Texte intégral
JOURNALISTE
Le ministre du Travail, Olivier DUSSOPT est notre invité avant sa journée de visite en Ardèche.
ALEXANDRE BERTHAUD
Bonjour Olivier DUSSOPT.
OLIVIER DUSSOPT
Bonjour.
ALEXANDRE BERTHAUD
Depuis Privat puisque dans un quart d'heure, vous êtes en réunion avec des chefs d'entreprise à la préfecture. Alors pourquoi cette journée auprès des chefs d'entreprise, auprès d'apprentis, trois jours après l'annonce de la réforme des retraites ? Est-ce que vous mettez au calme avant la tempête de la semaine prochaine ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord et avant tout parce que le ministère du Travail, du plein emploi et de l'Insertion est un ministère qui est large. Je traite évidemment la réforme des retraites en ce moment mais aussi les questions de formation, d'apprentissage, de politique de l'emploi. Je visite et je me déplace dans de nombreux départements, et l'Ardèche bien évidemment, en plus avec le sentiment agréable d'être chez moi et à domicile. Donc c'est l'occasion de faire un point à la fois sur les difficultés de recrutement des entreprises, elles sont nombreuses. Elles concernent tous les secteurs sur l'apprentissage puisque l'apprentissage est une de nos priorités ; nous sommes passés, entre 2017 et 2022, de 270 000 apprentis par an à plus de 800 000. Et nous avons annoncé, j'ai annoncé la semaine dernière, avec le Président de la République et conformément à sa demande, que les aides à l'embauche d'apprentis vont être prolongées jusqu'à la fin du quinquennat, avec une aide de 6 000 euros par embauche d'apprentis, quel que soit l'âge, quel que soit le niveau de formation, quelle que soit l'entreprise, parce que c'est une politique qui marche.
ALEXANDRE BERTHAUD
Olivier DUSSOPT, vous venez pour parler d'apprentissage, mais ce soir, la CGT vous prépare un comité d'accueil dans votre ville, à Annonay, avant les voeux du maire.
OLIVIER DUSSOPT
De toute façon, je ne sais pas qui, je ne sais pas quel accueil puisque dans les différentes hypothèses de mon agenda, il avait effectivement la possibilité, mais cette possibilité pour moi d'être présent à Annonay n'a jamais été confirmée. Donc je crains qu'ils attendent pour rien dans la mesure où je ne serais pas rentré à l'issue de l'Ardèche et que je serai sur mon déplacement.
ALEXANDRE BERTHAUD
Alors, dans tous les cas, ils vous reprochent, les syndicalistes ardéchois, d'être passé, de farouchement opposer à la réforme en 2010, la réforme des retraites, à un ministre portant le texte aujourd'hui. Qu'est-ce que vous répondez aux syndicalistes de la CGT qu'on a entendus sur France Bleu Drôme Ardèche à 7h ?
OLIVIER DUSSOPT
D'abord que cela fait douze ans, et qu'ils comparent ce qui n'est pas comparable. La réforme que je porte aujourd'hui, que le Gouvernement porte, n'est pas la même réforme. D'abord, ce n'était pas les mêmes contextes. Nous avons un système de retraite qui est un bien précieux dans la mesure où il garantit une solidarité, mais qui recèle aussi beaucoup d'injustices, qui traite mal les femmes qui ont des pensions plus petites que les hommes, qui traite mal ceux qui ont des carrières hachées avec des petites interruptions dues au chômage ou - pour reprendre l'exemple des femmes - dues à la maternité. Et nous avons une réforme qui va permettre à la fois de réduire le déficit, de le résoudre. Il faut avoir en tête que le déficit du système de retraite, - ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil d'orientation des retraites qui est composé de partenaires sociaux, de syndicats, d'organisations patronales - c'est 12,5 milliards d'euros en 2027 par an, c'est quinze milliards en 2030, et c'est 25 milliards en 2040. Et donc ça n'est pas tenable. Et d'un autre côté, nous avons cette réforme qui va permettre d'amener de nouveaux droits. Le nouveau droit, c'est de garantir que personne ne puisse avoir une pension inférieure à 85 % du SMIC après une carrière totale payée au niveau du SMIC, parce que malheureusement, il y a aussi des travailleurs qui sont payés toute leur vie au niveau du SMIC. C'est une réforme qui va améliorer la prévention de la pénibilité, qui va bien tenir compte des carrières longues pour que ceux qui ont commencé à travailler plus tôt n'aient pas à travailler plus longtemps à l'échelle de leur vie.
ALEXANDRE BERTHAUD
On l'a bien compris, Olivier DUSSOPT, ça a été d'ailleurs dit et répété lors des annonces et à la suite de ces annonces. Que pensez-vous de la réponse de la CGT qui menace de bloquer à nouveau les raffineries dans le pays ?
OLIVIER DUSSOPT
Que ce n'est pas responsable. Ça n'est pas responsable puisque le droit de grève est un droit constitutionnel que nous respectons, le droit de manifester aussi dès lors que les choses se passent bien et dans le calme, et c'est quelque chose d'important. Mais ça n'est pas responsable de vouloir bloquer, de vouloir entraver. On peut dire son mécontentement quand il y a du mécontentement, et il peut être légitime, je le respecte, mais sans bloquer toutes celles et ceux qui travaillent, qui veulent travailler, qui ont besoin de travailler, et sans bloquer le pays dans une période comme celle que nous connaissons. Mais vous disiez tout à l'heure à propos des mesures sur la pénibilité, sur le fait de mieux tenir compte de ceux qui ont commencé à travailler très tôt en disant : "Mais tout ça, nous le savons". C'est très bien de le savoir mais c'est extrêmement important. C'est extrêmement important parce qu'il y a un instant, je vous disais que la priorité du Gouvernement, une priorité du Gouvernement, c'est l'apprentissage. Le fait de réformer et de changer la façon dont on considère les carrières longues et la façon dont on protège ceux qui ont commencé à travailler très tôt, en permettant un départ avec quatre ans d'avance pour ceux qui ont commencé à travailler et qui ont travaillé cinq trimestres avant 18 ans. Ça veut dire que les apprentis, ceux qui entrent en apprentissage à partir de seize ans, seize ans et demi, pourront partir s'ils ont une carrière complète, s'ils ont les 43 annuités comme tout le monde, pourront partir avec quatre ans d'avance. Ça n'était pas le cas avant. Et si on ne changeait pas le système, les mêmes auraient dû travailler 45-46 ans. Et c'est aussi comme ça que nous allons les protéger et rétablir l'égalité avec ceux qui entrent plus tard dans le marché du travail.
ALEXANDRE BERTHAUD
Olivier DUSSOPT, dernière chose : est-ce que cette réforme, elle peut passer à l'Assemblée nationale sans le 49.3 ? Le patron des Républicains, Éric CIOTTI, dit avoir obtenu des infléchissements. Mais chez nous, en Ardèche, le député Fabrice BRUN, par exemple, il est opposé à l'âge légal à 64 ans. Est-ce qu'il ne va pas vous manquer des voix pour passer à l'Assemblée ?
OLIVIER DUSSOPT
Mais le même député a fait campagne pour Valérie PECRESSE qui était pour le départ à la retraite à 65 ans. Donc parfois, il faut aussi se rappeler et souligner les choses. Moi, je pense qu'une majorité est possible à l'Assemblée nationale. Je pense qu'elle est possible tant à gauche qu'à droite, tout simplement parce qu'à gauche, il y a aussi des députés socialistes, nombreux, qui ont voté l'augmentation du nombre d'annuités de 42 à 43 ans il y a six ans, sept ans à peine. Donc tout ça doit être travaillé, doit être débattu. Ma seule inquiétude pour le débat parlementaire et pour être tout à fait transparent, c'est le fait que la France Insoumise, Madame PANOT notamment, une partie des Verts, ont annoncé qu'ils ne voulaient pas de débat mais qu'ils voulaient faire de l'obstruction avec 150 000 amendements. On aura du mal à avoir un débat. Mais l'objectif, c'est de débattre et d'avoir une majorité.
ALEXANDRE BERTHAUD
Merci beaucoup. On vous a bien entendu, Olivier DUSSOPT, ministre Ardéchois du Travail, en charge de ce dossier sensible des retraites, en visite aujourd'hui en Ardèche. Bonne journée à vous.
OLIVIER DUSSOPT
Merci. À bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 janvier 2023