Interview de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France Info le 9 décembre 2022, sur les coupures d'électricité, le port du masque, le niveau scolaire en Français, la carte des réseaux de l'éducation prioritaire (REP), les atteintes à la laïcité et le concours de recrutement des enseignants.

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Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

LORRAIN SÉNÉCHAL
Bonjour Pap NDIAYE.

PAP NDIAYE
Bonjour.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Un test grandeur nature a lieu aujourd'hui sur le réseau électrique avec RTE et ENEDIS qui vont simuler, je le dis bien pour ceux qui nous écoutent, des coupures de courant. Il n'y aura pas donc de coupure réelle. Le but c'est quoi ? C'est de vérifier notamment l'impact des délestages potentiels sur les écoles, les collèges, les lycées ?

PAP NDIAYE
Le but, c'est un but plus général au-delà des écoles et des établissements scolaires, mais du côté de l'Éducation nationale bien sûr, nous nous préparons pour l'éventualité - ça n'a rien d'une certitude - l'éventualité de coupures à partir de janvier.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais c'est-à-dire qu'on n'est pas capable d'isoler les écoles, les collèges les lycées du réseau ? Si un quartier est coupé dans le cadre de délestages, ça concernera forcément écoles, collèges et lycées ?

PAP NDIAYE
Ça les concernera forcément parce que le réseau des écoles et des établissements scolaires est trop important pour qu'on puisse les isoler du réseau électrique général, et donc on ne peut pas prioriser les établissements scolaires.

NEÏLA LATROUS
Il y a cet outil Ecowatt, une sorte de météo de l'électricité. Les jours d'Ecowatt rouge, ça ne veut pas forcément dire qu'il y a coupure mais ça veut dire qu'il faut se préparer pour éviter d'éventuelles coupures et faire des gestes supplémentaires. C'est quoi un geste supplémentaire en matière de sobriété à l'école ? C'est couper encore plus les chauffages ?

PAP NDIAYE
Alors le chauffage à l'école, il n'est pas électrique sauf dans une toute petite minorité d'établissements, donc ce n'est pas vraiment de ce côté-là qu'on peut agir. On peut agir…

NEÏLA LATROUS
Donc vous dites aux parents : s'il y a Ecowatt rouge, ça ne veut pas forcément dire que les enfants auront plus froid dans 3 jours à l'école ?

PAP NDIAYE
Non, puisque le chauffage électrique est minoritaire. S'il y a Ecowatt rouge, c'est l'incitation évidemment à baisser sa consommation. Ça concerne les particuliers mais ça concerne aussi les établissements scolaires pour des consommations hors chauffage, et puis ça concerne aussi d'une manière générale toutes celles et ceux - les entreprises, les commerces - qui consomment de l'électricité. Le rouge, c'est la possibilité d'une coupure d'électricité, ce n'est pas une certitude.

NEÏLA LATROUS
C'est, faites des efforts, mais au niveau des établissements scolaires du coup, vous dites c'est les usages électriques. C'est quoi par exemple ? C'est un menu adapté à la cantine ? On mangera froid ce jour-là pour utiliser moins d'énergie pour préparer les repas ? Concrètement, comment vous faites plus au niveau des établissements scolaires ?

PAP NDIAYE
Les marges de manœuvre en matière de consommation d'électricité sont possibles par exemple du côté de lycées professionnels qui ont des plateaux techniques qui consomment beaucoup d'électricité. C'est parfois le cas, mais il est clair que les établissements scolaires ne sont pas des consommateurs gigantesques d'électricité si je puis dire. L'Ecowatt rouge, ça veut dire qu'il faut se préparer à la possibilité hypothétique d'une coupure d'électricité qui sera annoncée…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais justement, comment on se prépare à l'école ? C'est le sens de la question de Neila LATROUS. Comment on s'y prépare à l'école ? Est-ce que des choses sont prévues pour essayer de réduire la consommation des établissements ?

NEÏLA LATROUS
Est-ce que vous changez les agendas par exemple ? Les élèves commencent plus tard, finissent plus tôt pour gagner de l'éclairage ? Il n'y a rien de tel aujourd'hui dans les plans ?

PAP NDIAYE
Il s'agit plutôt de se préparer à la possibilité d'une coupure d'électricité, ce qui veut dire la possibilité évidemment que les parents, que les modes de garde des enfants, que l'organisation de la journée…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Que les parents s'organisent.

PAP NDIAYE
Voilà, et puis les personnels…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Il n'est pas prévu que l'école fasse des gestes supplémentaires pour pour essayer d'éviter justement la coupure.

PAP NDIAYE
Alors nous allons publier une série d'écogestes possibles dans les établissements, mais l'application Ecowatt elle est d'abord du côté des écoles, faite pour préparer à la possibilité d'une coupure qui n'est en rien une certitude bien entendu 3 jours avant, puisque cette possibilité de coupure sera annoncée si c'est le cas la veille à partir du 17h.

NEÏLA LATROUS
Vous nous dites les élèves vont recevoir des cours sur la sobriété énergétique ? Est-ce qu'aujourd'hui on dit aux élèves : demain en janvier, quand il y aura Ecowatt rouge, voilà ce qu'il faudra faire ? Il y a des cours prévus ?

PAP NDIAYE
Alors nous allons publier une série de gestes qui sont des gestes d'économie d'énergie. Nous préparons des affiches pour sensibiliser les élèves à ces questions et puis par ailleurs, nous avons aussi des programmes qui sont des programmes visant à sensibiliser les élèves aussi aux questions plus générales qui sont celles du changement climatique, de la biodiversité. Nous avons des éco-délégués, nous avons des établissements qui sont certifiés - c'est une certification E3D - qui sont engagés dans des démarches vertes. Bref, c'est un programme qui va au-delà de l'hiver.

NEÏLA LATROUS
Vous comptez sur les élèves pour aussi dire à leurs parents : il faut éteindre là, là il faut baisser le chauffage etc ?

PAP NDIAYE
Souvent les élèves sont très prescripteurs par rapport à leurs parents sur les attitudes à adopter. On l'avait vu il y a plusieurs dizaines d'années avec la ceinture de sécurité.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Alors que ce soit bien clair, en cas de délestage si les gestes n'ont pas suffi, le courant est coupé potentiellement dans l'école de votre quartier, ça veut dire que là il n'y a pas école le matin.

PAP NDIAYE
Ça signifie qu'il n'y a pas école le lendemain matin en effet puisqu'il y aura 2 créneaux de coupures d'électricité : 8 -10 ou 10-12. Ce sont évidemment des créneaux de cours, ce sont des créneaux scolaires.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et donc les enfants peuvent arriver à partir de midi, ils vont à la cantine donc a priori.

PAP NDIAYE
Alors c'est toute la question puisque la cantine n'aura pas pu préparer les repas dans les conditions normales le matin ou les réchauffer, et donc nous allons échanger avec les collectivités dans les jours à venir pour savoir comment on s'organise pour la cantine mais aussi pour les transports scolaires. C'est un autre problème que les transports scolaires en milieu de journée.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais pour l'instant encore une fois, il n'y a rien qui est prévu, ça n'a pas été tranché.

PAP NDIAYE
Alors les cantines, ça relève des collectivités, ça ne relève pas du ministère de l'Éducation nationale, et donc nous avons à échanger avec les collectivités. J'ai entendu les remarques et les craintes parfois des collectivités quant à la possibilité de préparer des repas dans de bonnes conditions.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Est-ce qu'une école, un collège ou un lycée pourra être délesté entre guillemets, donc subir une coupure de courant plusieurs fois ?

PAP NDIAYE
Alors le principe des coupures programmées, c'est un principe tournant de manière à ce qu'une zone ne soit pas affectée de façon répétée par rapport à d'autres zones qui ne le seraient pas. Mais moi je ne me suis pas non plus responsable, ou en tout cas je n'ai pas connaissance suffisante du système électrique pour pouvoir vous dire combien de fois, et puis ça dépend aussi évidemment de la consommation…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Il y a peu de chance quand même qu'on retourne à nouveau, que le quartier soit à nouveau concerné.

PAP NDIAYE
L'idée c'est que ça tourne, voilà. Mais ça dépend du froid, ça dépend de la consommation, ça dépend de plusieurs facteurs.

NEÏLA LATROUS
Quid des personnels dits prioritaires, les agents hospitaliers, les gendarmes, les policiers qui ne pourront pas mettre leurs enfants à l'école si celle-ci est fermée parce que pas d'électricité ?

PAP NDIAYE
Un certain nombre d'écoles qui sont situées à proximité de structures prioritaires, par exemple à proximité d'un hôpital, ces écoles-là ne verront pas leur courant coupé parce qu'elles le sont dans le même si circuit…

NEÏLA LATROUS
Si on est à côté d'une caserne, d'un hôpital…

PAP NDIAYE
Voilà. Et donc ces écoles pourront rester ouvertes et pourront accueillir les enfants de personnels prioritaires.

NEÏLA LATROUS
Et quand est-ce que les parents et les enseignants sont prévenus en cas de coupure ? C'est la veille ? Vous dites il y a 2 créneaux : 8-10 et 10-12. C'est la veille au soir, on reçoit une alerte ?

PAP NDIAYE
C'est cela. À partir de 17h la veille, dans la petite zone concernée, les parents d'élèves recevront une alerte et puis, bien entendu, les écoles…

NEÏLA LATROUS
C'est les écoles qui nous préviennent ?

PAP NDIAYE
Alors les écoles, les chefs d'établissement recevront l'alerte à 17h, et puis on aura aussi l'alerte sur son téléphone grâce à l'application Ecowatt.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc les chefs d'établissement vont prévenir les parents par mail ou par téléphone.

PAP NDIAYE
Voilà, ça peut se faire par téléphone. Ça peut se faire par mille et une manières possibles pour que les parents soient prévenus le plus rapidement possible. Je vous rappelle à cet égard que des écoles et des établissements scolaires qui ferment suite à une coupure d'électricité, ça arrive chaque année. Par exemple une tempête de neige qui fait que l'école ferme, il faut donc s'organiser parfois de manière très rapide le matin face à un aléa climatique.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Toujours avec Pap NDIAYE, ministre de l'Éducation nationale. Est-ce que, avec l'épidémie de Covid qui est repartie, il faudra remettre le masque dans les écoles ?

PAP NDIAYE
Pour l'instant, c'est une recommandation dans les espaces clos, ça n'est pas une obligation et puis nous avons publié en juillet un protocole qui indique que si nous devions passer d'un niveau à l'autre - pour l'instant on est au niveau socle - on peut passer vers un niveau supérieur, les familles, les établissements seraient prévenus 10 jours à l'avance.

NEÏLA LATROUS
Mais vous souhaitez que les professeurs portent le masque, vous les appelez à porter le masque, les enseignants, les professeurs notamment ceux qui évoluent auprès de la petite enfance ?

PAP NDIAYE
Nous suivons les recommandations des autorités de santé.

NEÏLA LATROUS
Il n'y pas d'appel particulier ?

PAP NDIAYE
Il n'y a pas de situation particulière dans les écoles par rapport au reste de la société.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Là, c'est le protocole de niveau 1, pas de masque tant qu'il n'est pas obligatoire pour les populations en général, c'est ce que vous dites et pas de limitation du brassage des élèves par exemple à la cantine, est-ce que vous envisagez de changer le niveau du protocole à un moment ?

PAP NDIAYE
Si nous changeons le niveau de protocole, nous préviendrons tout le monde 10 jours à l'avance. Et par ailleurs nous le ferons en suivant l'avis, les recommandations des autorités de santé. Je suis en liaison évidemment avec mon collègue ministre de la Santé, François BRAUN

LORRAIN SÉNÉCHAL
Là, il y a les vacances de Noël qui se préparent, pour la rentrée du 3 janvier on le saura dans la première semaine de vacances au plus tard ?

PAP NDIAYE
Voilà en attendant on peut aussi inciter évidemment à des gestes barrières, on peut aussi inciter celles et ceux qui sont concernés à se faire vacciner, c'est important.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Quoiqu'il arrive, vous prendrez cette décision depuis vos vacances à Ibiza ou est-ce que vous ne ferez pas comme votre prédécesseur qui l'an dernier avait fait polémique en prévenant par mail ou par interviews interposées ? Comment est-ce que vous, vous avez prévu de communiquer sur ce point?

PAP NDIAYE
Nous le faisons vraiment en lien étroit avec les autorités de santé parce qu'il n'y a pas de situation spécifique d'un point de vue sanitaire à l'école ; l'école s'inscrit dans un cadre général et donc…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et vous préviendrez les équipes éducatives d'abord ?

PAP NDIAYE
Nous préviendrons 10 jours à l'avance par le moyen normal qui est celui évidemment de l'école et puis de publication générale sur le site Internet du ministère de l'Éducation nationale.

NEÏLA LATROUS
Pap NDIAYE, l'un de effets, l'une des séquelles du Covid au niveau en tout cas de l'école c'est que, eh bien, il ressort que les élèves sont de moins en moins bons et notamment en français, on n'a pas totalement récupéré le retard pris pendant les confinements sur l'orthographe, sur les mathématiques ?

PAP NDIAYE
Le confinement a eu un effet, c'est certain, et par ailleurs, on a une baisse structurelle des élèves, par exemple du côté de la dictée indépendamment du confinement et donc il nous faut à la fois nous concentrer sur le 1er cycle…

NEÏLA LATROUS
Le premier cycle c'est le primaire.

PAP NDIAYE
Et puis ensuite le 2nd cycle et le 3e cycle donc le 3e cycle, c'est le CM1 CM2 et donc là on a des efforts particuliers à faire parce que les résultats en français à l'entrée en 6e ne sont pas satisfaisants. Donc il nous faut nous concentrer sur le CE2, CM1, CM2.

NEÏLA LATROUS
C'est là que se trouve aujourd'hui, c'est là qu'on perd en compétences ?

PAP NDIAYE
Là, on perd, on recule et donc on va proposer, on va faire des annonces à partir de début 2023 pour rectifier les choses.

NEÏLA LATROUS
En termes de pédagogie ?

PAP NDIAYE
En termes de pédagogie

NEÏLA LATROUS
C'est la façon d'apprendre qui va changer ?

PAP NDIAYE
Il y a un effort et un travail sur la pédagogie à faire, nous formons les professeurs des écoles d'ailleurs de façon assez intense en français et en mathématiques depuis quelques années et nous avons à préciser un certain nombre de points notamment pour ce cycle.

NEÏLA LATROUS
On apprend chez nos confrères de l'Obs que Brigitte MACRON, la Première dame, est en guerre contre la méthode d'apprentissage dite pédagogique ou mixte, méthode qui est aussi critiquée par le comité scientifique de l'Éducation nationale, c'est quoi précisément déjà cette méthode et pourquoi est-ce que la première dame pousser à l'abandonner ?

LORRAIN SÉNÉCHAL
Qui est une ancienne enseignante, je le précise.

PAP NDIAYE
Tout à fait, qui est une ancienne enseignante de lettres et donc elle a du métier !

NEÏLA LATROUS
Elle vous donne des conseils ?

PAP NDIAYE
Elle a du métier si je puis dire et j'échange régulièrement avec elle sur de nombreux sujets. Là vous faites référence à ce débat entre méthode syllabique, la méthode, je dirais, ancienne classique, dont on peut mesurer d'ailleurs l'intérêt et les vertus et puis méthode globale qui est une méthode plus récente et qui a été vivement contestée.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Méthode classique c'est "b et a", ça fait "ba".

PAP NDIAYE
Voilà, c'est la méthode syllabique.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais ce n'est plus comme ça qu'on apprend à lire aujourd'hui ?

PAP NDIAYE
Si, si, ça se fait de façon tout à fait normale…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça devrait être uniquement comme ça qu'on apprend.

PAP NDIAYE
On a certainement un travail à la fois de mesure parce qu'on n'a pas de données très précises sur ces méthodes et sur la manière dont elles sont employées et puis aussi de formation des enseignants en particulier de formation continue.

NEÏLA LATROUS
Et c'est ces méthodes que vous voulez revoir éventuellement à la rentrée prochaine ?

PAP NDIAYE
Alors, on va préciser les choses mais on va préciser les choses aussi pour l'échelon un peu plus avancé du côté des CM1 et des CM2 pour ce qui concerne la lecture mais pour ce qui concerne les choses classiques, la grammaire, la conjugaison, il faut apprendre par cœur, vous voyez, il y a des règles et les règles, elles s'apprennent et ça, on ne peut pas contourner cette démarche.

NEÏLA LATROUS
Pap NDIAYE, on voit aussi que dans les études qui ressortent du ministère de l'Éducation nationale, la bonne surprise vient de l'écart qui se résorbe entre les élèves de zones défavorisées et ceux qui ne figurent pas dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés. Est-ce que ça veut dire que la clé en fait c'est le dédoublement des classes ?

PAP NDIAYE
Alors le dédoublement c'est important en effet, dédoublement des CP, CE1…

NEÏLA LATROUS
Pourquoi on ne le fait pas partout si ça fonctionne ?

PAP NDIAYE
Allos, ça fonctionne et en même temps pour que ça marche bien, il faut aussi changer les méthodes pédagogiques, l'écart se réduit mais pas non plus de manière spectaculaire. Quant à dédoubler au-delà du CE1 et puis des réseaux prioritaires, il ne vous a pas échappé qu'on a des difficultés de recrutement d'enseignants et donc là, on se heurte aussi à des questions qui sont des questions, je dirais, de personnes pour pouvoir pour effectuer ce genre de choses.

LORRAIN SÉNÉCHAL
On va venir d'ailleurs sur les difficultés de recrutement mais juste Pap NDIAYE de la carte des REP, des REP+, elle n'a pas été revue depuis 2015, elle devait là tous les 4 ans, est-ce que vous allez la revoir, cette carte ? Ça veut dire que depuis 2015, il y a forcément des établissements qui ont plongé en termes de résultats mais ne sont pas considérés comme REP +, donc n'ont pas de moyens supplémentaires.

PAP NDIAYE
Tout à fait. D'ailleurs, la carte de 2015, elle s'appuyait elle-même sur des données de 2011. Donc en réalité, on a 10 ans d'évolution des quartiers de la France.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et c'est un problème.

PAP NDIAYE
Et c'est un problème ; c'est pour cela que nous allons réviser la carte de l'enseignement prioritaire.

LORRAIN SÉNÉCHAL
À quelle échéance ?

PAP NDIAYE
En 2023, ça demande un travail très fin mais il est clair que beaucoup d'établissements devraient entrer en éducation prioritaire et puis il y en a d'autres aussi qui devraient sortir de l'éducation prioritaire.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc à la rentrée 2023, potentiellement pour ceux qui nous écoutent, vous n'aurez plus de dédoublement des classes si votre école sort de du système REP + ou à l'inverse, vous aurez peut-être un dédoublement des classes si…

PAP NDIAYE
Ça prend beaucoup de temps, ce travail, c'est un travail très, très fin à faire et il ne sera pas prêt pour la rentrée 2023 et puis ça demande évidemment de voir comment des établissements qui sortiraient d'éducation prioritaire quelle est la période de transition, comment on fera. Bref, il y a tout un travail à mener qui va prendre du temps.

NEÏLA LATROUS
Les inscriptions aux concours enseignants, vous le disiez donc son clôturées il y a une semaine, combien d'inscrits ? Vous avez dit, c'est mieux.

PAP NDIAYE
185 000. C'est plus 9 % dans le premier degré, plus de 4 % dans le second degré donc il y a un mieux par rapport à l'année dernière, c'est sûr …

LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais qui était une année très difficile…

PAP NDIAYE
...qui était une année très difficile, donc il y a un petit mieux mais ça ne suffit pas à renverser la tendance, ça ne suffit pas, 185 000 candidats inscrits.

NEÏLA LATROUS
Et il y a des inscrits dans toutes les matières où vous identifiez déjà des matières où il y aura des manques l'année prochaine, où il y aura des difficultés à pourvoir... ?

PAP NDIAYE
Il reste à regarder d'un peu plus près et puis ensuite, il y a les épreuves et il faut regarder qui se présente et qui est admis.

NEÏLA LATROUS
L'an dernier, 40 % des inscrits ne se sont pas présentés au concours !

PAP NDIAYE
Voilà c'est classique dans les concours de la fonction publique, il y a des personnes qui s'inscrivent et puis qui ne se présentent pas, donc il faudra faire le point régulièrement à partir du printemps. Sachez que d'ores et déjà on se prépare pour la rentrée à venir, ça va demander du travail mais les conditions générales de la rentrée à venir ne seront pas fondamentalement différentes de la rentrée précédente.

LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est-à-dire que ça ne sera pas optimal ?

PAP NDIAYE
Ce ne sera pas optimal, il va falloir du temps pour pouvoir revaloriser la profession d'enseignant et attirer à nouveau un nombre suffisant de candidates et de candidats. Nous allons augmenter évidemment les rémunérations des enseignants de manière significative l'année prochaine, mais il y a d'autres choses…

LORRAIN SÉNÉCHAL
2 000 euros net pour tous les enseignants en début de carrière dès la rentrée prochaine.

PAP NDIAYE
Voilà et puis des augmentations pour les enseignants sur les 20 premières années de carrière, ça peut dépasser d'ailleurs les 10 % mais ça n'est pas le seul facteur dans la désaffection du métier.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Juste il y avait 4 500 contractuels à la rentrée supplémentaires, il y en a combien aujourd'hui qui sont restés ? Ils sont tous là encore ?

PAP NDIAYE
Alors, un certain nombre de contractuels partent mais il y a aussi une masse de contractuels qui est là depuis de nombreuses années, il y a beaucoup d'enseignants contractuels qui ont une grande expérience.

LORRAIN SÉNÉCHAL
40 000 en tout.

PAP NDIAYE
40 000 en tout. Donc l'immense majorité des contractuels sont des contractuels expérimentés qui travaillent et enseignent depuis longtemps.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et ils ont tous été payés parce que certains se plaignent de ne pas avoir été payés depuis la rentrée ?

PAP NDIAYE
J'ai vu cela, on est en train de regarder cela, il est évidemment anormal que des enseignants soient payés, titulaires ou contractuels, soient payés avec plusieurs mois de retard, ça n'est pas acceptable.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Toujours avec Pap NDIAYE, ministre de l'Éducation nationale. On parlait rémunération des enseignants, il y a aussi l'idée que vous mettiez en place une prime pour les professeurs qui innovent dès la rentrée prochaine. D'abord qu'est-ce que ça veut dire un professeur qui innove ? Qui pourra obtenir cette prime ?

PAP NDIAYE
Ce sera à la rentrée prochaine en effet, en fonction de ce que nous appelons un pacte qui regroupe des missions nouvelles que nous négocions actuellement avec les organisations syndicales. Et donc tout enseignant qui accepte le pacte aura, bénéficiera d'une prime qui s'ajoutera à la hausse de rémunération prévue pour tout le monde.

LORRAIN SÉNÉCHAL
250 euros à 1 500 euros par année scolaire ?

PAP NDIAYE
D'une prime de 10 %.

LORRAIN SÉNÉCHAL
D'accord.

PAP NDIAYE
Une prime de 10 % supplémentaires, et donc ça pourra représenter jusqu'à 20 % d'augmentation pour les enseignants qui accepteront d'entrer dans ces nouvelles missions.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et quelles nouvelles missions ? Le suivi individuel des élèves par exemple ?

PAP NDIAYE
Orientation, suivi individuel des élèves. Il y a aussi la question des remplacements de courte durée. Bref, un ensemble de choses qui visent finalement à répondre à des besoins qui sont ceux des élèves. Des besoins pédagogiques qui sont bien identifiés.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Juste qu'on comprenne bien, prime de 10 % par mois et qui va jusqu'à 20 % du salaire annuel ?

PAP NDIAYE
Tout à fait, tout à fait.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Très bien.

NEÏLA LATROUS
La modulation des salaires, un sénateur propose par exemple qu'elle soit aussi en fonction de si on accepte ou pas d'aller dans un territoire plus ou moins attractif, on ne parle pas de désert scolaire mais on pourrait. Est-ce qu'il est question aussi de ça ou c'est complètement exclu de votre réflexion ?

PAP NDIAYE
Alors c'est déjà le cas puisque, en enseignement prioritaire, en REP et en REP+, les enseignants bénéficient d'une prime. En REP+, cette prime peut dépasser 5 000 euros annuels.

NEÏLA LATROUS
Il n'y a pas que les REP+.

PAP NDIAYE
Il y a les REP et les REP+, donc ça c'est le cœur de l'enseignement prioritaire, et puis il y a effectivement d'autres systèmes comme les territoires éducatifs ruraux. Nous sommes en train de réviser cette carte mais le principe que l'on soit mieux payé en éducation prioritaire, ça c'est un principe acquis auquel je tiens.

NEÏLA LATROUS
Pap NDIAYE, c'est aujourd'hui la journée de la laïcité. 313 atteintes à la laïcité dans le secondaire en septembre, plus du double le mois suivant. Quels sont les chiffres pour le mois de novembre ? Quels sont les tout derniers chiffres ?

PAP NDIAYE
Pour le mois de novembre le chiffre est de 353 atteintes à la laïcité, 353 signalements, c'est donc une baisse par rapport…

NEÏLA LATROUS
Beaucoup moins que le mois dernier.

PAP NDIAYE
C'est une baisse par rapport au mois d'octobre…

LORRAIN SÉNÉCHAL
On revient au niveau du mois de septembre en fait, à peu près.

PAP NDIAYE
Voilà, en fait ça nous incite évidemment à continuer, à la fois à continuer en veillant à bien appliquer la loi de 2004, avec fermeté et avec discernement, en accompagnant les équipes pédagogiques, en formant aussi les enseignants et les chefs d'établissement.

NEÏLA LATROUS
Ça reste le même type d'atteinte à la laïcité, c'est-à-dire essentiellement de la provocation vestimentaire, des vêtements islamiques notamment ?

PAP NDIAYE
Oui, pour 40 % ce sont des vêtements, des tenues, ou bien des signes religieux, ou à intention religieuse, donc ça c'est le gros, si je puis dire, des signalements…

NEÏLA LATROUS
Pour vous c'est du prosélytisme ou il y a parfois une part de provocation adolescente, ou c'est toujours du prosélytisme ?

PAP NDIAYE
C'est pour ça qu'on parle de fermeté, mais aussi de discernement, on n'échange avec les élèves, on échange avec les familles, en leur demandant évidemment de retirer le signe ou le vêtement en question, et dans l'immense majorité des cas on résout les problèmes, aller jusqu'à la sanction ça se fait rarement, mais il faut pouvoir, bien entendu, aller jusqu'à la sanction, parce que la loi elle doit être appliquée.

NEÏLA LATROUS
Et vous avez vu qu'a ressurgi, à la faveur de ce débat, la question de l'uniforme à l'école, une proposition de loi est portée d'ailleurs par le Rassemblement national, qui sera examinée en janvier à l'Assemblée, mais même des députés de votre camp appellent à réfléchir sur la question de la tenue uniforme à l'école, est-ce qu'il faut réfléchir à une tenue uniforme à l'école ?

PAP NDIAYE
Il est possible de réfléchir sur tous les sujets, bien entendu, et c'est une prérogative…

NEÏLA LATROUS
Vous ne dites pas non à la réflexion, mais…

PAP NDIAYE
C'est une prérogative des députés. Par ailleurs je rappelle que rien n'empêche aujourd'hui tel établissement d'imposer une tenue scolaire, il faut pour cela que cela soit dans le règlement intérieur…

NEÏLA LATROUS
Et s'il le fait, il ne se fait pas taper sur les doigts par le ministre de l'Éducation ?

LORRAIN SÉNÉCHAL
Y compris dans le public.

PAP NDIAYE
Y compris dans le public, ça se fait en Outre-mer par exemple, de façon complètement généralisée, néanmoins je suis opposé à une loi qui viendrait plaquer et imposer des tenues scolaires pour l'ensemble des élèves, cela me paraît…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Et est-ce que vous dites aux chefs d'établissement, où il y a des soucis justement d'application de la laïcité, pourquoi pas vous saisir de cet instrument et imposer un uniforme, disons laïc ?

PAP NDIAYE
Les questions de laïcité, un, ne relèvent pas seulement de tenues religieuses…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Vous venez de dire c'est 40 % des atteintes à la laïcité, c'est considérable…

PAP NDIAYE
C'est 40 %, mais…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Il y a certains établissements où c'est plus nombreux qu'ailleurs.

PAP NDIAYE
Les tenues n'empêchent pas les accessoires, les tenues n'empêchent pas, de contourner en quelque sorte, la loi de 2004…

LORRAIN SÉNÉCHAL
Rien ne remplace le dialogue, c'est ce que vous dites.

PAP NDIAYE
Je pense qu'il serait bien naïf de penser qu'un uniforme viendrait régler les questions de laïcité.

LORRAIN SÉNÉCHAL
Pap NDIAYE, merci beaucoup.

PAP NDIAYE
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 décembre 2022