Texte intégral
LORRAIN SÉNÉCHAL
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Bonjour Lorrain SÉNÉCHAL.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Avec le dévoilement de la réforme des retraites c'est aussi le début d'un marathon de grèves qui va commencer la semaine prochaine jeudi, et notamment dans votre secteur, l'énergie, la CGT Pétrole fait planer la menace de l'arrêt du raffinage, carrément, pour le mois prochain, est-ce que d'autres syndicats, pardon, il y a déjà d'autres syndicats qui se joignent à cette grève de jeudi, est-ce qu'il faut craindre des stations-essence qui seront bientôt à sec, comme on l'a connu ces derniers mois ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, je veux être très claire, nous nous sommes dans une démarche d'ouverture, de concertation, de dialogue, la porte de la Première ministre est ouverte, et c'est dans cette démarche-là que nous voulons constamment rester, dans cette réforme qui concerne tous les Français, et vraiment j'appelle chacun à la responsabilité parce que l'enjeu c'est de mener une réforme de justice sociale, qui permette à des gens qui ont travaillé toute leur vie, d'avoir accès à une retraite décente, lorsqu'on dit 1200 euros minimum c'est un vrai progrès pour des gens qui ont travaillé toute leur vie, et je mesure, chaque week-end, lorsque je rentre chez moi à Lens, lorsque je parle avec les gens, combien de gens me disent "mais vous savez, madame moi j'ai une retraite de 700 euros, j'ai une retraite de 800 euros, et pourtant j'ai commencé à travailler à 18 ans, à 20 ans", c'est de ça qu'on parle aujourd'hui, et puis c'est sauver notre…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais les syndicats ne sont manifestement pas d'accord avec vous, ils dénoncent une réforme injuste pour le coup et donc menacent d'aller jusqu'au blocage des raffineries. Vous vous préparez à ce scénario et donc à des situations de pénurie d'essence tout simplement ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Moi je crois qu'il ne faut pas souffler sur les braises, encore une fois j'appelle chacun à la responsabilité, évidemment nous sommes vigilants, mais aujourd'hui nous sommes dans le temps du dialogue, dans le temps de la concertation, je crois que l'enjeu c'est évidemment de respecter des mouvements qui vont tenir une journée, je crois qu'on annonce un mouvement le 19 janvier…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Une journée pour le 19 janvier, deux journées la semaine suivante, c'est déjà acté, et probablement trois journées consécutives début février.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Voilà, on n'est pas du tout dans la situation…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça va crescendo.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
On n'est pas du tout dans la situation que nous avons connue à l'automne dernier où c'était une grève continue, là il s'agit effectivement pour les syndicats de manifester leur point de vue, moi j'appelle encore une fois chacun à la responsabilité, je redis que la porte du gouvernement est ouverte, et je redis que c'est une réforme, non seulement de justice sociale, mais qui vise à sauver, ce qui est très précieux, notre système de retraite collectif, ça concerne tous les Français.
NEÏLA LATROUS
Agnès PANNIER-RUNACHER, votre appel à la responsabilité est-ce qu'il vaut aussi pour les automobilistes, on les entend notamment sur nos antennes, se rendre en stations-essence en disant "je ne veux pas vivre ce que j'ai déjà vécu en octobre, donc je fais le plein, en prévision" ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors moi encore une fois…
NEÏLA LATROUS
C'est aussi ce qui avait accentué en octobre d'ailleurs la pénurie, ce mouvement de panique en quelque sorte, où de fait les stocks n'avaient pas suivi.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, déjà je veux rassurer tout le monde, les stocks existent, ils ont été reconstitués depuis le mouvement de l'automne, et effectivement je veux à nouveau rassurer les automobilistes. Aujourd'hui il n'y a pas de grève dans les raffineries, il n'y en n'a pas…
NEÏLA LATROUS
Il n'y a pas de raison d'aller…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Il n'y a pas de grève dans les raffineries, très simplement, la réalité c'est qu'il n'y a pas de mouvement social aujourd'hui dans les raffineries et dans les dépôts pétroliers, et nous allons suivre ça avec la plus grande vigilance. Et je le redis, l'enjeu que nous portons c'est une réforme pour tout le monde, et en particulier pour les jeunes. Les jeunes aujourd'hui c'est normal qu'on leur garantisse la perspective d'avoir une retraite, quand vous avez un régime déséquilibré, eh bien cette perspective n'est pas garantie.
NEÏLA LATROUS
Est-ce que vous craignez que le mouvement s'étende à d'autres secteurs de l'énergie, on voit déjà que par exemple chez EDF la CGT Mines dit "nous aussi on réfléchit à très sérieusement se mettre en grève", je vous cite un des syndicalistes, "la grève commence ce jeudi et s'arrêtera quand la réforme aura été retirée", là en l'espèce c'est la contestation de la suppression des régimes spéciaux. Est-ce qu'on peut s'attendre, enfin on craignait les coupures d'électricité à cause du froid, vraisemblablement ça n'arrive pas, est-ce qu'il faut les craindre en raison du mouvement social ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Encore une fois, et je crois que certains syndicalistes ont d'ailleurs pris position en disant qu'ils seraient responsables vis-à-vis des Français, que cela n'empêcherait pas de manifester leur opinion sur cette réforme, et je le redis, notre porte est ouverte, notre porte est ouverte, en particulier s'agissant de la déclinaison de cette réforme générale qui s'applique aussi aux régimes spéciaux, c'est une question de solidarité, c'est une question d'équité, que chacun fasse cet effort collectif, pour nos jeunes, pour ceux qui ont eu des carrières hachées, je rappelle qu'au-delà du minimum c'est les femmes aussi qui vont profiter de cette réforme, reconnaître des trimestres que vous avez perdus parce que vous étiez en congé maternité, que vous avez élevé vos enfants…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Congé parental.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Congé parental, c'est très important, c'est une vraie avancée sociale.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Alors, on parlait de l'essence il y a quelques instants, les prix repartent à la hausse, il y a eu évidemment la fin de la ristourne, mais les prix sont partis encore plus hauts que les 10 centimes de la ristourne, 13 à 19 centimes de plus par litre, pourquoi les prix ne baissent pas alors que les cours ont baissé ces derniers mois ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors il faut peut-être mentionner qu'il y avait aussi la ristourne de TOTAL qui s'ajoutait à ces prix…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Donc c'est uniquement dû à ça ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Que lorsqu'on regarde somme de ces deux ristournes on est à peu près dans l'épure des prix que nous voyons sur le marché. Le pétrole c'est un marché mondial, nous n'en avons malheureusement pas la maîtrise, et justement, tout l'enjeu c'est d'accélérer la transition énergétique, de se sortir de notre dépendance à ces énergies fossiles, le gaz et le pétrole, qui coûtent cher, qu'on ne maîtrise pas, alors que nous avons les moyens de produire en France de l'électricité pour, peut-être les voitures électriques, ou d'autres modes de transport, qui nous permettent de ne pas avoir à payer ces sommes.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais la tendance elle est à nouveau vers une baisse du litre d'essence, du prix du litre d'essence, sur les prochaines semaines ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Comme je vous l'ai indiqué c'est un marché mondial, donc les facteurs qui conduisent à augmenter ou à diminuer…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Si ça grimpe à nouveau, que ça repasse la barre des 2 euros le litre, est-ce que vous allez remettre en place un dispositif comme cette fameuse ristourne carburant et ça c'est terminé ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Surtout on a un dispositif aujourd'hui, un dispositif qui a été mis en place…
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est un chèque.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Moi j'invite tous les Français qui travaillent et qui utilisent leur voiture pour aller travailler, à se manifester, à voir s'ils y ont droit, c'est sur le portail du ministère de l'Economie, et effectivement c'est…
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est un chèque de 100 euros, mais il n'est pas question de remettre en place un dispositif de baisse des prix généralisée ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je crois que la Première ministre et le ministre de l'Economie ont été très clairs sur ce sujet-là, ce que nous voulons c'est avoir un dispositif qui accompagne ceux qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, pour ne pas écorner leur pouvoir d'achat, qui ont vraiment cette utilité de la voiture, et ils peuvent aller sur le portail du ministère de l'Economie pour bénéficier de ce chèque, et sachez qu'encore beaucoup de gens ne l'ont pas fait, donc c'est vraiment, vous avez des droits, utilisez-les.
NEÏLA LATROUS
La semaine dernière, Agnès PANNIER-RUNACHER, une aide a été annoncée pour les TPE, les Très Petites Entreprises, pour les aider à contenir l'explosion du prix, enfin de la facture, de leurs factures, pardon, d'électricité, pas plus de 280 euros le mégawatt pour ces TPE. Elles disent : "c'est quand même trop, une facture fois 3, fois 4. On ne s'en sort pas". C'est qu'elles ne connaissent pas les dispositifs, ou c'est que le dispositif a des trous dans la raquette ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord le dispositif il s'applique sur la facture de janvier. Et comme le mois de janvier n'est pas terminé, évidemment les très petites entreprises en question n'ont pas vu l'impact de ce dispositif. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que beaucoup d'entre elles ont renouvelé leur contrat au mois d'octobre, au mois de novembre, et elles ont eu la surprise de passer du prix de l'ancien contrat, qui était en plus aux tarifs d'été, c'est-à-dire des tarifs qui sont beaucoup plus faibles que les tarifs d'hiver…
NEÏLA LATROUS
Où les cours étaient au plus haut.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
… à un tarif d'hiver à un coût très élevé. Donc l'écart fait fois 3, fois 4. Lorsqu'on regarde sur l'année 2023…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Parfois beaucoup plus, beaucoup plus que fois 3, fois 4.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Lorsqu'on regarde sur l'année 2023, en réalité, on a beaucoup de gens qui nous appellent, Olivia GREGOIRE qui est la ministre des PME, fait ça en continu, d'aller scruter les factures d'électricité des artisans, des boulangers, charcutiers, des restaurateurs qui les appellent, et effectivement on s'aperçoit que vous avez ponctuellement un fois 3, fois 4, mais en réalité l'augmentation est plus contenue, si on regarde toute l'année.
LORRAIN SÉNÉCHAL
D'accord.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Mais on ne voit pas encore en dur sur la facture. Donc le travail que nous avons à faire, c'est : un, communiquer auprès de ces très petites entreprises, en disant : vous avez là encore des droits. Vous avez ce plafonnement du prix de l'électricité, 280 euros du mégawattheure en moyenne sur toute l'année. J'insiste sur le "en moyenne sur toute l'année". Le tarif d'hiver il est plus élevé que le tarif d'été, mais en moyenne sur toute l'année, vous paierez ce tarif maximum, et donc l'augmentation sera beaucoup plus contenue que ce que vous voyez aujourd'hui sur la facture. Signalez-vous…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Juste, ça c'est pour les TPE. Et vous l'avez signalé vous-même, Olivia GREGOIRE c'est la ministre des PME, mais les PME ne sont pas inclues dans ce…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est les PME et les TPE, Olivia GREGOIRE elle a sous son égide 2,1 millions de TPE…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais ça s'arrête à 10 salariés. … salariés, on n'est pas dans le dispositif.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, parce qu'on a un autre dispositif qui s'appelle l'amortisseur, et l'amortisseur c'est une baisse de grosso modo 100 euros sur votre facture, à peu près la sur les prix moyens qu'on a pu constater, de renégociation…
LORRAIN SÉNÉCHAL
100 euros le mégawatheure ou 100 euros sur la facture ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, 100 euros du mégawattheure, vous m'avez compris, pardon, je suis allée trop rapidement, 100 euros du mégawattheure sur la facture, sur les prix qu'on a pu constater en moyenne au moment où la conclusion des contrats s'est fait un à un prix élevé. Nous avons également donné des facilités de trésorerie, parce que si vous payez cher en hiver, mais un peu moins cher en été, ça veut dire qu'il faut faciliter la trésorerie des mois de janvier, février, mars…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Oui, étaler le paiement.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Et puis l'enjeu c'est de communiquer au maximum pour que ces petits artisans, ces PME, puissent savoir concrètement combien ça va leur coûter cette année.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Qui paie le dispositif ? Ce sont les énergéticiens ou c'est l'Etat ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Comme nous l'avons décidé avec Bruno LE MAIRE…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Celui pour les TPE.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
… nous allons partager l'effort, mais nous avons demandé aux distributeurs d'énergie, aux fournisseurs d'énergie, de prendre une part de cet effort.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais quelle part ? Ce n'est pas décidé ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est en cours de négociations, et ça sera, ça dépendra aussi des capacités de chacun…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça sera un peu au cas par cas.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ecoutez, c'est en cours…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Energéticien par énergéticien.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est en cours de négociation.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Très bien.
NEÏLA LATROUS
Ce n'était pas plus simple de proposer, ou en tout cas, de dire à EDF qui est l'opérateur public, eh bien pourquoi vous ne prendriez pas en charge tous ces clients ? C'était une solution qui était trop compliquée, ça aurait été trop en demander à EDF ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
EDF a 50%, 55% des clients TPE, ça veut dire que vous demandez à EDF du jour au lendemain d'aller récupérer 45 % des clients, c'est des centaines de milliers d'entreprises, ce n'est pas possible humainement. Vous imaginez le nombre d'équipes commerciales, de personnes qui doivent appeler l'entreprise, récupérer le contrat. Et puis la deuxième chose c'est qu'aujourd'hui il n'y a pas qu'EDF, et ce n'est pas seulement EDF qui doit faire des efforts. Je veux dire qu'EDF a fait des efforts considérables, considérables, avec la contribution sur la rente infra marginale, bon terme un peu barbare pour désigner…
LORRAIN SÉNÉCHAL
C'est un peu technique, oui.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
… En fait, le fait qu'ils contribuent à redonner aux consommateurs tout ce qui est le profit lié à l'augmentation des prix sur les marchés. Ça revient aux consommateurs, c'est le système, le bouclier énergétique il est financé et il est financé par les profils qui sont liés à cette augmentation des prix, réalisée par les producteurs d'énergie, et qu'ils rendent aux consommateurs.
NEÏLA LATROUS
Augmentation des prix qui est liée au fait qu'aujourd'hui eh bien le prix de l'électricité est indexé d'une certaine façon sur celui du gaz. La France se bat au niveau européen pour me faire en sorte que ce prix-là ne dépende plus totalement du gaz. Pourquoi ça a mis si longtemps ? Pourquoi ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, d'abord, Neïla LATROUS, je veux rappeler une chose : le prix de l'électricité, quand il s'est envolé au mois de septembre/octobre, ce n'est pas parce qu'il était lié au prix du gaz, mais c'est parce que chacun craignait qu'il y une rupture d'approvisionnement d'électricité. Et donc cette perspective de rupture a créé des prix qui se sont envolés, parce que les consommateurs sont allés dire : eh bien moi je suis prêt à payer plus…
NEÏLA LATROUS
La crainte de manquer.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
… pour être sûr de ne pas être coupé, à aucun moment. Et cette situation…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ce n'est pas le fait que…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Cette situation, elle est liée aussi à notre situation de notre parc nucléaire, et tout le travail que j'ai fait depuis plusieurs mois pour le passage de l'hiver, mais aussi pour faire baisser les prix, porte aujourd'hui ses fruits.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais ça n'a aucun rapport avec le fait que le prix du gaz est pris en compte dans le calcul du prix de l'électricité ? Le gaz qui est utilisé pour produire de l'électricité.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
En fait, si on est très précis…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ça c'est le mécanisme européen.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Si on est très précis, vous avez deux situations : le prix de l'électricité en moyenne en Europe, sur l'année 2022, a augmenté du fait de l'augmentation du prix du gaz, qui fait que les centrales à gaz on produit plus cher, et lorsque vous avez besoin d'un grand volume d'électricité, eh bien à un moment vous appelez la dernière centrale, et la dernière centrale qui coûte très cher, comme elle ne peut pas tourner en perdant de l'argent, elle fixe le prix de l'électricité pour l'ensemble du marché. Donc ça c'est un mécanisme naturel, que vous retrouvez d'ailleurs sur tous les marchés, si vous ne produisez pas à perte.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Il n'est plus question d'abroger ce mécanisme.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas un mécanisme, c'est le fonctionnement naturel d'un système où lorsque vous avez besoin d'un bien, vous êtes prêts à payer…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais il y a eu des dérogations, pour l'Espagne, pour le Portugal, de ne pas avoir à payer le prix…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas tout à fait vrai.
LORRAIN SÉNÉCHAL
… indexé sur ce prix du gaz.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas tout à fait vrai, en réalité, puisque si vous regardez dans le détail le prix de l'électricité au Portugal et en Espagne, il est supérieur pour les ménages, à celui que paient les Français.
LORRAIN SÉNÉCHAL
D'accord.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Donc en fait ce sont des mécanismes où vous avez une part de prise en charge par l'Etat, une part où effectivement on découpe le prix du gaz, de l'électricité, par des mécanismes techniques, mais vous avez quelque part quelqu'un qui paie, et c'est souvent l'Etat qui paie. Nous, nous avons fait le choix de protéger massivement les ménages, et de protéger massivement les très petites entreprises.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais je note que donc la France ne demande plus la fin de ce…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, je n'ai pas dit ça, je veux juste remettre en perspective pourquoi les prix de l'électricité se sont envolés.
LORRAIN SÉNÉCHAL
D'accord.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Maintenant, je l'ai précisé, moi je porte une réforme du marché de l'électricité européen. La question effectivement du découplage du prix de l'énergie fossile avec la réalité de notre mix énergétique, donc c'est le gaz aujourd'hui qui pèse sur l'augmentation des prix, mais demain ça peut être…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Alors que le nucléaire, c'est les 2/3 du mix énergétique français.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Exactement. Et cette réforme, nous l'apportons, nous sommes en négociation, et nous avons obtenu que la Commission européenne, au prochain semestre, dépose un projet de texte, en Conseil des ministres de l'énergie européens, qui pour le moment, a priori, reprend les idées qui ont été portées par la France, c'est-à-dire de dire : à un moment, le consommateur il doit payer la réalité de son mix énergétique, et pas payer le prix d'une centrale à gaz à l'autre bout de l'Europe.
NEÏLA LATROUS
Vous évoquez la disponibilité du parc nucléaire, ça fait partie des bonnes nouvelles de ce mois de janvier, autant s'en réjouir, la remise en service d'un certain nombre de réacteurs…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Oui, ce n'est pas l'effet, c'est un travail intense que nous avons porté, et je veux vraiment remercier les salariés d'EDF qui ont été au rendez-vous…
NEÏLA LATROUS
Tant et si bien que la France exporte de nouveau de l'électricité, et puis il y a la consommation de gaz et d'électricité qui reculent, et les appels à la sobriété qui manifestement ont été entendus. Est-ce que, à l'heure qu'il est, on peut dire au 13 janvier : il n'y aura pas de coupures cet hiver ? Est-ce qu'on peut dire avec certitude, désormais ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
En tout cas, ce qu'on peut dire c'est que le 12 décembre, nous avons passé mais un point, donc il y a un mois, il a fait très froid, je crois que tout le monde s'en souvient, et nous avons passé sans aucune difficulté un point où notre consommation a été maximale.
NEÏLA LATROUS
Avec un parc moins disponible, alors.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Avec un parc moins disponible. Elle s'est élevé à 80 gigawatts de consommation en pointe, 81. Si on ajoute les 7 gigawatts que nous avons faits en économies d'énergie, au moment où on passe cette pointe ; puisque ça, RTE qui est notre expert l'a calculé, c'est l'équivalent de 7 réacteurs, on a passé l'équivalent du point le plus froid de l'hiver dernier. Donc ça veut dire qu'avec les efforts de sobriété, qu'ont fait les grandes entreprises, les grandes administrations, les grandes collectivités locales mais aussi tous les Français, et je veux vraiment les remercier, et avec tout le travail qu'a fait EDF de reconnecter ses centrales sur le marché, et le travail que nous avons fait pour renforcer nos capacités d'importation depuis l'Allemagne, depuis l'Espagne, depuis le Royaume-Uni, eh bien…
NEÏLA LATROUS
Le plus dur est passé.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
… nous avons montré, nous avons fait la preuve que nous étions capables de passer des pics de froid.
NEÏLA LATROUS
Donc le plus dur est passé, a priori vous êtes plus optimiste aujourd'hui qu'il y a…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je suis confiante sur notre capacité à finir l'hiver. Mais effectivement, il faut être vigilant, et le plan sobriété, c'est non seulement le passage de l'hiver, mais c'est aussi toute notre stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Donc ça ne doit pas être juste un effort, fait ponctuellement, il faut continuer à faire attention à la température dans les bureaux, faire attention à notre consommation de carburant aussi, toutes ces consommations d'énergies fossiles, qui sont à l'origine du réchauffement climatique.
NEÏLA LATROUS
Toujours avec Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre chargée de la Transition énergétique, et cette loi qui arrive au Sénat sur le nucléaire, votre loi évoque plein d'aspects réglementaires, mais elle ne dit pas qu'elle sera la place du nucléaire demain en France, est-ce que c'est parce que c'est un débat qui n'est pas encore tranché ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est parce que c'est un débat qui sera tranché dans la loi énergie-climat qui doit arriver cet été. Alors pourquoi attendre l'été…
NEÏLA LATROUS
C'est elle qui dira est-ce qu'on fait 50% nucléaire, 50% de renouvelables, ou plus ou moins.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Exactement. Vous savez que tous les cinq ans on doit présenter au Parlement une loi qui dit en gros quel est notre plan, notre stratégie énergétique, combien de renouvelables, combien de nucléaire, de combien pensons-nous être capables de baisser notre consommation d'énergie, et avec des mesures évidemment pour étayer combien d'argent pour développer la biomasse, pour développer le photovoltaïque, pour développer le nucléaire, combien d'argent pour la rénovation thermique, ça c'est la loi énergie-climat.
NEÏLA LATROUS
Mais du coup on fait une loi nucléaire et une loi renouvelables avant de savoir quelle sera la programmation ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Oui tout à fait, parce que pendant les travaux la vente continue, c'est-à-dire que nous savons tous que nous devons développer plus d'énergie produite bas carbone sur notre territoire, pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Je le rappelle, deux tiers de notre énergie, elle vient de l'extérieur, c'est du fossile, c'est du gaz, c'est du pétrole, nous n'en avons pas la maîtrise des prix, nous n'avons pas la maîtrise des quantités, c'est-à-dire que quand un pays comme la Russie décide d'en faire une arme de guerre et ferme le robinet, nous sommes directement impactés, et l'enjeu que nous avons c'est de mettre en place une souveraineté énergétique, que nous n'avons d'ailleurs jamais eue, parce que nous n'avons jamais eu la maîtrise du pétrole, jamais eu la maîtrise du gaz, nous ne sommes pas un producteur, ni de gaz, ni de pétrole, donc la loi énergie-climat qui arrive cet été elle permettra de, finaliser je dirais, cette stratégie énergétique pour les années qui viennent, elle est précédée d'un grand débat, sur lequel nous sommes aujourd'hui engagés, un débat auprès des Français, qui a démarré au mois d'octobre, qui va s'achever à la fin du mois de janvier, moi je réunirai la semaine prochaine des jeunes de 18 à 35 ans pour leur demander leur perception de ce que doit être notre futur énergétique, pour un peu nous pousser dans nos retranchements et formuler des interrogations et des recommandations à destination des décideurs, des parlementaires et du gouvernement, et sur cette base nous allons travailler à un projet de loi qui dira la part du nucléaire, la part de renouvelable, la part de la baisse de la consommation.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Ce qui a été déjà été voté en revanche à l'Assemblée c'est le projet de loi sur les renouvelables, avec l'aide d'ailleurs du Parti socialiste, qui a voté votre texte. La loi elle garde la cohérence qu'elle avait, malgré son passage au Sénat et la manière dont elle a été un peu retricotée entre le Sénat et l'Assemblée ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
En réalité elle a été enrichie entre le Sénat et l'Assemblée. Je veux d'abord souligner que le Sénat a voté cette loi quasiment à l'unanimité…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Sénat qui est dominé par la droite.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Sénat qui est dominé par la droite, mais tous les groupes ont voté pour cette loi, à l'exception du Parti communiste qui s'est abstenu, comme ils l'ont indiqué, avec bienveillance, donc on a eu une vraie responsabilité de la part de chacun des groupes du Sénat pour soutenir une loi qui est une loi qui va dans l'intérêt des Français.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Et qui change quoi concrètement ? Ça va permettre de multiplier les éoliennes, ce qui inquiète certains Français d'ailleurs.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, l'objectif de cette loi, très simplement, c'est de diviser par deux le temps de mise en oeuvre des projets, de photovoltaïque, d'éoliennes marines, de biomasse, de géothermie, donc tous ces projets pour lesquels nos procédures administratives sont deux fois plus longues que dans les autres pays, et l'enjeu c'est de diviser par deux ces procédures. Pourquoi ? Parce qu'on a besoin d'électricité, parce qu'on a besoin de chaleur renouvelable, parce qu'on doit pouvoir se passer, encore une fois, du gaz et du pétrole.
NEÏLA LATROUS
La loi, telle que votée à l'Assemblée, prévoit la création d'un nouveau poste, un médiateur des énergies renouvelables, à quoi servira ce médiateur ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
On en a un qui existe déjà sur l'hydraulique, c'est un médiateur en Occitanie, où on a une expérimentation, qui en fait va jouer le rôle d'interface entre les porteurs de projet et les élus locaux, la population…
NEÏLA LATROUS
La population, si elle n'est pas contente qu'il y ait une éolienne ou une centrale photovoltaïque à côté chez, pourra saisir par elle-même le médiateur des énergies renouvelables demain ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. L'enjeu, comme on a des médiateurs des entreprises, un médiateur de l'énergie aussi, c'est de faciliter l'acceptabilité sur le terrain de ces énergies renouvelables, et souvent il y a une grosse part de malentendu dans les projets, il y a aussi une insuffisante écoute de la part des porteurs de projet, ce que nous souhaitons, nous, c'est mettre en place une planification de ces énergies renouvelables, où, en un mot, on se pose la question de quels sont les endroits où c'est le plus approprié de mettre des panneaux photovoltaïques, de mettre aussi des éoliennes terrestres, il ne faut pas avoir peur de mettre des éoliennes terrestres, j'étais il y a quelques jours avec le président des maires du Pas-de-Calais qui vient de faire voter son schéma sur les énergies renouvelables, qui a pris le temps de préciser les morceaux de territoires où c'est le plus approprié, le plus acceptable, le plus vivable, de mettre des énergies renouvelables, il ne faut pas que ça pousse comme des champignons, de manière désorganisée, et c'est ce que fait cette loi en partant concrètement du terrain, c'est une loi qui est très attendue par les élus locaux.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Agnès PANNIER-RUNACHER, bientôt ce sera la COP 28 qui aura lieu à Dubaï, elle sera présidée par le sultan Ahmed Al Jaber, qui est aussi le PDG de la compagnie pétrolière nationale émiratie, est-ce que ça vous choque ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'évidemment c'est très paradoxal de se dire que c'est le patron d'une entreprise…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Pétrolière.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Qui est à l'origine d'émissions de gaz à effet de serre qui préside la COP 28, c'est le choix des Emirats arabes unis, qui va accueillir la COP 28, mais je veux redire aussi une chose…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Est-ce que ça vous choque ? C'est la question.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, je crois que ce n'est pas dans cette formule-là que j'irais. Si on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, il va falloir négocier avec les plus gros émetteurs, et avec les pays qui ont le plus d'énergies fossiles…
LORRAIN SÉNÉCHAL
Mais là c'est lui qui va présider les négociations, c'est particulier.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Eh bien précisément, et ça veut dire qu'il prendre ceux, qui aujourd'hui sont des grands émetteurs, qui aujourd'hui ont construit leur économie sur les énergies fossiles, il faut les prendre au mot, et il faut les amener à nous montrer comment ils arrivent à la neutralité carbone. Moi j'ai déjà rencontré…
LORRAIN SÉNÉCHAL
On n'a plus le temps Agnès PANNIER-RUNACHER…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Pardon.
LORRAIN SÉNÉCHAL
Merci beaucoup, ministre de la Transition énergétique, je suis désolé mais c'est comme ça, c'est le temps sur France Info, et c'est bientôt l'heure de la météo, merci à vous, bonne journée.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Merci à vous, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2023