Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Marc FAUVELLE.
MARC FAUVELLE
La COP 27 s’est terminée hier avec une seule avancée notable, la promesse d’un fonds financé par les pays riches destiné à aider les pays en voie de développement à payer la facture des dégâts climatiques. Est-ce que la France donnera l’exemple et abondera ce fonds ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais la France donne déjà l’exemple depuis très longtemps, elle donne l’exemple d’abord en apportant 6 milliards d’euros au financement climat sur les 100 milliards qui sont prévus, elle donne l’exemple en maintenant son niveau d’aide au développement, dans la circonstance économique actuelle, on aurait pu rogner nos ambitions, on a toujours 0,5% de la richesse nationale qui va vers les pays en développement, notamment les pays africains. Moi, je pense que c’est vital, mais c’est un effort auquel la Grande-Bretagne a renoncé par exemple. Elle a dit qu’elle allait baisser son aide au développement, nous, nous la maintenons. Ensuite, il faut continuer à travailler là-dessus, c’est tout l’objectif du sommet sur le financement du climat, qu’a annoncé le président de la République pour 2023. Moi, je rentre tout juste du G20, et j’ai vu à quel point pour les pays en développement le financement des infrastructures, le financement des énergies renouvelables, l’accès à de l’énergie à bon marché et décarbonée est un enjeu absolument majeur ; c’est pour cela que l’initiative du président de la République est absolument décisive pour ces pays.
MARC FAUVELLE
Est-ce que la Chine devra abonder ce fonds pour les pays pauvres, ça a été l’un des points de blocage pendant la COP ?
BRUNO LE MAIRE
Ça reste un point de blocage important, parce que la Chine se voit et se présente encore comme un pays en développement, ils disent…
MARC FAUVELLE
Sur des critères qui datent de 1992…
BRUNO LE MAIRE
Oui, et ils disent, arguments à l’appui, nous, nous sommes plus d’un milliard d’habitants, nous avons encore un taux de pauvreté qui est important, la Chine est aussi un des principaux émetteurs de CO2 au monde. Donc la Chine a une responsabilité sur le climat, qui est une responsabilité très lourde, c’est pour cela que le rendez-vous de 2023 proposé par le président de la République est décisif. Il faut que les grands Etats, la Chine en premier, puissent prendre ses responsabilités, pour ça, il faut un lieu pour en débattre, ce sera le lieu de cette conférence du financement du climat.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, c’est déjà la troisième fois en quelques mois que vous touchez au dispositif mis en place pour simplifier l’accès aux aides aux entreprises qui font face à une explosion des prix de leurs factures d’énergies, un nouveau guichet est ouvert depuis ce week-end. Est-ce que cette fois-ci, c’est sûr, toutes les entreprises qui sont dans le besoin auront accès à ces aides ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, toutes les entreprises seront soutenues, pour beaucoup d’entreprises, beaucoup de PME, la situation est extraordinairement angoissante, elle est angoissante pour tout de suite, parce qu’il faut régler les factures de 2022, et elle est encore plus angoissante pour 2023, en se disant : mais qu’est-ce qui nous attend pour 2023, est-ce que je vais arriver à amortir ces coûts de l’énergie. Donc moi, je veux vraiment lever ce matin un certain nombre d’inquiétudes que j’entends depuis deux, trois jours. 1°) : toutes les entreprises sont éligibles à ce guichet, qui a été ouvert samedi. Qu’on soit une PME, qu’on soit une entreprise de taille intermédiaire ou une grande entreprise, on peut toucher en fonction de sa taille de 4 jusqu’à 150 millions d’euros. Mais toutes les entreprises sont éligibles, j’entends…
MARC FAUVELLE
Donc quelles que soient les tailles, mais il y a des critères pour accéder aux aides.
BRUNO LE MAIRE
Quelles que soient les tailles, les critères, ils ont été extraordinairement simplifiés, notamment pour les PME, on a retiré le critère de baisse du bénéfice, avant, il y avait un critère de baisse de bénéfices très compliqué à calculer, il a été retiré, parce qu'il était pénalisant pour les PME. Désormais, il n’y a que deux critères pour avoir accès à ce guichet, il faut que votre facture d'énergie ait augmenté de 50% entre 2022 et 2021, c’est le cas de quasiment toutes les entreprises quand on voit aujourd'hui le coût de l'énergie, et en deuxième lieu, il faut que votre facture énergétique représente 3% de votre chiffre d'affaires, parce que nous voulons tout simplement cibler les aides sur ceux qui sont les plus fragiles.
MARC FAUVELLE
Mais c’est ce chiffre justement…
SALHIA BRAKHLIA
3 %…
MARC FAUVELLE
Ce deuxième chiffre qui inquiète notamment la CPME, qui vous l'a dit ce week-end, 3% des dépenses en 2021, c'est-à-dire avant l'explosion…
BRUNO LE MAIRE
Non, nous avons entendu les préoccupations de la CPME, moi, j'ai travaillé quotidiennement avec François ASSELIN, avec la CPME pour répondre à leurs inquiétudes, ce n'est pas 3% du chiffre d'affaires en 2021, c’est 3% du chiffre d'affaires au moment où vous déposez votre demande, c'est-à-dire…
SALHIA BRAKHLIA
Donc en 2022…
BRUNO LE MAIRE
En novembre 2022. Parce que évidemment, sinon, le critère n'aurait pas de sens. Donc nous avons répondu à ces inquiétudes, ce guichet, il est simple, toute la complexité sera traitée par l'Etat, il est massif et il sera rapide, les versements interviendront dans 15 jours à 3 semaines pour les entreprises qui auront uniquement à déposer leurs factures au guichet de " impots.gouv.fr ". Donc première inquiétude que j'entends ici ou là, toutes les entreprises sont concernées, deuxième inquiétude, on me dit : oui, mais ça, c'est pour 2022, qu'est-ce qui va se passer en 2023, et effectivement, le boulanger, le boucher, la petite entreprise du bâtiment se dit : bon, ok, j'ai une aide pour 2022, mais c’est 2023 qui m'inquiète, je rappelle qu'en 2023, il y aura un allégement immédiat de la facture pour toutes les PME de l'ordre de 25%, c’est ce qu'on a appelé avec la Première ministre l'amortisseur énergie pour les PME. Enfin, troisième inquiétude que j'entends un peu partout, les entreprises françaises vont être moins bien protégées que les entreprises allemandes…
SALHIA BRAKHLIA
On allait en parler…
MARC FAUVELLE
200 milliards…
BRUNO LE MAIRE
Non, les entreprises françaises seront aussi bien protégées que les entreprises allemandes…
MARC FAUVELLE
Mais vous mettez 10 milliards d'euros, les Allemands viennent d'en mettre 200.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais les Allemands ne mettent pas 200 milliards d'euros sur le soutien aux entreprises, ils mettent 200 milliards d'euros sur le soutien aux entreprises et le soutien aux ménages, sur lequel, je rappelle nous avons déjà, nous, Français, mis 110 milliards d'euros sur 2021, 2022, 2023. Dans cette enveloppe de 200 milliards, vous avez aussi le soutien à l'énergéticien allemand UNIPER, pour 40 milliards d'euros. Donc comparons ce qui est comparable.
SALHIA BRAKHLIA
Mais ce n’est pas ce que dit Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, le patron du MEDEF, qui était à votre place jeudi dernier, lui, il s'inquiète, il dit : il y a une concurrence déloyale qui est en train de se mettre en place.
BRUNO LE MAIRE
Mais c’est la responsabilité de Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, du patron de l'UIMM, Eric TRAPPIER, de François ASSELIN, le patron de la CPME, de défendre les entreprises, ils sont parfaitement dans leur rôle et je les comprends…
SALHIA BRAKHLIA
Mais il se trompe quand il parle de concurrence déloyale ?
BRUNO LE MAIRE
Moi, je suis là pour répondre à leurs inquiétudes. Je leur garantis que nous ferons respecter les règles de concurrence en Europe, et les règles de concurrence en Europe, elles ont été fixées par la Commission européenne, il y a un cadre pour ces aides, on ne peut pas faire n'importe quoi, on ne peut pas avoir un pays qui soutient à 100% ses entreprises sur sa facture énergie et un autre qui n’aurait droit qu'à 50 ou 60%, les règles seront les mêmes pour tous, nous veillerons à ce qu'elles soient respectées et à ce que les entreprises françaises soient aussi bien soutenues que les entreprises allemandes. J'aurai l'occasion d'en parler d'ailleurs dès ce soir avec le ministre de l'Economie allemand, Robert HABECK, je le vois ce soir, je verrai le ministre des Finances jeudi, nous avons travaillé main dans la main avec l'Allemagne avec un seul objectif : défendre au même niveau nos entreprises françaises et allemandes, et croyez-moi, le vrai sujet, ce n'est pas la compétition avec l'Allemagne. Le vrai sujet, c'est la compétition avec des Etats-Unis d'Amérique qui ont un prix d'énergie 5 à 10 fois plus faible que celui que nous avons en Europe, donc regardons plutôt le vrai risque, le vrai risque, c'est l'effondrement du prix de l'énergie aux Etats-Unis, et un prix beaucoup plus élevé en Europe. Focalisons- nous sur les vrais sujets.
SALHIA BRAKHLIA
Donc quand Emmanuel MACRON reçoit ce soir les 50 grandes entreprises européennes installées en France, c'est pour les convaincre de ne pas délocaliser ?
BRUNO LE MAIRE
C'est pour leur rappeler que nous avons des atouts, nous avons par exemple en France, je le rappelle, la moitié de la facture des entreprises qui bénéficie d'un prix de l'électricité cassé, ça s'appelle l'ARENH, c'est un atout stratégique dont dispose la France, c'est pour leur rappeler que nous allons à Washington dans quelques jours, et nous allons défendre les intérêts français et les intérêts européens face the Inflation, Reduction Act, c’est-à-dire la législation américaine, qui permet de défendre de manière exclusive les entreprises américaines. L'Europe a des atouts, la France a des atouts, nous sommes devenus le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe. Et nous comptons bien le rester.
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, votre collègue du gouvernement, Olivier DUSSOPT, va présenter dans quelques minutes aux partenaires sociaux le mécanisme retenu par le gouvernement dans la réforme de l'assurance-chômage qui prévoit de baisser la durée d'indemnisation des chômeurs lorsque le chômage baisse, est-ce que c'est une mesure punitive pour les chômeurs ?
BRUNO LE MAIRE
Non, c'est une mesure juste pour l'emploi. Et je tiens à rappeler que sur l'emploi depuis maintenant plus de 5 ans, nous avons enregistré des succès qui sont considérables, qui sont à mettre à l'actif d'Emmanuel MACRON, nous avons un peu plus de 7% taux de chômage, c'est le niveau le plus faible que nous ayons atteint depuis des années. Nous avons un nombre d'apprentis qui n'a jamais été atteint depuis des décennies en France, nous sommes sur la voie du plein emploi…
MARC FAUVELLE
Mais est-ce qu'on met dire par exemple à quelqu'un qui a été licencié pour motif économique : on va raccourcir votre durée d'indemnisation pour vous pousser à retrouver plus vite un travail ?
BRUNO LE MAIRE
Ce que je constate, Marc FAUVELLE, aujourd’hui, c’est une situation incompréhensible, dans laquelle, vous avez à la fois des entreprises qui sont en pénurie de main d’oeuvre, dans le bâtiment, dans les travaux publics, dans la restauration, dans l’hôtellerie, enfin, j’en vois des chefs d’entreprise qui cherchent désespérément de la main d’oeuvre et qui n’en trouvent pas. Et de l’autre, des règles d’assurance-chômage qui ne bougent pas, donc je pense qu’il est juste et nécessaire de faire évoluer ces règles de l’assurance chômage, de manière souple, comme le propose Olivier DUSSOPT. Quand ça va mieux, on durcit les règles, quand ça va moins bien sur le front de l’emploi, on protège davantage. L'objectif final, c'est le plein emploi, et croyez-moi, les derniers mètres…
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous mettez en avant, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Les derniers mètres vont être les plus difficiles à atteindre, parce que, atteindre 7%, c'est déjà un magnifique résultat, atteindre les 5 % de taux de chômage, c'est-à-dire le plein emploi, ce serait un exploit, puisque ça n'est pas arrivé en France depuis le début des années 70, c'est-à-dire depuis un demi-siècle, eh bien, pour tout ça, il faut mettre tous les atouts de notre côté, plus de formations et de qualifications, nous le faisons, plus de soutien à l'apprentissage, nous le faisons, et des règles d'assurance chômage qui sont plus dures…
SALHIA BRAKHLIA
Vous mettiez en avant…
BRUNO LE MAIRE
Quand la conjoncture est bonne. Nous allons le faire.
SALHIA BRAKHLIA
Vous mettiez en avant les postes qui restent vacants par rapport au nombre de chômeurs qui pointent actuellement au chômage, mais si les qualifications ne sont pas les mêmes que les postes recherchés, vous dites quoi à un plombier, eh bien, il faut que vous deveniez, je ne sais pas, serveur dans un restaurant, il faut accepter ces boulots-là, même si ce n'est pas les qualifications requises ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis tout simplement que nos compatriotes ne peuvent pas comprendre que lorsqu'il y a autant de pénurie de main-d'oeuvre dans l'hôtellerie, la restauration, le bâtiment, les travaux publics, l'agro-alimentaire, nous ayons en même temps toujours 7% de taux de chômage, et que, donc, il faut une politique globale, notre politique ne se résume pas à la réforme de l'assurance-chômage, mais elle est nécessaire, elle est juste et je soutiens totalement le travail qui est fait par Olivier DUSSOPT, il y a aussi un travail à faire sur la formation et la qualification, nous le faisons, pour orienter les personnes vers les emplois qui sont disponibles, et il y a aussi un travail à faire sur l'apprentissage, sur le lycée professionnel, que nous faisons également, et l'ensemble de ces mesures que nous portons avec beaucoup de détermination doivent nous amener au plein emploi en 2027. Croyez-moi, le jour où la société française aura le plein emploi, cela ira beaucoup mieux pour l'ensemble des Français et pour la nation française.
MARC FAUVELLE
A partir du mois de janvier, Bruno LE MAIRE, les ristournes à la pompe vont laisser place à un nouveau dispositif, dont on a encore un tout petit peu de mal à cerner les contours. Elisabeth BORNE a dit que ça concernera environ la moitié des foyers, sur quels critères ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, c'est normal parce que ce n'est pas encore définitivement arbitré…
MARC FAUVELLE
Même vous, vous ne le connaissez pas ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, on discute, on va le faire dans les prochaines semaines, ce qui est sûr, c'est que nous passons d'un dispositif général, la remise à la pompe de 30 centimes d'euro pour tous ceux qui utilisent leur véhicule à un dispositif ciblé. C'est conforme à la philosophie que je porte depuis maintenant plusieurs mois, de dire que, passé le choc majeur de 2022, il faut que nous allions vers des dispositifs ciblés qui soutiennent les plus fragiles. Donc des mesures qui soient à la fois plus justes et plus efficaces.
MARC FAUVELLE
Donc, pas uniquement les travailleurs ?
BRUNO LE MAIRE
Nous verrons, nous sommes en train…
BRUNO LE MAIRE
Les retraités, les inactifs…
SALHIA BRAKHLIA
Parce qu’on a entendu les gros... les gros rouleurs…
MARC FAUVELLE
Les chômeurs…
SALHIA BRAKHLIA
Ce que disait Gabriel ATTAL…
BRUNO LE MAIRE
Je ne vais pas préjuger de ce que seront les discussions que nous avons avec Gabriel ATTAL, avec la Première ministre, tout ça, en parfaite intelligence pour trouver le meilleur ciblage possible pour cette indemnité carburant qui sera mise en place au 1er janvier 2023, et qui remplacera la remise globale, qui a, à mes yeux, comme principal défaut, d'abord, elle n’est pas juste puisqu'elle touche tous les Français à la fois, donc c'est vraiment une mesure que l'on prend dans l'urgence pour soulager les français et amortir le choc inflationniste, mais fondamentalement, on donne la même chose à ceux qui ont beaucoup d'argent et à ceux qui n'en ont pas, donc je pense qu'il faut le faire évoluer, et puis, on n'a pas vocation à financer les pays producteurs de pétrole. Or, une indemnité générale, c'est une indemnité qui finance les pays producteurs de pétrole.
SALHIA BRAKHLIA
Justement en parlant d'inflation, Michel-Edouard LECLERC, le patron des magasins du même nom, prédit une inflation à 2 chiffres en janvier prochain tirée par les prix de l'alimentaire, qui s'envolent eux aussi. Est-ce qu’il a raison ?
BRUNO LE MAIRE
Non, il n'a pas raison, nous n'aurons pas d'inflation à 2 chiffres sur l'ensemble des produits français en 2023, je ne crois pas à cette hypothèse-là…
SALHIA BRAKHLIA
Mais on voit la fin de la vague, est-ce que vous la voyez, vous, la fin de la vague inflationniste ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais être très précis, l'inflation à 2 chiffres, elle existe déjà pour les produits alimentaires. Donc j’imagine que c'est de cela dont parle Michel-Edouard LECLERC…
MARC FAUVELLE
12 %…
BRUNO LE MAIRE
Mais l'inflation sur l'ensemble de l'année 2022, en France, elle va être d'un peu plus de 5 %, c'est beaucoup pour ceux qui la supportent, surtout quand ça touche les produits alimentaires, mais ça reste le niveau d'inflation le plus faible de la zone euro, grâce à l'anticipation dont nous avons fait preuve avec le président de la République, en mettant en place le bouclier tarifaire sur l’électricité et sur le gaz. Est-ce que l'inflation reste à un niveau très élevé ? Oui, est-ce que c'est extraordinairement difficile pour tous nos compatriotes ? Oui, notamment sur les prix alimentaires…
SALHIA BRAKHLIA
Pour l’année prochaine, ça va augmenter ?
BRUNO LE MAIRE
Où effectivement, il y a une inflation à 2 chiffres, mais toute notre politique, notamment le ciblage des aides, vise à ce que, en 2023, l'inflation reflue, et ça reste notre hypothèse centrale de travail, l'inflation doit refluer dans le courant de l'année 2023.
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON a fait une promesse, c'est le dividende salarié pour que le travail – c'est sa formule – paie davantage. Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, encore lui, désolé, qui était à votre place jeudi dernier, patron du MEDEF, dit qu'il ne comprend pas ce que c'est précisément, qu'il y a aujourd'hui déjà des dispositifs, la participation, l'intéressement, la prime Macron, qu’il n’a toujours pas compris ce que c'est que le dividende salarié. Pouvez-vous l'éclairer et nous aussi par la même occasion ?
BRUNO LE MAIRE
Je vais essayer, le principe du dividende salarié, c'est que lorsqu’une entreprise a les moyens de verser un dividende à ses actionnaires, il faut qu'elle augmente les rémunérations de ses salariés…
MARC FAUVELLE
En versant des dividendes aussi ou d’une autre façon ?
BRUNO LE MAIRE
Dans le fond, le dividende salarié, c'est le profit pour tous, quand il y a un profil pour l'entreprise, un profit pour les actionnaires, eh bien, il faut que ceux qui font tourner l'entreprise, c'est-à-dire les salariés, puissent en bénéficier, et là encore, je reviens à la philosophie qui nous anime, le travail doit payer, c'est le fil directeur de toute notre politique économique et sociale depuis plus de 5 ans avec le président de la République…
SALHIA BRAKHLIA
C’est quoi la différence avec l'intéressement et la participation ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, d'abord, quand je dis le travail doit payer, là aussi, je veux lever un certain nombre d'ambiguïtés, la première rémunération du travail, c'est le salaire, et ça doit rester le salaire, je ne voudrais surtout pas qu'on croit que les mécanismes de partage de la valeur que nous voulons mettre en oeuvre sont là pour se substituer aux nécessaires augmentations de salaires, je redis…
SALHIA BRAKHLIA
Ça fait des mois que vous appelez à des augmentations de salaires…
BRUNO LE MAIRE
Non, mais c’est très important, parce que je vois là aussi, je suis ici pour répondre aussi à un certain nombre d'inquiétudes, je vois les inquiétudes de ceux qui disent : mais, vous allez nous donner des primes, de l'intéressement, de la participation à défaut d'augmentations de salaires, non, en complément des nécessaires augmentations de salaires, je redis que toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires, et je remercie les entreprises qui ont déjà augmenté de plus de 4% les salaires en 2022, et nous ne sommes pas à la fin de l'année. Ensuite, on complète ce salaire, qui reste, je le redis, la base, le socle de la rémunération d'un salarié, intéressement, participation, actionnariat salarié ; nous sommes le pays développé qui fait le plus en la matière. Donc nous avons libéré l'intéressement en France, nous l'avons simplifié avec la loi Pacte, vous avez 60% de salariés en plus depuis la loi Pacte qui bénéficient d'un accord d'intéressement que nous avons simplifié, et sur lequel, nous avons supprimé une taxe à 20%. Et enfin, le dividende salarié…
MARC FAUVELLE
Le dividende salarié, c’est pour qui, Bruno LE MAIRE, c’est pour toutes les entreprises ?
BRUNO LE MAIRE
C’est le troisième étage…
MARC FAUVELLE
Uniquement les grosses ?
BRUNO LE MAIRE
Eh bien, l’idée, c’est que ce soit pour le maximum d’entreprises possibles, on sait bien…
MARC FAUVELLE
Le maximum, et est-ce qu’il y aura un caractère obligatoire ?
BRUNO LE MAIRE
Là aussi, parlons-nous franchement, le vrai sujet, il est pour les plus petites entreprises, il n’est pas pour les très grandes entreprises…
MARC FAUVELLE
Ils ne versent pas de dividendes aujourd’hui…
BRUNO LE MAIRE
Les grès grandes entreprises, je ne vais pas les citer, mais en général, les salariés, ils ont intéressement, participation, actionnariat, moi, je vise de toucher le plus grand nombre de salariés, y compris, et c'est le défi, les plus petites entreprises, les PME, qui sont confrontées…
SALHIA BRAKHLIA
Mais c’est justement ce que dit Geoffroy ROUX DE BEZIEUX, elles n’ont pas les moyens, les petites entreprises de verser des dividendes…
BRUNO LE MAIRE
Si c’était simple, ça se saurait, et ça aurait été fait depuis longtemps. L’enjeu…
MARC FAUVELLE
Pardon, j’essaie de comprendre…
BRUNO LE MAIRE
L’enjeu est majeur pour les salariés, mais il est difficile à mettre en oeuvre parce que la cible la plus importante, c'est effectivement les salariés des petites et moyennes entreprises, ils ont des difficultés particulières dont il faut tenir compte, mais bien rémunérer les salariés, faire en sorte que le travail garantisse la dignité et une capacité à construire sa vie, ça reste au coeur de ce que nous voulons construire avec le président de la République.
MARC FAUVELLE
Mais il y aurait un caractère automatique ou pas ?
BRUNO LE MAIRE
Mais le président a été très clair dans sa campagne…
MARC FAUVELLE
Ou ce sera chaque entreprise fera ce qu’elle veut…
BRUNO LE MAIRE
Non…
MARC FAUVELLE
Une entreprise qui fait des bénéfices devra forcément…
BRUNO LE MAIRE
Ça n’est pas à la carte…
MARC FAUVELLE
Donc il y aura un mécanisme obligatoire…
SALHIA BRAKHLIA
Automatique et obligatoire.
BRUNO LE MAIRE
Ce n’est pas à la carte. Ce n’est pas l’engagement qu’a pris le président de la République, et je pense que nous avons intérêt, comme toujours, à respecter la parole qui a été donnée, la parole qui a été donnée pendant la campagne de 2022, c'est que le mécanisme de dividende salarié s'appliquerait à tous.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, de nombreux maires augmentent la taxe foncière en expliquant que l'Etat ne les aide pas suffisamment face à l'inflation, est-ce que finalement on reprend d'une main aux propriétaires ce qu'on donne de l'autre à tous les Français ?
BRUNO LE MAIRE
Non l'Etat aide les collectivités locales et je tiens à le dire avec beaucoup de force nous aidons, nous avons discuté avec les collectivités locales, nous mettons en place dès maintenant un filet de sécurité immédiat qui va couvrir 70 % des augmentations de dépenses d'énergie ou d'alimentation pour les collectivités locales. En 2023 nous allons augmenter la dotation globale de fonctionnement des communes, ça n'est pas arrivé depuis des années. Nous avons mis en place un amortisseur des prix, nous avons mis en place un fonds vert de 1,5 milliard d'euros à la demande d'Elisabeth BORNE, la Première ministre, nous faisons le nécessaire pour les collectivités locales.
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire que ces augmentations, elles ne sont pas justifiées, les augmentations de taxe foncière, elles ne sont pas justifiées ?
BRUNO LE MAIRE
Chacun prend ses responsabilités mais je trouve facile de tout rejeter systématiquement sur le dos de l’Etat, l'Etat a aidé les collectivités locales, c'était son devoir mais il a répondu à son devoir qui était de protéger les collectivités locales face à l'augmentation des dépenses énergétiques et des dépenses alimentaires notamment pour les cantines scolaires.
MARC FAUVELLE
Ce n’est pas ce que disent ces maires.
BRUNO LE MAIRE
Non mais bien sûr, je sais bien.
MARC FAUVELLE
Ce n’est pas ce que dit Anne HIDALGO qui augmente la taxe foncière de 50 % à Paris.
BRUNO LE MAIRE
Oui mais Anne HIDALGO n'a qu'à s'en prendre qu'à sa gestion calamiteuse de la Ville de Paris et pas l'Etat.
MARC FAUVELLE
Mais vous savez qu'il y a aussi des Verts qui sont dirigés, des mairies qui sont dirigées par votre majorité, je pense à la ville de Poissy dirigée par une mère En Marche qui augmente la taxe foncière de 20 %. Elle doit être au courant de vos dispositifs aussi.
BRUNO LE MAIRE
Les maires exercent leurs responsabilité dans les circonstances qui je le sais sont difficiles pour tous, mais l'inflation c'est dur pour tout le monde, c'est dur pour les ménages, c'est dur pour les entreprises, on en a longuement parlé, c'est dur pour l'Etat aussi, qui je le rappelle absorbe plus de 55 % du choc inflationniste aujourd'hui, c'est l'Etat qui absorbe le plus le choc de l'inflation, c'est dur aussi pour les collectivités locales, nous sommes de leur côté, nous sommes à leurs côtés pour les aider et tous les dispositifs dont je viens de parler ont été négociés avec les collectivités locales pour les collectivités locales.
SALHIA BRAKHLIA
Le gestionnaire RTE avertit sur les risques élevés de tensions sur le réseau électrique en janvier, il pourrait y avoir des coupures, est-ce qu'on paye aujourd'hui la grève dans les centrales qui a retardé les maintenances ?
BRUNO LE MAIRE
Non je ne dirais pas ça, moi je voudrais surtout saluer le travail qui est fait par les salariés d'EDF.
MARC FAUVELLE
C’est ce qu'a dit RTE en partie, c’est intéressant que vous disiez…
BRUNO LE MAIRE
Moi ce que je vois c'est qu'il y a des salariés d'EDF qui aujourd'hui travaillent nuit et jour pour remettre en activité les réacteurs qui sont à l'arrêt, ça peut être des ingénieurs, ça peut être des ouvriers, ça peut être des soudeurs, donc moi je suis du côté des personnes qui travaillent.
SALHIA BRAKHLIA
Il y a du retard malgré tout.
MARC FAUVELLE
Je suis du côté de tous ces salariés d'EDF qui travaillent. Aujourd’hui, nous avons l’assurance de pouvoir passer le mois de décembre sans difficulté, nous nommerons le prochain président d'EDF, Luc REMONT au Conseil des ministres de mercredi, donc il pourra être immédiatement à la tâche, et sa première responsabilité, c'est la remise en activité de tous les réacteurs nucléaires français le plus vite possible. Et croyez-moi, nous y veillerons attentivement.
SALHIA BRAKHLIA
Vous lui mettez la pression à Luc REMONT.
BRUNO LE MAIRE
Je ne mets la pression à personne. Mais chacun a des responsabilités, et on doit être à la hauteur des responsabilités qui vous sont confiées.
MARC FAUVELLE
Est-ce qu’il faudra demander des efforts supplémentaires aux Français notamment au mois de janvier, de réduction d’énergie ?
BRUNO LE MAIRE
Ils en font déjà. Je vais d’abord peut-être saluer les efforts qui ont été faits par les Français, on a demandé de faire des économies, il y a eu 5 à 7% de consommation d'énergie en moins en corrigeant des variations saisonnières, comme on dit, puisqu'on a eu des jours qui ont été plus chauds que ceux que nous avons aujourd'hui. Donc les Français ont entendu le message, ils sont responsables, ils sont engagés dans cette réduction, il faut continuer dans cette voie-là.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, vous allez suivre le match des Bleus demain soir ?
BRUNO LE MAIRE
Alors, je reçois des maires demain soir, mais nous installerons des écrans de télévision pour pouvoir suivre le match, oui.
SALHIA BRAKHLIA
Est-ce qu'une victoire des Bleus ferait du bien aux Français, et du bien donc par conséquent à l'économie, c’est-ce que vous souhaitez ?
BRUNO LE MAIRE
Ça fait toujours du bien une victoire en Coupe du monde, mais je ne fais pas de lien entre des victoires sportives et les victoires économiques, les victoires économiques, nous en enregistrons beaucoup, nous avons une économie française qui résiste mieux que la plupart des pays européens, nous avons un taux d'inflation, je le redis, qui est le plus faible de la zone euro, nous avons un chômage qui continue à baisser. Donc les victoires économiques, elles sont déjà là, et dans les circonstances très difficiles que nous traversons, nous verrons ce que dira le Fonds monétaire international, qui est en train de faire la revue de la situation économique française, et qui donnera ses conclusions d'ici quelques jours, mais ce que je constate, c'est que la France continue à résister dans des circonstances où d'autres pays souffrent beaucoup plus.
MARC FAUVELLE
Puisqu’on parle du FMI, Bruno LE MAIRE, il se trouve que le poste de directeur général du FMI va se libérer dans deux ans, pouvez-vous dire avec certitude aux Français si Emmanuel MACRON me fait confiance, je serai le patron de Bercy jusqu'à la fin du quinquennat ?
BRUNO LE MAIRE
Il se trouve surtout que mon poste actuel, c'est ministre de l'Economie et des finances, et qu’il n'est pas dans mon habitude de me défausser. Plus ce sera dur, plus j'aurais vocation à exercer mes seules responsabilités de ministre de l'Economie et des finances.
MARC FAUVELLE
Vous ne souhaitez pas partir ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne partirai certainement pas…
MARC FAUVELLE
Vous ne rêvez pas de Washington chaque matin ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne partirai certainement pas en période de crise. J’ai affronté la crise du Covid, j'ai affronté avec le président de la République la crise des gilets jaunes, j'affronte aujourd'hui la crise de l'inflation, quand il y a une crise, on ne part pas.
MARC FAUVELLE
Merci Bruno LE MAIRE, bonne journée à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 22 novembre 2022