Interview de M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Bleu Lorraine le 7 décembre 2022, sur les éleveurs face au risque de coupures d’électricité et la production du lait.

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Texte intégral

JOURNALISTE
Marc FESNEAU est dans les Vosges. Le ministre de l'Agriculture assistera aux Assises du lait, organisées à Épinal par la FDSEA, la Fédération départementale des exploitants agricoles. Il est à votre micro, Marie ROUSSEL.

MARIE ROUSSEL
Bonjour Monsieur le Ministre.

MARC FESNEAU
Bonjour.

MARIE ROUSSEL
On parle beaucoup de coupures d'électricité cet hiver. Les éleveurs doivent-ils s'en inquiéter pour faire tourner leurs exploitations ?

MARC FESNEAU
Non. On est dans un dispositif de préparation d'éventuelles difficultés liées à des conditions climatiques qui nécessiteraient des coupures en rotation, mais il n'y a pas d'inquiétudes particulières à avoir. On est en train de regarder avec les préfets comment ça peut s'organiser ? Comment ça peut s'anticiper sur tel et tel cas ? Et par ailleurs, il y a un certain nombre d'activités de transformation agroalimentaire, je pense aux abattoirs, je pense aussi aux grandes unités de transformation du lait qui seront préservées dans le cas des plans de délestage. Il peut arriver qu'il y ait des coupures, ça arrive même parfois en période estivale pour des raisons liées à des orages. L'important, c'est de pouvoir prévenir et que les éleveurs - si le cas était arrivé - puissent être prévenus et puissent s'y préparer.

MARIE ROUSSEL
Le contexte économique est un autre motif d'inquiétude, y compris le prix du lait. Est-ce qu'il faut sanctionner les distributeurs qui ne respectent pas la loi, la loi Egalim ?

MARC FESNEAU
Alors, quand ils ne respectent pas la loi, ils sont sanctionnés, c'est le rôle de la DGCCRF, de la Direction de la répression des fraudes, de la lutte contre les fraudes.

MARIE ROUSSEL
Pas systématiquement, selon les producteurs des Vosges. Dans les journaux, ce matin, ils disent que ce n'est pas systématique et peut-être pas assez fort.

MARC FESNEAU
Ce que je dis dans ce domaine, c'est que quand il y a des signalements, il y a des enquêtes ; et quand il y a des enquêtes et qu'il y a des fraudes qui sont avérées, généralement, les sanctions tombent. Il peut arriver aussi que les acteurs ne jouent pas le jeu, c'est-à-dire qu'ils prennent le temps - je pense à la grande distribution - de faire monter les prix en procrastinant, si vous me permettez cette expression. Le travail qu'on fait chaque semaine avec mes collègues de l'Industrie et du commerce, c'est d'appeler chacun à la responsabilité, les transformateurs et les distributeurs, parce que pour qu'il y ait du lait, il faut que les producteurs soient rémunérés. Et c'est vrai que sur le lait, on a des inquiétudes particulières puisque cette année, il y a eu des revalorisations, certes, mais elles ne sont pas encore à la hauteur de ce que peuvent être les coûts du lait. Par ailleurs, l'État de son côté a déployé un certain nombre de systèmes de soutien pour l'alimentation animale ou pour ceux qui seront victimes de la sécheresse.

MARIE ROUSSEL
On craignait effectivement cet été des pénuries ici ou là. C'est ce que vous dites ce matin ou… ?

MARC FESNEAU
Non. La question, ce n'est pas de ce fait, ce n'est parce que vous avez dit d'ailleurs, ce n'est pas de se faire peur. Mais la question, c'est d'anticiper le fait que si jamais on n'est pas en capacité de rémunérer à son juste prix le producteur, évidemment, il y a de ce point de vue-là un risque sur la continuité de la chaîne alimentaire. Il n'y a aucun acteur économique qui pourrait accepter d'être rémunéré en deçà de son coût de production. C'est sur cela qu'on est vigilant dans le cadre de la loi Egalim qui permet quand même de protéger. Globalement, il y a plutôt une hausse des prix sur l'année, en particulier sur les produits agricoles, et donc il faut être vigilant. Et c'est ça ce à quoi j'appelle la distribution et la transformation, c'est à prendre leurs responsabilités. Certains l'ont fait en annonçant des hausses du lait, en annonçant l'objectif de 500 euros la tonne de lait, et c'est ce vers quoi il faut tendre en effet.

MARIE ROUSSEL
On entend votre appel : la juste rémunération. Est-ce que c'est aussi la condition sine qua none pour attirer les jeunes générations et lutter contre la disparition des fermes qui s'accélère dans les Vosges notamment ?

MARC FESNEAU
Oui. Alors pour dire effectivement les choses, il n'y aura pas de renouvellement des générations si jamais il n'y a pas de rémunération, et donc c'est pour ça que c'est un aliment central du combat que nous menons. Alors il y a d'autres facteurs parce qu'on sait très bien que dans l'élevage laitier, les contraintes humaines, les contraintes de temps qui sont celles des éleveurs sont très grandes, et donc on a besoin aussi de travailler sur ces questions-là. Je lance le travail que nous allons faire sur la loi d'orientation et de l'avenir de l'agriculture. Ça visera aussi à essayer de répondre au-delà de la rémunération, aux autres questions qui se pose, même si dans les Vosges, il y a une forme de décapitalisation, environ 4 % depuis 2017, mais elle est moins forte que dans d'autres départements parce qu'il y a sans doute une dynamique qui est un peu plus forte dans ce département des Vosges. Mais c'est vrai qu'il y a une vigilance. Et on sait très bien qu'un élevage laitier qui disparaît, c'est un élevage laitier qui ne réapparaît pas parce que les conditions capitalistiques, que les moyens qu'il faut mettre pour réinvestir à l'agriculture de production de lait sont évidemment beaucoup plus complexes que sur d'autres formes agricoles. Et donc, la décapitalisation, c'est le grand risque que nous pouvons avoir devant nous, et c'est contre ce ou sur quoi qu'il faut essayer de lutter.

MARIE ROUSSEL
Merci Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, dans les Vosges en ce moment pour assister aux Assises du lait organisées à Épinal. Belle journée à vous.

MARC FESNEAU
Merci. Belle journée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 décembre 2022