Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre du Travail, du Plein Emploi et de l'Insertion, voilà votre titre exact et vous avez présenté hier les contours de votre réforme de l'assurance chômage, on va moduler au fond les allocations selon la conjoncture, raccourcir la durée des indemnisations eh bien si la situation de l'emploi va bien. Ce sont donc toutes ces nouvelles règles que vous allez détailler pour nous. Concrètement au-dessous de 9 % pour vous ça va bien.
OLIVIER DUSSOPT
Non seulement c'est même au-dessous de 9 % mais c'est aussi dans la situation que nous connaissons. Qu’elle est la situation du chômage aujourd'hui ? En 2017 le taux de chômage à 9,5 %, depuis il a baissé nous sommes à 7,3 %, avec un taux de chômage qui a baissé certes mais qui restent parmi les plus élevés d'Europe. Et dans le même temps nous avons des entreprises qui n'arrivent pas à recruter, les 2 tiers nous disent avoir des difficultés de recrutement, un tiers des entreprises industrielles nous disent qu'elles sont freinées dans leur développement, dans leur capacité à produire par des pénuries de main-d'oeuvre. Et donc nous voulons tout mettre en oeuvre, cette réforme mais pas seulement, des questions de formation pour à la fois résoudre ces problèmes de recrutement, permettre aux hommes et aux femmes qui cherchent un emploi d'y accéder plus rapidement. Parmi les leviers que nous actionnons il y a cette réforme de l'assurance chômage qui est conforme à ce que le président de la République avait dit en gros, quand ça va bien ont durci et quand ça va mal on assouplit les règles.
APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, on va évidemment regarder dans le détail cette histoire de curseur, mais ce qui était très observé et très attendu, c'était où est-ce que vous ne placiez le curseur ? Et ce curseur vous le placez à 9 %, comme vous venez de le dire quand vous êtes arrivé vous considériez que la situation allait mal et on était à 9,5. A partir de 9, ça y est vous vous dites c'est bon on passe dans le vert ?
OLIVIER DUSSOPT
Pardon, on va être un peu plus précis que ça. Il y a 2 aspects. Il y a un premier aspect qui consiste à dire qu'aujourd'hui nous sommes à 7,3. 7,3 c’est une situation favorable comme nous n'avons jamais connu depuis 20 ans. Nous avons un taux d'emploi qui est à 68 %, c'est le record depuis 1972 et nous avons 400 000 emplois qui restent vacants faute de candidats, faute de candidats. Donc nous considérons que ça va bien, c'est la raison pour laquelle nous considérons que les règles doivent être plus incitatives.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc 25 % de moins, on va et revient mais 25 % de moins dans la durée des allocations, donc ça va être réduit.
OLIVIER DUSSOPT
Exactement, ça va être réduit pour la durée maximum en gardant des précautions.
APOLLINE DE MALHERBE
Ceux qui devaient avoir en gros 24 mois de chômage n’en auront plus que 18.
OLIVIER DUSSOPT
18, mais nous gardons 2 précautions. La première, ce n’est jamais moins de 6 mois pour faire faire en sorte que ceux qui rentrent dans le marché du travail avec des CDD de 6 mois puissent être indemnisés. La deuxième précaution que nous gardons, c'est que nous avons dit, j’ai dit hier que si à la fin de la période d'indemnisation de 18 mois par exemple la situation s'est dégradée nous pouvons reconstituer les droits pour protéger les demandeurs d'emploi au bon moment, c'est-à-dire quand ils arrivent à la fin des droits, si la situation s'est dégradée. Par contre permettez-moi juste d'être très, très précis, nous considérons que si le chômage augmente, s'il revient à 9 % ou s'il augmente très rapidement, c'est-à-dire de 0,8 point en un trimestre, c'est le 2e critère nous repasserions dans une situation non pas dégradée mais finalement assez normale avec des droits qui seraient rétablis. Le système vraiment il peut sembler technique parce qu'on parle de chiffres, on parle de virgules.
APOLLINE DE MALHERBE
C’est une sorte de stop and go.
OLIVIER DUSSOPT
Non c'est la volonté d'avoir un système plus incitatif quand l'économie crée de l'emploi et nous avons la chance d'avoir une économie qui crée de l'emploi aujourd'hui, personne ne comprend que notre économie crée de l'emploi comme elle en crée, 84 000 emplois au 3e trimestre de l'année 2022 et que le taux de chômage reste aussi élevé, personne ne le comprend et personne ne comprend que les entreprises ne puissent pas produire autant qu'elles le pourraient pour des problèmes de main-d’oeuvre.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous espérez donc avoir débloqué la situation, ça sera applicable à partir de février. Mais je reviens quand même à ma question parce que je n'ai pas eu la réponse, pourquoi 9 % ?
OLIVIER DUSSOPT
Pourquoi 9 %…
APOLLINE DE MALHERBE
Pourquoi est-ce que vous mettez la barre 9 %, pourquoi vous ne la mettez pas à 8 ou 7 ?
OLIVIER DUSSOPT
Je vais vous répondre de manière très claire, en tout cas je vais essayer, 9 % c'est à peu près le taux de chômage que nous avions à 0,1 ou 0,2 près lors du lancement pardon de la dernière réforme de l'assurance chômage entre 2018 et 2019 à une époque où il y avait quelque tensions de recrutement mais pas comme aujourd'hui, à une époque où le chômage était plus élevé et donc nous considérons que la situation s'est améliorée par rapport à la dernière réforme de l'assurance chômage, c'est pour ça que nous considérons qu'aujourd'hui nous pouvons avoir des règles plus incitatives et qu'elles reviendraient, qu'elles redeviendraient plus protectrices si nous retrouvions cette situation. et je complète d'un mot pour dire que ce que nous avons fait là, nous le faisons pour l'année 2023 parce que les règles d'assurance chômage sont en général décidées par les partenaires sociaux et dont les partenaires sociaux, les organisations syndicales, les organisations d'employeurs devront à la fin de l'année 2023 réouvrir une négociation interprofessionnelle sur les règles d'indemnisation de l'assurance chômage dans le cadre d'une lettre de mission d'un document de cadrage que le gouvernement leur adressera, c'est ainsi prévue par la loi. Et évidemment cette question de contraciclycité, cette volonté de moduler les règles en fonction de la conjoncture économique, etc, du marché du travail fera partie des piliers de la future réforme.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais comprendre ce que vous êtes en train de me dire Olivier DUSSOPT, c'est-à-dire que si pour l'instant ces règles que vous nous annoncez, vous ne dites pas c'est désormais la règle, vous dites c'est la règle pour 2023 si les syndicats ne sont pas convaincus, vous rendrez votre copie ?
OLIVIER DUSSOPT
Non, non. Je vais être très clair, comment se déroule une négociation sociale dans notre pays ? Elle se déroule en fonction de la loi de 2008 et la loi de 2018. Le gouvernement adresse un document d'orientation parfois une lettre de cadrage aux organisations syndicales et patronales qui doivent négocier, trouver un accord majoritaire. Si les syndicats trouvent, si les partenaires sociaux trouver un accord majoritaire conforme au document d'orientation, celui-ci s'applique, s'ils ne trouvent pas d'accord majoritaire…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors le gouvernement reprend la main.
OLIVIER DUSSOPT
Le gouvernement reprend la main en faisant le constat de la carence du dialogue social et ce que je dis, c'est que la loi telle qu'elle est adoptée la semaine dernière nous permet cette modulation des règles jusqu'à la fin de l'année 2023.
APOLLINE DE MALHERBE
Sans savoir pour l'instant à négocier.
OLIVIER DUSSOPT
A négocier oui. Fin de l'année 2023 nous demanderons partenaires sociaux de négocier mais évidemment lorsque nous leur demanderons de négocier dans le document d'orientation que nous leur adresserons, il y aura cette contraciclycité, il y aura cette modulation et nous leur demanderons de travailler autour de ce principe-là.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors j'ai envie de dire, ça vous arrange bien ne pas avoir eu à négocier parce que si on les écoute les partenaires sociaux pour l'instant ils vous soutiennent pas du tout, voilà ce qu'ils disaient en sortant de rendez-vous avec vous hier.
(Extrait)
APOLLINE DE MALHERBE
C’est la CFDT qui tape…
OLIVIER DUSSOPT
Non là c’était la CGT.
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non les deux mais la CFDT tape très fort en disant au fond que vous allez faire travailler les plus fragiles, vous maintenez les plus fragiles dans la précarité. Laurent BERGER lui-même qui pourtant se dit tout à fait réformateur et qui souvent est prêt à travailler avec vous, il dit ces nouvelles règles elles sont très dures pour les chômeurs, injustes et inefficaces, attaquons nous aux vrais problèmes, attractivité des métiers, frein à l'emploi, formation et arrêtons de stigmatiser les demandeurs d'emploi comme le fait le gouvernement. Au fond avec cette loi vous laissez entendre que le chômage est un choix.
OLIVIER DUSSOPT
Mais non, mais jamais de la vie et ça me met souvent en colère cette affirmation parce que je n'ai jamais dit cela et je ne le dirai jamais. Ce que nous savons, toutes les études le montrent, c'est que la question de la durée d'indemnisation et de l'accompagnement sont des facteurs des leviers pour la reprise d'emploi, c'est là-dessus que nous voulons jouer. Mais c’est aussi notre gouvernement qui a démontré que lorsque les choses vont très mal nous savons protéger. J'entendais les intervenants de la CGT et de FO dans l'extrait que vous avez passé, ils ne citent pas, ils oublient de dire qu'en 2020 quand ça allait très mal, c'est ce gouvernement qui a prolongé les droits des demandeurs d'emploi qui arrivaient en fin de droits pour les protéger. C’est nous qui avons protégé les intermittents pendant ce qu'on a appelé l'année blanche, donc nous avons démontré que nous savons faire et surtout nous n'arrêtons pas notre politique de l'emploi à cette seule loi. Depuis un an maintenant, octobre 2021 nous travaillons avec Pôle emploi pour permettre de résoudre ces difficultés de recrutement et donc raccompagner vers l'emploi des demandeurs d'emploi. En un an ce sont 380 000 demandeurs d'emploi qui ont été raccompagnés vers l'emploi dont 280 000 étaient des demandeurs d'emploi de longue durée. C’est une bonne chose pour eux, c'est une bonne chose pour les entreprises qui recrutent et si nous l'avons fait c'est parce que nous avons mis tous nos efforts sur la formation. Je vous donne un chiffre jusqu'à 2020-2021, la moyenne c’était 600 000 demandeurs d'emploi qui étaient inscrits sur une formation chaque année, en 2021 sur la période 2021-2022, cette année que je viens d'évoquer c'est 1.600.000 demandeurs d'emploi que nous avons accompagné sur des formations parce que nous savons que la formation est aussi un facteur majeur pour retourner à l'emploi. Donc il ne faut pas réduire une politique d'emploi à une seule mesure, par contre nous avons tous les leviers actionnés, c'est ce que nous faisons. Je le répète mais nous sommes 7,3 % de chômage, c'est un des taux les plus élevés d'Europe et les entreprises nous disent qu'elles n'arrivent pas à recruter, c'est à ça que nous voulons nous attaquer.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que les entreprises n'arrivent pas à recruter parce qu’en effet les chômeurs resteraient sciemment. Au chômage ou est-ce que c'est parce que ce qu'ils proposent n'est pas suffisant ? Je voudrais vous donner un exemple, c'est un exemple qui tombe ce matin, une information RMC sur l'explosion des démissions à la RATP. La RATP qui pourtant est dans une situation où on le voit bien elle est pratiquement plus en mesure de répondre à toutes les demandes des usagers et ça continue il y a encore plus de démissions. Est-ce qu’en réduisant la durée d’allocation des chômeurs, vous allez convaincre les agents de la RATP de rester, ce n’est pas une question de chômage.
OLIVIER DUSSOPT
Enfin, pardon, ce sont deux sujets très différents…
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, c’est quand même une question de démissions, c’est une question de situation de l’emploi…
OLIVIER DUSSOPT
Ce sont deux sujets très différents, vous ne pouvez pas comparer la situation de demandeur d’emploi qui sont à la recherche d'un emploi, que nous accompagnons par la formation, et dont nous réformons les règles, avec le choix d'autres travailleurs de quitter un emploi, vous parlez de démission.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour moi, c'est la même question, Olivier DUSSOPT…
OLIVIER DUSSOPT
Non...
APOLLINE DE MALHERBE
C’est la question de l'attraction de l’emploi, c’est la question du salaire, c’est la question des conditions de travail…
OLIVIER DUSSOPT
Ça compte, et nous sommes dans une période où justement les tensions de recrutement que j'ai évoquées amènent non pas à une grande démission, parce que, parfois, on parle de grandes démissions, mais une grande mobilité, au premier semestre de l'année 2022, ce sont les derniers chiffres que nous avons, nous avons constaté 520.000 démissions, c'est un chiffre qui est très haut, qui est plus haut que d'habitude, mais en réalité, ce ne sont pas des gens qui, comme on le voit parfois aux Etats-Unis, quittent le monde du travail en disant : ça suffit, je ne travaille plus. Ce sont des gens qui, parce qu'ils sont dans des secteurs en tension, ont des opportunités de changer d'emploi pour avoir de meilleures conditions. Et donc nous sommes dans une grande mobilité, par contre, ce que vous dites là, et j'en retiens bien volontiers une partie, c'est que les entreprises, les recruteurs doivent changer d'attitude dans le recrutement et changent d'attitude dans le recrutement. Il y a des branches qui négocient, qui relèvent les niveaux conventionnels de recrutement, il y a des entreprises, souvent de grandes entreprises, qui modifient leurs critères de recrutement, j'ai rencontré de grands groupes qui changent leurs méthodes d'analyse des CV, qui participent à des opérations de job dating, qui vont se tourner désormais vers des demandeurs d'emploi qu'ils ne regardaient pas avec autant d'attention avant, des personnes en situation de handicap, des personnes en situation d'insertion, et c'est aussi une opportunité, parce qu'on va vers le plein emploi, de permettre le retour à l'emploi de publics considérés habituellement comme plus fragiles.
APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, si j'insiste aussi sur cette question du climat au travail et des raisons qui poussent certains à démissionner, c’est aussi parce que votre loi, elle arrive dans un dans un moment où les maires sont rassemblés en ce moment même pour l'Association des maires de France, et ils le disent tous, ils sont confrontés à non seulement de la précarité, de la fatigue, mais aussi de la colère, est-ce que vous n'avez pas l'impression que vous allez attiser encore la colère, j'en veux pour preuve le fait que les agents de Pôle emploi disent depuis hier qu'ils redoutent une augmentation des agressions, et il y a eu évidemment ce drame, un agent des impôts qui, lui, a été tué hier dans le Pas-de-Calais. Est-ce que ce climat, ce climat qui peut parfois dégénérer en drame, ne vous inquiète pas ?
OLIVIER DUSSOPT
D’abord, permettez-moi juste d’arrêter un instant, vous avez évoqué un drame qui a eu lieu hier avec un agent de la Direction générale des finances publiques, qui a été assassiné, sous les yeux d’une de ses collègues, ce sont des agents, des agents des Finances publiques que je connais bien, j'ai eu l'honneur de diriger ce ministère pendant plusieurs années. Je sais leur engagement, et je sais aussi leur attachement au service public, et c'est à ses proches, c’est aussi à ses collègues, que je pense, parce que c'est absolument dramatique, c’est dramatique humainement, et puis, c'est dramatique, parce que c’est aussi le visage du service public, donc le visage de la République, et il y a, comme vous l'avez dit, et au-delà de ce... sans même imaginer de telles circonstances dramatiques, il peut y avoir un climat d’agressivité, et par exemple, dans la même région, dans le Nord de la France, il y a une quinzaine de jours, un de nos agents de Pôle emploi a été agressé, heureusement, de manière mon dramatique – mais c’est toujours très traumatisant – que ce qui s’est passé hier. Je ne crois pas que, apporter des solutions pour aller vers le plein emploi et accompagner un maximum de personnes vers l'emploi attisent la colère, je crois, au contraire, qu’à chaque fois qu'on permet à des hommes et des femmes durablement éloignés de l'emploi, c'est ce que nous faisons avec le plan de formation des demandeurs d'emploi que j'ai évoqué, c'est ce que nous faisons avec des efforts comme on n'a jamais fait en matière d'insertion par l'activité économique, il faut mesurer que, pour les structures d'insertion par l'activité économique, le budget 2023, c'est 400 millions de plus, on va atteindre 1,3 milliard, c’est 400 millions que plus que les 900 millions d’euros que nous y consacrions en 2018. Je pense qu'au contraire, quand on permet le retour à l’emploi, quand on permet l'accès à un salaire, à un revenu, et donc à de l'autonomie, de la dignité, on aplanit, on résorbe les tensions sociales. Je ne sous-estime rien, et malheureusement, l'actualité est tellement dramatique comme si c'était nécessaire, elle nous le rappellerait, mais je crois vraiment que cette marche vers le plein emploi, c'est la meilleure façon de résorber les tensions.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez évoqué également la question du dialogue entre les partenaires sociaux, il y a ces discussions en ce moment même sur le partage de la valeur, sur la question des primes, des intéressements, de la participation. Est-ce que ces discussions avancent, est-ce que vous estimez qu'elles avancent suffisamment rapidement, est-ce que vous allez mettre la pression, est-ce que vous allez reprendre la main ?
OLIVIER DUSSOPT
D’abord, deux points, le premier, c'est que les partenaires sociaux ont tous accepté, il y a quelques semaines, dans un courrier signé par 7 des 8 organisations représentatives, 4 des 5 organisations syndicales, et les 3 organisations patronales, d'ouvrir une négociation sur le partage de la valeur, et c'est une première, et c'est une très bonne nouvelle. Les discussions ont commencé entre eux, parce que c'est d'abord le rôle des partenaires sociaux de discuter entre eux, le 8 novembre dernier, entre le 8 novembre et aujourd'hui, il est trop tôt pour dire ça va trop vite, ça ne va pas assez vite, nous avons des objectifs qu'on a rappelés dans le document qui sert de support à cette discussion, nous souhaitons aller vers des généralisations des accords d'intéressement, nous souhaitons faciliter tous les outils de partage de la valeur, et nous faisons confiance aux organisations syndicales et patronales pour aboutir dans ces discussions. Le terme de la discussion est fixé au 31 janvier. Donc ça laisse encore presque deux mois et demi aux partenaires sociaux pour discuter de cela.
APOLLINE DE MALHERBE
Si ça n'aboutissait pas ?
OLIVIER DUSSOPT
Eh bien, je souhaite que ça aboutisse d'abord, et je crois que ça peut aboutir, mais si ça n’aboutissait pas, nous serions dans la situation qu'on a évoquée tout à l'heure, avec la possibilité pour le gouvernement de reprendre la main et de prendre un certain nombre de décisions, mais nous sommes au tout début d'une discussion, et quand on est au tout début d'une discussion, on ne fait pas le pari qu'elle ne va pas aboutir, au contraire.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous, vous êtes sur la question de cette réforme chômage, vous êtes aussi sur la réforme des retraites, décidément, c'est encore vous, est-ce que cette réforme des retraites, pour vous, sera la priorité numéro un du gouvernement, et quand je dis ça, c'est qu'en fait, il n’y en aura qu'une priorité possible, puisqu'il n'y a qu’un 49.3 utilisable…
OLIVIER DUSSOPT
En dehors des textes financiers…
APOLLINE DE MALHERBE
En dehors des textes financiers, c'est-à-dire le budget tel qu'il est fait aujourd'hui. Est-ce que ce 49.3 sera utilisé pour votre réforme des retraites ?
OLIVIER DUSSOPT
Je ne le souhaite pas, je ne le souhaite pas, et l'objectif qui est le mien est d'abord d'aller au bout de la concertation avec les partenaires sociaux, c'est ce que nous faisons, jusqu’à la mi-décembre, ils participent tous aux discussions, ça ne veut pas dire que tout le monde est d'accord, c'est-à-dire, tout le monde participe, et lorsqu'il y a des points sur lesquels nous pouvons être d'accord, je trouve que c'est bien de les acter, mais ça ne veut pas dire, parce qu'on a acté un point ou deux points, qu’on sera d'accord avec la totalité de la réforme à la fin ; c'est aussi un principe de transparence, de sincérité et d’efficacité dans la concertation..
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que là, la difficulté, ça ne va pas être les partenaires sociaux, ça va être surtout l'Assemblée nationale et les représentants…
OLIVIER DUSSOPT
Et je vais au bout de votre question, nous irons devant l'Assemblée et le Sénat au cours de l'hiver 2023, nous tenons ainsi l'engagement pris par le président de la République le 14 juillet, avec un texte qui sera présenté à la fin du mois de décembre, et présenté à l'Assemblée et au Sénat au cours de l'hiver 2023 pour s'appliquer d'ici la fin de l'été 2023. Et mon objectif est évidemment d'avoir une majorité de droit commun. Aujourd’hui, nous sommes à 3 mois du débat, je construis cette majorité, je ne sais pas s'il y aura de l'obstruction ou pas, je ne le souhaite pas, parce que l'obstruction n'est jamais un bon débat, mais nous travaillons avec un objectif, c'est de construire une majorité.
APOLLINE DE MALHERBE
Construire une majorité, j'ai bien compris que c'était l'objectif, mais il n’y aura qu'un seul 49.3, encore une fois, je vous repose la question, est-ce qu’Elisabeth BORNE, est-ce qu'Emmanuel MACRON vous ont dit : si on n’en garde qu’une de réforme, ce sera la tienne ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord, vous me permettrez de dire que les discussions que je peux avoir avec le président de la République et la Première ministre, eh bien, ce sont des discussions qui restent entre nous…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, enfin, sauf que là, ça nous concerne aussi un petit peu quand même…
OLIVIER DUSSOPT
Ça, c’est la première chose. La deuxième chose, c'est que si nous devions avoir besoin du 49.3, nous pourrions toujours l’utiliser, c'est prévu par la Constitution, mais l'objectif premier est d'avoir une majorité pour ne pas passer par le 49.3. Et ce sont des choses possibles…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous pourriez l'utiliser sur cette réforme, ce que je veux dire, c’est que si vous l’utilisez sur cette réforme, je répète quand même la règle…
OLIVIER DUSSOPT
Pardon, mais on peut toujours…
APOLLINE DE MALHERBE
On ne pourrait plus l’utiliser sur d’autres, donc c’est vraiment un choix ?
OLIVIER DUSSOPT
Je n’ai pas de boule de cristal, je ne lis pas l'avenir, par contre, je sais qu'on peut préparer des choses et que le travail permet de passer. Vous savez, tout le monde dit : c'est compliqué de faire adopter des textes, la loi sur l'assurance-chômage, on avait prédit le pire, elle est passée sans 49.3, la loi de finances rectificative pour 2022 été adoptée sans 49.3, la loi sur la sécurité intérieure que porte le ministre de l'Intérieur a été adoptée au Sénat, puis, à l'Assemblée, sans 49.3. C'est aussi la démonstration qu’au-delà des textes financiers, qu'au-delà de certains débats qui sont très visibles, très sonores, on peut aussi construire des majorités et faire adopter des textes.
APOLLINE DE MALHERBE
Olivier DUSSOPT, vous venez de la gauche, est-ce qu'aujourd'hui, vous vous sentez toujours un homme de gauche ?
OLIVIER DUSSOPT
Oui, et je le serai toute ma vie, et quand on parle de la réforme des retraites, par exemple, aller vers des systèmes qui vont permettre d'avoir des retraites minimales plus élevées, à hauteur de 1.100 euros, donc autour de 85 % du SMIC, mieux prendre en compte la pénibilité, résorber les inégalités entre les femmes et les hommes, faire en sorte que les carrières hachées soient moins pénalisantes pour l'obtention d'un droit à la retraite, et au-delà ; faire en sorte que notre système de retraite que nous avons, qui est un bon système de retraite, c'est un des plus protecteurs d'Europe, puisse perdurer pour que nos enfants, nos petits-enfants, puissent eux aussi bénéficier d'une retraite et sans être assommés par la dette, je pense que c'est une réforme qui est une réforme de progrès et une réforme de bon sens. La question nous devons parfois nous poser, quand on dit travailler plus, d'abord, travailler plus nombreux, c'est l'objectif du plein emploi, et puis, c'est effectivement travailler un peu plus à l'échelle de chacune de nos vies, mais est-ce qu'on accepte de travailler un peu plus pour garantir à nos enfants d'avoir les mêmes droits sans être écrasés par la dette ; c'est aussi ça, parce que nous avons un système de retraite aujourd'hui qui est protecteur, mais dans toutes les hypothèses, il est déficitaire, et quand on regarde l’hypothèse centrale, autour de laquelle tout le monde travaille, c'est 12,5 milliards d'euros de déficit en 2027, c'est 15 milliards d'euros en 2030, et à condition d'être au plein emploi, sinon, c'est beaucoup plus.
APOLLINE DE MALHERBE
Et le FMI a d’ailleurs souligné que vous faisiez des efforts avec ces deux lois, il a cité vos deux lois hier, il a demandé à la France d'arrêter avec le quoi qu'il en coûte, et il a cité deux réformes qui allaient dans le bon sens, celle des retraites et celle de l'assurance-chômage. Merci Olivier DUSSOPT d'être venu préciser les contours donc de cette réforme et ces nouvelles règles de l'assurance-chômage, vous, qui êtes le ministre du Travail.
OLIVIER DUSSOPT
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 23 novembre 2022