Texte intégral
ANNE BOURSE
Bonjour Christophe BÉCHU.
CHRISTOPHE BÉCHU
Bonjour.
ANNE BOURSE
La loi sur les énergies renouvelables arrive donc cet après-midi à l'Assemblée en première lecture, ce texte a été largement adopté au Sénat, ça risque de ne pas être tout à fait la même chose à l'Assemblée, est-ce que vous allez donc devoir chercher des voix à gauche pour faire adopter ce texte ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord, sur chaque texte, l'enjeu pour le gouvernement c'est de trouver des partenaires et des alliés, ça a été possible au Sénat, ce n'était pas forcément gagné sur le papier parce que la discussion elle a permis…
ANNE BOURSE
Là c'était avec la droite.
CHRISTOPHE BÉCHU
Avec la droite, d'arriver à des compromis, le texte arrive aujourd'hui à l'Assemblé nationale, on a le sentiment que ce sera peut-être plus simple de trouver des alliés sur une partie de ce texte, chez les écologistes et chez les socialistes.
ANNE BOURSE
C'est la première fois que vous les sollicitez de cette façon-là.
CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez, cette législature elle a commencé seulement cet été, et elle a commencé avec des textes budgétaires dont on sait qu'ils ont toujours une résonance particulière, donc sur ce sujet, qui devrait être un sujet d'intérêt général, comment est-ce qu'on accélère le développement d'énergies renouvelables dans notre pays, pour sortir des énergies fossiles, pour se débarrasser du pétrole, du gaz, qui sont responsables d'une grande part du réchauffement climatique, le plus vite possible.
ANNE BOURSE
Alors justement, il y a un article, l'article 4, qui fait beaucoup débat, qui prévoit de faciliter les dérogations pour installer les énergies renouvelables, et notamment d'avoir moins de recours juridiques, est-ce que vous pourriez y renoncer ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Dans notre pays, on met deux fois plus de temps, en moyenne, que nos voisins Allemands, pour installer des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes, notamment offshores, sur lesquelles on a pris du retard. L'enjeu c'est quels sont les freins qu'on arrive à desserrer pour accélérer de façon à être moins dépendant, là encore je le redis, du pétrole et du gaz. Parmi tout ça, alléger certains dispositifs fait partie des pistes, mais avec une ambition, qui est la non-régression environnementale, c'est-à-dire qu'on ne doit pas faire les choses au détriment de la biodiversité, parce que sinon ce serait remettre en cause ce qui est aussi un des axes fondamentaux du combat de ce gouvernement, plus largement pour l'écologie.
ANNE BOURSE
Les maires aussi demandent par exemple à garder la main, avoir un droit de veto, ou la droite demande à ce que justement les éoliennes offshores soient à plus de 40 kilomètres des côtes, tout ça on n'y revient pas, le sujet est clos maintenant ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On n'y revient pas parce que le sujet est clos. Fixer une sorte de distance toujours et partout ça n'a pas de sens, il faut regarder au cas par cas comment les choses se passent, et les maires ne demandent pas un droit de veto, certains d'entre eux le font, mais les grandes associations elles demandent à pouvoir être consultées et associées, c'est le cas depuis le vote par le Sénat d'une première mouture, mais ils ne demandent pas un droit de veto qui les mettrait dans une situation d'avoir à choisir en n'ayant pas tous les éléments.
ANNE BOURSE
Alors, une COP peut parfois en cacher une autre, mercredi, à partir de mercredi, à Montréal, s'ouvre la COP 15 biodiversité, un accord semble compliqué, est-ce que vous vous êtes optimiste, vous dites un accord est possible, et quelle est la position de la France aussi là-dessus ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je suis déterminé et volontariste, ce que je veux dire c'est qu'on sait que les choses sont compliquées, elle se tient au Canada, alors qu'elle aurait dû se tenir en Chine, à cause du Covid, elle se tient avec du retard, mais l'enjeu il est crucial. Il y a un million d'espèces aujourd'hui sur la planète qui sont menacées, par le réchauffement climatique, mais pas seulement, par les excès de pollution, par le fait que les trois quarts de la planète, à un titre ou un autre, sont touchés par la pollution, cette COP c'est se mettre autour d'une table avec tous les pays et s'engager à augmenter notre niveau de protection des écosystèmes, notamment les plus fragiles. La France y va avec beaucoup d'ambition puisqu'elle a, avec le Costa Rica et l'Angleterre, lancé une coalition, la coalition pour une haute ambition pour la nature, et on est déjà 112 pays, dans le monde, à défendre une règle simple, c'est qu'en 2030 on ait 30 % des terres et 30 % des mers qui soient protégées pour qu'on puisse, non seulement enrayer le déclin de la biodiversité, mais faire en sorte d'inverser ce déclin et de recommencer à restaurer nos écosystèmes.
ANNE BOURSE
Et ces 30 % s'appliqueraient unilatéralement partout de la même façon ou justement vous visez des aménagements selon les pays, parfois où c'est plus compliqué ?
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est un des enjeux de cette COP 15, c'est de discuter, à la fois de ces 30 % et de ce qu'on fait à l'intérieur. On défend évidemment une position haute, une position forte, parce qu'on est convaincu que tout est lié. La nature elle nous aide à lutter contre le réchauffement climatique, c'est pour ça qu'on doit se battre contre la déforestation, planter de nouveaux arbres, et en même temps elle est menacée et fragilisée par ce dérèglement, donc on est dans un cercle vicieux, qui convient qu'on interrompt, et de ce point de vue, la nature, la biodiversité, sont des atouts et des appuis.
ANNE BOURSE
L'autre sujet du moment c'est y aura-t-il de l'électricité au mois de janvier ou y aura-t-il des délestages, le gouvernement communique beaucoup, en même temps Emmanuel MACRON a dit "pas de panique", c'est quoi la lisibilité, c'est quoi le but ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Il y a une sorte de chemin de crête, ne pas communiquer ce serait donner le sentiment qu'on ne se prépare pas, et trop communiquer c'est donner le sentiment que ça va arriver alors qu'on fait tout pour que ça n'arrive pas, donc le message il est simple…
ANNE BOURSE
C'est continuer à mettre la pression sur les Français aussi pour qu'ils restent attentifs ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais, ce n'est pas ça le sujet, c'est de bien faire comprendre que, si on a une demande, qui est supérieure à l'offre, dans le contexte qu'on connaît, en n'ayant pas le gaz russe, en ayant une partie de notre parc nucléaire aujourd'hui qui est en maintenance, on a un risque de blackout, pour éviter ça on prévoit toutes les hypothèses. On travaille, de manière forte, et on relaie le message que chacun fasse un peu attention à sa consommation et on passera l'hiver sans problème, mais dans le pire du pire des cas il y a évidemment un plan B., qui est le délestage pour éviter le blackout et qui consiste à organiser, de manière précise, ciblée, temporaire…
ANNE BOURSE
Vous parlez d'organiser de façon précise, par exemple les syndicats d'enseignants parlent déjà du bricolage qu'ils ont connu au moment du Covid, vous pouvez dire aujourd'hui que ce sera une opération qui se passera effectivement quartier par quartier parce que ça fait deux mois qu'on la prépare ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je veux dire c'est qu'on fait tout pour que ça n'arrive pas, et quand certains critiquent en disant "on a l'impression que c'est du bricolage", ils oublient juste que le scénario sur lequel nous travaillons ce n'est pas celui du délestage, c'est celui de faire en sorte que ça n'arrive pas, mais que dirait-on si on ne préparait pas le cas où on se retrouvait avec un risque de blackout, donc on assume pleinement d'être dans une situation où on prépare le pire, et en même temps on fait tout pour qu'il n'arrive pas, et quand je dis le pire, je veux dire le fait d'organiser un dispositif qui évite que ce soit toute la France qui soit en panne, en ciblant ça de manière le plus temporaire possible et le plus localisé.
ANNE BOURSE
Et le calendrier de remise en service des 20 réacteurs qui sont toujours à l'arrêt sera maintenu ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez qu'il y a depuis quelques jours un nouveau président directeur général à EDF, il a une feuille de route extrêmement claire, qui est précisément…
ANNE BOURSE
Il vous a donné des garanties au gouvernement ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Qui est précisément de faire en sorte de tenir la remise en état de la totalité de ces réacteurs, et qu'on fasse surtout en sorte, en parallèle, de continuer à développer des sources d'énergie qui nous permettent, en sortant du fossile, de ne plus avoir ce type de souci pour les hivers qui arrivent.
ANNE BOURSE
Au Sénat la droite a voté une réduction de 500 millions d'euros les aides aux voitures électriques justement, en disant il faut plutôt subventionner les voitures françaises européennes, il faut subventionner, pour vous, indifféremment une voiture électrique fabriquée en grande partie en Asie, ou en Europe ?
CHRISTOPHE BÉCHU
A la minute où on se parle nous subventionnons tous les véhicules électriques d'où qu'ils viennent.
ANNE BOURSE
Mais la question se pose.
CHRISTOPHE BÉCHU
Le sujet c'est effectivement comment demain…
ANNE BOURSE
On voit ce qui se passe aux États-Unis.
CHRISTOPHE BÉCHU
Exactement ; comment demain ; le président de la République l'a dit quand il était en déplacement là-bas, nous, Européens, on concentre nos financements vers des choses qui sont produites en Europe, mais la question maintenant, tout de suite, qui se pose, c'est est-ce qu'on prend prétexte de ça pour arrêter les financements, avec un risque, c'est qu'on ait moins de voitures électriques qui entrent en service, ou est-ce qu'au contraire on prépare cette industrialisation, et on prépare en parallèle le recentrage de ces subventions vers l'Europe. Aujourd'hui, notre position, c'est clairement la deuxième, il ne faut pas faire de pause dans l'électrification du parc parce qu'une voiture électrique en plus c'est une voiture thermique en moins et ça c'est bon pour la planète, pour le climat et donc pour la biodiversité.
ANNE BOURSE
Merci Christophe BÉCHU d'avoir été notre invité ce matin.
CHRISTOPHE BÉCHU
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2022