Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Pap NDIAYE. Vous êtes le ministre…
PAP NDIAYE
Bonjour Apolline de MALHERBE. Bonne année.
APOLLINE DE MALHERBE
Bonne année à vous. Vous êtes le ministre de l’Education, je le disais, première fois que vous vous exprimez dans « Le face à face », mais cela dit, vous vous exprimez très peu, il y a beaucoup de choses à voir avec vous, puisqu’on est content quand on vous a face à soi. Vous avez été nommé le 20 mai dernier, et depuis, je crois que vos interviews se comptent les doigts d’une ou de la moitié de la deuxième main…
PAP NDIAYE
Un petit peu plus.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, il y a beaucoup de choses, manque de professeurs, niveau des élèves, état des établissements, prix de la cantine, atteinte à la laïcité, on va évoquer tout cela. Je voudrais qu’on commence par la retraite, la réforme des retraites, parce que la rentrée, c’était hier, mais il y a déjà un certain nombre de préavis, de journées de mobilisations qui sont évoquées par les professeurs. La secrétaire générale du SNES-FSU, qui s’appelle Sophie VENETITAY, était sur RMC ce matin, et elle prévient.
SOPHIE VENETITAY, SECRETAIRE GENERALE ADJOINTE DU SYNDICAT ENSEIGNANT DU SNES-FSU
Les profs seront mobilisés contre cette réforme des retraites, oui, ça veut dire grève, parce que, très concrètement, pour nous, enseignants, ça veut dire rester dans les classes à 64, 65 ans avec ce que ça veut dire en termes de pénibilité physique et mentale, ça serait quand même un recul et ça serait aussi, dans des conditions qui seraient très difficiles et désastreuses pour nous, mais aussi pour les élèves.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous sentez monter cette colère, cette volonté de mobilisation des professeurs ?
PAP NDIAYE
Les modalités de la réforme des retraites seront annoncées par la Première ministre le 10 janvier, il est donc paradoxal d’annoncer ce que ces modalités seront et de se mobiliser alors qu’on ne connaît pas le détail de la réforme. Je propose donc d’attendre, et puis, on avisera à ce moment-là, et c’est ce que je conseille aussi aux syndicats des enseignants.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous avez de quoi les convaincre, on voit bien qu’il y a certains préavis de grève, je le disais, qui ont déjà été déposés dans certaines régions, la date du 12 janvier est évoquée par exemple à Toulouse. Est-ce que vous anticipez malgré tout, alors, vous verrez bien si vous réussissez à les convaincre d’ici-là, mais que, à ce stade, vous prenez déjà des mesures, est-ce que vous anticipez, pour tous les parents qui nous écoutent, sur des éventuelles journées sans école au mois de janvier ?
PAP NDIAYE
Nous anticipons, nous préparons les choses, sans avoir pour l’instant d’idée claire, bien sûr, sur le niveau de mobilisation, sur la manière dont les choses se passeront, sur aussi les éventuelles manifestations qui pourraient avoir lieu en lien avec cette réforme des retraites. Mais ce que je dis, c’est que pour l’instant, cette réforme n’est pas annoncée, il y a des concertations qui sont en jeu actuellement, qui sont menées par la Première ministre. Et donc je propose d’attendre le 10 janvier pour aviser.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous aviez parlé d’un choc de confiance, d’un choc d’attractivité avec les professeurs, il n’est pas là ce choc pour l’instant, en tout cas, l’attractivité du métier de prof ne fait que reculer, vous espériez, et vous aviez ouvert largement les concours, vous espériez pouvoir recruter, mais on voit qu’il y a près de 38 % d’élèves candidats en moins à ces concours de professeur.
PAP NDIAYE
C’est vrai, l’attractivité du métier d’enseignant, elle baisse depuis plusieurs années, c’est un problème structurel, qui se confirme ici, avec les concours, et ça va être vrai également pour la rentrée 2023. Et donc nous prévoyons évidemment des hausses de rémunération importantes, à partir de septembre 2023, mais nous savons également, je le sais parfaitement, que l’attractivité du métier d’enseignant, elle ne dépend pas que du salaire, il y a d’autres questions, des questions relatives à la carrière du métier, et c’est tout cela qu’il faut travailler, parce que cette question, c’est à la fois une question internationale, et elle se pose pratiquement dans tous les pays, et c’est une question qui va se poser à nous pendant de nombreuses années.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors, il y a deux questions dans ce que vous venez de dire, il y a la première, qui est la question de la pénurie, vous nous dites quand même ce matin, Pap NDIAYE, qu’il y aura, vous le savez, vous l’anticipez, une pénurie de professeurs à la rentrée prochaine, comme il y en a eu une à cette rentrée-ci ?
PAP NDIAYE
Nous savons que nous allons ouvrir des postes, et que tous les postes ne seront pas pourvus, et donc nous ferons appel, comme l’année dernière, comme les années précédentes d’ailleurs, à des enseignants contractuels, c’est relativement modeste, on parle de 0,05 à 1,5 % dans le premier degré, et de 6,5 à 8 % dans le second degré. Mais nous avons besoin en effet d’enseignants contractuels, dans des proportions un peu plus importantes que ce nous souhaitons, pour pouvoir…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça ne rentre pas, ça veut dire que vous dites : on en a besoin, et c’est vrai qu’ils ne se présentent pas, et aujourd’hui, les candidats au job de prof sont de moins en moins nombreux…
PAP NDIAYE
Pour les titulaires, pour les titulaires, c’est pourquoi nous faisons appel à des enseignants contractuels…
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a autre chose que vous avez dit, c’est la question du salaire, vous avez réaffirmé à l’instant que 2.000 euros comme salaire minimum d’entrée dans la carrière de professeur, ce serait mis en place en septembre. Il y avait une autre promesse que vous aviez faite, qui était d’augmenter de 10 % à partir de janvier ceux qui sont déjà en place...
PAP NDIAYE
Non, non, non, ça, c’est…
APOLLINE DE MALHERBE
Parce qu’ils l’espéraient, je recite à nouveau Sophie VENETITAY, qui était ce matin sur RMC, qui disait : moi, je m’attendais à avoir 10 % d’augmentation sur ma fiche de paie en janvier, ça ne sera pas le cas.
PAP NDIAYE
Non, non, non, nous n’avons jamais dit ça, et Sophie VENETITAY sait parfaitement ce qu'il en est, les augmentations auront lieu à partir de septembre, il y aura une augmentation socle pour tous les enseignants, et puis, une augmentation liée à des tâches nouvelles, que nous sommes en train de définir, et qui inclut un certain nombre de missions nouvelles, qui vont servir à la transformation de l'école et à la réussite des élèves.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire, c'est quoi des primes quand les enseignants sont…
PAP NDIAYE
Voilà, une prime, des primes liées à des missions nouvelles…
APOLLINE DE MALHERBE
C’est quoi ?
PAP NDIAYE
Alors, en particulier, des missions liées à l'orientation et à l'accompagnement des élèves, à la formation continue des professeurs, et puis, également, des missions liées aux remplacements de courte durée, les remplacements de courte durée, c'est une question importante, on perd 15 millions d'heures annuellement, d'heures de cours liées à des remplacements qui ne sont pas assurés. Il faut donc pouvoir travailler sur cette question.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c’est les arrêts maladies, les congés les formations, il y a un problème structurel aussi avec les profs de maths, est-ce qu'au moment où on se parle, il y a encore des élèves qui manquent de professeurs de mathématiques ?
PAP NDIAYE
Les professeurs de mathématiques, évidemment, ça, c'est une difficulté, mais ça n'est pas la seule, il y a d'autres disciplines qui sont des disciplines en tension, vous savez que j'ai décidé que nous réintroduirons l'heure de mathématiques, une heure et demie de mathématiques en classe de 1ère.
APOLLINE DE MALHERBE
Et encore faut-il avoir un prof pour l’assurer cette heure…
PAP NDIAYE
Mais nous avons fait les calculs nécessaires pour cela, et donc cela sera tout à fait possible, mais il est sûr que nous avons des disciplines en tension du côté des mathématiques ou des langues vivantes, par exemple.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez dit dans vos vœux, vos vœux, là, il y a 3 jours, être heureux, c'est important à l'école, c'est important que les professeurs et les personnels soient heureux, que les élèves soient heureux en arrivant à l'école le matin. Tout le monde est d'accord, c'est toujours beaucoup plus sympa d'être heureux, mais on fait comment pour être heureux à l'école, et ça veut dire quoi être heureux à l'école ?
PAP NDIAYE
Eh bien, il faut travailler à la fois sur les conditions pratiques d'accueil des élèves, la lutte contre le harcèlement par exemple qui s'est développée très fortement grâce au programme pHARe, et puis, d'une manière générale, tout ce qui concoure à la qualité des cours, et y compris bien entendu les réformes que nous allons mener, mettre en place, en particulier dans le collège, et puis, dans les dernières années de l'école primaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Le collège, c'est votre priorité, Pap NDIAYE ?
PAP NDIAYE
C’est la priorité parce que nous avons des évaluations à l'entrée en 6ème qui sont problématiques, 27 % des élèves n'ont pas le niveau requis en français, un tiers n'ont pas le niveau requis en mathématiques, écoutez, je vais vous une donnée, on a fait faire la même dictée à des élèves de CM2 en 1987, et aujourd'hui dans les mêmes conditions, en 1987, les élèves faisaient 10 fautes dans la dictée, aujourd'hui, ils en font 20. Donc…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça a doublé.
PAP NDIAYE
Ça a doublé. Donc on a une difficulté majeure en ce qui concerne les savoirs fondamentaux, en ce qui concerne le français et les mathématiques, et c'est cela à quoi je veux m'attaquer pour le CM1, CM2 plus et la 6ème.
APOLLINE DE MALHERBE
Il vient d’où le problème, pour vous, il vient d’où le problème ?
PAP NDIAYE
Alors, il y a un rapport de l'Inspection générale qui a fait les choses très sérieusement et qui montre, en particulier pour le cours moyen, que le temps de rédaction, le temps d'écriture est sans doute trop faible, alors, il y a des variations, et puis, les professeurs sont tous de qualité, je ne les remets pas en cause, je parle de l'organisation du système, des programmes, le temps de rédaction est trop faible, et nous allons mettre en place un certain nombre de mesures relatives à des choses classiques, j'allais dire, à la dictée, à la conjugaison, c'est très important pour le cours moyen, CM1, CM2, d'insister sur ces fondamentaux. Et puis pour la 6ème, là, nous allons mettre en place une réforme de la classe de 6ème, qui passe notamment par deux choses très importantes, la première, c'est la création d'une heure hebdomadaire de renforcement ou d'approfondissement en français ou en mathématiques, selon les besoins…
APOLLINE DE MALHERBE
Selon le niveau, c’est-à-dire par demi-groupes…
PAP NDIAYE
Selon le niveau, voilà, par petits groupes, selon le niveau des élèves, le problème du côté des opérations, problème du côté de la conjugaison. Et cet enseignement hebdomadaire d'une heure par semaine sera assuré par des professeurs des écoles et non pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc c’est-à-dire, là, pour le coup, qui viennent de l'école élémentaire…
PAP NDIAYE
Qui viennent de l’école élémentaire, et donc on va avoir une superposition, si vous voulez, un agrafage meilleur entre le primaire et le secondaire, parce qu’on sait que la marche d'entrée en 6ème en particulier pour les élèves les plus tangents…
APOLLINE DE MALHERBE
Que la transition soit plus douce…
PAP NDIAYE
Est très difficile.
APOLLINE DE MALHERBE
Pap NDIAYE, c’est déjà testé, si je ne m'abuse, dans certains collèges et notamment dans le Nord…
PAP NDIAYE
Dans l’Académie d'Amiens en particulier…
APOLLINE DE MALHERBE
Dans l'Académie d'Amiens, est-ce que le premier bilan que vous en tirez de cette expérimentation vous invite à le généraliser, vous le généraliserez, c'est ça que vous généraliserez ?
PAP NDIAYE
C’est ça, c’est cela…
APOLLINE DE MALHERBE
Un sixième tremplin, ce qu’on appelle un sixième tremplin…
PAP NDIAYE
Voilà, alors selon des modalités différentes, puisqu’il y a des modalités un peu différentes, mais globalement, c'est cela, faire de telle sorte que le passage en 6ème soit meilleur et insister sur les fragilités des élèves en disant aux familles : écoutez, votre enfant a des difficultés pour les quatre opérations, on s'en occupe de manière à ce que, en fin de 6ème, cette difficulté soit résolue. Donc ça, c'est la première chose, et c'est très nouveau, bien entendu, dans l'Education nationale, que de faire intervenir des professeurs des écoles qui ont les savoirs et les pratiques pour cela, dans le collège. Et puis, la deuxième chose, c'est que nous généralisons "devoirs faits", c'est-à-dire ce dispositif par lequel les élèves de 6ème font leurs devoirs au collège…
APOLLINE DE MALHERBE
A l’école…
PAP NDIAYE
Au lieu de le faire chez eux, dans des conditions qui sont parfois acrobatiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez dit qu'il fallait être heureux à l'école, Pap NDIAYE, est-ce que ça ne passe pas aussi par une forme de sérénité, et là, je voudrais qu'on parle de l'état des établissements, et des questions de sécurité, et puis, aussi, des questions de laïcité. Sécurité d'abord, parce que, hier, c'était donc la rentrée après les vacances de Noël, et une journée qui a été très perturbée dans plusieurs régions de France, à la fois dans le Nord et à Marseille, par des alertes, des menaces à la bombe, des collèges et des lycées qui ont été obligés d'être fermés, est-ce que vous en savez un peu plus là-dessus, une vingtaine nous dit-on ?
PAP NDIAYE
Une vingtaine d'établissements sont concernés en effet par des menaces qui ont circulé sur les ENT, vous savez, ces portails Internet qui mettent en relation les élèves, les parents et les enseignants, avec des messages similaires d'un bout à l'autre du pays. Donc des comptes piratés, ça circulé également sur les boucles WhatsApp. Les forces de police – que je remercie au passage – sont intervenues pour évacuer les établissements, pour fouiller et pour vérifier si ces menaces se concrétisaient. A ce jour, elles ne se sont pas concrétisées, mais nous avons pris évidemment ces mesures nécessaires…
APOLLINE DE MALHERBE
C’était sérieux, vous considérez qu'en tout cas, c’est peut-être une cyber-attaque, enfin...
PAP NDIAYE
Nous prenons toujours au sérieux ce genre de menace, bien entendu. Donc il y a une enquête de police qui est en cours, et puis, il y a une enquête administrative pour déterminer d'où viennent ces menaces.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour vous, la question est terminée, est-ce que ces menaces, il y en a eu de nouvelles, d’autres ?
PAP NDIAYE
Alors, nous surveillons de très près les choses, et puis, nous veillons évidemment à ce que les ENT, ces environnements numériques de travail soient mieux sécurisés encore qu’ils ne le sont aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a eu plusieurs collèges qui se sont plaint aussi de la dégradation de la sérénité et de la sécurité, hier, le collège Emmanuel Dupaty en Gironde a fait collège mort, pas vraiment d'ouverture, parce qu'effectivement, ils considéraient que les conditions d'une dégradation, c'est-à-dire qu'ils expliquent, quand on écoute... il y a eu toute une enquête dans le Figaro d'hier, qu'il n'y a... qu'en fait, tout s'est dégradé, c'est-à-dire les relations entre les élèves et les profs, la violence quotidienne, les actes d'incivilité, qu'est-ce que vous dites aux professeurs du collège Emmanuel Dupaty par exemple ?
PAP NDIAYE
Alors, dans ce collège de Blanquefort effectivement, il y a eu une grève hier, une grève d'enseignants avec une situation qui est dégradée du point de vue de la sécurité. Et donc là, on a un effort particulier à faire avec…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous le ferez ?
PAP NDIAYE
Oui, et bien entendu avec le Rectorat, qui se penche sur ce cas spécifique, fort heureusement, tous les collèges, il y en a 7.000 en France, ne sont pas dans la même situation, mais il y a des collèges dont la situation…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il y a une dégradation globale, vous avez le sentiment, des relations entre les élèves et les professeurs, des actes d'incivilité…
PAP NDIAYE
Alors, il y a des actes d'incivilité, bien entendu, et nous sommes attentifs à cela, il y a la question du harcèlement qui se pose, et nous sommes très mobilisés avec le programme pHARe qui a donné de très bons résultats jusqu'à présent et qui est généralisé dans tous les collèges cette année, pour bloquer les formes de harcèlement et les formes de violences. Ça, c'est un point très important. Et puis, bien entendu, il y a aussi à se pencher sur la situation spécifique d'un certain nombre de collèges. Et nous allons faire ce qu'il faut pour ce collège, et y compris du côté des AED.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'est-ce que vous dites, Pap NDIAYE, aux parents qui veulent mettre leurs enfants dans le privé, parce qu'ils considèrent que le public ne répond plus à leurs appels, je crois que c'est votre cas, vous avez vous-même mis vos enfants dans une école privée à Paris, pourquoi faire ce choix ?
PAP NDIAYE
C'est un choix qui relève, pour le privé, sous contrat d'une mission de service publique, bien entendu, le privé, c'est à peu près 20 % des élèves en France, un peu plus à Paris, et un peu plus dans les grandes villes, c'est vrai, et donc là, nous avons évidemment une question qui se pose, qui est d’abord la question de l’attractivité du secteur public, et puis, aussi, la question de la mixité scolaire. Et je vais proposer…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c’est un de vos chantiers, vous dites, mais…
PAP NDIAYE
Tout à fait, je vais proposer un certain nombre de mesures qui vont inclure d'ailleurs l'enseignement privé, de manière à ce que ce soit à la fois le privé sous contrat et le public qui participent d’une meilleure mixité sociale et scolaire…
APOLLINE DE MALHERBE
Qu’est-ce qui fait que vous, vous, vous vous dites, vous êtes parisien, vous avez un bon job, vous avez vos enfants qui sont visiblement plutôt bons, vous en avez parlé, donc c'est pour ça aussi que je me permets de le dire, qu'est-ce qui fait que vous, vous vous dites : eh bien, je vais mettre mes enfants dans une école privée sous contrat, l’Ecole Alsacienne, pourquoi vous faites ça ?
PAP NDIAYE
Ça, c’était pour des raisons privées qui n'ont pas grand-chose à voir avec le niveau des enfants. Et donc, je ne vais pas parler de ma vie privée, en revanche, en revanche…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais tous les parents qui vous écoutent…
PAP NDIAYE
En revanche…
APOLLINE DE MALHERBE
Qu’est-ce qui motive à un moment ?
PAP NDIAYE
Il y a un ensemble de facteurs bien entendu, mais qui peuvent être des facteurs extrêmement variés, qui peuvent être liés par exemple à des situations de harcèlement, pour vous le dire très franchement, mais en l'occurrence, ce sur quoi, moi, je travaille, bien sûr, c’est l’enseignement…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que c’est un échec de se dire qu’aujourd’hui, il y a des parents, comme vous…
PAP NDIAYE
C’est l’enseignement public…
APOLLINE DE MALHERBE
Qui se disent : voilà, comme vous, comme vous le disiez, 1 enfant sur 5, mais est-ce que vous considérez, vous, ministre de l'Education, que c'est un échec quand on ne choisit pas de mettre ses enfants dans le public ?
PAP NDIAYE
Pas nécessairement, pas nécessairement, non, il peut y avoir des choix, des choix parfaitement légitimes, par exemple, liés à des convictions religieuses. Ça, ça peut arriver, et c’est respectable.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous n’opposez pas les deux…
PAP NDIAYE
En revanche, ce que je dis en ce qui concerne l'enseignement privé sous contrat, qui est financé aux trois trois-quarts par…
APOLLINE DE MALHERBE
Les professeurs sont payés par l’Education nationale...
PAP NDIAYE
Tout à fait, donc à 78 %, il est financé par le budget de l'Education nationale, ce que je dis, c'est que nous pouvons demander un peu plus en coordination et en collaboration, bien entendu, avec les instances de l'enseignement privé, pour que l'enseignement privé participe de notre effort de mixité scolaire…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous leur demanderez, vous demanderez à toutes les écoles privées désormais de vous rendre des comptes sur la question de la mixité sociale ?
PAP NDIAYE
Rendre des comptes, en tout cas, nous allons…
APOLLINE DE MALHERBE
C’est quoi, mixité géographique, mixité d'origine sociale, de niveau ?
PAP NDIAYE
Mixité sociale, mixité scolaire, ça inclut le pourcentage de boursiers, ça inclut un certain nombre de facteurs, y compris d'ailleurs les élèves en situation de handicap, toutes les formes de mixité sont concernées, en l'occurrence, et je sais bien entendu que l'enseignement privé est disposé…
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez le faire en coordination avec eux, vous leur avez déjà dit…
PAP NDIAYE
Bien entendu, et nous avons commencé à échanger sur le sujet…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire quoi, ça veut dire un pourcentage de boursiers par exemple que vous allez demander ?
PAP NDIAYE
Nous allons discuter de manière à ce que l'effort de mixité qui est absolument indispensable soit assumé également par l'enseignement privé sous contrat.
APOLLINE DE MALHERBE
Pap NDIAYE, certains, y compris dans la majorité, sont favorables au retour de l'uniforme, ils disent que c'est une des réponses notamment à cette question de la laïcité, de la longueur de la jupe, du voile, que, au moins, tout le monde serait habillé pareil, qu’il y a aussi une question sociale, ne plus avoir le problème des marques ou du prix des vêtements, vous n'y êtes pas favorable, vous ne voulez pas ouvrir ce débat ?
PAP NDIAYE
Non. Je ne veux pas ouvrir ce débat, en tout cas à l'échelle nationale, je ne veux pas de loi sur ce sujet. Imposer le port de l'uniforme à tous les élèves, c’est non. En revanche, les établissements ont toute liberté, par une modification de règlement intérieur, pour imposer, s'ils le souhaitent, une tenue scolaire, il suffit pour ça de réunir les instances, conseil d'administration, conseil d'établissement, conseil des écoles, et de voter en ce sens. Je ne vais pas m'y opposer. En revanche, pas de loi nationale.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous ne vous y opposerez pas, mais les établissements, en tout cas, vous ne les découragerez pas de le faire, si les établissements décidaient de le faire, comme c'est le cas dans un certain nombre de départements d’Outre-mer par exemple…
PAP NDIAYE
En Outre-mer, voilà, je ne vais pas m’y opposer. Mais je mets en garde contre celles et ceux qui pensent que le port de l'uniforme réglerait magiquement les problèmes, que ce soit les problèmes de marque, il y a des accessoires, il y a des AirPods que l'on met dans ses oreilles, il y a toutes sortes de choses, il y a les chaussures, il y a toutes sortes de choses. Et bref, le port de l’uniforme ne règle pas les problèmes…
APOLLINE DE MALHERBE
De l’uniforme ne serait pas magique. Et sur la question de la laïcité, les chiffres, alors, ils sont un peu moins mauvais le mois dernier que le mois précédent, mais au niveau global…
PAP NDIAYE
En novembre, on n’a pas les chiffres de décembre.
APOLLINE DE MALHERBE
Voilà, en tout cas, pour novembre, ils sont un peu moins mauvais que, octobre, en particulier, mais ils restent en hausse si on dézoome et qu'on regarde globalement, avec notamment cette fameuse question des qamis, qui sont ces longues tuniques pour hommes et des abayas, qui sont donc des longues robes couvrantes, à caractère religieux. Comment vous faites, pour un certain nombre de professeurs ou de directeurs d'écoles qui disent : en fait, on a énormément de mal à préciser, parce qu'il n'y a pas de précisions sur le caractère religieux ou non de ces vêtements, est-ce que pour vous, oui ou non, c'est interdit ?
PAP NDIAYE
Il y a une loi, c’est la loi de 2004, qui interdit le port de signes ou de vêtements religieux à caractère ostensible, et il faut donc respecter la loi, il faut la respecter fermement…
APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce que pour vous, l’abaya est un signe religieux ostensible ?
PAP NDIAYE
Si c’est une abaya... bien entendu que la difficulté, ça n’est pas moi qui vais chaque matin regarder des photographies de vêtements, et puis, décider si c'est à caractère religieux ou pas, il faut sur place que les chefs d'établissements…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais justement, ils se sentent parfois, en tout cas, c’est ce qu’ils disent, démunis…
PAP NDIAYE
Nous avons publié début novembre une circulaire, mais il faut évidemment, c'est aux chefs d'établissement, aux enseignants, le cas échéant, d'estimer si…
APOLLINE DE MALHERBE
La difficulté, c’est l’estimation, c’est le fait d’estimer, ça veut dire que vous les mettez face à presque une négociation, une discussion, rien n’est clair…
PAP NDIAYE
Parce que nous ne pouvons pas définir juridiquement une abaya, vous vous imaginez ce que ça veut dire, la longueur, je vais publier la longueur, la forme du col, la forme et la couleur…
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien, je reviens à ma question de l’uniforme au fond…
PAP NDIAYE
La largeur de la ceinture. On ne va pas s’en sortir. Du côté de l'uniforme, il y a des formes d'accessoirisation qui peuvent également contourner…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il n’y a pas de solution…
PAP NDIAYE
Donc, si, il y a une solution, c'est la loi de 2004 qu'il faut appliquer fermement, nous avons publié une circulaire sur ce sujet, pour accompagner les chefs d'établissements, nous avons des équipes valeurs de la République qui viennent en appui lorsque des questions se posent, qui peuvent même se rendre sur place dans les établissements lorsque…
APOLLINE DE MALHERBE
Quand ils alertent…
PAP NDIAYE
Il y a une alerte, et que le chef d'établissement a besoin d'un coup de main, si je puis dire…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour vous, en tout cas, tout est dans la loi et rien que dans la loi ?
PAP NDIAYE
Tout est dans la loi, il faut l’appliquer fermement et avec discernement, et d'ailleurs, on travaille, et on a des chiffres qui sont en baisse.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci Pap NDIAYE, ministre de l'Education, d'être venu sur RMC/BFMTV.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 5 janvier 2023