Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à France Inter le 5 décembre 2022, sur les relations commerciales avec les États-Unis, le risque de coupures d'électricité, l'inflation et les revenus des patrons du CAC 40.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Bruno LE MAIRE, bonjour.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Nicolas DEMORAND.

LÉA SALAMÉ
Bonjour.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Léa SALAMÉ.

NICOLAS DEMORAND
Merci d'être au micro d'Inter. Vous revenez des États-Unis où vous avez accompagné le président de la République dans sa visite d'État, qui a produit son lot de belles photos, d'embrassades, de beaux discours sur l'amitié franco-américaine, mais au-delà, sur le fonds des désaccords économiques et industriels majeurs, que vous aviez vous-même pointés ces dernières semaines, on a du mal à comprendre à quoi a servi la visite, chacun a campé sur ses positions, pour quel résultat donc ?

BRUNO LE MAIRE
C'est une visite qui a aussi produit son lot de solutions économiques, et de ce point de vue-là je considère que la visite du président de la République aux États-Unis a été une visite décisive. D'abord parce qu'elle nous a permis de réaffirmer que nous partagions, avec les États-Unis, un même objectif économique stratégique, qui est la souveraineté sur notre industrie décarbonée, et une nouvelle industrie décarbonée qui se met en place ça suppose de l'hydrogène, ça suppose des panneaux solaires, ça suppose des éoliennes, des batteries électriques, eh bien nous voulons, les États-Unis, comme l'Europe, comme la France, produire nous-mêmes ces biens essentiels pour la décarbonation de notre économie. Le tout c'est que ça se fasse dans des conditions de concurrence équitables.

LÉA SALAMÉ
Alors justement, qu'est-ce que vous avez obtenu, vous dites que ce voyage était décisif, au cœur de la visite figurait le sujet de l'IRA, ce plan anti-inflation de Joe BIDEN, vaste plan de subventions fiscales accordées aux industriels américains pour accélérer la transition énergétique, sur ce plan les mots d'Emmanuel MACRON avaient été très durs, il avait parlé d'un "plan super agressif", "les choix qui sont faits par les Américains sont des choix qui vont fragmenter l'Occident", ça c'était les mots d'Emmanuel MACRON avant sa visite d'État. Donc, il est allé voir, il a dit ça Joe BIDEN, qui lui a répondu "Les États-Unis ne s'excusent pas, je ne m'excuse pas, je garde mon plan", donc quelles sont les avancées ?

BRUNO LE MAIRE
La première avancée c'est une prise de conscience, et je pense qu'Emmanuel MACRON a eu raison de frapper fort, de dire les choses comme on se dit entre amis, avec fermeté et avec clarté, ce n'est pas "Houston nous avons un problème", c'est "Washington nous avons un problème". "Votre plan, tel que vous le mettez en œuvre, il peut menacer l'industrie européenne", donc il serait bien que dans sa mise en œuvre, on ne va pas contester une législation américaine comme on n'attendrait pas des États-Unis qu'ils contestent une législation française ou européenne, mais dans la mise en œuvre de ce plan il y a un certain nombre de décisions qui peuvent être reprises, et nous avons commencé à en parler avec la secrétaire américaine au Trésor, Janet YELLEN, qui permettent de limiter l'impact sur l'industrie européenne.

LÉA SALAMÉ
Alors par exemple, expliquez-nous concrètement.

BRUNO LE MAIRE
Il y a trois types de décisions, très concrètes, qui peuvent être prises et sur lesquelles nous avons ouvert un travail, et ouvert une discussion avec nos amis Américains, c'est bien à ça qu'a servi cette visite. Premier élément, regarder si des biens européens peuvent être inclus dans le bénéfice des dispositions de cette "Inflation Reduction Act", vous produiriez par exemple des batteries électriques en France, ou en Allemagne, puisque nous avons créé notre propre filiale de batteries électriques, elles sont montées sur des véhicules qui sont vendus aux États-Unis, eh bien malgré tout elles peuvent disposer des avantages fiscaux qui sont mises en place au titre de la législation américaine, et on va regarder sur tous les produits industriels, verts, s'ils peuvent bénéficier effectivement de cette législation américaine…

LÉA SALAMÉ
Mais ça on le saura quand ?

BRUNO LE MAIRE
C'est un chantier où il faut regarder produit par produit, industrie par industrie, donc ça prendra un certain temps, mais le président de la République a fixé un calendrier, début 2023, j'ai eu des entretiens tout vendredi avec l'Administration américaine, nous sommes en relation étroite avec notre partenaire allemand, j'ai eu Robert HABECK, le ministre de l'Économie allemand, longuement au téléphone ce week-end, pour ajuster justement cette position sur ce premier volet de négociations. Le deuxième c'est éviter une course aux subventions, et là nous sommes tombés d'accord, Washington, comme Paris, pour dire que ce n'est dans l'intérêt de personne que d'avoir toujours plus de subventions au détriment des finances publiques des États, donc nous allons comparer nos dispositifs, il y a des crédits d'impôts aux États-Unis, il y a des subventions en Europe, parce que je rappelle que l'Europe a quand même changé, elle apporte des aides d'État pour créer ces nouvelles filières industrielles, nous allons nous assurer que les montants sont comparables…

LÉA SALAMÉ
Ils le sont, pardon, là on vous cite Bruno LE MAIRE, excusez-moi, vous dites aujourd'hui les subventions que les États-Unis proposent aux entreprises sont 4 à 10 fois supérieures que ce qu'on leur propose en Europe.

BRUNO LE MAIRE
Elles sont plus élevées, elles sont plus rapides, c'est bien pour cela…

LÉA SALAMÉ
Eh ben donc quoi, ils ne vont pas baisser eux les subventions, donc c'est à nous de les monter.

BRUNO LE MAIRE
Pour le moment les décrets d'application de la loi ne sont pas fixés, c'est dans cette discussion que nous devrons regarder ce que représentent ces crédits d'impôts, qu'est-ce que les États-Unis sont prêts à faire sur ce sujet, et nous, de notre côté, que nous soyons aussi capables d'avoir un sursaut européen pour dire nous avons commencé à changer, nous avons mis en place des aides d'État, c'est ces fameux PIIEC, ces projets d'intérêt collectif européen, ils sont trop lents à mettre en œuvre, deux ans, ils ne sont peut-être pas suffisants, c'est ce qu'a dit Thierry BRETON, il faudra peut-être les augmenter, c'est le deuxième sujet de discussion que nous allons ouvrir. Le troisième, qui est très important, c'est de dire, et ça ça a été parfaitement reconnu, il peut y avoir une fois tous les deux ans, tous les trois ans, un projet industriel absolument stratégique pour une nation européenne, eh bien dans ce cas-là il faut que nous en parlions ensemble et que les États-Unis préservent ce projet. Exemple, lorsque l'entreprise GLOBALEFOUNDRIES, américaine, qui fait des semi-conducteurs, investit massivement en France sur le site de STMICRO à Grenoble, pour plusieurs milliards d'euros, c'est un projet stratégique pour la France, eh bien entre alliés on ne touche pas à un projet stratégique.

NICOLAS DEMORAND
Mais pourquoi l'Europe ne fait pas la même chose que Joe BIDEN, excusez-moi de vous poser la question de manière aussi simple, est-ce que Joe BIDEN…

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est une excellente question.

NICOLAS DEMORAND
Est-ce que Joe BIDEN n'a pas raison de défendre son industrie, est-ce qu'il n'a pas raison de vouloir qu'on produise américain, de mettre le paquet pour ça, où est le mal dans cette démarche…

BRUNO LE MAIRE
Mais il n'y a pas de mal.

NICOLAS DEMORAND
Et pourquoi est-ce que l'Europe ne fait pas la même chose ?

BRUNO LE MAIRE
Nicolas DEMORAND, je pense que c'était l'intérêt aussi de cette discussion, de se dire que nous sommes parfaitement alignés…

NICOLAS DEMORAND
Mais pourquoi l'Europe ne fait-elle pas la même chose ?

BRUNO LE MAIRE
Washington et Paris, sur l'objectif stratégique de long terme, et quand on est aligné sur l'objectif stratégique de long terme en général on trouve les solutions de court terme, être souverain, sur notre industrie décarbonée, et produire en Europe, ou aux États-Unis, les biens qui sont nécessaires à cette décarbonation.

LÉA SALAMÉ
Oui, mais ça c'est des mots à ce stade, mais moi si je suis une entreprise qui veut produire des batteries et que Joe BIDEN me donne 10 fois plus que ce que nous donne l'Union européenne, je vais aux États-Unis ou non ?

BRUNO LE MAIRE
C'est un excellent exemple que vous prenez.

LÉA SALAMÉ
Eh ben alors !

BRUNO LE MAIRE
Il y a trois il n'y avait pas une batterie électrique qui était produite en France, ou en Europe, nous avons, avec le ministre de l'Économie allemand de l'époque Peter ALTMAIER, pris des décisions, demandé des subventions à l'Union européenne, l'Union européenne a enfin changé de cap et dit "oui, on va accorder des aides d'État", nous avons mis plusieurs milliards d'euros sur la table, nous allons ouvrir des usines de batteries électriques, en France, comme en Allemagne, et nous allons réduire notre dépendance par rapport à la Chine, parce que c'est bien l'objectif, être indépendant par rapport à la Chine. Comment est-ce que nous le faisons ? Par des subventions qui, je le redis, mettent deux ans à arriver, eh bien il faut qu'on accélère, et donc l'objectif Nicolas DEMORAND, pour répondre à votre question, n'est pas simplement de prendre conscience, c'est déjà fait, ce n'est pas de mettre en place de nouveaux instruments, nous avons déjà mis en place des nouveaux instruments, c'est de simplifier, d'accélérer, et de massifier les instruments de soutien à l'industrie européenne.

LÉA SALAMÉ
Mais quand vous dites massifier ça veut dire qu'il y ait plus d'argent, pour être clair.

BRUNO LE MAIRE
Mais ça veut dire que la Banque d'investissement doit être mobilisée, ça veut dire qu'il faut mettre en place plutôt des marchés de capitaux pour pouvoir financer les PME ou les entreprises qui décarbonent leur économie, il faut que nous puissions mobiliser l'épargne des Européens pour bâtir l'économie décarbonée européenne…

NICOLAS DEMORAND
Mais est-ce que vous dites ce matin qu'il nous faut un IRA européen ?

BRUNO LE MAIRE
Je vous dis qu'il faut un IRA européen, je vous dis qu'il fait un sursaut européen…

NICOLAS DEMORAND
Aussi puissant et fonctionnant sur les mêmes…

LÉA SALAMÉ
Qui boque, qui bloque sur l'IRA européen ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je pense qu'aujourd'hui plus personne ne bloque, que la prise de conscience a eu lieu il y a au moins trois ou quatre ans, que nous avons, avec Emmanuel MACRON, participé à cette prise de conscience européenne, mais qu'au bout de trois ou quatre l'IRA nous oblige à nous réveiller. Ce que nous avons fait n'est pas suffisant au niveau européen, il faut, avec beaucoup plus de force, et des instruments financiers beaucoup plus puissants, défendre notre industrie européenne, il ne faut pas avoir peur de mettre rapidement en place une taxe carbone aux frontières pour éviter les fuites de carbone et pour éviter qu'on réimporte des produits carbonés qui sont moins chers, alors que nous produisons sur notre sol des produits décarbonés, il ne faut pas hésiter à augmenter le montant des aides financières qui sont nécessaires, et il ne faut pas hésiter à prononcer ce mot de "préférence européenne", dans les marchés publics, dans les achats publics, qu'on préfère un produit européen à un produit importé ça devrait être naturel.

NICOLAS DEMORAND
Puisque vous parlez de souveraineté, l'Allemagne va vendre le port de Hambourg à l'entreprise chinoise COSCO, vous en pensez quoi Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
J'en pense que c'est un choix souverain de l'Allemagne, je ne vais pas commenter les choix souverains de l'Allemagne, chacun est libre de ses décisions.

LÉA SALAMÉ
Vous parlez de préférence européenne et ils vont vendre un port stratégique aux Chinois.

BRUNO LE MAIRE
Mais ça ne m'empêche pas de rappeler la préférence européenne et de dire qu'il est indispensable d'accélérer dans ce domaine-là, nous avons déjà, avec Robert HABECK, le ministre de l'Économie, proposé une nouvelle politique industrielle européenne qui affirme cette préférence européenne, nous l'avons fait il y a quelques jours…

LÉA SALAMÉ
Vous pouvez dire que c'est, sans critiquer…

BRUNO LE MAIRE
Mais nous l'avons fait Léa SALAMÉ, sur les lanceurs spatiaux, nous l'avons réaffirmé, que lorsqu'on lance un satellite il faut préférer Ariane, ou l'italienne Vega, à SpaceX ou à Falcon 9, et nous travaillons actuellement, avec Robert HABECK, à de nouvelles avancées sur cette politique industrielle, d'ici quelques semaines je pense que nous pourrons, avec le ministre de l'Économie allemand, faire à nouveau des propositions pour défendre l'industrie européenne.

LÉA SALAMÉ
Mais c'est vrai qu'il y a une volonté, on l'entend dans votre bouche et elle ne date pas d'aujourd'hui, mais c'est vrai que…

BRUNO LE MAIRE
Et il y a des résultats, s'il y a une filière de batteries électriques c'est parce qu'on a pris le taureau par les cornes.

LÉA SALAMÉ
J'entends bien, mais quand on entend…

BRUNO LE MAIRE
Quand il y a une filière hydrogène, même chose.

LÉA SALAMÉ
J'entends bien, mais quand on entend qu'un porte stratégique comme celui de Hambourg va être vendu aux Chinois, on a l'impression que ça casse complètement l'idée de… non, je ne sais pas, "pas de commentaire" vous allez me dire, mais on voit dans vos yeux que vous n'en pensez pas moins.

NICOLAS DEMORAND
On ne marche pas d'un pas commun.

BRUNO LE MAIRE
Parfois le silence est d'or.

LÉA SALAMÉ
Voilà, on a compris.

NICOLAS DEMORAND
Retour en France Bruno LE MAIRE, nous recevions jeudi dernier le PDG de la coopérative de supermarchés SYSTEME U, Dominique SCHELCHER, il nous disait qu'il s'attendait à des coupures de courant dans ses supermarchés, avec toutes les conséquences possibles sur la chaîne du froid, on parlait très concrètement de ces choses-là avec lui. Qu'est-ce que vous lui dites ce matin, "vos supermarchés sont protégés", ou alors, "oui, il va falloir que vous vous organisiez, au cas par cas, s'il y a malheureusement des coupures d'électricité" ?

BRUNO LE MAIRE
Non, nous ferons tout pour qu'il y n'ait pas de coupures d'électricité cet hiver, ça dépend de nous tous, collectivement, de la réduction de notre consommation d'électricité et d'énergie les ménages, les entreprises, les administrations, tout le monde, je pense à l'engagement collectif qui nous permettre d'aboutir à cette réduction de consommation d'énergie. Nous avons demandé à EDF, quand j'ai reçu le président d'EDF Luc RÉMONT, de faire tout le nécessaire pour que les réacteurs nucléaires tournent à pleine puissance au début de l'année prochaine, et je sais, je peux en témoigner, que les salariés d'EDF, les ouvriers les ingénieurs, sont totalement mobilisés pour remettre en état les réacteurs nucléaires qui doivent l'être, et avec ces décisions, avec cet engagement collectif, nous pouvons éviter les coupures en hiver, et je vais vous dire, nous devons tout faire pour les éviter, parce qu'elles sont très pénalisantes pour les ménages, elles sont très pénalisantes pour les services publics, et elles sont très pénalisantes pour notre économie.

LÉA SALAMÉ
Xavier PIECHACZYK nous disait tout à l'heure qu'il y avait 37 réacteurs qui marchaient ce matin, c'est-à-dire qu'on est enfin, si j'ose dire, descendu en en-dessous des 20 réacteurs en panne sur les 56 que compte la France, et que ça va dans le bon sens ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, je pense que nous sommes dans la bonne direction, ça va dans le bon sens, mais, une nation doit être capable de mobilisation collective, et la nation française est capable de mobilisation collective, pour réduire sa consommation, remettre en état sa production, et donc tenir cet objectif, qui doit être notre objectif collectif, aucune coupure d'électricité cet hiver.

LÉA SALAMÉ
À ce micro Jordan BARDELLA a jugé le plan gouvernemental sur l'électricité extrêmement inquiétant, il dit "dans la 7e puissance mondiale on est en train de nous expliquer qu'on va potentiellement couper le générateur d'électricité", et il accuse le gouvernement d'avoir organisé "le sabordage notre filière nucléaire depuis maintenant cinq à dix ans et mis la France dans une situation de précarité énergétique qui fait davantage penser au tiers-monde qu'aux pays développés", qu'est-ce vous répondez à cette critique ?

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est toute la mesure du Rassemblement national qui adore jouer avec les peurs des Français. Je rappelle que Marine LE PEN s'était prononcée contre le nucléaire, il y a quelques années, donc qu'elle soit un peu cohérente par rapport à ses positions. Nous, contrairement à Marine LE PEN, nous ne sommes pas contre l'énergie nucléaire, nous la relançons, le président de la République a annoncé la production…

LÉA SALAMÉ
Vous aussi vous avez tergiversé, Bruno LE MAIRE, avec tout mon respect…

BRUNO LE MAIRE
Je n'ai jamais tergiversé sur l'importance du nucléaire dans notre pays, jamais.

LÉA SALAMÉ
On va fermer 14 réacteurs, on a fermé Fessenheim, ça c'était au début du premier mandat, vous avez changé.

BRUNO LE MAIRE
Je pense n'avoir jamais changé, y compris sur Fessenheim Léa SALAMÉ, sur l'énergie nucléaire.

LÉA SALAMÉ
Oui, alors vous allez dire que vous, à titre personnel…

BRUNO LE MAIRE
Quant à la majorité et au président de la République, ils ont été les premiers à demander la réouverture de six réacteurs nucléaires, la production de six réacteurs nucléaires. Nous travaillons sur des réacteurs de petite et de moyenne puissance, nous avons créé une université des métiers du nucléaire, nous relançons la filière nucléaire comme ça n'a jamais été fait depuis plusieurs décennies, donc nous n'avons pas de leçon à recevoir, de Marine LE PEN et du Rassemblement national, qui avaient appelé, je le rappelle, à abandonner le nucléaire, et qui sont amis de la Russie qui nous prive de l'énergie et qui met donc toute l'Europe dans une situation difficile.

NICOLAS DEMORAND
L'inflation se stabilise à 6,2% en novembre, sur un an, chiffre inchangé par rapport au mois précédent, selon les estimations provisoires de l'INSEE. En zone euro on note un reflux de l'inflation pour la première fois depuis un an et demi, 10% sur un an contre 10,6 en octobre. Est-ce que le pic inflationniste est atteint, Bruno LE MAIRE, ou est-il encore devant nous ?

BRUNO LE MAIRE
Il n'est pas encore passé, ce pic inflationniste, qui dure déjà depuis plusieurs semaines, durera encore quelques mois, en revanche quand on regarde…

LÉA SALAMÉ
Donc ça va continuer à augmenter pendant quelques mois.

BRUNO LE MAIRE
Oui, ça continuera à augmenter encore pendant quelques mois. En revanche, quand nous regardons le prix de certaines matières premières, matières premières agricoles, le blé, matières premières industrielles, le cobalt, le zinc, l'aluminium, on voit s'amorcer une décrue, qui doit pouvoir se transmettre aux prix à la consommation vers la mi-2023, ça veut dire que dans le courant de l'année 2023 je confirme que notre estimation est que l'inflation devrait commencer à refluer. Moi je veux vraiment essayer d'ouvrir une perspective pour nos compatriotes parce que je sais à quel point c'est difficile quand on fait ses courses…

LÉA SALAMÉ
C'est ce que j'allais vous dire…

BRUNO LE MAIRE
D'avoir une augmentation à deux chiffres sur les prix alimentaires.

LÉA SALAMÉ
A deux chiffres, qui va atteindre, pardon, sur les prix alimentaires, on parle de 20% d'augmentation des produits alimentaires en janvier, est-ce que vous nous confirmez ces chiffres-là ?

BRUNO LE MAIRE
Léa SALAMÉ, j'ai parfaitement conscience qu'il y a des augmentations à deux chiffres sur les prix alimentaires…

LÉA SALAMÉ
Non, non, pas à deux chiffres, on en est à 12% aujourd'hui, mais est-ce que ça va monter à 20% ?

BRUNO LE MAIRE
Ça peut monter davantage, je ne peux pas vous donner de chiffre précis, ça peut monter davantage dans les semaines qui viennent, je veux simplement que nos compatriotes puissent se projeter et se dire que ça ne va pas monter comme ça jusqu'à l'infini, que ce que nous mettons en place, comme politique budgétaire, comme politique monétaire avec la BCE, doit nous permettre de faire refluer les prix à partir de la mi-2023, et c'est évidemment pour nous un objectif stratégique…

LÉA SALAMÉ
En attendant le beurre va coûter 20% de plus en janvier.

BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour ça qu'on a maintenu les aides, c'est bien pour ça qu'on maintient un bouclier tarifaire sur l'électricité et sur le gaz, c'est parce que les ménages n'ont qu'un seul budget, et qu'être protégé, comme nous l'avons fait depuis plusieurs mois, sur l'augmentation des prix de l'énergie, ça nous permet, je le rappelle, d'avoir encore le niveau d'inflation le plus faible de la zone euro.

NICOLAS DEMORAND
Il y a un domaine où l'inflation se porte bien, ce sont les revenus des patrons du CAC 40, Bruno LE MAIRE. Selon une étude de PROXINVEST la rémunération des patrons du CAC a bondi de 52% en 2021 avec des records historiques pour chaque composante de ces revenus, salaire fixe, bonus, jetons, avantages en nature, stock-options, etc. L'économiste Daniel COHEN dit "la bonne politique d'un point de vue strictement théorique serait de taxer les plus riches et de subventionner les plus pauvres avec au bout du compte un jeu à somme nulle. C'est ce que nous ne parvenons pas à faire actuellement, d'une certaine manière par idéologie." Il a tort ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, il a tort.

NICOLAS DEMORAND
Pourquoi ?

BRUNO LE MAIRE
Parce que nous sommes le pays qui, parmi les grands pays développés, taxe déjà le plus les très hauts revenus, c'est quasiment 60% quand vous faites l'impôt sur le revenu, la surtaxe qui est imposée sur les plus hauts revenus, la CSG, vous arrivez à quasiment 60%, donc je ne pense pas que la solution soit dans l'augmentation jusqu'à l'infini des impôts, je pense que la solution est dans la décence commune des grands chefs d'entreprise. Je le redis, je l'ai dit à plusieurs reprises, je pense que, surtout dans ces moments qui sont difficiles pour beaucoup de nos compatriotes…

LÉA SALAMÉ
Ils sont décents là ?

BRUNO LE MAIRE
Je considère qu'il y a des rémunérations qui peuvent choquer, qui peuvent paraître indécentes, dans un temps où beaucoup de nos compatriotes souffrent, et qu'on va s'abstraire de la collectivité à laquelle on appartient, on ne peut pas s'abstraire de la nation à laquelle on appartient, à la décence commune…

LÉA SALAMÉ
Donc vous comptez sur leur responsabilité, c'est ça ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, je demande…

LÉA SALAMÉ
Et vous constatez qu'après avoir compté sur la décence commune toute l'année dernière, est-ce que vous avez l'impression qu'il y a eu des efforts faits ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense que nous avons pris un certain nombre de mesures déjà pour faire la transparence sur ces écarts de rémunération, c'est la loi PACTE, je pense que les paroles politiques pèsent, et je continue à parier sur la responsabilité des uns et des autres, oui la décence commune doit s'appliquer à tous, y compris aux rémunérations les plus élevées, et puis après, moi ce qui m'importe le plus, c'est que les salariés soient mieux rémunérés, c'est tout le débat sur le partage de la valeur que nous avons ouvert avec le parti majoritaire, qui amènera des solutions très concrètes pour les salariés en début d'année 2023, parce que la décence commune c'est aussi faire en sorte que les salariés soient mieux rémunérés pour leur travail.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2022