, Alexandre BOMPARD, dit qu'il y a certes une petite accalmie, mais que cette inflation elle est là, qu'elle est forte et durable, il y a quelques jours c'était Michel-Edouard LECLERC qui évoquait un tsunami d'inflation à venir et le risque d'une inflation à deux chiffres, est-ce qu'une inflation à deux chiffres vous paraît être un risque qui est sur la table ?
GABRIEL ATTAL
Aujourd'hui les prévisions qui sont inscrites au projet de loi de finances pour 2023 font état d'une inflation à 4,3 %, évidemment moi je ne fais pas de politique avec une boule de cristal, mais on fait de la politique, je crois, avec une boussole, c'est-à-dire continuer à protéger les Français. Il y a deux moyens de lutter contre l'inflation, d'abord c'est de tout faire pour que les prix soient le plus bas possible, c'est-à-dire qu'ils augmentent le moins possible, c'est notamment ce qu'on fait pour accompagner des entreprises pour alléger leur facture d'énergie pour qu'elle ne se répercute pas sur la facture des Français, ce bouclier-là il fonctionne, on a une inflation qui est 3 à 4 fois moins forte, enfin 3 à 4 points de moins en France, que dans la moyenne des pays de la zone euro. Et la deuxième c'est de continuer à accompagner les Français en les aidant, et notamment ceux qui sont dans des situations les plus difficiles, en les accompagnant financièrement pour faire face à cette inflation, c’est dépenser moins et gagner plus.
ADRIEN GINDRE
Typiquement, là, il y a une remise à la pompe sur les carburants qui vaut, vous me confirmez qu’elle va quand même bien baisser cette semaine et disparaître à la fin de l'année, ce n’est pas remis en cause.
GABRIEL ATTAL
Oui, je vous le confirme, parce que la réalité, et moi je suis aussi là pour dire la vérité aux Français, j'aimerais pouvoir dire autre chose, mais la vérité c'est qu'on ne peut pas se payer une ristourne à vie, que cette ristourne elle nous a coûté plus de 7 milliards d'euros cette année, on l’a prolongée là de 15 jours parce que beaucoup de Français ont eu des difficultés à s'approvisionner en essence à cause des grèves, 15 jours, c'est 440 millions d'euros pour prolonger la ristourne, et donc on doit basculer vers des dispositifs plus ciblés, c'est ce qu'a annoncé le président de la République avec une aide pour ce qu’on a appelé les " gros rouleurs ", mais aussi les " gros bosseurs "…
ADRIEN GINDRE
Et ça consistera en quoi ?
GABRIEL ATTAL
C'est-à-dire des Français qui utilisent leur voiture pour aller travailler, qui souvent ont du mal à joindre les deux bouts, et si le prix de l'essence explose, qui ont du mal à aller travailler parce que ça leur coûterait presque plus cher d'aller travailler que de ne pas travailler…
ADRIEN GINDRE
Alors quelle sera cette aide, pour qui et à partir de quand ?
GABRIEL ATTAL
Donc on doit aller vers ces aides ciblées, Adrien GINDRE, parce que la réalité c'est que ceux qui disent qu'on peut continuer à prendre des mesures générales, qui d'ailleurs, s'agissant de la ristourne, financent aussi des personnes qui viennent de pays voisins, qui viennent faire le plein en France, aux frais du contribuable français, qui financent de manière totalement indiscriminée des Français qui en ont besoin, ou pas, des gens qui utilisent leur voiture pour aller en week-end, là où il y a des gens qui l'utilisent pour aller travailler, on doit aller vers des dispositifs…
ADRIEN GINDRE
Alors je vous repose la question, cette mesure ciblée elle ressemblera à quoi, ça sera pour qui, à partir de quand, à quelles conditions ?
GABRIEL ATTAL
Alors, on aura l'occasion de l'annoncer dans les prochaines heures, ce que je peux déjà vous dire…
ADRIEN GINDRE
La fin de l’année c’est dans six semaines.
GABRIEL ATTAL
Oui, ce que je eux déjà vous dire, Adrien GINDRE, c’est qu’elle semblera beaucoup à la disposition qu'on avait prévue pour l'été dernier, puisque vous savez qu'on avait déjà préparé une aide ciblée pour le carburant l'été dernier, que financement on l'avait mise de côté pour prolonger la ristourne, c'est donc une aide qui sera conditionnée à plusieurs critères, un le fait de travailler, on veut accompagner les Français qui travaillent, qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, avoir des revenus d'activité, deuxième chose avoir une voiture évidemment, donc pour avoir un numéro de carte grise à déclarer pour bénéficier de l'aide, et troisième chose, à être dans des catégories populaires ou de classes moyennes, c'est-à-dire des gens qui ont du mal à joindre les deux bouts, tout ça ça sera défini et précisé dans les prochaines semaines, ce que je veux dire c'est que ce sera très simple, il suffira de se rendre sur un site Internet, de rentrer son numéro de télé-déclarant, de rentrer son numéro de carte grise, ça permettra de voir si vous travaillez, si vous êtes dans les niveaux de revenus qui permettent d'accéder à l'aide, si vous avez bien une voiture, et vous recevrez au bout de quelques jours l'aide automatiquement sur votre compte bancaire.
ADRIEN GINDRE
Et pour quel coût, combien vous prévoyez dans le budget pour ça ?
GABRIEL ATTAL
Ce que j’ai prévu dans le budget c’est une enveloppe autour d’1,5 milliard, 1,6 milliard d’euros, qui ont été prévus pour cette aide.
ADRIEN GINDRE
En revanche les chèques-transports ou chèques-alimentation dont on avait parlé à une époque, ça c'est écarté ?
GABRIEL ATTAL
Alors vous savez que sur l'alimentation on a mis en place une aide exceptionnelle à la rentrée, qui a bénéficié à 20 millions de ménages…
ADRIEN GINDRE
Oui, oui, mais il y avait l’idée d’un chèque-alimentation pour acheter par exemple des produits locaux ou bio, etc., c’est une idée qui a flotté et…
GABRIEL ATTAL
C’est une idée effectivement, ça fait un certain temps qu'on en parle, ça je le concède bien volontiers, je pense qu’on est toujours à la recherche du système qui permettrait d'aboutir à ce que vous dites, c'est-à-dire comment est-ce qu'on accompagne des Français qui ont assez peu de moyens, vers une alimentation bio, circuit court, et de qualité, c'est assez difficile parce que ce qu'il faut éviter c'est que ça entraîne une inflation sur les prix…
ADRIEN GINDRE
Mais à un moment il faudra dire qu’il est abandonné, parce que le gouvernement quand il dit « on travaille, on réfléchit »…
GABRIEL ATTAL
Oui, mais je pense qu’il ne faut pas renoncer, il faut continuer à chercher un bon système, mais encore une fois il ne faut pas qu'on se retrouve soit à subventionner une agriculture qui vient d'ailleurs que la France, soit à se retrouver à entraîner de l'inflation parce que vous auriez des distributeurs qui vendraient plus cher en s'adaptant aux chèques-alimentaire qui viendraient être apportés par les bénéficiaires.
ADRIEN GINDRE
Alors, au-delà de l'aide que le gouvernement peut proposer aux ménages il y a la question des salaires, vous avez eu l'occasion d'appeler les entreprises qui le peuvent à augmenter leurs salariés, il y a aussi la question du dividende salarié, qui est revenue dans le débat, c'était une promesse d'Emmanuel MACRON, il l'a rappelée lui-même, il y a le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, qui a demandé aux partenaires sociaux de travailler sur ce sujet, une session du CNR doit également l'évoquer, mais il y a aujourd'hui déjà sur la table une proposition qui commence à être travaillée par Pascal CANFIN, eurodéputé Renaissance, d'une forme de super participation. Une question de calendrier d'abord, est-ce que là on est en train de parler d'un sujet qui va déboucher en 2023, ou est-ce que dans vos budgets, pour 2023, rectificatif ou autres, vous allez être capable d'intégrer cette dimension, est-ce que dès le budget pour 2023 il y aura une mesure pour compenser les superdividendes des actionnaires pour les salariés ?
GABRIEL ATTAL
On va voir, on souhaite aller vite sur ce sujet, et moi je rappelle l'engagement du président de la République pendant la campagne, c'est de mettre en place un système, où quand l'entreprise verse des dividendes à ses actionnaires, elle intéresse aussi les salariés, que les salariés en perçoivent quelque chose, c'est une idée extrêmement importante sur le partage de la valeur dans l'entreprise. Je pense que c'est aussi un projet qui peut faire l'objet d'un très grand rassemblement politique et plus globalement chez les Français. vous l'avez dit, il y a une concertation qui est engagée avec les partenaires sociaux, c'est bien légitime que le patronat, que les syndicats, puissent être associés à la définition de ce système qui est évidemment une vraie révolution aujourd'hui dans la conception qu'on a de l'entreprise et du partage de la valeur.
ADRIEN GINDRE
Donc vous attendrez que cette concertation aboutisse fin janvier ?
GABRIEL ATTAL
On attend beaucoup de la concertation qui est menée avec les syndicats, du travail qui est mené par Pascal CANFIN, qui travaille beaucoup sur ce sujet-là, et on verra ce qu'on est capable de faire aboutir et dans quel calendrier.
ADRIEN GINDRE
L’objectif c'est que ça concerne tous les salariés, y compris ceux des entreprises sous les 50 salariés ?
GABRIEL ATTAL
C’est précisément ça qu’on est en train de définir, vous avez des très petites entreprise pour lesquelles les règles ne peuvent probablement pas être exactement les mêmes que pour des très grands groupes, donc c'est pour ça que je pense que se donner un peu le temps de définir très concrètement comment ça va se passer c'est la meilleure manière que ça puisse bien se passer et qu'on ne se retrouve pas avec des toutes petites entreprises mises en difficulté par un système qui viendrait s'appliquer d'en haut et qui n’aurait pas été pensé suffisamment avec elles, et on travaille y compris avec la CPME, la Confédération des petites et moyennes entreprises, pour définir le bon système.
ADRIEN GINDRE
Alors dans les moyens de préserver le budget de l'Etat il est demandé des économies, c'est ce que vous faites, en direction des laboratoires d'analyses médicales, qui sont en grève illimitée, au moins pour 3 jours on va dire, à partir d'aujourd'hui, vous leur demandez 250 millions d'économies, 250 millions d'euros d'économies, eux ils vous disent « très bien, on peut le faire, mais on peut le faire sous la forme d'une contribution exceptionnelle. » Pourquoi est-ce que vous refusez ?
GABRIEL ATTAL
D’abord moi je veux saluer le rôle des laboratoires de biologie médicale dans notre système de santé, ils ont un rôle essentiel, ils ont eu un rôle essentiel pendant la crise Covid pour accompagner les Français, avec des tests, et c'est notre politique de tests, aussi, qui nous a permis de tenir. Ces tests ils leur ont permis d'avoir un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros, 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires immédiatement issus des tests, dont je rappelle qu'ils sont payés par la Sécurité sociale, c'est-à-dire par tous les Français. C’est un secteur qui par ailleurs a une rentabilité qui est élevée, qui est passée, je crois, de 18% à 30%, il y a beaucoup de secteurs économiques qui aimeraient avoir une rentabilité de 30%…
ADRIEN GINDRE
Mais ils ne le contestent pas, ils vous disent : " On est ok pour payer un peu plus, vu qu’on a eu effectivement des gains pendant le Covid, mais on veut que ça soit une contribution exceptionnelle ".
GABRIEL ATTAL
Ce qu'on demande, ce que je leur demande, c’est. Une économie sur leurs tarifs de 250 millions d'euros, effectivement, de manière pérenne. C'est ça qu'on leur demande. Mais encore une fois, parce qu'il y a eu 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires liés aux tests Covid, mais aussi parce qu'il y a ce niveau de rentabilité qui est très élevé, dans un secteur je le rappelle qui est financé à 75% par la Sécurité sociale. Donc moi je le dis très calmement mais aussi très fermement : tout le monde fait des efforts aujourd'hui, les Français font des efforts, ils vont payer un peu plus cher leur essence dans quelques jours, les entreprises font des efforts, elles sont aussi touchées par l'inflation. L'Etat fait des efforts, il y a un certain nombre de projets qu'on remet à plus tard, les collectivités locales se serrent la ceinture. Eh bien les laboratoires d'analyses médicales qui ont fait 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires liés aux tests Covid payés par les Français, qui ont une rentabilité élevée, ils peuvent faire des efforts et je ne lâcherai pas sur ce sujet-là.
ADRIEN GINDRE
Le message est passé. Un mot encore Gabriel ATTAL. Dans une dizaine de jours il y a une proposition de loi La France insoumise qui va être examinée, pour interdire la corrida. Vous vous êtes beaucoup engagé sur le bien-être animal par le passé, quel est vous votre position sur ce texte ?
GABRIEL ATTAL
Eh bien c’est, on peut donner sa position à chacun, personnelle, il va y avoir un débat parlementaire sur le sujet. Bon, effectivement je suis très engagé en faveur du bien-être animal, je crois aussi qu'il y a un certain nombre de pratiques, et notamment la corrida, et les acteurs eux-mêmes de la corrida, les élus locaux des territoires concernés le disent, qui justement parce qu'il y a des nouvelles générations qui arrivent, qui sont peut-être plus préoccupées par cette question du bien-être animal, sont vouées entre guillemets à s'étendre d'une manière naturelle, voilà. Donc est-ce qu'il faut interdire, entre guillemets, d'en haut, une pratique dont on voit de toute façon qu'elle est en train de s'amenuiser, je n’en suis pas certain. C’est un beau sujet de débat.
ADRIEN GINDRE
Mais vous n'êtes pas pour autant partisan de la corrida.
GABRIEL ATTAL
Non, je ne suis pas spécialement partisan de la corrida, en tout cas je pense qu'il y a toujours un équilibre à trouver entre des pratiques culturelles dans certains de nos territoires, l'attention qu'on a évidemment tous à la question du bien-être animal. Je pense aussi le fait que la société évolue et que parfois parce que la société évolue, elle est capable elle-même de tourner certaines pages, sans que la loi ait besoin de le faire.
ADRIEN GINDRE
D'ici quelques jours à l'Assemblée ce sera peut-être également le retour du député LFI Adrien QUATENNENS, visé par une enquête pour des soupçons de violences contre son épouse, est-ce qu’il a sa place à l'Assemblée ?
GABRIEL ATTAL
Mais il a le droit de retourner à l'Assemblée, il a été élu et il peut siéger à l'Assemblée. Ensuite c'est à lui et à son bureau politique, La France insoumise, de décider si le signal qui est envoyé est un problème ou non, et la manière dont son retour doit se faire.
ADRIEN GINDRE
Et vous pensez que c'est un problème ?
GABRIEL ATTAL
Eh bien pour le coup, là, une séparation des pouvoirs, je suis membre du gouvernement, je n’ai évidemment pas à dire si tel député est légitime ou à vocation à siéger à l'Assemblée nationale et faire son travail de député. Il a été élu député, il peut aujourd'hui siéger, il n’y a rien qui l'en empêche légalement, il n'a pas été condamné. Maintenant je le dis, c'est une question de signal politique qui est souhaité, dans un contexte où il a reconnu un certain nombre de faits.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Gabriel ATTAL d'avoir accepté notre invitation.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 14 novembre 2022