Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à Sud Radio le 22 décembre 2022, sur la grève à la SNCF pendant le week-end de Noël, la réforme des retraites, les conséquences économiques de la guerre en Ukraine, les relations économiques avec les États-Unis et un mécanisme de contrôle des investissements étrangers.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;
  • Patrick Roger - Journaliste

Média : Sud Radio

Texte intégral

PATRICK ROGER
Invité exceptionnel, le ministre de l'Économie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno LE MAIRE, bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour.

PATRICK ROGER
La grève de noël à la SNCF, la réforme des retraites, l'inflation entre hausse des prix et interrogations sur les salaires, l'énergie, la souveraineté, la guerre commerciale, les aides à l'Ukraine, autant de questions que nous allons essayer d'aborder avec vous, invité donc exceptionnel, jusqu'à 9h, vous êtes là avec nous, avec des questions d'auditeurs tout à l'heure en direct, vous pouvez d'ailleurs d'ores et déjà vous signaler en appelant maintenant au 0826 300 300 pour dialoguer avec vous, Bruno LE MAIRE. Alors, un passager sur quatre ne pourra pas voyager ce week-end à la SNCF, avec cette grève d'un collectif de contrôleurs, à qui la responsabilité de ce mouvement qui va priver beaucoup de familles de retrouvailles ?

BRUNO LE MAIRE
Aux grévistes.

PATRICK ROGER
Aux grévistes seulement ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, aux grévistes seulement, et c'est un mouvement qui me met en colère, en colère pour les clients qui sont privés de vacances de Noël, pour ces familles, ces grands-mères qui ne vont pas retrouver leur petit-fils ou leur petite-fille, ces amis qui ne vont pas pouvoir se retrouver dans cette période si particulière de Noël, ça me met en colère pour eux. Ça me met en colère pour le contribuable, qui, je le rappelle, a toujours répondu présent quand il fallait renflouer la SNCF, je rappelle que nous avons épongé la dette de la SNCF, avec l'argent du contribuable, à hauteur de 35 milliards d'euros. Et ça me met en colère pour la SNCF, qui est une magnifique entreprise publique, avec des cheminots qui ont fait la fierté de notre histoire, et qui aujourd'hui, à nouveau, se voient pointés du doigt parce que quelques grévistes ont décidé de bloquer un certain nombre de trains dans cette période de Noël. Et je rappelle, puisqu'on parle de contrôleurs, que nous parlons de personnes qui ont bénéficié d'une augmentation de 6 % de leur salaire en 2021, de 6 % à nouveau en 2022, avec une nouvelle augmentation de 1,5 %, donc oui ça me met en colère, et je souhaite que le président de la SNCF, Jean-Pierre FARANDOU, avec les syndicats, avec les syndicats, qui sont les représentants légitimes…

PATRICK ROGER
Mais les syndicats semblent dépassés.

BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr.

PATRICK ROGER
Ils semblent dépassés par cette grève.

BRUNO LE MAIRE
C'est bien tout le problème, c'est qu'une nation ne peut fonctionner qu'avec un président d'entreprise publique qui est respecté, qui a évidemment le soutien de l'État, avec des syndicats qui représentent les salariés, et qui discutent, dans un dialogue qui est nécessaire, de ce qui doit être accordé, aux salariés, en reconnaissance de leur travail, c'est comme ça qu'on peut avancer et progresser.

PATRICK ROGER
Est-ce qu'il n'y a pas eu une responsabilité aussi de la direction de la SNCF, qui n'a peut-être pas suffisamment anticipé, ou alors est-ce qu'elle a bien fait, Jean-Pierre FARANDOU en l'occurrence ?

BRUNO LE MAIRE
Ce que nous attendons de la direction de la SNCF aujourd'hui c'est qu'elle trouve une solution dans les prochaines heures, je dis bien dans les prochaines heures, c'est ça la responsabilité de la direction de la SNCF, elle a le soutien de l'État, elle doit trouver les voies et moyens de sortir de ce conflit, je compte sur les syndicats, parce que je sais que les syndicats sont responsables, qu'ils représentent les cheminots, qu'ils représentent les salariés de la SNCF, je compte sur eux pour, dans les heures qui viennent, trouver une solution et sortir de cette situation qui exaspère légitimement un certain nombre de nos compatriotes. C'est triste d'être privé de ses vacances de Noël, c'est triste d'être privé de retrouvailles familiales, et une fois encore je me mets aussi, comme ministre des Finances, à la place du contribuable qu'on est venu chercher, on a dit "voilà, la SNCF est en difficulté financière, il faut aider la SNCF", le contribuable a aidé la SNCF, je crois que chaque citoyen français est en droit d'avoir une entreprise publique de transport qui fonctionne bien, surtout pendant les périodes de Noël.

PATRICK ROGER
Mais alors, Bruno LE MAIRE, si vous dites qu'il faut une solution dans les heures qui viennent, est-ce que ça veut dire qu'il faut céder aux revendications des grévistes ?

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas à moi de mener la négociation, vous voyez bien, c'est toute la difficulté…

PATRICK ROGER
Non, mais vous dites il faut trouver une solution.

BRUNO LE MAIRE
Nous devons être dans un pays où les règles sont respectées, les règles c'est qu'il y a un président de l'entreprise publique, qui doit discuter avec les représentants des salariés, légitimes, responsables, qui s'appellent des syndicats, et si le ministre de l'Économie et des Finances commence à mettre son grain de sel pour dire "voilà comment il faut négocier", "voilà quel accord il faut trouver", ça ne peut pas marcher, que chacun exerce ses responsabilités, le pays fonctionnera mieux.

PATRICK ROGER
Est-ce qu'il faudrait, comme en Italie et dans certains pays, sanctuariser des périodes de fêtes, où là il n'y aurait pas de grèves ?

BRUNO LE MAIRE
Écoutez, ça nous verrons bien, mais je ne recommande pas, quand on est en période de crise, où il faut trouver une solution dans les heures qui viennent, de commencer à mettre sur la table toutes sortes de nouvelles propositions, je ne pense pas que c'est de bonne méthode, la bonne méthode c'est de trouver…

PATRICK ROGER
Mais encore une fois on n'a pas anticipé, Bruno LE MAIRE, parce que ça fait quand même des années qu'il y a ces grèves, l'année dernière il y en avait également, de la même manière.

BRUNO LE MAIRE
Ce qui est nouveau, vous le savez parfaitement, c'est que le mouvement a pris forme sur Facebook, il est spontané, que les voies d'organisation ne sont pas les voies d'organisation classique, c'est pour ça que j'appelle à ce que nous revenions à des voies de dialogue et de discussion, qui sont celles d'une grande démocratie, le patron de l'entreprise publique, les représentants des salariés, les syndicats, pour trouver une voie de sortie, et après s'il y a des propositions plus structurées pour la suite, pourquoi pas, mais je pense que quand il y a une crise on gère d'abord la crise, et toutes les propositions, plus structurelles, on les traite ensuite.

PATRICK ROGER
Donc pour Noël c'est quasiment foutu là, pardon, mais c'est demain, ce week-end, c'est difficile…

BRUNO LE MAIRE
Il y a le week-end du 25.

PATRICK ROGER
Et il y a 31.

BRUNO LE MAIRE
Et puis il y la semaine prochaine, le 31, le 1er janvier, le retour des Françaises et des Français de leur lieu de vacances sur leur lieu de travail, tout ça c'est beaucoup de mouvements de personnes, ça doit se faire dans les meilleures conditions possibles, c'est pour ça, une fois encore, que j'appelle à un accord dans les heures qui viennent.

PATRICK ROGER
Bruno LE MAIRE, est-ce qu'on a perdu le sens du dialogue social en France ? À chaque vacances, depuis la rentrée, les Français sont pris en tenaille, il y a quelques mois c'était les vacances de la Toussaint avec la grève dans les raffineries, on n'arrive plus à…

BRUNO LE MAIRE
Ce qu'on voit émerger c'est une des difficultés qui est propre à la France, mais je crois que notre responsabilité, dans toutes les fonctions que l'on peut exercer, que l'on soit représentant politique, que l'on soit représentant syndical, qu'on soit élu local ou élu national, c'est justement sans cesse de retrouver les voies de ce dialogue, regardez c'est ce qu'on essaye de faire également à l'Assemblée nationale quand on étudie des textes, c'est ce que je fais comme ministre quand je négocie avec un certain nombre d'entreprises, il n'y a que dans le dialogue et dans la discussion qu'on peut trouver des bonnes solutions, mais aller systématiquement vers le conflit ça ne crée que de la colère et de la déception, c'est exactement la situation où nous en sommes aujourd'hui à la SNCF.

PATRICK ROGER
Est-ce que vous pensez qu'il y a une instrumentalisation, une manipulation, d'une manière ou d'une autre, parce qu'il y a une volonté de radicalité dans notre société française aujourd'hui ?

BRUNO LE MAIRE
Mais moi je ne suis pas là pour commenter ce qui se passe, je suis là pour essayer de trouver des solutions et une méthode, quand j'appelle le président, Jean-Pierre FARANDOU, et les syndicats, à renouer le dialogue…

PATRICK ROGER
Vous l'avez eu au téléphone Jean-Pierre FARANDOU ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, j'ai eu Jean-Pierre FARANDOU hier au téléphone, il connaît ma position, il connaît mon sentiment de colère, qui je crois est partagé par nombre de nos compatriotes, il sait que le ministre des Finances a toujours répondu présent, à la demande du président de la République, pour soutenir la SNCF, je dis à un moment donné assez, assez avec ces grèves à répétition, alors même qu'il y a eu des augmentations de salaires, assez avec les blocages, alors même qu'il y a eu des ouvertures qui ont été faites vis-à-vis des grévistes, et assez avec ces difficultés pour nos compatriotes qui sont déjà en pleine crise inflationniste, qui ont déjà suffisamment de difficultés, qui vivent leur premier Noël sans Covid et qui ont droit à du repos et à de la sérénité.

PATRICK ROGER
Oui, il y a encore du Covid pour certains puisqu'il faudrait porter le masque justement dans les transports, mais ça c'est un autre problème.

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais il n'y a pas les conditions qu'il y a eu au cours des précédentes années, il y a une fatigue, un besoin de repos, et j'entends ce besoin de repos d'un certain nombre de nos compatriotes, ils ont droit à avoir de la sérénité dans leurs déplacements, en particulier quand ils emploient le train.

PATRICK ROGER
Bruno LE MAIRE, est-ce que c'est le prélude à ce qui attend les Français en janvier avec la réforme des retraites, vous redoutez des semaines de tension ?

BRUNO LE MAIRE
Attendons d'abord la présentation du projet, le 10 janvier, et là aussi revenons à l'esprit d'ouverture et de dialogue. Pourquoi est-ce que nous faisons cette réforme des retraites, je pense qu'il faut sans cesse l'expliquer, il y a au moins deux raisons fondamentales. La première c'est que lorsqu'un régime de retraite est déficitaire, 12 milliards d'euros en 2027, il faut rétablir les équilibres, ça permet de sauver le régime de retraite par répartition, et je dis à tous les jeunes qui nous écoutent, qui ont 20, 22, 25 ans, qui vont rentrer dans la vie active, qui sont rentrés dans la vie active, c'est leur intérêt que les responsables politiques, même si ce n'est pas une décision facile, prennent les mesures nécessaires pour que la retraite par répartition, la solidarité, soit maintenue en France, c'est ça le premier enjeu, c'est trop facile de se mettre la tête sous le sable et dire "ah bah écoutez tant pis, c'est nos successeurs qui traiteront la difficulté." Nous, avec le président de la République, avec la Première ministre Élisabeth BORNE, nous prenons nos responsabilités pour sauver le régime de retraite par répartition. Et puis il y a une deuxième raison, qui est très importante, moi j'entends beaucoup de nos compatriotes qui disent "les salaires sont trop bas, il n'y a pas assez de pouvoir d'achat", je comprends ça parfaitement…

PATRICK ROGER
Oui, on va y venir dans un instant à cette inflation.

BRUNO LE MAIRE
Mais la meilleure façon de répondre à tout cela c'est qu'il y a un volume global de travail qui soit plus important dans notre pays, c'est qu'on soit incité à travailler plus longtemps, pour qu'on crée plus de richesses, plus d'emplois, des meilleurs salaires, une meilleure vie pour tout le monde. Lorsque vous décalez l'âge légal de départ à la retraite, vous incitez à travailler plus longtemps, et on est tout à fait prêt, avec Élisabeth BORNE, et avec Olivier DUSSOPT, à regarder comment est-ce qu'on peut encore mieux concilier emploi et retraite, comment est-ce qu'on peut favoriser le travail tout en étant déjà passé à la retraite, tout ça on peut le regarder de manière extraordinairement constructive, ça créera de la prospérité, des emplois, et donc une vie meilleure pour nos compatriotes.

PATRICK ROGER
Alors, pour l'instant l'objectif c'est visiblement 65 ans, Éric CIOTTI a eu rendez-vous hier avec Élisabeth BORNE, il dit "on pourra soutenir cette réforme, mais pas à n'importe quel prix. Schématiquement, peut-être qu'il faut y aller par étapes." Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?

BRUNO LE MAIRE
Ce que…

PATRICK ROGER
64 ans, peut-être 63 ans.

BRUNO LE MAIRE
Ce que je vois c'est qu'il y a désormais la possibilité d'un accord de principe entre les républicains et notre majorité sur la réforme des retraites. On voit se dégager, petit à petit, depuis l'élection d'Éric CIOTTI, la possibilité d'un accord de principe sur la réforme des retraites, c'est une bonne nouvelle, ça veut dire qu'on peut construire une majorité, qu'il est possible d'avoir une majorité au Parlement…

PATRICK ROGER
Pas à n'importe quel prix.

BRUNO LE MAIRE
Sur le principe d'une réforme des retraites. Ensuite il y a les modalités, mais c'est ce que je vous disais précédemment, c'est la démocratie, c'est le dialogue, on peut discuter des modalités, nous allons discuter des modalités…

PATRICK ROGER
Y compris de cet âge de départ à la retraite, de 65 ans ?

BRUNO LE MAIRE
Ce sera le débat parlementaire, moi je ne suis pas parlementaire…

PATRICK ROGER
Ah bah non, mais attendez…

BRUNO LE MAIRE
Anticiper sur ce sera le débat parlementaire…

PATRICK ROGER
…débat parlementaire, on parle du 49.3 pour passer en force.

BRUNO LE MAIRE
Mais vous savez, étape par étape, pas après pas, je considère qu'il y a un premier pas qui a été franchi, il y a la possibilité d'un accord de principe entre les Républicains et la majorité sur le principe de la réforme des retraites, sur l'idée que, oui, il faut une réforme des retraites, et tant mieux parce que ça veut dire que les Républicains retrouvent leur boussole, ils ont toujours défendu l'idée d'une réforme des retraites, leur candidate à l'élection présidentielle l'a portée, il paraît cohérent et logique, qu'au moment où cette réforme des retraites arrive, ils en soutiennent le principe. Après sur les modalités, si on peut améliorer le projet qui sera présenté le 10 janvier nous regarderons comment l'améliorer, attendons d'abord la présentation du projet par la première ministre, mais montrons un esprit d'ouverture et de dialogue.

PATRICK ROGER
Venons-en aussi à l'inflation, la crise de l'énergie et la guerre en Ukraine. Il y a quelques mois vous aviez déclaré que l'embargo et les sanctions allaient mettre la Russie à genoux, c'est plutôt l'Europe et la France qui mordent la poussière en ce moment, et les Américains qui s'en tirent bien. Est-ce qu'on a sous-estimé les conséquences ?

BRUNO LE MAIRE
Non, d'abord je ne suis pas d'accord avec votre constat, je pense que l'économie russe souffre, et je pense que la Russie…

PATRICK ROGER
Elle souffre, mais l'économie française, européenne, ça souffre également.

BRUNO LE MAIRE
Mais je pense que la Russie sortira fragilisée de ce conflit, fragilisée politiquement, fragilisée économiquement, et que le seul responsable de cette fragilisation de la Russie, c'est celui qui avait voulu en restaurer la grandeur, c'est Vladimir POUTINE, quand on agresse un pays souverain, on en paye le prix, économique et politique, et la Russie est en train d'en payer le prix économique et politique, et je pense que ça s'inscrira dans la durée. Ensuite qu'il y ait des conséquences sur l'Europe, bien entendu, moi j'entends tous ceux qui vous disent "il fallait ne pas résister à la Russie", c'est tous les capitulards qui à chaque fois vous disent "on pourrait perdre ceci, on pourrait perdre cela, donc on ne s'oppose pas à l'agression d'un pays souverain, on ne défend pas le principe de liberté", mais le principe de liberté et de souveraineté des peuples il est au cœur de nos valeurs les plus fondamentales, nous les défendons. Il y a un prix à payer c'est vrai, c'est vrai que nous payons le prix, c'est vrai que l'Union européenne en paye le prix, mais l'Union européenne…

PATRICK ROGER
Moins que les Américains qui soutiennent…l'Ukraine.

BRUNO LE MAIRE
Mais l'Union européenne a des ressources financières, économiques, technologiques et politiques, suffisamment puissantes pour sortir de ce conflit et de ces difficultés avec beaucoup de force et beaucoup de capacité de résistance.

PATRICK ROGER
Puisqu'on évoque les États-Unis, on reviendra sur l'inflation dans un instant, comment répondre à la politique protectionniste agressive justement, des États-Unis et de Joe BIDEN, nous-mêmes ici en Europe, alors qu'on pénalise bien souvent les entreprises et les groupes au nom d'une certaine concurrence, Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
D'abord en prenant conscience que nous changeons d'ère, nous entrons dans une nouvelle ère, une nouvelle mondialisation, la mondialisation libérale, toutes portes ouvertes, toutes frontières ouvertes, où seul dominait le principe de libre échange, cette mondialisation est terminée, et le dernier acte qu'a signé la fin de cette mondialisation c'est la signature de "l'Inflation Reduction Act" par Joe BIDEN, cela signe la fin d'une ère libérale de mondialisation. Nous entrons dans une nouvelle ère de mondialisation, où chaque continent va défendre, avec plus de fermeté, ses propres intérêts, va apporter des subventions, va protéger ses marchés publics, va protéger ses propres industries. Ma réponse est très simple : l'Europe doit faire la même chose. La Chine l'a fait, les États-Unis le font, la troisième grande puissance économique de la planète, l'Union européenne, doit le faire. Elle a commencé à le faire d'ailleurs, ne jetons pas trop de critiques sur l'Union européenne, regardez ce que, sous l'impulsion du président de la République, elle a fait depuis plusieurs années, nous avons mis en place une nouvelle politique industrielle, nous avons mis en place une taxe carbone aux frontières, nous avons développé des aides d'État, ce qu'on appelle les fameux PIEC, pour développer la filière des batteries électriques, ou d'autres filières industrielles, simplement il faut aller plus loin dans cette nouvelle politique industrielle, c'est ce à quoi nous avons appelés les autres Européens, avec mon homologue allemand Robert HABECK.

PATRICK ROGER
Un mot, parce que justement sur ce sujet, vous nous annoncez ce matin un mécanisme de contrôle des investissements étrangers, c'est ça, dans les entreprises françaises ?

BRUNO LE MAIRE
C'est un signal supplémentaire de notre détermination à rentrer dans cette nouvelle politique industrielle qui défend mieux nos intérêts. Pendant la crise du Covid on a dit "attention, il va y avoir des menaces sur un certain nombre d'industries stratégiques", donc le contrôle…

PATRICK ROGER
Il y en a, on le voit par exemple dans le médicament, on manque de Doliprane, on manque d'antibiotiques.

BRUNO LE MAIRE
Il y a un contrôle sur les investissements étrangers qui sont faits, sur les entreprises françaises, sur les industries françaises, ça s'appelle le décret IEF, il est déclenché à partir du moment où une entreprise étrangère veut prendre le contrôle de 25 % des droits de vote de cette entreprise française. Pendant la crise du Covid, parce que nous risquions d'être fragilisés, nous avons abaissé ce seuil à 10 %, dès qu'une entreprise veut prendre 10 % du contrôle d'une entreprise française, j'ai la possibilité de m'opposer à cette prise de contrôle. Au 31 décembre 2022 nous devions revenir à 25 %, nous maintiendrons le seuil à 10 % pour mieux protéger nos entreprises, mieux protéger nos technologies et garantir notre souveraineté industrielle.

PATRICK ROGER
Merci Bruno LE MAIRE, vous restez avec nous, on va marquer une toute petite pause, et avec vous on va aborder aussi toutes les questions, d'inflation notamment, l'inflation, avec une hausse des prix qui est déjà forte et qui est attendue à la rentrée, quelles mesures vous pouvez, quelles mesures d'accompagnement bien sûr, et puis la croissance, où en est-on précisément, et beaucoup d'autres questions également, avec la loi immigration et un certain nombre de nouveautés.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 décembre 2022