Déclaration de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées, en hommage aux blessés du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins et en mémoire des Résistants du plateau des Glières, à Thorens-Glières le 10 novembre 2022.

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Circonstance : Cérémonie en hommage aux blessés du 27ème Bataillon de Chasseurs Alpins et en mémoire des Résistants du plateau des Glières

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le maire,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mon général, Monsieur le chef d'état-major de l'Armée de Terre,
Officiers, sous-officiers, chasseurs,


Sur ce plateau des Glières, il s'est joué bien plus encore que le destin de la France: il s'est joué ici son honneur et sa grandeur.

Quelques centaines de jeunes gens sont venus ici de toute la France pour clamer dans l'écho de la montagne que leur Patrie demeurait debout, et résistante. Ils se sont retrouvés autour d'un homme, une force des montagnes, fougueux et intrépide, dont l'âme répugnait à la médiocrité et dont le destin était de s'élever vers la noblesse des pics, pour défendre la France.

Cet homme, c'était Tom Morel.

Dès la fin du mois de janvier 1944, le lieutenant Morel a " maintenu la France " - comme l'a si bien dit Malraux - en prenant les armes pour défendre son pays, non plus dans l'obscurité et l'anonymat qui avait été jusque-là celui de l'armée secrète, mais dans l'éclat des cimes enneigées. Avec ses compagnons résistants, ils ont défendu, ce plateau des Glières, ce bout de France Libre dans le jour et à visage découvert.

Bientôt la milice viendra poursuivre ces combattants de la Liberté, encerclant les 465 hommes du maquis des Glières qui ont fait le choix de " vivre libre ou mourir "

Le 2 mars 1944, le lieutenant Morel décide une opération contre l'Hôtel Beauséjour à Saint Jean de Sixt, où sont cantonnés les hommes de Vichy : trente d'entre eux seront faits prisonniers. Leur libération est négociée contre celle de Michel Fournier, un étudiant en médecine, infirmier du maquis, arrêté au Grand Bornand quelques jours auparavant. Mais la parole donnée par la police de Vichy n'est pas respectée, et une nouvelle opération se prépare dans la nuit du 9 mars 1944, contre le P.C. des miliciens à Entremont. Les combats sont acharnés, mais la section des éclaireurs-skieurs menée par Tom Morel parvient à réduire ses adversaires à l'impuissance.

Parce que Tom Morel était avant tout un Français, et que même dans la fureur du combat, il ne souhaitait pas faire couler le sang d'un compatriote, il demanda une entrevue pour négocier la libération de son frère d'armes. Il sera alors lâchement assassiné par le chef des miliciens qui sorti de sa poche une arme restée cachée, pour l'abattre d'une balle dans le cœur.

Commence alors le funèbre cortège qui vit ramener le corps de Tom Morel sur le plateau des Glières. Ses camarades le portèrent pour élever son corps jusque dans les montagnes. On imagine aujourd'hui la silhouette des six chasseurs portant la dépouille du héros à travers les cols encore blanchis par la fin de l'hiver. Traversant le ruisseau de la Frasse, puis celui de la Deuve en portant leur commandant jusque sur ce plateau pour honorer sa mémoire le soir venu, entre maquisards, entre amis.


En cette veille du 11 novembre, journée d'hommage à tous les Morts pour la France, le souvenir de Tom Morel, des 38 maquisards morts au combat, des 66 fusillés et des 16 morts en déportation se rappelle à nous, avec force. Nous leur devons tant.

Le souvenir des Braves de la Grande Guerre, et particulièrement des chasseurs alpins qui ont combattu dans ces montagnes pour défendre nos frontières et jusque dans les Vosges, où le 27ème bataillon fut engagé dans la bataille du Viel Amand [bataille d'Hartmannswillerkopf] où moururent 15 000 Poilus.

Cette année encore, des soldats français sont morts pour défendre notre liberté. Ce fut le cas du brigadier-chef Alexandre Martin en janvier 2022; du maréchal des logis chef Adrien Quelin, du 4ème régiment de chasseurs de Gap, mort pour la France à Tombouctou, au Mali, le 12 octobre 2021 ; et du sergent Maxime Blasco, du 7ème bataillon de chasseurs alpins de Varces, mort pour la France le 24 septembre 2021 dans la région de Gossi, au Mali.

Sur ce plateau ou résonne plus qu'ailleurs ce qu'il y a de grand et de noble à se battre pour la France, je veux leur rendre hommage.


On mesure ici ce que la Nation doit à ses combattants, à ceux qui ont disparu et à leurs familles, mais aussi à ceux qui ont survécu, en particulier aux blessés. Le 27ème bataillon a conservé de ses grands anciens des Glières l'esprit indéfectible de solidarité entre soldats, ce qui vaut bien sûr avec ses blessés.

Jamais un Diable bleu n'est abandonné !

Je viens de remettre des insignes à 5 de vos camarades. 3 d'entre vous ont été attaqués par un véhicule suicide en juin 2021 à Gossi, au Mali. Secourus par leurs camarades, dont le sergent-chef PAUTHIER et le caporal-chef TALAGA, ils ont pu être pris en charge rapidement. Malheureusement, la loi des séries s'imposera et quelques semaines plus tard, ceux qui avaient porté secours seront eux même touchés par une explosion de grenade en septembre 2021. Vous traversez depuis les épreuves avec courage, épaulés par vos camarades, vous gravissez « ces routes où l'on peine mais où fleurit notre plus grand espoir » - comme le dit si bien le chant des Glières. Trois d'entre vous ont d'ailleurs participé au " Tiger Raid " [taïgueur rède] en septembre dernier pour parcourir avec d'autres chasseur alpins les 170 kilomètres et 10 000 mètres de dénivelé du Tour du Mont-Blanc.

Cette course autour du Mont-Blanc est à l'image de votre combat contre la blessure, c'est une épreuve qui demande de puiser au plus profond de soi-même. Dans cette épreuve, la Nation se doit d'être à vos côtés et de vous accompagner plus efficacement encore. Des réformes sont en cours de préparation pour simplifier et accélérer les procédures, car le combat administratif pour faire reconnaître sa blessure est un combat de trop.

Le nouveau système permettra l'attribution automatique des droits aux blessés, le libérant de toute démarche administrative, la charge de la preuve incombera désormais à l'administration. Nous mettrons fin à la réparation partielle du préjudice lié à la blessure, je souhaite que la Nation le prenne désormais intégralement en charge pour ses soldats qui ont versé leur sang pour la Patrie. Des efforts seront également faits pour développer la reconstruction par le sport, et les dispositifs de reconversion professionnels.


Je veux enfin avoir une pensée pour ceux de vos camarades qui sont aujourd'hui déployés en Roumanie pour permettre la réassurance du flanc oriental de notre continent face aux nouvelles menaces qu'a fait naître le conflit russe-ukrainien.

Là-bas se joue un nouveau défi pour notre continent. La France y a un rôle déterminant, fidèle à sa vocation de peuple libre, et ce, grâce à nos chasseurs alpins déployés à Constanta, à votre courage et à votre détermination à " vivre libre " ou à " mourir ".


Vive la mémoire des résistants du plateau des Glières !
Vive le 27ème Bataillon de chasseurs alpins!
Vive la République !
Et vive la France !


Source https://www.defense.gouv.fr, le 18 novembre 2022