Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la gestion de l'eau dans une perspective économique et écologique.
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que le groupe auteur de la demande dispose d'un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l'issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d'un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
(…)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dialoguer, écouter, débattre, agir : sur le sujet de l'eau plus encore peut-être que sur tout autre sujet, il nous faut faire tout cela en même temps, alors même que l'urgence climatique bouleverse notre gestion quotidienne de l'eau.
Je salue tout d'abord cette initiative sénatoriale consistant à lancer un tel débat sur notre politique de gestion de l'eau. Ainsi l'occasion nous est-elle donnée d'échanger publiquement sur un sujet éminemment stratégique pour notre nation.
Nous avons longtemps été habitués à ce que l'eau soit partout. Dans un pays comme la France, l'eau est majoritairement tenue pour acquise, courante et peu chère.
Toutefois, si nous voulons la préserver, nous devons lui redonner sa véritable valeur et apporter le plus grand soin à la gestion de cette ressource stratégique.
Le changement climatique entraîne des bouleversements profonds du cycle de l'eau. La sécheresse que nous avons connue en 2022 a été intense et prolongée. Elle a eu un retentissement sans précédent auprès de l'opinion publique. De très nombreux Français ont ressenti ses effets dans leur quotidien, au gré des restrictions et des interdictions.
Cet épisode a fait prendre conscience à nos concitoyens à quel point l'eau était une ressource précieuse et un patrimoine commun de la Nation à préserver. Il a aussi révélé des éléments à améliorer dans notre gestion de crise. Tel est l'objet de la mission d'inspection qui a été diligentée et qui rendra ses recommandations au premier semestre de 2023.
Au-delà de la gestion de crise, il nous faut aussi engager des évolutions structurelles de la gestion de l'eau.
Pour autant, et vous en conviendrez en tant que représentants des collectivités, mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas attendu l'été 2022 pour agir.
Depuis 1964, nous avons une politique de l'eau structurée, organisée et fortement outillée.
La France a placé les collectivités au centre de la politique de l'eau. L'organisation par bassin fait figure d'exemple sur la scène internationale et nous pouvons, collectivement, en être fiers. Nous disposons d'outils et nous sommes en mesure de trouver des solutions face aux défis qui se présentent à nous.
Je vois cette prise de conscience de l'opinion publique comme une occasion de mobiliser l'ensemble des acteurs – particuliers, industrie, agriculture, tourisme, secteur public – dans une même dynamique, sans opposition, sans accusation.
Si, aujourd'hui, nous reposons les termes d'un débat sur la ressource en eau, c'est parce que sa raréfaction rend la question du partage entre ses différents usages de plus en plus cruciale.
Nous devrons être capables d'arbitrer la question du partage de cette ressource, dans la concertation et dans un esprit de responsabilité collective.
Il nous faut aussi construire un cadre propice au déploiement de solutions dans les territoires.
Nous devons nous donner les moyens d'investir pour économiser l'eau, l'utiliser efficacement et selon une logique circulaire, préserver sa qualité et minimiser l'impact environnemental de cette utilisation.
Je sais que le Sénat est particulièrement attentif au sujet de la gestion de l'eau. Les territoires sont en première ligne face aux enjeux et défis afférents.
Je veux avoir un mot pour les collectivités, pour les services de l'État et pour les acteurs économiques qui ont été les plus confrontés à la gestion de crise, car je sais que cette année a été particulièrement éprouvante.
Le Sénat a déjà produit un rapport d'information sur la gestion de l'eau en 2016 intitulé Eau : urgence déclarée, et j'ai pris connaissance avec beaucoup d'attention du dernier rapport d'information publié par la Haute Assemblée sur ce sujet au mois de novembre 2022.
Madame la sénatrice Belrhiti, vous l'avez souligné, ce rapport d'information soulève plusieurs préoccupations partagées par un grand nombre d'acteurs de l'eau.
Vous vous demandez de quels moyens disposeront les collectivités pour agir dans la préservation du grand cycle de l'eau.
Vous vous posez la question de la mise en cohérence des échelons de gouvernance.
Vous promouvez un dialogue renforcé entre les instances de définition des politiques publiques territoriales.
Vous vous interrogez sur la possibilité de lever des freins à l'innovation, dont certains sont réglementaires, comme sur le sujet de la réutilisation des eaux usées.
Ces questions font pleinement écho aux enjeux identifiés lors du lancement du chantier sur la gestion de l'eau qui s'inscrit dans la planification écologique promue par la Première ministre.
Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même avons inauguré ce chantier, le 29 septembre dernier, avec l'objectif de coconstruire un plan d'action mobilisant l'ensemble des parties prenantes, de bâtir du consensus et de repolitiser le sujet de l'eau.
Il ne s'agissait pas de refaire les assises de l'eau ou le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique : les engagements sont pris et nous nous y tiendrons.
Nous nous sommes appuyés sur les instances de gouvernance et les compétences existantes. Nous avons ainsi mobilisé le Comité national de l'eau (CNE) pour organiser une large concertation des acteurs.
Cette concertation, nous avons souhaité qu'elle soit également déployée dans les territoires, dans les comités de bassin, car notre volonté est bien d'affirmer le principe d'une politique de l'eau décentralisée et concertée avec l'ensemble des usagers.
La phase de concertation vient tout juste de s'achever.
Le Comité national de l'eau et les présidents des comités de bassin m'ont présenté leurs contributions jeudi dernier. Je tiens à souligner la richesse des réflexions, l'important travail accompli pour construire du consensus et les propositions très concrètes qui ont été formulées.
Ce plan d'action ne sera pas le plan d'action de l'État : il sera notre plan d'action collectif. Je compte sur les collectivités que nous avons consultées pour s'associer à sa mise en œuvre.
Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même présenterons le contenu de ce plan le 26 janvier prochain, lors du carrefour des gestions locales de l'eau.
Ce plan comportera des mesures très concrètes, qui prendront effet à très court terme. Des chantiers stratégiques y seront aussi ouverts, qui permettront de préparer le long terme et se traduiront notamment dans le douzième programme des agences de l'eau.
Sans dévoiler son contenu aujourd'hui – je vous donne rendez-vous dans quinze jours, mesdames, messieurs les sénateurs ! –, je peux d'ores et déjà vous confirmer qu'il traitera des enjeux de gouvernance et de financement et qu'il déclinera un ensemble de mesures tournant autour des quatre enjeux suivants : limiter le gaspillage et promouvoir la sobriété ; opérer, dans la concertation, un partage juste de la ressource ; permettre un accès sécurisé à une ressource en eau potable de qualité ; restaurer un grand cycle de l'eau fonctionnel pour préserver les écosystèmes.
Ce plan traduit une conviction commune : la ressource en eau en France est précieuse, précieuse pour nos écosystèmes, précieuse pour notre santé, précieuse pour notre économie.
Nous devons repolitiser les enjeux territoriaux de l'eau, en particulier les questions de partage de la ressource.
Nous devons nous réunir autour d'une ambition forte pour favoriser des solutions d'adaptation dans nos territoires.
Je serai ravie de revenir au Sénat vous présenter l'ambition et le contenu de ce plan. En attendant, je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
- Débat interactif -
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.
Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. On oppose souvent l'écologie à l'économie. Pourtant, les enjeux relatifs à l'une et à l'autre doivent être rapprochés.
En effet, le constat du réchauffement climatique ou l'annonce de milliers d'espèces disparues ou menacées nous obligent à revoir nos modes de production et de consommation.
Concernant la rareté de l'eau, la situation devient tendue. Dans nos territoires du Sud, des communes sont régulièrement ravitaillées en eau potable.
Se posent donc plusieurs questions quant à la gestion de la ressource.
Comment favoriser encore davantage le partage de l'eau dans un contexte de croissance démographique ? En trente ans, la consommation d'eau a doublé à l'échelle mondiale. Il faut donc raisonner globalement.
Pour ce qui est de la filière agricole, l'irrigation devrait s'accompagner de formations obligatoires et de quotas par production.
Quant à la consommation d'eau potable, malgré les messages de sensibilisation, elle n'est toujours pas raisonnée – songeons, par exemple, à l'utilisation d'eau potable pour laver les voitures ou alimenter les chasses d'eau. Cela est choquant, tout autant que de sacrifier des terres agricoles qui ont bénéficié de l'irrigation.
Seriez-vous favorable, madame la secrétaire d'État, à l'interdiction de la vente de terres agricoles irriguées à des fins d'urbanisation ?
D'autres solutions existent, notamment la récupération des eaux usées. L'objectif de tripler d'ici à 2025 les volumes d'eau non conventionnelle répond aux enjeux et, à cet égard, le décret du 10 mars 2022 relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées est une grande avancée.
Pourtant, comment ces solutions seront-elles concrètement déployées au sein des territoires ? Qui financera ?
Qu'en est-il de l'évaluation des expérimentations qui ont été menées dans les territoires ?
Les projets de territoire pour la gestion de l'eau sont-ils efficients partout en France ? Quel en est le bilan ?
Quid également du dossier des retenues collinaires, lesquelles répondent à deux objectifs, l'irrigation, bien sûr, mais également la limitation des crues ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Cabanel, vous m'interrogez sur les outils mobilisables pour la bonne gestion de l'eau. J'ai reçu la semaine dernière, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, le Comité national de l'eau et les représentants des comités de bassin, qui m'ont présenté de riches contributions dans le cadre de la concertation pour la planification écologique de l'eau.
En matière de sobriété et de lutte contre les gaspillages et les fuites, nous devons aller plus loin en aménageant la ville selon une conception plus sobre que celle qui a prévalu jusqu'à présent.
Quant aux agriculteurs, mais aussi aux industriels, ils peuvent être plus performants encore qu'ils ne le sont. De nombreuses solutions existent ; le plan que je proposerai avec Christophe Béchu permettra d'accélérer leur mise en œuvre via des moyens financiers et des simplifications réglementaires – je pense notamment à la réutilisation des eaux usées traitées.
Deux axes me semblent importants.
Le premier axe est de faire de la sobriété une politique publique prioritaire. Nous informerons mieux les Français sur les bons gestes. Quant aux collectivités, elles doivent mettre en question leurs usages et proposer des solutions de substitution pour que la croissance de la population et le changement climatique – plus de besoins, moins d'eau – ne causent pas de difficultés.
Le second axe est la nécessité pour les territoires d'organiser un meilleur partage de la ressource. Cela passera par une gouvernance plus efficace et sereine. Compte tenu du nombre important d'acteurs concernés, la rédaction de projets de territoire pour la gestion de l'eau est l'une des méthodes – non la seule, évidemment – qu'il est essentiel de mobiliser.
J'aurai l'occasion d'y revenir plus précisément au cours du débat : concernant les PTGE, une instruction complémentaire à celle du 7 mai 2019 a été élaborée, intégrant les pistes d'amélioration identifiées dans le cadre du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. Elle est en cours de signature et vise surtout à accélérer, car, dans nombre de territoires, les acteurs ne s'entendent ni sur le diagnostic ni sur la nécessité à agir collectivement.
Je termine en mentionnant les retenues collinaires. Cette solution doit être étudiée au cas par cas : il n'est pas question de la généraliser en France, mais chaque projet qui respectera les critères exigeants que nous fixons pourra être validé. Nous aurons l'occasion, pendant ce débat, de revenir plus en détail sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Madame la secrétaire d'État, je reviens sur l'irrigation agricole.
Il faudrait que les agriculteurs qui demandent de l'eau soient formés. Actuellement, lorsqu'un agriculteur dépose une demande d'autorisation d'irriguer, on la lui accorde, à condition qu'il puisse financer cette irrigation, mais il n'est pas formé à la bonne utilisation de la ressource en eau et aucun projet n'existe en ce sens. Il doit être possible d'avancer sur ce point.
En matière d'utilisation des eaux usées, des expérimentations sont en cours, mais je plaide pour que ce genre d'initiatives se développe davantage.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Notre indépendance alimentaire passe par la sauvegarde de notre agriculture et par le maintien de sa capacité à produire des denrées de qualité en quantité suffisante.
Dans un contexte d'adaptation aux effets du changement climatique, des solutions sont à rechercher pour que les activités consommatrices d'eau puissent se poursuivre.
Dans le domaine agricole, la réponse passe en partie par la possibilité de continuer à irriguer, même pendant les périodes de sécheresse, lesquelles, certaines années, débutent dès le printemps.
Toutefois, la ressource en eau se raréfie.
Encore fortement agricole, le département des Deux-Sèvres figure parmi les plus touchés par les effets de la sécheresse. Confrontés au premier chef aux aléas liés au changement climatique, les agriculteurs deux-sévriens ont dû et ont su s'organiser pour maintenir leur production en qualité et en quantité. Réunis au sein d'une coopérative de l'eau, ils se sont engagés dans la réalisation de retenues de substitution afin d'alléger la tension sur la ressource en eau, ces réserves permettant de stocker de l'eau en période hivernale.
Il convient de rappeler que ce projet a été lancé voilà une dizaine d'années, après concertation, avec l'accord des hydrogéologues, de l'État, des collectivités territoriales, des associations environnementales et des agriculteurs. Parallèlement, ces mêmes agriculteurs se sont engagés à faire évoluer leurs modes de production et se sont tournés vers des cultures moins consommatrices en eau.
Le département des Deux-Sèvres est aujourd'hui tristement connu pour la manifestation violente que ce projet d'investissement a suscitée le 29 octobre dernier, notamment à Sainte-Soline. Ces investissements, pourtant autorisés, font l'objet de contestations et de sabotages. Les porteurs de projet et les entreprises sont soumis à des intimidations. Les conditions dans lesquelles les entrepreneurs interviennent s'en voient dégradées.
Cette situation interpelle l'ensemble des acteurs qui promeuvent des projets identiques à l'échelle nationale. Aussi, madame la secrétaire d'État, vous serais-je reconnaissant de bien vouloir m'indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour que ce projet puisse être mené à son terme, mais surtout pour que le développement de ce type d'investissements soit rendu possible à l'échelon national.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Mouiller, vous m'interrogez sur le projet de retenue de Sainte-Soline. Je tiens tout d'abord à rappeler que le Gouvernement condamne fermement les actes de violence et les dégradations qui ont eu lieu.
Les seize retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole dans le bassin versant Sèvre Niortaise et Mignon, notamment à Sainte-Soline, constituent une réponse adaptée aux enjeux du territoire, dans l'objectif d'atteindre une gestion durable et équilibrée de la ressource en eau.
Le protocole a été validé en 2018 et signé en présence d'élus de toutes sensibilités ; je ne les nommerai pas ici, mais vous en connaissez un certain nombre. Il est soutenu par l'État pour trois raisons : premièrement, parce que celui-ci a proposé à tous les acteurs du territoire un cadre de concertation pour parvenir collectivement à un projet équilibré entre les besoins agricoles en eau et la préservation de l'environnement ; deuxièmement, parce que les réserves de substitution dans ce bassin versant sont pertinentes pour améliorer la situation durant l'été, comme cela est confirmé par les études scientifiques ; troisièmement, parce que le projet de réserves de substitution a été conditionné à des contreparties du monde agricole – je pense à la réduction de 50 % des pesticides, aux mesures en faveur des zones humides et de la biodiversité ou encore aux évolutions vers des pratiques agroenvironnementales et des cultures moins gourmandes en eau –, ce qui permet d'accélérer la transition écologique.
Le projet, qui a été légalement autorisé, apporte des garanties nécessaires en matière de prélèvement de la ressource en eau. Les études scientifiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de 2022 montrent un gain de débit dans les cours d'eau et de plusieurs mètres de hauteur dans les nappes pendant la saison d'étiage ; les conditions de remplissage hivernales sont strictement contrôlées. Si les niveaux des nappes souterraines sont inférieurs aux seuils fixés par arrêtés préfectoraux, le remplissage des réserves de substitution est interdit.
Soyez assuré que le Gouvernement sera très attentif à la situation du territoire des Deux-Sèvres : ce projet a été validé et sera bien mis en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Madame la secrétaire d'État, le 25 novembre dernier, un arrêté plaçait le département de la Corrèze en "vigilance", après plusieurs mois en situation de limitation des usages de l'eau. L'état de sécheresse de cet été s'est étendu à l'automne. La question de la quantité de la ressource en eau dans notre pays se pose donc plus que jamais.
D'un point de vue tant économique qu'écologique, la gestion de l'eau est indispensable. Je prendrai l'exemple de l'agriculture : les sécheresses que nous connaissons depuis plusieurs années ont un impact sur notre souveraineté alimentaire. Notre agriculture perd des parts de marché aux échelons européen et international. Gérer l'eau suppose que l'on puisse poursuivre l'irrigation des terres. Qu'est-il prévu concernant les évolutions des systèmes d'irrigation et de rétention d'eau de pluie – les retenues collinaires d'hiver – en agriculture ?
La gestion de l'eau est également essentielle quand il s'agit de production d'énergie via des moulins ou des barrages. La petite hydroélectricité, tout comme les grandes installations, sont à la croisée d'enjeux économiques, écologiques, énergétiques, à l'heure – je l'ai dit lors des dernières questions d'actualité au Gouvernement, au mois de décembre dernier – où les lacunes de notre souveraineté énergétique, dues à une diminution du nucléaire, sont bien là.
À l'occasion de ses vœux, le Président de la République a évoqué une hausse des prix de l'électricité plafonnée, ainsi que des aides adaptées autant que nécessaire. Dans l'état actuel des choses, si rien n'était fait, beaucoup de PME seraient en grande difficulté. Nous devons en effet sortir de la dépendance énergétique.
Une meilleure gestion de l'eau peut y participer. La petite et la grande hydroélectricité font partie des solutions. Madame la secrétaire d'État, quelles sont les prochaines étapes envisagées ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Chasseing, je partage votre analyse : le changement climatique en cours aura un impact fort sur notre agriculture. C'est pourquoi le précédent gouvernement a engagé un Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, afin d'évoquer les solutions face à ce défi. Une feuille de route a aussi été présentée par la Première ministre au mois de mars dernier. C'est bien une dynamique d'adaptation que défend le Gouvernement, avec un panel de solutions qu'il conviendra de mobiliser.
Les agences de l'eau et FranceAgriMer accompagnent financièrement l'adaptation de l'agriculture. Dans le cadre de France Relance, plus de 170 millions d'euros ont été dédiés à l'investissement dans les matériels d'irrigation plus performants, par exemple le goutte-à-goutte en arboriculture, le pilotage basse pression en grandes cultures, ainsi que les projets hydrauliques collectifs.
Plus globalement, nous avons construit ensemble trois piliers indissociables pour le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique : premièrement, se doter d'outils d'anticipation et de protection de l'agriculture face aux aléas climatiques, deuxièmement, renforcer la résilience de l'agriculture dans une approche globale, en agissant sur les pratiques agricoles et l'efficience de l'irrigation, troisièmement, accéder à une vision partagée et raisonnée de l'accès aux ressources en eau.
M. Laurent Duplomb. Cela ne veut rien dire !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. Il faut continuer à travailler à la fois sur l'adaptation et la mobilisation des ressources. Les plans d'adaptation des filières doivent se saisir pleinement de l'enjeu de changement climatique, comme l'a fait la filière viticole. Les chambres régionales d'agriculture réfléchissent à des projets territoriaux qui seront indispensables. La diffusion des solutions doit se généraliser dans toutes les exploitations.
Monsieur le sénateur, vous m'avez également interrogée sur l'hydroélectricité. Je répondrai ultérieurement à cette question, le temps de parole qui m'est imparti étant limité.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller.
M. Daniel Breuiller. L'eau est un bien commun inaliénable. On a longtemps cru que, en France, son accès était garanti pour tous et pour tous les usages. Toutefois, en 2022, 80 % des départements furent soumis à des obligations de restriction, dès l'hiver pour certains d'entre eux. Les sécheresses inédites et intenses annoncent un niveau jamais atteint du bouleversement climatique, qui a touché le cycle même de l'eau.
Ce n'est pas un aléa météorologique, c'est une transformation qualitative – élargissement et assèchement de la couche atmosphérique, baisse et non-reconstitution des nappes phréatiques – qui impose des changements de pratiques dans tous les secteurs : vie quotidienne, nucléaire, industrie, agriculture. Si cette dernière est parfois montrée du doigt, elle peut être aussi source de solution en s'adaptant à des cultures plus économes en eau et en favorisant le stockage carbone.
Face à la raréfaction de la ressource, le partage de l'eau devient un enjeu crucial, objet de conflits, parfois dramatiques comme à Sivens avec la mort de Rémi Fraisse. C'est le cas aussi autour des bassines. De ce point de vue, l'assimilation des protestations à de l'"écoterrorisme" ne résout rien, au contraire.
Les chercheurs alertent sur le caractère structurel des modifications en cours. Madame la secrétaire d'État, pensez-vous possible – en ce qui nous concerne, nous le jugeons nécessaire – de mieux partager la connaissance et les analyses scientifiques ? Si oui, comment ? Nous proposons, pour notre part, un doublement des crédits de la recherche.
Quelle modification le Gouvernement entend-il soutenir pour le partage de la ressource en eau : évolution de l'agriculture vers l'agroécologie ? Limitation de l'impact du nucléaire ? Priorisation des usages essentiels du quotidien face aux usages superflus ou de confort ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Breuiller, l'approvisionnement en eau potable est la première des priorités. Plus d'une centaine de collectivités se sont en effet retrouvées en difficulté cette année. Nous avons confié une mission aux inspections pour faire le retour d'expérience sur la gestion de la crise, afin d'être prêts pour la saison prochaine.
Cette mission formulera des propositions qui seront évoquées avec l'ensemble des parties prenantes, réunies au sein du Comité national de l'eau (CNE). Sur cette base, nous mettrons à jour les procédures. Il s'agira de réviser le guide national sécheresse et de s'assurer de la mise à jour des arrêtés-cadres et du plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile) "eau".
J'ai aussi demandé aux préfets d'établir la liste de l'ensemble des collectivités ayant rencontré des difficultés d'approvisionnement et d'accompagner en priorité les plus fragiles pour améliorer leur résilience d'ici à l'été prochain. Cela passe notamment par le développement des interconnexions de réseaux. Le Gouvernement engagera 100 millions d'euros de dépenses supplémentaires pour les agences de l'eau.
M. Laurent Duplomb. Ce n'est pas grâce à vous !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. C'est un enjeu important. Il faudra aussi anticiper davantage les sécheresses.
À l'échelon national, je réunirai prochainement le Comité d'anticipation et de suivi hydrologique (Cash). À l'échelle des territoires, je souhaite que les préfets de département réunissent les comités ressource en eau dès la sortie de l'hiver pour anticiper les risques de tensions sur la ressource.
J'ai aussi demandé que les entreprises fortes consommatrices d'eau fassent l'objet d'inspections afin que des solutions en termes d'économies d'eau et d'anticipation des restrictions puissent être évoquées avec elles. Au-delà de la gestion de crise, c'est tout un ensemble de mesures de gestion structurelle de la ressource en eau qui doit nous permettre de garantir l'adéquation entre disponibilité de la ressource et besoins des différents usages. Tel est l'objet du plan que j'ai déjà évoqué.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour la réplique.
M. Daniel Breuiller. D'ici trente ans, le débit moyen des fleuves pourrait diminuer de 30 % à 50 % et les deux tiers de notre pays pourraient connaître des conditions de sécheresses durables. Je ne suis pas certain que nous ayons pris la mesure de ce phénomène. Personne ne pourra dire demain : "On ne savait pas."
La compréhension partagée est indispensable. Il faut renforcer le travail académique, pour que le fruit de ce travail nourrisse les élus, les professionnels et les organisations non gouvernementales (ONG).
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. L'eau est un bien fondamental. Sa gestion quantitative et qualitative occupe une place centrale dans nos politiques publiques, aussi bien localement que nationalement. L'été dernier, l'ensemble de notre pays a été touché par la sécheresse, des restrictions d'usages, plus ou moins sévères, ont été mises en œuvre. Ce fut le cas dans le Finistère.
Depuis 2001, la France métropolitaine a perdu 14 % de ses ressources en eau renouvelable par rapport à la période de référence précédente. À la suite des assises de l'eau et après le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, il est donc nécessaire d'aller plus vite et plus loin, alors que, nous le savons, le réchauffement climatique intensifiera la durée et l'intensité de ces épisodes. Dans cette volonté d'accélération, rappelons ici que le rôle joué par les élus locaux sera fondamental.
Plus généralement, il nous faut parvenir à un consensus sur l'eau en associant toutes les parties prenantes. Cela passera par un effort de démocratisation, d'éducation, mais aussi de communication ciblée et continue sur les usages et leur priorisation.
À la fin du mois d'août dernier, lors de la Rencontre des entrepreneurs de France 2022, la Première ministre a abordé la notion de planification écologique de l'eau, dans l'objectif de planifier les actions dont nous avons besoin pour accélérer la transition écologique et atteindre l'objectif de baisse de prélèvements : - 10 % d'ici à 2025, - 25 % d'ici à 2035.
Le 29 septembre dernier, dans ce cadre, Agnès Pannier-Runacher, Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et vous-même, madame la secrétaire d'État, avez lancé à Marseille un premier chantier consacré à la gestion de l'eau, laquelle se doit d'être plus résiliente, plus fiable, et ce dans les trois domaines principaux que sont l'industrie, l'agriculture et les usages du quotidien. Pourriez-vous nous préciser la méthodologie retenue et les actions à venir en la matière ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la sénatrice Havet, la politique de l'eau est structurée, organisée et fortement outillée, il est important de le rappeler. Pourtant, durant cette sécheresse historique, nous avons collectivement constaté que nous devions aller plus loin pour être à la hauteur face à l'inéluctable dérèglement climatique.
Le diagnostic est sans appel : on évalue à 81 % l'effondrement des espèces d'eau douce ; trop de territoires sont en déficit ; 30 % des eaux souterraines ne sont pas dans un bon état chimique. Nous devons donc accélérer de manière coordonnée. C'est l'objectif du chantier que j'ai lancé avec Christophe Béchu et Agnès Firmin Le Bodo à Marseille, le 29 septembre dernier.
Ce chantier s'inscrit dans l'exercice de planification promu par la Première ministre. Nous devons engager une transition pour faire preuve d'une réelle sobriété dans les usages de l'eau, renforcer la gouvernance sur son partage, garantir l'accès à une eau potable de qualité et restaurer le grand cycle de l'eau.
Une des clés de la réussite passera par une planification efficace, qui conduira très rapidement à la réalisation de projets. Pour coconstruire le plan d'action, j'ai mobilisé l'ensemble des parties prenantes afin de bâtir du consensus, mais aussi de repolitiser le sujet de l'eau.
Les contributions du Comité national de l'eau et des comités de bassin ont été présentées jeudi dernier. Les acteurs m'ont transmis de nombreuses propositions qui touchent à la fois à la gouvernance, aux outils réglementaires et au financement. J'examine actuellement ces propositions et je tiens à saluer la qualité du travail qui m'a été remis.
Le plan Eau sera annoncé à Rennes, à la fin du mois de janvier, lors du carrefour des gestions locales de l'eau. Je vous donne donc rendez-vous dans une quinzaine de jours, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Je tiens, tout d'abord, à remercier le groupe Les Républicains, à qui nous devons ce débat sur la gestion de l'eau.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite vous alerter sur une question déterminante qui a l'avantage d'allier les deux sujets préoccupants du moment : gestion de nos énergies et gestion de l'eau. Je parle ici des barrages hydroélectriques et des lourds enjeux qu'impliquent la mise en concurrence pour l'attribution de leur exploitation et le renouvellement des concessions.
Depuis quinze ans, la Commission européenne fait pression sur l'État pour obtenir la mise en concurrence des barrages hydroélectriques. La France a ainsi reçu deux mises en demeure, en 2015 et en 2019.
Le choix des futurs concessionnaires ne sera pas anodin : ils auront en charge la régulation des cours d'eau, mais surtout la responsabilité de 12 % de la production énergétique métropolitaine, part importante qui fait de la France le troisième pays européen en termes de puissance installée.
En cette nouvelle année, plus de 150 concessions arrivent à échéance. Nombre de parties prenantes se sont déjà opposées à la décision verticale de mise en concurrence, tant elle est éloignée des enjeux territoriaux, et soutiennent, dans un même temps, le maintien du statu quo du quasi-monopole d'EDF.
L'échéance se rapproche fatidiquement et soulève de nombreuses problématiques : iniquité de la mise en concurrence avec les pays membres, pertes d'emplois, hausse des prix de l'électricité, danger pour la sûreté des usagers et la sécurité d'approvisionnement, inégalités entre collectivités.
Madame la secrétaire d'État, la région Occitanie, comme de nombreuses collectivités, vous a demandé dès le mois de novembre dernier d'obtenir une dérogation pour la France. Où en sont les négociations avec Bruxelles et comment le Gouvernement réussira-t-il à répondre aux nombreuses problématiques économiques et écologiques que pose l'ouverture à la concurrence ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Gillé, comme vous le savez, la Commission européenne a engagé un contentieux à l'encontre de la France, portant notamment sur l'absence de renouvellement par mise en concurrence des concessions hydroélectriques échues. Une telle situation nuit aux investissements dans le secteur et elle est source d'incertitude pour les entreprises, les agents, la population, mais aussi les élus.
C'est dans ce contexte que le Gouvernement explore plusieurs scénarios pour le renouvellement des concessions hydroélectriques. Il sera particulièrement attentif à ce que la solution retenue permette la pérennisation et le développement du parc hydraulique français, au bénéfice du système électrique français et des emplois liés à ce secteur d'activité.
Pour le très court terme, l'article 16 quinquies du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit que les investissements permettant d'assurer la pérennité d'un ouvrage hydroélectrique dont la concession est échue pourront être réalisés.
Quelle que soit la solution retenue pour la gestion des concessions hydroélectriques françaises dans le cadre de la résolution de ce contentieux, le Gouvernement sera très attentif au potentiel énergétique, technique et humain des sociétés hydroélectriques et à leur ancrage territorial. Il sera en outre, dans le contexte de l'adaptation au changement climatique, tout aussi précautionneux quant aux enjeux de gestion de l'eau.
Ces enjeux peuvent notamment passer par une politique de soutien à l'étiage, à l'instar de celle qui a été menée l'été dernier pendant la sécheresse historique que nous avons connue, afin de préserver le débit de certaines rivières ou de certains fleuves, et ainsi de conjuguer les différents usages possibles de l'eau à l'aval. Ce soutien à l'étiage a conduit à utiliser une fraction de l'eau des grands réservoirs hydrauliques, non pas pour faire du turbinage à des fins économiques, mais pour apporter des volumes complémentaires dans le contexte de sécheresses. Des projets tels que les stations de transfert d'énergie par pompage (Step) pourront également contribuer à la transition énergétique et aux besoins croissants de soutien à l'étiage.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Pour ce qui est de la mise en demeure de l'Europe, je constate que la réponse reste ouverte… Nous suivrons donc ces sujets avec beaucoup d'attention.
La Gironde est directement concernée, madame la secrétaire d'État, puisque le soutien d'étiage bénéficie à la Garonne au travers des barrages, notamment hydroélectriques. Je serai donc particulièrement vigilant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. En France, nous n'avons pas attendu la directive-cadre sur l'eau, puisque, depuis leur création en 1964, le combat quotidien des agences de l'eau est d'assurer le bon état des eaux. Érigées en six établissements publics, elles ont pour mission de lutter contre les pollutions de l'eau en garantissant la protection des milieux aquatiques.
Après avoir subi des baisses d'effectifs continues, allant jusqu'à la suppression de plus de 20 % de leurs emplois, leurs moyens financiers ont été rabotés depuis 2018…
M. Laurent Duplomb. Même avant !
Mme Marie-Claude Varaillas. … par l'instauration du plafond mordant, qui limite leurs capacités d'interventions financières auprès des collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et syndicats.
Le récent transfert des compétences eau et assainissement au bloc communal, obligatoire d'ici à 2026, induit un surcoût pour les collectivités. Si l'entretien des réseaux est relativement bien assuré dans les grandes communes, ces réseaux ont souvent plus de soixante ans dans les petites communes et ces dernières rencontrent par ailleurs des difficultés importantes de mise aux normes des installations d'assainissement non collectif, particulièrement onéreuse pour les usagers. Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous donner aux agences de l'eau les moyens d'accompagner les collectivités qui ont à faire face à ces enjeux importants à l'aune du changement climatique ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la sénatrice Varaillas, nous devons disposer de solutions efficaces pour pallier le manque d'eau et le déficit structurel des nappes. Créées par la loi de 1964, les agences de l'eau sont un outil indispensable pour nos territoires : elles sont le bras armé permettant de mettre en œuvre une politique de l'eau qui réponde aux enjeux des territoires.
Je constate que le plafond annuel des taxes et redevances perçues par les agences de l'eau ne bouge plus depuis plusieurs années, ce qui implique de choisir entre des politiques aussi stratégiques les unes que les autres.
La maîtrise du plafond des redevances contribue également à la réalisation de l'engagement pris par le Gouvernement de maîtriser la fiscalité qui pèse sur les ménages. Pour autant, nous avons trouvé des marges de manœuvre budgétaires ces dernières années : avec le plan de relance à hauteur de 250 millions d'euros, puis avec l'augmentation, deux années consécutives, du plafond des dépenses de 100 millions d'euros. Nous avons ainsi obtenu une hausse de 50 millions d'euros pour l'année 2023 dans le cadre de la loi de finances pour répondre aux enjeux liés à la sécheresse de l'été dernier.
Par ailleurs, dans le cadre du plan Eau qui sera annoncé à la fin du mois de janvier, nous préparerons les prochains programmes d'intervention 2025-2030.
Madame la sénatrice, ne doutez donc pas de l'ambition du Gouvernement de doter les agences de l'eau de moyens suffisants pour répondre aux enjeux d'adaptation au changement climatique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.
Mme Marie-Claude Varaillas. En réduisant les moyens financiers des agences de l'eau, vous transférez la charge aux collectivités territoriales, donc aux contribuables locaux, notamment au travers de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).
M. Laurent Duplomb. Qui l'a votée ?
Mme Marie-Claude Varaillas. Face aux défis de notre époque, notamment le changement climatique, le principe selon lequel "l'eau paie l'eau" reposant essentiellement sur les seuls usagers est dépassé. La solidarité nationale doit s'exprimer.
L'eau n'est pas une marchandise, elle est un bien commun de l'humanité. À ce titre, nous devons en garantir l'accès et la gestion par la création d'un grand service public national, seul capable, de notre point de vue, de résoudre la globalité des enjeux relatifs à l'eau.
M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre.
Mme Amel Gacquerre. L'été 2022 marquera indéniablement un tournant dans la relation de notre pays à l'eau. Avec trente-trois jours de canicule, des restrictions d'eau dans quatre-vingt-treize départements, des épisodes de sécheresse et d'inondations soudaines, les Français ont pris conscience des effets du réchauffement climatique et d'une ressource en eau rare et à se partager.
Les événements extrêmes que nous avons connus ont exacerbé les tensions autour de l'eau entre utilisateurs agricoles et industriels, usagers et défenseurs de la biodiversité. L'arrêt de certaines productions industrielles, la production d'électricité via les centrales hydroélectriques perturbée, la perte de productions agricoles, etc. : les conséquences de la sécheresse se sont succédé et les conflits d'usages sont apparus dès lors que la priorité d'un usage sur l'autre a dû être arbitrée.
Vous le savez, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la question de l'eau connaît un véritable effet ciseau : d'un côté, des besoins et une demande de plus en plus importante pour l'agriculture confrontée à de fortes chaleurs, pour l'industrie du fait de la volonté de réindustrialiser nos territoires, pour la population ; de l'autre, des nappes phréatiques qui peinent à se maintenir et à se reconstituer. Cette situation entraîne des conflits d'usage, menace la cohésion sociétale et nécessite que nous nous organisions. Les usages des uns ne doivent ni pénaliser les autres ni fragiliser les écosystèmes à court, moyen et long termes.
Pour cela, il nous faut aujourd'hui une gestion stratégique de l'eau, une planification globale, transversale et territorialisée de la gestion de cette ressource.
À l'image des difficultés que nous connaissons actuellement en matière d'approvisionnement énergétique, n'attendons pas que les territoires entrent en tension pour mettre en place les outils nécessaires. L'anticipation et la prévention doivent guider l'action publique.
Madame la secrétaire d'État, quelles sont les propositions du Gouvernement pour bâtir ce dialogue si nécessaire à la préservation du bien commun qu'est notre eau ? Que proposez-vous afin de maîtriser les conflits d'usage ? Plus précisément, que proposez-vous pour organiser le partage d'usage de l'eau, et sous quel délai ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la sénatrice Gacquerre, je vous répondrai en deux temps, d'abord, en rappelant le droit en vigueur relatif à ces questions, ensuite, en détaillant les évolutions à envisager.
La loi sur l'eau du 3 janvier 1992 a établi le principe de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau. Celle-ci relève de deux grands articles de principe.
L'article L. 210-1 du code de l'environnement dispose que l'utilisation de l'eau et sa valorisation économique, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général.
L'article L. 211-1 du même code précise les différents intérêts ou usages à assurer ou à concilier. Il fixe ainsi les seules priorités légales à satisfaire : la santé, la salubrité publique, la sécurité civile et l'alimentation en eau potable.
Ces grands principes doivent être respectés lors de l'examen des dossiers et l'instruction des demandes d'autorisation environnementale, y compris de prélèvement et stockage d'eau, ainsi que pour la gestion anticipée, ou de crise, de la sécheresse.
Les questions relatives au partage de l'eau sont réglées dans les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage), dont le rôle est de planifier, ou de manière plus opérationnelle dans le cadre des projets de territoire pour la gestion de l'eau. Au-delà des principes et priorités fixés par la loi, les discussions territoriales peuvent ajouter des priorités entre usages économiques et les pondérer de manière adaptée.
Par ailleurs, le plan Eau que nous publierons à la fin du mois de janvier comportera des dispositions en lien avec celles de la maîtrise des conflits d'usage. La raréfaction de la ressource en eau rend la question du partage entre les différents usages de plus en plus cruciale, comme vous l'avez souligné, madame la sénatrice.
Outre les arbitrages qui doivent être menés localement, dans la concertation et dans un esprit de responsabilité collective, il nous faut aussi construire un cadre propice au déploiement de solutions dans les territoires. Je souhaite que les collectivités territoriales se saisissent mieux de ces enjeux et que le public en soit mieux informé. Nous devons être capables d'investir pour économiser l'eau, mais aussi pour l'utiliser efficacement.
M. le président. La parole est à M. Alain Cadec.
M. Alain Cadec. L'eau, cet "or bleu", fait partie de notre quotidien et l'on oublie souvent combien elle est précieuse. Au cœur de notre alimentation, de notre hygiène, de nos loisirs, mais aussi de notre économie, elle est essentielle. C'est un bien universel.
En 2022, la Bretagne a subi une sécheresse record, entraînant une pénurie d'eau durant l'été. Aussi, l'État a placé la région en alerte pendant plusieurs mois. Face à la crise, il a fallu trouver des solutions et chacun a dû être raisonnable dans sa consommation d'eau.
En Bretagne se pose une difficulté majeure : le sous-sol comptant très peu de nappes phréatiques, l'approvisionnement se fait essentiellement par des eaux de surface ; or les pluies insuffisantes, la canicule estivale et l'utilisation de la ressource ont fragilisé nos réserves. Cette sécheresse a fait craindre une rupture de l'alimentation en eau potable, notamment dans les Côtes-d'Armor. La ressource, pourtant bien gérée par le syndicat départemental, s'est retrouvée fragilisée.
L'été a aggravé le phénomène. Pour rappel, dans le département, la consommation journalière globale d'eau potable est de 130 000 mètres cubes : 65 % pour les particuliers, 15 % pour les agriculteurs, 20 % pour l'industrie.
Face à ce constat, pour assurer l'avenir et pérenniser l'approvisionnement en eau potable, des investissements des collectivités locales sont nécessaires, voire indispensables.
Quels moyens l'État a-t-il l'intention de mobiliser afin d'aider les collectivités à maintenir ce service essentiel pour les habitants, les entreprises de nos territoires et, par voie de conséquence, pour l'économie du pays ?
Parallèlement, la politique de gestion de l'eau doit évoluer afin de répondre à ces nouveaux enjeux. Madame la secrétaire d'État, quelle sera votre contribution dans cette réforme plus que jamais indispensable ? Quel est, selon vous, le niveau le plus pertinent pour la gestion de l'eau : le bassin versant, la région, le département, l'intercommunalité, la commune ? Et avec quels moyens ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Cadec, j'ai suivi avec beaucoup d'attention les problématiques liées à la sécheresse en Bretagne en 2022. Le préfet des Côtes-d'Armor m'a alertée sur le risque de rupture d'approvisionnement en eau potable.
La sécheresse touche désormais tous les territoires, même ceux qui ne connaissaient pas ces épisodes auparavant. J'y suis particulièrement sensible et, j'y insiste, c'est l'une de mes priorités au sein du Gouvernement.
Cette période de sécheresse a été sérieusement anticipée : le Comité d'anticipation et de suivi hydrologique (Cash) a été réuni dès le mois d'avril dernier et les préfets ont très vite reçu des instructions. Le plafond de dépenses des agences de l'eau a également été rehaussé de 100 millions d'euros, dès le mois de juin. Pour autant, nous avons été collectivement confrontés à la gestion d'une crise hors norme.
Parmi les difficultés rencontrées au cours de cette gestion de crise, nous avons dû faire face à des ruptures d'approvisionnement en eau potable qui ont concerné une centaine de communes rurales. Les impacts économiques ont été difficilement supportables pour certaines filières, notamment l'élevage.
Les écosystèmes ont également souffert de cette situation. Nous avons observé dans les territoires des incompréhensions en matière de gradation des restrictions et des exemptions, ainsi que des difficultés de communication. Nous devons tirer un maximum d'enseignements de cette année historique pour affronter les futurs épisodes de sécheresse, car leur fréquence et leur intensité vont forcément augmenter.
C'est le sens du travail de retour d'expérience que j'ai confié aux inspections générales des différents ministères concernés. Leur rapport, qui comportera notamment des pistes d'amélioration concrète, sera remis ce trimestre.
J'ai aussi demandé aux préfets des communes qui ont connu des ruptures d'engager sans délai l'accompagnement vers une meilleure résilience pour que la situation que nous avons connue l'été dernier ne se renouvelle pas cette année. Nous savons en effet que la situation pluviométrique ne nous permettra peut-être pas de passer la saison estivale sereinement. En tout cas, nous nous efforcerons d'être prêts l'été prochain.
M. Laurent Duplomb. En 2021, il pleuvait tous les jours !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la secrétaire d'État, si elle a été positive sur certains points – je pense aux assurances agricoles, même si la question d'une alternative à l'usage de la moyenne olympique reste en suspens –, la démarche du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique est restée inaboutie sur la question de la ressource en eau et de ses usages.
Au mois de mai 2022, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) remettait un rapport d'évaluation de quinze projets de territoire pour la gestion de l'eau développés en France, assorti de recommandations de nature à améliorer cette approche collective de gestion de l'eau à l'échelle des bassins versants ou des ressources.
Dans le Gers, le PTGE de la Midouze a regroupé agriculteurs et usagers de l'eau. Un programme d'action a été établi et j'ai pris connaissance des attentes des protagonistes.
Ma question est double.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement entend-il inciter les territoires à développer sur l'ensemble de notre pays le dispositif des PTGE et celui-ci fait-il partie du plan Eau que vous avez annoncé ?
Ce serait, selon moi, une bonne chose, car la question doit être traitée dans le dialogue, la coresponsabilité et la compréhension mutuelle des multiples usagers de l'eau. À l'occasion de l'évaluation du PTGE de la Midouze, les agriculteurs ont déploré la longueur et la complexité du processus. Cinq à six ans, c'est beaucoup trop, même si le travail final est de qualité.
Si telle est votre intention, comment entendez-vous simplifier les procédures et accélérer les processus d'élaboration des PTGE ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Montaugé, le PTGE est un outil contractuel permettant d'assurer une gestion équilibrée de la ressource en eau, de maîtriser les pressions de prélèvement à un niveau compatible avec les objectifs environnementaux de la directive-cadre sur l'eau et de répondre aux enjeux du changement climatique.
L'instruction du Gouvernement du 7 mai 2019 relative au projet de territoire pour la gestion de l'eau a donné un nouvel élan à une gestion partagée de la ressource en eau. La démarche PTGE permet, dans une dynamique de dialogue avec tous les usagers de l'eau du territoire, d'aboutir à un programme d'action qui organise le partage de l'eau disponible dans un contexte de changement climatique. Ce programme doit mobiliser un panier de solutions : sobriété, solutions en lien avec la nature, mobilisation de nouvelles ressources, voire mesures de stockage compatibles avec l'atteinte du bon état écologique et permettant de concilier les différents usages.
Faisant suite à une décision du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique a été élaborée une instruction complémentaire à celle du 7 mai 2019, qui intègre les pistes d'amélioration des PTGE identifiées par le Varenne. En cours de signature, elle vise surtout à accélérer le processus, car, dans de nombreux territoires, les acteurs ne s'entendent pas sur le diagnostic et sur la nécessité d'agir collectivement. Elle présente aux porteurs de projet et aux acteurs de la démarche les points fondamentaux pour sa réussite, depuis la feuille de route de cadrage et l'élaboration du programme d'action jusqu'à l'accompagnement par les services de l'État.
Cette instruction détaille notamment le rôle de l'État dans chacune des étapes clés du PTGE, ainsi qu'en termes de gouvernance et en cas de blocage persistant. Elle a été élaborée en concertation dans le cadre du Comité national de l'eau, en lien avec les organisations agricoles et les organisations non gouvernementales (ONG).
Les PTGE n'ont pas vocation à être généralisés. Nous voulons en mettre en place un maximum, mais nous souhaitons surtout qu'ils fonctionnent.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je souhaite que les PTGE fassent partie du plan que vous avez annoncé.
Pour votre gouvernement, l'eau, dans ses divers aspects et fonctions, devrait être érigée au rang de grande cause nationale et faire l'objet d'un plan Marshall – je pèse mes mots.
Le Gouvernement met en œuvre des règles d'exception pour accélérer le développement de la production d'énergie. Nous attendons de sa part la même approche pour la question non moins cruciale qui est celle de l'eau, à usage agricole en particulier, mais pas seulement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les cours d'eau de notre pays sont depuis longtemps équipés de nombreux ouvrages, tels que des barrages, des seuils ou des moulins.
Éléments familiers de nos paysages, ils furent un temps menacés d'une destruction intégrale par le principe de la continuité écologique, issu du droit européen, qui vise à débarrasser les cours d'eau de tout obstacle. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, est venue partiellement apporter une solution en préservant certains ouvrages d'une destruction motivée par des gains environnementaux discutables, voire négatifs.
Toutefois, la Commission européenne a annoncé récemment son projet de supprimer les obstacles sur 25 000 kilomètres de cours d'eau dans l'Union européenne avant 2030. Ces ouvrages présentent pourtant deux avantages majeurs.
D'une part, ils peuvent être considérés comme une potentielle source énergétique propre, à l'heure où l'État a pour ambition une décarbonation de sa production d'énergie. Il s'agit là d'une source énergétique d'appoint du mix français, qui présente également l'avantage d'être non intermittente, à la différence des autres productions énergétiques renouvelables. Correspondant aujourd'hui à l'équivalent d'une centrale nucléaire, le potentiel des petites centrales hydroélectriques est encore largement inexploité.
D'autre part, les récents éléments climatiques extrêmes sont venus nous rappeler que les seuils, barrages et retenues d'eau pouvaient constituer des atouts pour prévenir les inondations. Il en va de même en matière de sécheresse : lors d'une récente audition au Sénat, le directeur de l'agence de l'eau Loire-Bretagne a souligné le rôle positif des retenues d'eau dans ce domaine.
Les agences de l'eau consacrent aujourd'hui d'importantes sommes à la destruction des barrages. Cet argent ne serait-il pas mieux employé s'il servait à l'entretien des barrages et à leur mise en valeur énergétique, ou encore à l'entretien des canalisations d'eau et d'assainissement et à celui des stations d'épuration ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Prince, la politique de restauration de la continuité écologique concilie les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d'eau avec le déploiement de l'hydroélectricité, la préservation du patrimoine culturel et historique ou encore les activités sportives en eaux vives.
Il ne s'agit en aucun cas d'une politique visant la destruction d'ouvrages sur les cours d'eau. À ce jour, la politique de priorisation mise en œuvre par le Gouvernement a permis d'identifier les cours d'eau sur lesquels il était important d'intervenir pour procéder à de la restauration écologique : ceux-ci représentent 11 % des cours d'eau.
La politique prévue consiste à procéder en priorité à des interventions sur environ 5 000 ouvrages, sur les 25 000 ouvrages obstacles à l'écoulement que comptent ces cours d'eau. La solution technique retenue consiste, selon les cas, à aménager l'ouvrage – je pense à la mise en place d'une passe à poissons, d'une rivière de contournement ou encore d'un abaissement du seuil – ou à le supprimer lorsqu'aucun usage n'est possible.
Depuis 2012, environ 1 400 effacements d'ouvrages ont été recensés sur ces 11 % de cours d'eau, soit moins de 6 % des ouvrages présentant un obstacle à l'écoulement à restaurer prioritairement. Cela représente 1 % de l'ensemble des ouvrages obstacles.
De nombreuses études et publications scientifiques démontrent l'intérêt d'effacer certains petits ouvrages sur les cours d'eau, tant pour la survie et la reproduction des poissons migrateurs que pour l'amélioration générale des fonctionnalités de la rivière, de sa biodiversité et de sa qualité en eau.
Enfin, la politique de restauration de la continuité écologique n'a pas entravé le développement de la petite hydroélectricité, qui a progressé significativement au cours des dernières années – plus de 150 000 mégawatts supplémentaires entre 2018 et 2021 – et n'est limitée que par le faible potentiel restant. La programmation pluriannuelle de l'énergie 2019-2028 fixe d'ailleurs l'objectif d'augmenter les capacités hydroélectriques en France.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons besoin d'eau et nous avons de l'eau ! Toutefois, le contexte climatique change et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) prévoit des modifications spatiales et temporelles des précipitations. Il pleuvra toujours autant, mais les pluies diminueront de l'ordre de 16 % à 23 % en été au profit d'épisodes plus intenses lors d'autres saisons, comme l'indique également l'étude Explore 2070.
Pour dire les choses simplement, nous aurons toujours autant d'eau, mais nous n'en aurons souvent pas assez quand nous en aurons besoin et nous en aurons parfois beaucoup trop, avec des risques plus importants de crues. Bref, nous aurons de l'eau si nous savons la gérer.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Cédric Vial. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous me dire pourquoi il est vertueux et écologiquement remarquable pour un particulier de stocker l'eau de pluie dans une citerne pour s'en servir quand il en a besoin et pourquoi il n'est pas vertueux de faire exactement la même chose quand il s'agit de retenues collinaires à des fins agricoles, touristiques ou industrielles ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le bon sens, que je vous invite à préférer au dogme et au discours militant, le travail scientifique, que je vous appelle à mettre au-dessus des idéologies, et les récents rapports de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et de la délégation sénatoriale à la prospective nous incitent à déployer une véritable stratégie à long terme pour la gestion de notre ressource en eau.
Le remède est pourtant simple : nous avons de l'eau si nous savons la garder. Créer des retenues collinaires, favoriser le stockage domestique de l'eau de pluie, améliorer l'infiltration dans les nappes phréatiques, réutiliser les eaux usées – mais on peut aussi produire de la neige ou créer davantage d'espaces végétalisés –, stocker l'eau quand il y en a trop, la garder pour la réutiliser quand il y en a moins et quand on en a besoin : c'est ainsi que nous préserverons les débits de nos cours d'eau et la biodiversité à l'étiage.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement est-il prêt à ne pas reproduire les erreurs qu'il a faites avec notre politique énergétique, à afficher la stratégie que j'ai évoquée pour la gestion de notre ressource en eau et à s'appuyer pour ce faire sur les acteurs de proximité ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Vial, j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur la rétention d'eau et sur la nécessité de regarder au cas par cas les différents projets proposés,…
M. Laurent Duplomb. Pourquoi au cas par cas ?
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. … en examinant les critères et en faisant preuve d'exigence quant à leur mise en œuvre.
Vous avez appelé mon attention sur la question de l'eau en montagne, sur laquelle je souhaite vous apporter des éléments.
Le changement climatique modifie d'ores et déjà le cycle de l'eau. En montagne, les chutes de neige sont de moins en moins importantes, car, on le sait, les glaciers reculent. Cela entraîne des conséquences à la fois pour l'économie des territoires de montagne et pour tous les territoires en aval qui dépendent de cette ressource en eau.
Les conséquences sont très visibles sur les domaines skiables, notamment dans les Pyrénées, les Vosges, le Jura, mais aussi, encore cette année, dans les Alpes. La sécheresse de 2022 a également durement affecté de nombreuses communes de montagne.
En zone de montagne, l'étiage se produit en hiver, et non en été. Avec l'impact du changement climatique, de nombreuses stations de ski ont besoin de stocker de l'eau pour faire de la neige de culture et sécuriser ainsi les pistes de ski. Ces investissements ont du sens, mais il faut prévoir plusieurs points de vigilance.
M. Laurent Duplomb. Ce n'est pas la question !
M. François Bonhomme. Vous ne lisez pas la bonne fiche ! Vous répondez à côté !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. Je ne réponds pas à côté ! J'ai déjà évoqué cette question à propos du domaine de Sainte-Soline. Je ne pense pas que vous seriez satisfaits d'entendre de nouveau la même "fiche", comme vous l'appelez, sur la rétention d'eau.
M. François Bonhomme. Ce sont des lieux communs !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. Je peux vous redire exactement la même chose : la vigilance portée par le ministère de la transition écologique sur les projets proposés, la non-généralisation des rétentions d'eau, l'attention bienveillante que nous porterons aux projets respectant les critères de biodiversité et écologiques que nous mettons en œuvre.
M. Vial m'a notamment interrogée sur la question de l'eau en montagne. J'ai pensé qu'il serait intéressant de donner des informations complémentaires, notamment sur les stations de ski (M. Laurent Duplomb proteste.) qui se demandent comment résister demain à la pression et au réchauffement climatiques.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, n'en déplaise au Président de la République, la gestion de la ressource en eau est fortement prévisible et le récent rapport d'information de la délégation sénatoriale à la prospective démontre la nécessité de repolitiser d'urgence cette question.
L'hiver que nous connaissons est tout aussi inquiétant que l'été caniculaire auquel nous avons fait face et qui n'a pas épargné le bassin de la Loire que je connais bien. En l'absence de précipitations massives dans les prochains mois, des risques de pénuries sont à prévoir. Les collectivités territoriales et les agences de l'eau sont en première ligne et se sont saisies du sujet en diligentant des études hydrologie, milieux, usages, climat (HMUC), afin d'évaluer précisément la ressource du petit et du grand cycle de l'eau pour chaque territoire.
L'État ne doit pas être en retrait de cette politique publique.
Des solutions de nature financière peuvent être apportées pour accroître les investissements en matière d'assainissement. La commune des Ponts-de-Cé, qui m'est familière, a la chance de bénéficier d'une usine de retraitement des eaux particulièrement performante, qui, par un procédé d'ultrafiltration, permet d'assurer une eau de très grande qualité aux usagers et un taux de fuite de l'ordre de 7 %, très inférieur à la moyenne nationale qui est de 20 %.
Malheureusement, mon territoire fait figure d'exception. Aussi, madame la secrétaire d'État, prévoyez-vous un plan massif de soutien financier aux acteurs de la gestion de l'eau pour mener de front ces deux objectifs de qualité et de lutte contre le gaspillage dû à la vétusté des canalisations ?
Il est un autre point sur lequel Christophe Béchu est intervenu récemment : la sobriété. À ce jour, les préfectures de département comme de région disent ne pas être outillées pour informer la population. Au regard de l'ampleur de nos futurs manques, une communication nationale est-elle prévue pour répondre à nos impératifs de gestion et au désir de la population de participer à l'effort collectif ? Particuliers, monde économique, agriculteurs : chaque citoyen a un impact direct sur la masse globale et la qualité de l'eau.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Bigot, vous m'interrogez sur l'augmentation des coûts de la gestion de l'eau et de l'assainissement, ainsi que sur l'accompagnement des élus locaux face à cette hausse.
Le financement du service public de l'eau est fondé sur deux piliers : le prix de l'eau et les subventions publiques. Le prix de l'eau a en effet augmenté ces derniers mois du fait principalement de l'augmentation du prix de l'énergie et des réactifs, comme le chlore. C'est une réalité, qui pose de sérieuses difficultés, car cela nuit très fortement à la capacité d'investissement à un moment où l'on en a fortement besoin.
L'État est aux côtés des collectivités. Il faut travailler sur plusieurs axes.
Le premier axe, c'est d'aider les collectivités à investir. Ce sera notamment l'un des axes du plan Eau que nous présenterons d'ici à la fin du mois de janvier et sur lequel nous consultons actuellement les comités de bassin et les collectivités. La Banque des territoires sera mobilisée pour accompagner les investissements nécessaires.
Le deuxième axe, c'est de limiter le coût de l'accès à l'énergie. Les mesures prises par le Gouvernement permettent de limiter fortement l'augmentation du coût de l'énergie pour les gestionnaires de services d'eau et d'assainissement, donc pour les usagers finaux. Je pense en particulier au bouclier tarifaire et à l'amortisseur, ainsi qu'au filet de sécurité. La tendance d'augmentation du prix de l'eau va continuer : elle est liée à l'augmentation des prix de l'énergie et des réactifs, ainsi qu'au coût des travaux publics.
Dans les territoires où l'augmentation est très forte se pose la question de l'accès des citoyens à cette ressource. Il faudra mettre en place et renforcer les aides aux usagers les plus fragiles : je pense en particulier à la tarification incitative et solidaire. Les collectivités sont compétentes pour mettre en place une tarification sociale de l'eau. Il existe de nombreux outils pour cela, qui doivent être adaptés en fonction des territoires. Des mesures réglementaires seront prises pour faciliter cette modulation de la tarification.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.
M. Joël Bigot. Voilà maintenant plus d'un an que les assises de l'eau ont eu lieu. Nous attendons des annonces très concrètes : vous avez donné des pistes, madame la secrétaire d'État, qui sont intéressantes, notamment sur la tarification sociale de l'eau.
M. le président. Mon cher collègue, je suis désolé de vous interrompre, mais je vous ai donné la parole pour la réplique alors que vous aviez épuisé le temps qui vous était imparti.
M. Joël Bigot. Dans ces conditions, je n'en dis pas davantage, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. Madame la secrétaire d'État, le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement préoccupe les maires et les élus intercommunaux. En effet, l'obligation de ce transfert en 2026 entraîne, de fait, une perte de pouvoir de décision des élus communaux.
Ces derniers mois, plusieurs propositions de loi, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont visé à revenir sur cette réforme des compétences du bloc communal. Trois raisons essentielles motivent cette démarche, qui tend au maintien des compétences eau et assainissement dans les compétences facultatives des communautés de communes.
Premièrement, il s'agit de garantir le libre choix des élus. La commune reste compétente en matière de distribution d'eau et d'assainissement selon le code général des collectivités territoriales. Il s'agit donc de conforter la commune comme cellule de base de la démocratie locale et de laisser aux communes la libre décision d'un transfert ou non.
M. Laurent Burgoa. Très bien !
M. Jean-Marc Boyer. Deuxièmement, il convient de clarifier et harmoniser les relations entre les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans la mise en œuvre de ce transfert de compétences. En effet, selon l'antériorité de la nouvelle organisation territoriale du mois d'août 2015, l'appréciation diffère entre compétence obligatoire et facultative et pose de réelles difficultés.
Troisièmement, il importe de différencier et d'adapter la mise en œuvre de cette compétence au regard de la typologie des territoires, très variable en fonction des captages et des interconnexions existantes.
La gestion de l'eau et de l'assainissement est très différente selon qu'il s'agit d'un territoire de plaine, de montagne, de haute montagne, de vallée, de zones humides. Elle nécessite donc une différenciation, appréciée au plus près des élus.
Aussi, au regard de ces trois éléments essentiels – liberté de décision, clarification, différenciation –, le maintien des compétences eau et assainissement dans les compétences facultatives des communautés de communes permettra de satisfaire les objectifs que vous avez évoqués précédemment, madame la secrétaire d'État : limiter le gaspillage, partager la ressource, sécuriser l'accès à l'eau potable, donc décentraliser la politique de l'eau.
Madame la secrétaire d'État, quelles sont les raisons et les motivations qui interdisent aujourd'hui de maintenir les compétences eau et assainissement dans les compétences facultatives des intercommunalités ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Boyer, vous m'interrogez sur le transfert des compétences aux intercommunalités à partir du 1er janvier 2026, un objectif qui est une priorité forte du Gouvernement.
Prévue pour 2020 dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 14 juillet 2015, dite NOTRe, cette obligation a depuis été assouplie avec une date limite désormais fixée à 2026. Toutefois, il ne me semble pas pertinent de donner aujourd'hui un signe de retour en arrière, car cette disposition est essentielle.
Elle est essentielle pour garantir un service public efficace…
M. François Bonhomme. Il a toujours existé !
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État. … et un niveau de service que méritent les usagers. Cela passe par une capacité d'investissement suffisante. Nous avons assisté cet été aux appels à l'aide de nombreuses petites communes qui ne peuvent financer en urgence les investissements nécessaires pour la mise en place du citernage et la pose de canalisations.
Le recrutement d'agents techniques de bon niveau pour faire face à ces sujets très complexes est indispensable. Il faut une structure de taille suffisante pour disposer d'un véritable service technique. À l'appui de mon propos, je citerai le rapport de la Cour des comptes du mois de juin 2016, qui insiste sur l'enjeu de la rationalisation à poursuivre. La sécheresse de 2022 doit nous interpeller. Il faudra des collectivités ayant les moyens d'élaborer des projets et se placer à la bonne échelle territoriale.
Par ailleurs, nous avons trouvé ces dernières années des solutions permettant d'apporter des réponses à beaucoup de problèmes locaux. Les collectivités peuvent garder un prix de l'eau individualisé par secteur lors de l'entrée dans l'EPCI. Il est possible de garder des syndicats pour assurer les compétences eau et assainissement. Ces solutions ont été élaborées et débattues avec la représentation nationale – le Sénat y a d'ailleurs beaucoup contribué.
Je suis donc persuadée que nous avons trouvé un équilibre, qu'il faut de la visibilité et de la stabilité dans les décisions. L'enjeu maintenant est surtout d'aider les collectivités à organiser ces transferts et à investir, plutôt que de laisser penser que l'on ne peut rien changer. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Les communes apprécieront…
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon.
Mme Anne Ventalon. Madame la secrétaire d'État, comme l'a indiqué la délégation sénatoriale à la prospective dans son excellent rapport d'information, la question du financement est au cœur de la problématique de l'eau.
À l'instar d'autres départements, l'Ardèche a souffert d'une sécheresse d'une rare intensité en 2022. Celle-ci a duré de mai à novembre et a réduit drastiquement les ressources hydriques.
Ce déficit de pluviométrie a affecté tous les usages de l'eau, qu'il s'agisse des réseaux d'eau potable, de l'agriculture, de l'industrie ou des loisirs.
Si des mesures de restriction ont été prises pour affronter cette crise, nous savons que cette pénurie historique et son lot de records de températures n'auront demain plus rien d'exceptionnel.
Les communes et leurs groupements devront donc s'adapter à la nouvelle donne et assumer des investissements importants. Les acteurs du bloc communal déplorent déjà un désengagement des agences de l'eau, ce qui oblige, dans certains départements, à remplacer le financement qu'elles assuraient par des dotations de l'État, comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Or les agences de l'eau disposent d'un plafond annuel de redevances de 2,2 milliards d'euros. Malgré le renfort des 100 millions d'euros fléchés vers l'investissement qu'a annoncé la Première ministre au mois de novembre dernier, les moyens de nos agences ne sont plus calibrés pour affronter les conséquences du réchauffement climatique, dont les effets se manifestent déjà.
De plus, ce sont ces agences qui abondent à hauteur de 80 % le budget de l'Office français de la biodiversité, ce qui représente une ponction de 15 % de leur budget.
Madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous aider les agences de l'eau à sortir de cet effet ciseau ? Sans augmenter les factures d'eau des particuliers, de quelles ressources supplémentaires allez-vous les doter pour leur permettre de mener en parallèle l'adaptation des infrastructures au réchauffement et la contribution à la défense de la biodiversité ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Madame la sénatrice Ventalon, je l'ai déjà souligné, les agences de l'eau sont des outils anciens qui sont indispensables à la mise en œuvre territoriale de la politique de l'eau. Soyez assurée que j'ai suivi avec attention la situation de l'Ardèche. Nous devons avoir des solutions efficaces pour pallier le manque d'eau et le déficit structurel des nappes.
Comme je l'ai indiqué en réponse à la question de Mme la sénatrice Varaillas, malgré l'engagement du Gouvernement à maîtriser la fiscalité qui pèse sur les ménages, nous avons trouvé des marges de manœuvre budgétaires ces dernières années – je les ai détaillées.
Je tiens aussi à rappeler que les agences de l'eau représentent presque 1 500 agents dans les territoires pour accompagner les projets. Dans le contexte que représente l'adaptation au changement climatique, j'ai été attentive à ce que ces agences disposent de moyens pour répondre aux attentes des collectivités territoriales.
En termes de moyens humains, la loi de finances pour 2023 maintient, comme pour 2022, le plafond d'emplois des agences de l'eau, après dix ans de baisse.
Concernant le financement de la biodiversité par les agences de l'eau, le Gouvernement entend aussi votre inquiétude. Je pense qu'il ne faut pas opposer biodiversité, grand cycle de l'eau et petit cycle de l'eau. Pour autant, je regarderai avec attention les propositions issues du rapport sur le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité pour 2030.
Je vous le redis, dans le cadre du plan Eau qui sera annoncé à la fin du mois de janvier, nous devrons préparer les prochains programmes d'intervention 2025-2030 : ne doutez pas de l'ambition du Gouvernement de doter les agences de l'eau de moyens suffisants pour répondre aux enjeux de l'adaptation au changement climatique.
M. François Bonhomme. Nous sommes rassurés…
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Madame la secrétaire d'État, après le covid-19 et la pénurie de masques, après la guerre en Ukraine et les pénuries d'huile et de moutarde, après le problème de l'énergie et l'envol des prix de l'électricité, menaçant de faire disparaître des pans entiers de notre économie – sans parler des risques de coupures –, vous vous apprêtez, en ce qui concerne la gestion de l'eau, à faire les mêmes erreurs que vos prédécesseurs, il y a quelques années, qui ont faire preuve d'un obscurantisme dangereux sur le nucléaire.
En effet, malgré de multiples rapports vous alertant sur la perte de notre souveraineté alimentaire et sur notre dépendance de plus en plus grande aux importations de produits alimentaires, vecteur d'émissions de carbone toujours croissantes, vous vous obstinez à vouloir sanctuariser à tout prix la ressource en eau.
Vous allez même, dans votre délire catastrophiste, jusqu'à faire croire que l'eau serait une ressource épuisable et non renouvelable, comme si sa non-utilisation et le refus de la stocker permettraient de mieux se prémunir des manques à venir.
Réduire, par la peur, la culpabilité et l'interdit – en un mot, par dogme –, les usages de l'eau potable à la seule alimentation humaine et sanctuariser cette ressource pour les milieux naturels est totalement fallacieux et, surtout, très dangereux.
Ne plus vouloir autoriser son utilisation pour l'agriculture, donc pour l'alimentation des hommes, ou tellement la réglementer qu'elle deviendrait impossible est suicidaire.
Le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique pouvait laisser supposer qu'enfin vous aviez compris la nécessité de l'intérêt prioritaire de l'usage de l'eau à l'agriculture. C'était toutefois sans connaître l'obstination de notre technocratie abrutissante, qui n'aura eu de cesse, durant tous ces travaux, d'en faire au final une vraie supercherie.
Alors, madame la secrétaire d'État, dans quelques années, quand les Français ne pourront plus manger à leur faim à cause des décisions que vous aurez prises, ne croyez-vous pas qu'ils chercheront des responsables ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur Duplomb, le contexte de raréfaction de la ressource nous conduit à accorder à la bonne gestion de l'eau une attention plus grande encore, afin de mieux anticiper collectivement les effets du changement climatique.
Je l'ai indiqué précédemment, c'est tout l'objet du chantier que nous avons lancé et qui aboutira à l'élaboration d'un plan Eau d'ici à la fin du mois de janvier. Ce plan traitera notamment de la sobriété des usages et de la gouvernance du partage de l'eau (M. Laurent Duplomb proteste.) ; vous semblez déjà connaître le contenu de nos annonces, monsieur le sénateur… (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Ces annonces seront ambitieuses. Un travail de concertation a déjà été mené avec l'ensemble des acteurs – vous-même avez dû contribuer au rapport d'information du Sénat sur le sujet –, qui permettra de nourrir la réflexion en vue des annonces que nous présenterons le 26 janvier prochain.
Dans le cadre de cette planification, il faut étudier toutes les solutions d'économie d'eau, mais également toutes les manières de rendre les usages de l'eau plus efficaces.
En ce qui concerne les retenues collinaires, s'il n'est pas question de généraliser ce dispositif en France, chaque projet respectant les critères exigeants que nous avons fixés – je pense en particulier au projet de Sainte-Soline et à celui du bassin du Clain – pourra être validé. Cela répond d'ailleurs à la question de M. Vial, à qui je n'ai pas réellement répondu, car je pensais que sa question porterait davantage sur l'eau en montagne.
Le stockage hivernal ne doit pas être écarté dès lors qu'il est jugé soutenable pour les milieux par les expertises techniques, qu'il s'inscrit dans un projet territorial largement concerté et favorable à la transition environnementale, par exemple s'il est conditionné à un usage plus sobre de l'eau, et qu'il contribue à un meilleur partage de la ressource. Ce n'est pas l'unique solution – dans nombre de territoires, il ne sera pas possible techniquement –, mais les réserves de substitution font bien partie du panel de solutions à mobiliser.
Source http://www.senat.fr, le 18 janvier 2023