Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, à CNews le 5 décembre 2022, sur les risques de coupures d'électricité, l'indépendance énergétique, la filière nucléaire et les énergies renouvelables.

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Média : CNews

Texte intégral

LAURENCE FERRARI
Bonjour Madame la Ministre.

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Bonjour Laurence FERRARI.

LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans "La Matinale de Punchline" et de CNews surtout. Pas de panique, c'est l'expression choisie par Emmanuel MACRON ce week-end pour rassurer les Français au sujet d'éventuelles coupures d'électricité en début d'année. Honnêtement, les Français ne paniquent pas, mais ils savent qu'il y aura des coupures d'énergie, vous nous le confirmez ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, je ne vous confirme rien du tout, parce que les coupures d'électricité, c'est l'ultime recours en cas de tensions sur notre système électrique, et ce que dit RTE, qui est notre gestionnaire de réseau et qui tous les mois fait un point sur cette situation, c'est que, précisément, dans un hiver normal, par exemple, comme celui de l'année dernière, il n'y aura pas de coupures, que le sujet est de se préparer à la combinaison de différents facteurs, une période de grand froid, des difficultés à produire de nos voisins, des tensions sur notre propre réseau, et que dans ce cas-là, il faut mettre en œuvre des mesures d'économie d'énergie pour éviter la coupure.

LAURENCE FERRARI
Pourquoi on serait dépendant de ce qui se passe chez nos voisins ? Madame la Ministre ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Parce que comme, pour beaucoup de choses, nous importons de l'énergie, je veux redire ici que nous n'avons…

LAURENCE FERRARI
Nous ne sommes plus souverains en matière d'énergie ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Nous n'avons jamais été souverains en matière d'énergie. Je tiens à le rappeler…

LAURENCE FERRARI
Jamais ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Depuis des années…

LAURENCE FERRARI
Même quand nos centrales nucléaires fonctionnaient normalement ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Mais bien sûr, nous importons deux tiers d'énergies fossiles. Et nous en importons moins aujourd'hui…

LAURENCE FERRARI
D'accord, moi, je vous parle de l'électricité…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Qu'il y a 20 ans. Donc en fait, ce mythe de l'indépendance énergétique relève du mythe, et précisément, ce que fait le gouvernement, c'est de construire cette indépendance énergétique en développement des énergies renouvelables et en développant du nucléaire.

LAURENCE FERRARI
Sur l'électricité, nous n'avons pas été dépendants d'autres pays pendant des années, tant que notre filière nucléaire était d'aplomb, nous sommes bien d'accord ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Sur l'électricité, ça fait déjà des années aussi que nous importons, l'année dernière, c'est une vingtaine de jours où nous étions en importation d'électricité, depuis nos voisins…

LAURENCE FERRARI
Parce que notre réseau de centrales nucléaires rencontre des difficultés…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Parce qu'il est vieillissant…

LAURENCE FERRARI
… Un désinvestissement massif de l'État…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Parce qu'il est vieillissant et parce qu'il arrive aujourd'hui au-delà des 40 ans, et qu'il est en train de passer une étape de maintenance importante, et c'est vrai aussi qu'on a un incident qui est arrivé, qui n'est pas un incident, mais une situation qui est la détection de corrosion sur certaines centrales nucléaires qui supposent des réparations qui prennent un peu plus de temps, mais attention, ces questions de tensions sur le système énergétique, elles se posent au Royaume-Uni, elles se posent à l'Italie, elles se posent à l'Allemagne, elles n'ont rien de particulier à la France. Et qu'est-ce qu'on nous répondrait si nous ne nous préparions pas à ce scénario ultime et si nous n'étions pas prêts.

LAURENCE FERRARI
On est entièrement d'accord, mais, nous avions une filière nucléaire qui nous mettait à l'abri de ce type de problème, et nous ne l'avons plus, et ça, c'est la réalité. Il va falloir investir rapidement et durablement.

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et c'est ce que nous faisons, ça fait depuis 3 ans maintenant que nous avons réinvesti la filière nucléaire, je rappelle que le grand moment…

LAURENCE FERRARI
Après avoir fermé Fessenheim…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Le grand moment de baisse de la maintenance dans nos centrales nucléaires, ça date des années 2000, c'est intéressant de le noter, les années 2000, donc ce sont ceux qui nous disent : il faut réinvestir qui n'ont pas investi dans la filière nucléaire, aujourd'hui, nous investissons massivement dans la filière nucléaire, comme nous investissons massivement dans les énergies renouvelables, parce que tous les experts s'accordent à dire que nous ne pouvons construire une indépendance énergétique qu'en s'appuyant sur ces deux piliers, les énergies renouvelables, c'est le photovoltaïque, c'est la biomasse, c'est le biométhane, c'est autant d'énergies qui vont nous permettre de remplacer le gaz naturel que nous importons et le carburant que nous importons.

LAURENCE FERRARI
Mais vous savez très bien que ce n'est pas l'essentiel de notre production, le renouvelable, d'abord, parce que c'est intermittent par essence, et que les deux grands piliers, c'est notamment le nucléaire…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, vous avez le nucléaire et l'hydraulique, qui est également une énergie renouvelable…

LAURENCE FERRARI
Ça couvre à peu près 80 % de la production ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Exactement, 70 % pour le nucléaire, et aujourd'hui, nous avons des réacteurs qui sont en marche et qui fournissent une grande partie de notre électricité, mais nous avons aussi une vingtaine de pourcent qui est liée aux renouvelables.

LAURENCE FERRARI
Alors Loïk Le FLOCH-PRIGENT, qui est l'ancien patron de GDF, dit : en aucun cas, les renouvelables, le vent et le soleil, ne répondent aux besoins pour janvier et février. En France, c'est le nucléaire et l'hydraulique qui correspondent à 87 % en consommation depuis 20 ans. Donc, voilà, encore une fois, voilà le ratio, 87 %, et de l'autre côté, vous allez mettre le paquet sur le renouvelable, en sachant que ça sera effectivement que ça sera efficace, dans, allez, 5 ans minimum !

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, le renouvelable, non, c'est efficace tout de suite, moi, j'ai débloqué 10 gigawatts de projet dès cet été, des gigawatts de projets en éolien et en photovoltaïque…

LAURENCE FERRARI
Qui seront là, effectifs, là ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Qui sont là dans les deux ans…

LAURENCE FERRARI
Dans les deux ans, on est d'accord…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Mais dont certains sont là dès cet hiver, vous voyez. Donc il ne faut pas opposer les énergies, comme on le fait immédiatement…

LAURENCE FERRARI
Qu'est-ce qui est présent dès cet hiver ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ce qui est important, ce que j'ai fait, 1°) : débrider un certain nombre de centrales hydrauliques, de barrages hydrauliques, pour avoir plus de puissance, 2°) : débrider certaines installations des productions d'énergie renouvelable, 3°) : accélérer le raccordement des installations d'énergies renouvelables qui n'étaient pas raccordées au réseau. 4°) : c'est effectivement travailler avec EDF pour qu'ils tiennent leur calendrier de reconnexion des centrales au réseau, et vous savez que c'est l'État qui a fait cet audit l'année dernière, pour, précisément, accélérer les opérations de raccordement au réseau, et faire gagner 3 à 4 semaines pour chaque arrêt de maintenance de nucléaire. Mais maintenant, Madame FERRARI, nous savions tous, il y a 40 ans, que nos centrales nucléaires allaient passer la maintenance des 40 ans, il n'y a aucune surprise sur ça, et c'est normal, et nous mettrons tout en œuvre, en appui d'EDF, pour qu'EDF prenne ses responsabilités et tienne son calendrier de raccordement au réseau…

LAURENCE FERRARI
C'est le gouvernement, notamment Élisabeth BORNE à l'époque qui a fermé Fessenheim, elle parlait à l'époque d'un moment historique, elle expliquait que cela incarnait l'écologie de responsabilité, on voit où ça nous a menés.

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, je ne crois pas, parce que, Fessenheim, c'est la plus vieille centrale nucléaire de notre parc.

LAURENCE FERRARI
Elle était fonctionnelle…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et vous savez, comme moi, que cette centrale nucléaire avait arrêté ses maintenances sous le gouvernement HOLLANDE, et ça aussi, c'est une réalité, redémarrer une centrale nucléaire…

LAURENCE FERRARI
Le gouvernement d'Édouard PHILIPPE ne l'avait pas relancée, bien au contraire…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Redémarrer une centrale nucléaire qui ne fait pas ses maintenances triennales, décennales, c'est plusieurs années, et ça, c'est la réalité. Et encore une fois, je crois que c'est ce gouvernement qui, après Fukushima, et l'arrêt qui a été donné par le gouvernement HOLLANDE au nucléaire, qui a remis le sujet du nucléaire sur la table. Le président de la République l'a dit sans ambiguïté : nous prolongerons au maximum dans les conditions de sécurité évidemment nos centrales nucléaires, nous proposons de construire 6 EPR nouveaux, nous mettons à l'étude 8 EPR additionnels, et tout cela se concrétisera dans la loi l'été prochain. Et aujourd'hui, nous menons le débat public, vous savez que ce type de projet doit être soumis au débat public, et ce débat public a commencé, ça, c'est la réalité du travail que nous menons.

LAURENCE FERRARI
Encore un tout petit mot sur les centrales avant de passer aux coupures d'énergie, parce que ça, évidemment, c'est très important pour les Français, très concrètement, 56 réacteurs nucléaires, 20 toujours à l'arrêt, combien il y en aura qui seront fonctionnels, là, pour passer l'hiver ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors 19 à l'arrêt, et chaque jour qui passe, vous avez des reconnexions qui se font. Donc EDF, je le redis, je les mets en position…

LAURENCE FERRARI
19 à l'arrêt combien, combien en janvier seront en fonction ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Eh bien, je vous renvoie à EDF, tous les jours…

LAURENCE FERRARI
Donc vous n'avez pas la réponse…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Si, j'ai une partie de la réponse, mais c'est, encore une fois, c'est la responsabilité d'EDF, c'est le cœur de son métier que de reconnecter ses centrales nucléaires au réseau, et vous le savez, tous les mois, il y a une prévision qui est donnée par RTE, nous savons d'ores et déjà que nous sommes au-delà de 40 gigawatts au mois de janvier, il nous faut atteindre 45 gigawatts, et nous allons… EDF, que j'ai vue, Luc RÉMONT m'a indiqué qu'il pensait atteindre ces 45 gigawatts vers la fin du mois de janvier, et cela va continuer, et ça, c'est la réalité d'un travail industriel sur le terrain. Et aujourd'hui…

LAURENCE FERRARI
Mais quand nous aurons des chiffres précis ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et aujourd'hui, j'appelle… je vous donne des chiffres précis, 42 gigawatts, 45 gigawatts, c'est très précis…

LAURENCE FERRARI
Mais moi, je vous parle…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et aujourd'hui, c'est la responsabilité d'EDF de porter ce projet de reconnexion des centrales nucléaires au réseau.

LAURENCE FERRARI
On revient aux coupures d'électricité, que les Français redoutent, et effectivement, si on est une famille avec une personne malade, hospitalisée à domicile, vivant dans une zone rurale, on peut paniquer en disant : on va couper l'électricité pendant 2h, comment est-ce que vous allez faire pour voir au cas par cas ce qui se passe, quand vous allez faire des opérations de délestage, puisque c'est l'expression consacrée ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, je veux redire ici que les coupures d'électricité, c'est l'ultime recours, ce n'est pas quelque chose d'habituel, comme on donne le sentiment…

LAURENCE FERRARI
Mais vous vous y préparez concrètement…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est l'ultime recours, et nous nous y préparons parce que, à la différence d'une tempête qui va couper l'électricité, là, nous avons la capacité à nous y préparer, et tout le monde nous reprocherait de ne pas le faire en responsabilité et de ne pas le faire en associant les préfets, qui sont notre première ligne sur le terrain, et de ne pas le faire en associant les collectivités locales…

LAURENCE FERRARI
Vous faites un plan de prévision…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Donc c'est notre travail…

LAURENCE FERRARI
Qu'est-ce qui va être coupé en cas de délestage, est-ce que, encore une fois, là, pour une famille qui a un malade à domicile, qu'est-ce qui se passe, comment il se signale, comment on ne le lui coupe pas l'électricité ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, comme vous le savez, et ça, ce n'est pas nouveau, l'ARS, l'Agence Régionale de Santé, a une liste des patients qui sont dépendants d'un système, par exemple, une dialyse ou un système respiratoire, et ces patients sont signalés aux établissements hospitaliers, et ces patients sont appelés individuellement, on va même les voir si on n'a pas réussi à faire le contact avec eux, pour leur permettre de trouver une solution pendant ces risques de délestage, je le redis…

LAURENCE FERRARI
C'est quoi la solution ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
La solution, c'est…

LAURENCE FERRARI
Un groupe électrogène, qu'est-ce que c'est ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Eh bien, vous avez différentes possibilités, et je vous renvoie vers les ARS encore une fois, il y a la liste…

LAURENCE FERRARI
Non, mais les ARS vont fournir les groupes électrogènes, soyons concrets ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, on va être très concret, la personne a, soit, pas besoin d'assistance pendant 2h, soit, a une batterie pendant 2h, soit, elle sera transférée sur un site médical pour permettre d'anticiper ces situations. Ça concerne quelques milliers de patients sur le territoire national, et ces situations, elles sont anticipées, nous avons les listes, en tout cas, ces listes sont établies, et elles sont prévenues une par une individuellement.

LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous nous assurez que les hôpitaux, les commissariats, tous les centres stratégiques de notre pays ne seront pas touchés par ces délestages ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est précisément l'enjeu de toute la préparation que nous faisons, c'est d'établir la liste des installations critiques qui ne peuvent pas être délestées.

LAURENCE FERRARI
D'accord, donc vous nous assurez qu'il n'y aura pas de coupure d'électricité dans les hôpitaux ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je vous assure que les hôpitaux font partie des installations qui ne peuvent pas être délestées, sauf à avoir un système de backup, des groupes électrogènes, etc., et encore, nous préférons ne pas les mettre en système de délestage.

LAURENCE FERRARI
Il y a aussi une grande inquiétude sur les réseaux Internet et la téléphonie mobile évidemment, parce que tout est complètement maintenant informatisé. Vous mettez en avant le 112, un numéro d'urgence connecté à toute antenne relais, mais vous dites, en même temps, on va faire le maximum pour maintenir l'accès à ce numéro d'urgence. Le maximum, c'est-à-dire qu'il y a une possibilité que même le 112 ne fonctionne pas ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, le 112 à la spécificité de fonctionner avec tous les réseaux, c'est comme s'il était en roaming permanent, vous pouvez passer d'un opérateur à un autre, ce n'est pas la situation du 15, du 17 ou du 18, où c'est votre opérateur qui va connecter, et si vous êtes dans une zone blanche par rapport à votre opérateur, vous n'avez pas la connexion, c'est pour ça que le 112 est plus résilient, et j'invite les gens qui nous écoutent à utiliser de préférence le 112 au 15, au 17 et au 18…

LAURENCE FERRARI
Les médecins ruraux sont inquiets parce qu'il y a des endroits où ça ne capte pas, et on ne peut pas joindre le 112

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et donc dans la situation que nous évoquons, vous avez des batteries sur une partie des antennes, mais pas partout, mais peut-être pas avec suffisamment de puissance, et effectivement, nous travaillons, ENEDIS, qui est le distributeur d'énergie, et les opérateurs de télécommunications, à aller vérifier, on a une continuité au maximum sur le territoire, je veux préciser aussi une chose, puisque dans les zones rurales, ça a de l'importance, vous avez encore le système de téléphonie cuivre qui fonctionne, même en cas de coupure d'électricité, ça, c'est important, parce que c'est un système qui équipe souvent des personnes âgées, et souvent, dans la ruralité, et je pense que c'est un élément de réassurance pour beaucoup de familles.

LAURENCE FERRARI
C'est un tel retour en arrière ce que vous nous dites…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'aujourd'hui…

LAURENCE FERRARI
Revenir à la téléphonie cuivre…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'aujourd'hui, ce qu'il faut retenir, c'est que nous devons être prêts, et que nous nous préparons à faire en sorte qu'il n'y ait pas de difficultés, pas de difficultés, ça veut dire, 1°) : éviter les coupures, c'est le principe d'Ecowatt, de la météo de l'électricité…

LAURENCE FERRARI
Ça, c'est la petite appli qu'on peut télécharger sur son téléphone, qui nous indique la météo de l'énergie…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Voilà, vert, orange, rouge, c'est un peu comme quand on prend la route…

LAURENCE FERRARI
Il faut avoir du réseau…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Donc, vert, orange, rouge, avec une prévision à 3 jours, et lorsqu'on est en orange ou en rouge, un certain nombre d'acteurs, les grandes entreprises, les administrations prennent des mesures pour baisser leur consommation, dans l'État par exemple, on baisse la température de 19 à 18 degrés, dans les opérateurs de transports, on va éteindre les écrans publicitaires, des entreprises se sont engagées à mettre en œuvre un certain nombre de mesures qui leur permettent de décaler ou de baisser leur consommation d'électricité. Donc, en fait, c'est un signal pour l'action, et qu'est-ce que ça veut dire, ça veut dire qu'on est capable aujourd'hui de décaler, de baisser notre consommation, en agissant sur les plus gros acteurs, les grandes entreprises, les grandes administrations, les grandes collectivités locales.

LAURENCE FERRARI
L'effort doit être partagé, parce que les Français ont déjà fait des efforts, ils ne sont pas fous, ils voient bien leurs factures d'énergies, mais, on continue à les culpabiliser, on continue à leur dire : attention, ne prenez pas trop de douches, là, on a entendu : il faut moins se laver, vous vous rendez compte encore une fois de ce que ça représente pour notre pays. Loïk Le FLOCH-PRIGENT, que je citais tout à l'heure, dit qu'on rejoue un peu le Covid dans cette histoire en appelant aux efforts de monsieur et madame tout le monde, c'est de la communication, ce n'est pas une politique, il suffit de décréter l'état d'urgence au lieu de pérorer sur le nombre de douches par jour. Qu'est-ce que vous lui répondez à l'ancien patron de GDF ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Moi, je lui réponds à monsieur Loïk Le FLOCH-PRIGENT qu'il devrait se pencher sur le plan de l'État, le plan sobriété, c'est 37 des 40 entreprises du CAC 40, donc ce n'est pas les Français qui sont pointés du doigt, c'est les grands acteurs, ceux qui ont la capacité à diminuer drastiquement leur énergie parce qu'ils en consomment beaucoup, et là aussi, ce n'est pas les processus de production qui sont visés, c'est les locaux tertiaires, c'est la chaleur dans les bâtiments, c'est l'utilisation de l'eau chaude sanitaire, c'est l'éclairage, ce sont tous… c'est mêmes les dépenses d'énergie liées au numérique, est-ce que vous savez que, souvent, le numérique fonctionne la nuit et le week-end pour faire des opérations qui ne sont pas nécessairement utiles à l'entreprise, ce sont tous ces kilowattheures que nous devons diminuer, dont nous devons faire la chasse, qui vont permettre de passer l'hiver en sérénité.

LAURENCE FERRARI
La France est-elle en train de se "tiers-mondiser", Madame la Ministre, on vient de passer un quart d'heure à évoquer les coupures d'électricité, on est en 2022, comment est-ce que vous pouvez assumer ça face aux Français ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Moi, je l'assume face à une situation qui est que la guerre est à nos portes en Ukraine…

LAURENCE FERRARI
C'est à cause de la guerre ce qui se passe aujourd'hui ?

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Enfin, Madame Laurence FERRARI, vous savez bien que quand on supprime 40 %…

LAURENCE FERRARI
On parle, là, d'électricité, Madame la Ministre…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Mais oui, mais oui…

LAURENCE FERRARI
Je ne vous parle pas de l'essence je ne vous parle pas du pétrole…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Moi, je vous parle du gaz, parce que le gaz fabrique l'électricité, et qu'une partie non négligeable de l'électricité en Europe, 22 %, est sur base gaz, donc lorsque 40 % du gaz livré à l'Europe est mis en danger par une guerre en Ukraine, par construction, ça a un impact majeur sur l'Europe, et je ne crois pas que l'Allemagne se "tiers-mondise", je ne crois pas que le Royaume-Uni se "tiers-mondise", je ne crois pas que l'Italie se "tiers-mondise", et je suis fière de mon pays, et je n'accepte pas qu'on utilise ce type de formule, la "tiers-mondisation" de la France, c'est l'honneur de la France au contraire d'être en croissance, c'est l'honneur de la France de se réindustrialiser, c'est l'honneur de la France d'avoir le taux d'inflation le plus bas d'Europe, c'est l'honneur de la France d'avoir le taux de chômage le plus bas depuis 15 ans. Donc arrêtons ces propos déclinistes…

LAURENCE FERRARI
Tout va très bien…

AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, soyons au combat. Soyons au combat, et évitons de s'essuyer les pieds sur la France, alors qu'au contraire, on devrait être tous unis pour faire en sorte qu'elle soit plus forte, c'est ça que je veux dire.

LAURENCE FERRARI
Agnès PANNIER-RUNACHER était l'invitée de "La Matinale" de CNews. On verra dans les prochains jours si effectivement l'opération de délestage a lieu ou pas en France. Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2022