Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Marc FAUVELLE.
MARC FAUVELLE
"Taxez-nous davantage", c'est l'appel lancé par 200 millionnaires de 13 pays, appel lancé aux dirigeants de la planète, et donc à vous, ils demandent la mise en place d'un impôt sur la fortune, est-ce qu'ils ont raison ?
BRUNO LE MAIRE
Mais tant mieux, le Trésor public français accepte tous les chèques, donc si parmi ces 200 millionnaires, dont je crois l'immense majorité est étrangère, s'ils veulent s'installer en France, ils sont les bienvenues, ils auront droit au taux d'imposition parmi les plus élevés de tous les pays développés. Je rappelle que quand vous êtes millionnaire en France, vous allez toucher un impôt marginal sur le revenu à 45 %, c'est la dernière tranche, le taux marginal, vous allez payer de la CSG à 9 % et vous allez payer une surtaxe sur les salaires à 4 %, donc vous serez l'une des personnes les plus taxées au monde et donc vous serez heureux, donc venez en France, croyez-moi, nous saurons vous taxer.
MARC FAUVELLE
Mais il n'y aura pas de retour de l'impôt sur la fortune d'ici la fin du quinquennat, jamais ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense vous expliquer que nous avons non seulement un des taux d'imposition les plus élevés sur les personnes les plus riches, et je pense que c'est une question de justice, c'est normal, c'est nécessaire, nous avons également un taux d'imposition global qui reste parmi les plus élevés de tous les pays européens, nous avons, je le rappelle, 10 % des contribuables, à l'impôt sur le revenu, qui payent 70 % de cet impôt sur le revenu, donc toutes les personnes fortunées qui veulent venir en France sont les bienvenues, elles seront taxées justement et efficacement.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, en parlant de millionnaires, de milliardaires, écoutez Marine TONDELIER, la patronne des écologistes, elle participait hier soir à un meeting de la NUPES contre la réforme des retraites, on l'écoute.
MARINE TONDELIER, SECRÉTAIRE NATIONALE D'EUROPE ÉCOLOGIE-LES VERTS
Nous revendiquons que nous ne voulons plus, en France, de milliardaires, nous voulons une France sans milliardaires. A quoi ça sert un milliardaire ? On nous répond "ruissellement", c'est faux, on nous répond "ils créent de l'emploi", non, celles et ceux qui les créent, c'est nous, c'est vous, c'est le monde du travail. On nous dit qu'il ne faut pas faire fuir les talents, mais ceux qui ont besoin de plus d'1 milliard ce ne sont pas des talents, ce sont des vampires, ce ne sont pas des génies, ce sont des égoïstes.
SALHIA BRAKHLIA
Vous lui répondez quoi ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je suis aussi attaché à la justice sociale que Madame TONDELIER, aussi attaché à ce que les plus modestes puissent avoir un emploi, aussi attaché à ce qu'un ouvrier puisse être bien rémunéré, mais je constate que certaines personnes très fortunées ont créé des entreprises, dans le luxe par exemple, ont créé des dizaines de milliers d'emplois, souvent des emplois bien qualifiés, souvent dans des territoires qui sont assez reculés, regardez LVMH qui a créé à Vendôme une entreprise très importante, et que donc c'est utile pour le pays.
SALHIA BRAKHLIA
Vous vous dites quoi, il nous faut de plus en plus de milliardaires au contraire, c'est ce que vous dites ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je pense que tous ceux, je ne parle pas de milliardaires, mais tous ceux qui ont créé des entreprises, tous ceux qu'on crée des emplois, tous ceux qui ont permis à des familles de vivre bien, à des ouvriers d'être bien rémunérés, sont plus utiles que les propos d'estrade de Madame TONDELIER.
MARC FAUVELLE
Quand quelqu'un, quand un milliardaire s'enrichit, le ministre de l'Économie est heureux ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas… non, non, le ministre de l'Économie il est heureux quand nos compatriotes ont un emploi, un travail, et un travail bien rémunéré, et pour avoir un travail bien rémunéré, ce n'est pas moi qui vais les créer depuis mon bureau de Bercy, c'est les entrepreneurs, c'est ceux qui prennent des risques, c'est ceux qui investissent leur capital, ceux qui investissent leur fortune, ceux qui ont des idées révolutionnaires et innovantes, c'est eux qui permettent au pays d'avoir de la créativité, d'avoir de la prospérité.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, le rapport d'Oxfam qui vient d'être publié explique que si on taxait de 2 % la fortune des 42 milliardaires en France notre problème de déficit des retraites serait tout simplement réglé, pourquoi on n'y va pas ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais Oxfam, comme toujours, confond tout, et notre discussion depuis ce matin elle est intéressante, je le redis, je suis profondément attaché à la justice, à la juste répartition des richesses, et de ce point de vue-là j'estime que le système fiscal français a permis, mieux que beaucoup d'autres, de lutter contre la montée des inégalités qu'on voit dans d'autres pays développés, mais on finance le système de retraites pas en taxant le capital, on finance le système de retraites grâce à des cotisations prélevées sur ceux qui travaillent, et donc ne perturbons pas un système, qui est un système qui fonctionne bien, qui repose sur la solidarité entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent plus.
SALHIA BRAKHLIA
Mais là on se dit que c'est 2 % pour des milliardaires, ça ne représente rien.
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est un autre sujet, et comme toujours pour Oxfam confond tout, et cette confusion des esprits, cette confusion des débats, est mauvaise pour le débat démocratique, c'est un autre débat, que je suis tout à fait prêt à ouvrir, qui est celui du juste partage de la valeur entre le capital et le travail. Faut-il améliorer ce partage de la valeur entre le capital et le travail ? j'y suis prêt, nous y travaillons avec la majorité, nous y travaillons avec le groupe majoritaire, en travaillant sur la proposition du président de la République, le dividende salarié, quand une entreprise a de quoi verser un dividende, elle a de quoi mieux rémunérer ses salariés, mais ne confondons pas des sujets, le sujet des retraites n'a rien à voir avec le sujet du partage de la valeur, que nous avons ouvert, avec la majorité, et que nous allons porter jusqu'au bout.
MARC FAUVELLE
La mobilisation contre la réforme des retraites, Bruno LE MAIRE, s'annonce massive demain, vous avez vu comme nous les chiffres dans les transports publics, dans l'éducation aussi, est-ce que ça vous inquiète ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je n'ai pas d'inquiétude à avoir quand une partie du peuple français manifeste ses convictions, c'est là encore parfaitement légitime, mais à nous de défendre aussi ce que nous faisons, nos convictions, sur la justice et la nécessité de cette réforme des retraites.
MARC FAUVELLE
Est-ce que ce qui va se passer demain dans la rue, c'est-à-dire le nombre de manifestants, aura une incidence sur le contenu de la réforme ?
BRUNO LE MAIRE
Mais l'incidence sur le contenu de la réforme dépendra des débats parlementaires.
MARC FAUVELLE
Pas de la rue ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, la rue, la manifestation, les messages qui sont envoyés, nous écoutons tout, et nous l'avons fait depuis des semaines. Enfin, la Première ministre, depuis des semaines, a reçu les organisations syndicales, a écouté, elle a reçu les formations politiques, l'opposition, elle a écouté, et du coup elle a fait une proposition de réforme, avec le président de la République, qui est différente de celle que nous avions proposée, qui est sans doute plus juste, plus équilibrée que ce que nous avions prévu au départ, donc nous avons déjà, et c'était nécessaire, écouté les oppositions, écouté les organisations syndicales…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça peut bouger, avec la mobilisation dans la rue, avec le débat parlementaire.
BRUNO LE MAIRE
S'il y a des propositions qui sont intéressantes, qui sont justes, qui permettent d'améliorer notre proposition, nous sommes toujours ouverts à des améliorations. Il y a un seul objectif qui doit être préservé, dont je suis le garant, c'est le retour à l'équilibre financier en 2030, mais avec cette seule réserve, parce que l'objectif est bien de garantir l'équilibre financier, et donc la pérennité de notre système de retraites par répartition, avec cette seule réserve, des propositions d'amélioration sont toujours les bienvenues.
MARC FAUVELLE
Vous êtes ouvert à des améliorations, y compris si elles coûtent de l'argent ?
BRUNO LE MAIRE
Si on arrive à trouver les recettes qui permet de le financer. Notre objectif, avec la Première ministre, avec le président de la République, c'est quoi ? C'est d'abord de garantir que notre système de retraites par répartition, qui repose donc sur un principe fondamental, de solidarité entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent plus, ceux qui sont plus jeunes et ceux qui sont moins jeunes, soit préservé, c'est notre responsabilité. Le deuxième objectif c'est qu'il y ait un volume de global de travail plus important dans notre pays pour garantir la prospérité de la France, c'est aussi un objectif que je crois louable et nécessaire, mais si ensuite il y a des propositions qui disent "mais attendez, il vaut mieux dépenser un peu plus d'argent là-dessus, c'est plus juste, et puis on rééquilibre en en dépensant un peu moins sur un autre sujet", mais nous sommes tout à fait prêts à regarder cela, je le dis, la seule limite, l'équilibre financier en 2030.
MARC FAUVELLE
On va rentrer dans le détail de la réforme dans une minute précisément, si vous voulez bien Bruno LE MAIRE.
(…)
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, vous disiez juste avant les titres que vous étiez ouvert à des améliorations sur la réforme des retraites si on arrivait à les justifier et à les financer. Un cas concret : est-ce que vous pourriez faire un geste en permettant à ceux qui ont cotisé 43 années de partir avant 64 ans ?
BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas à moi de le décider. S'il y a un débat parlementaire, c'est pour que les représentants du peuple français s'expriment et décident. Le gouvernement propose un texte.
SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que le gouvernement serait favorable ?
BRUNO LE MAIRE
D'abord insister sur un point. Le gouvernement, je l'ai dit, a fait des ouvertures, a modifié sa copie et le texte que nous présentons comporte des avancées sociales extrêmement significatives. Nous allons dépenser quasiment le tiers de ce que rapporte cette réforme des retraites pour ces avancées sociales. C'est la retraite minimum garantit à 1200 euros qui va faire que près de deux millions de nos compatriotes vont voir leur retraite s'améliorer. C'est le cumul emploi-retraite. Aujourd'hui vous cumulez un emploi et votre retraite, vous cotisez, ça vous donne droit à rien. Ça vous donnera droit à une amélioration de votre pension. C'est le congé parental pour ceux qui ont commencé tôt dans la vie active, il sera comptabilisé dans vos trimestres de retraite. C'est l'assurance vieillesse des aidants. Enfin tout ça, ce sont de vraies avancées sociales. Quand j'entends certains dire que cette réforme est brutale, je peux tout accepter mais pas entendre ça parce que c'est faux. C'est une réforme qui est juste, c'est une réforme qui permet de garantir la pérennité de notre système. C'est une réforme qui fait attention à ceux qui ont démarré plus tôt dans la vie active et qui ouvre de nouveaux droits.
SALHIA BRAKHLIA
Mais parce qu'il y a des trous dans la raquette. Dans tout ce que vous venez d'énoncer, il y a des trous dans la raquette. Je reviens à ma question : sur les carrières longues par exemple puisque vous venez d'en parler, vous facilitez le départ avant 20 ans sauf qu'il y a des personnes qui ont cotisé 43 années mais qui ne pourront pas partir avant 64 ans. Est-ce que le gouvernement est ouvert à les faire partir avant 64 ans, avant l'âge légal ?
BRUNO LE MAIRE
Déjà, notons que c'est une amélioration par rapport au système actuel où, dans les carrières longues, certains devaient cotiser 45 ans. Là ce sera 44 ans pour tout le monde, il n'y aura plus ces situations où certains devaient cotiser 45 ans. Pour ceux qui sont rentrés le plus tôt dans la vie active, ils pourront partir à la retraite à 58 ans, 6 ans avant l'âge légal de départ à la retraite des autres. Donc là encore, tous les points que nous venons de citer ils vont être mis à la discussion. Toutes les améliorations sont les bienvenues pourvu qu'elles soient financées et que, au bout du compte, on ait l'équilibre financier en 2030. Moi j'ai la conviction profonde que ce qu'a proposé Élisabeth BORNE est juste. Si on peut encore améliorer la justice de la proposition dans le cadre financier que j'ai indiqué, tant mieux, c'est le rôle des parlementaires.
MARC FAUVELLE
Y compris sur la pension minimum de retraite ? Vous l'avez évoqué rapidement, Bruno LE MAIRE. Tout le monde avait compris ces derniers mois que ce serait 1200 euros nets pour ceux qui ont travaillé 43 ans au niveau du SMIC.
BRUNO LE MAIRE
Je confirme que c'est le brut.
MARC FAUVELLE
On se rend compte que c'est brut aujourd'hui. Il y a une différence qui peut aller jusqu'à 50 euros. C'est compliqué parce que la CSG, tous les retraités ne payent la même.
BRUNO LE MAIRE
Ça dépend du taux de CSG.
MARC FAUVELLE
Est-ce que ça pourrait être 1200 nets au final, après les discussions à l'Assemblée ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne sais pas, je ne veux pas vous décevoir. J'aime bien répondre le plus clairement possible à vos questions mais je n'aime pas prendre la place de ceux qui ont aujourd'hui la responsabilité. Avec Élisabeth BORNE et le président de la République, nous avons proposé une réforme dans laquelle je crois profondément. Je pense qu'elle est juste et équilibrée. Les parlementaires peuvent dire : il y a mieux, on peut faire mieux, on peut améliorer tel ou tel point. Tant mieux si c'est le cas pourvu que ce soit financé.
MARC FAUVELLE
Ce qui ne bougera pas, c'est les 64 ans. Ou même ça, ça peut être soumis à la discussion.
BRUNO LE MAIRE
Mais nous partions de 65 ans comme âge légal de départ, nous avons finalement proposé 64 ans, écouté notamment Les Républicains, écouté d'autres formations politiques. Ça me paraît le juste équilibre, surtout quand on regarde la situation dans d'autres pays européens où c'est 65, 66, 67 ans. 64 ans me paraît le juste choix.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, votre obsession ce sont les finances. On l'entend depuis tout à l'heure, votre obsession c'est : on peut faire des changements à condition que ce soit financé.
BRUNO LE MAIRE
Mais mon obsession, je vais être j'ai très clair avec vous, ce n'est pas les finances. Mon obsession c'est de garantir à nos compatriotes que la maison est tenue et que, par conséquent, ce jour où il y aura d'autres personnes qui nous succéderont, ils auront une maison qui soit bien tenue, des comptes sociaux qui soient à l'équilibre et un régime financier des retraites qui soit garanti. C'est ma responsabilité, ce n'est pas une obsession pour la finance, c'est une obsession pour l'équilibre des comptes et pour la pérennité d'un modèle social auquel je crois.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf qu'il y en a certains dans votre camp comme François BAYROU qui vous donne en fait quelques clés pour aller chercher encore plus d'argent, à savoir mettre à contribution les entreprises grâce aux cotisations patronales pour financer cette réforme des retraites. Pourquoi vous ne prenez pas cette option ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que, et nous en avons parlé souvent avec François BAYROU, là encore toutes les propositions nous les étudions avec un esprit d'ouverture. Mais quand un patron de PME dans le bâtiment, dans les travaux publics, dans l'agroalimentaire paye un de ses salariés de 2000 euros, lui va sortir de sa poche 3300 euros dont 700 pour les retraites. Donc on peut toujours augmenter les cotisations patronales en disant qu'elles ne sont pas suffisantes, mais ça se paiera par plus de chômage. Or nous notre objectif avec le président de la République, avec Élisabeth BORNE, c'est le plein emploi en 2027. Quand on a un objectif stratégique qui est pour la première fois depuis un demi-siècle de ramener la France autour de 5 % de taux de chômage, on se donne tous les moyens pour y parvenir. Et François BAYROU fait partie de la majorité donc il souscrit à cet objectif de plein emploi en 2027. La meilleure façon d'y parvenir, c'est de ne pas augmenter les cotisations des employeurs pour garantir qu'ils continuent à embaucher. Alors vous me dites : on pourrait faire ça sur les salariés, certains me disent "ça ne coûte pas grand-chose". Mais un point de cotisation supplémentaire sur un salarié, c'est à terme 400 euros en moins par an sur son salaire.
MARC FAUVELLE
François BAYROU parle d'environ 7 points, donc un peu moins que ça.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais on arrive à des sommes qui sont très significatives.
MARC FAUVELLE
30 euros par mois.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais vous venez me dire que 50 euros ou 40 euros par mois c'est beaucoup et vous avez raison. Donc on ne peut pas me dire d'un côté "30 euros c'est beaucoup" et de l'autre quand ça vous arrange "ce n'est pas beaucoup". Moi je considère que l'augmentation des cotisations patronales ou l'augmentation des cotisations salariales, c'est soit plus de chômage, soit moins de salaire. Dans les deux cas, ce n'est pas une bonne option
MARC FAUVELLE
Quand vous voyez les critiques de François BAYROU, Bruno LE MAIRE, qui dit "on a oublié d'explorer une piste importante" ; quand vous entendez Édouard PHILIPPE, ancien Premier ministre, qui dit "il y avait peut-être plus important que cette réforme des retraites en ce moment" ; quand vous lisez Barbara POMPILI, ancienne ministre d'Emmanuel MACRON, qui dit "en l'état je ne voterai pas cette réforme", de même qu'un autre député de votre parti, du parti Renaissance en tout cas, vous ne vous dites pas "ça commence à faire beaucoup, je ne suis pas bien sûr d'avoir une majorité" ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis surtout faisons bloc.
MARC FAUVELLE
Ce n'est plus tout à fait le cas.
BRUNO LE MAIRE
Je dis faisons bloc parce que l'enjeu est important pour notre système social, pour les retraites, et je dirais même qu'il est important pour la France comme nation. La France est une nation qui a un modèle social qui crée de la cohésion entre nous. Et là en l'espèce, de la cohésion entre les générations. Si on veut préserver cette cohésion, il faut la financer, et donc engager cette réforme des retraites. Moi je souhaite évidemment que toute la majorité de manière très unie et de manière très volontariste et de manière très enthousiaste, parce que ce n'est jamais facile de vendre une réforme des retraites, bien entendu, ce n'est jamais facile de dire aux gens : il faut travailler plus longtemps. Il y a des discours politiques plus simples à tenir. Mais je souhaite que nous soyons tous résolus, déterminés à soutenir cette réforme des retraites.
MARC FAUVELLE
Si un député ne vote pas la réforme, il se passe quoi ? Il est encore dans la majorité, on passe l'éponge ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense vous avoir expliqué que je ne suis plus au Parlement, je suis au gouvernement, donc c'est au parlement de mesurer l'impact que cela pourrait avoir. Je souhaite évidemment que toute la majorité, sans exception, soutienne, explique, défende et vote cette réforme.
MARC FAUVELLE
Le patron de la CGT Philippe MARTINEZ souhaite un mouvement reconductible partout où c'est possible. Il l'a dit ce matin chez nos confrères de France 2. Quelle est votre réaction ?
BRUNO LE MAIRE
Mais les syndicats qui s'opposent à cette réforme, se mobilisent, défilent pour s'opposer à cette réforme. C'est leur droit, c'est un droit constitutionnel. Ce qui n'est pas acceptable en revanche, c'est quand on entend certains vous dire qu'ils vont cibler des personnalités politiques, cibler des députés.
MARC FAUVELLE
Couper le courant.
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est totalement inacceptable. C'est une menace contre un représentant de la nation. On a la liberté totale en France de s'opposer à cette réforme des retraites, mais on a la liberté totale aussi la défendre, de la promouvoir, de l'expliquer. C'est le rôle des parlementaires. Et s'attaquer à un parlementaire a raison de ses convictions politiques, c'est une atteinte directe à la liberté d'expression, c'est une menace inacceptable dans une grande démocratie et j'attends de la CGT qu'elle corrige ces propos et qu'elle demande à ses représentants de les retirer.
SALHIA BRAKHLIA
Juste une question symbole Bruno LE MAIRE. Demain vous ne serez pas en France, vous serez en Espagne avec le président de la République comme 10 autres ministres du gouvernement, le ministre de l'Intérieur, le ministre des Transports Clément BEAUNE. Ce n'est pas un peu bizarre d'être à l'étranger alors que ça va chauffer dans le pays ?
BRUNO LE MAIRE
Mais en quoi est-ce que ma présence demain à Paris serait de nature à calmer les manifestations ?
SALHIA BRAKHLIA
Le ministre de l'Intérieur sera avec vous en Espagne tout comme le ministre des Transports.
BRUNO LE MAIRE
Pardon, je travaille. Il y a un enjeu majeur pour notre pays qui est la réforme du marché européen de l'électricité. Nous nous battons avec le président de la République pour cela depuis des mois. Nous voulons que les Français paient leur électricité au coût de production et pas au coût marginal de l'ouverture des centrales à gaz mais au coût de production de l'énergie en France, c'est-à-dire principalement de l'électricité nucléaire. C'est une grande bataille, elle est très difficile à livrer. Elle demande de se mobiliser auprès des Espagnols, des Italiens, des Allemands. Demain en Espagne, nous allons porter à nouveau cette réforme. Je pense que c'est utile et nécessaire.
MARC FAUVELLE
L'énergie, on en parle dans un instant avec vous Bruno LE MAIRE.
(…)
SALHIA BRAKHLIA
Avec le ministre de l'Économie Bruno LE MAIRE. Depuis le début de la semaine il est possible de demander l'indemnité carburant de 100 euros sur le site des impôts, 10 millions de personnes sont éligibles, combien ont fait la démarche ?
BRUNO LE MAIRE
Plus de 1,6 million ce matin, et le site fonctionne, donc c'est une bonne chose, ça répond à la situation de beaucoup de nos compatriotes qui n'ont pas d'autre choix que de prendre leur voiture pour aller travailler, plus d'1,6 million, le site fonctionne, le versement de 100 euros interviendra sous 15 jours, 3 semaines, donc c'est rapide, efficace, c'est un vrai soutien au pouvoir d'achat des Français.
SALHIA BRAKHLIA
Que va-t-il se passer pour ceux qui n'en font pas la demande, est-ce qu'on va les appeler pour leur dire "vous avez le droit à 100 euros" ?
BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'on a rendu les choses le plus public, le plus massif possible, je n'exclue pas qu'on fasse des démarches pour ceux qui ont droit, il faut que chacun puisse toucher ce à quoi il a droit.
MARC FAUVELLE
En 2022, l'an dernier, Bruno LE MAIRE, les défaillances d'entreprises ont bondi, +50 % par rapport à l'année précédente, sous l'effet notamment de la hausse des tarifs de l'électricité, Xavier BERTRAND, le président les Républicains de la région Hauts-de-France, a sa petite idée sur cette hausse, il était l'invité de France Info hier à votre place, écoutez.
XAVIER BERTRAND, PRÉSIDENT (LR) DU CONSEIL RÉGIONAL DES HAUTS-DE-FRANCE
Il faut avoir fait bac+15 pour pouvoir tout comprendre, d'ailleurs, je le dis très clairement, ils ont réagi, mais tard et très tardivement. Sur la question de l'énergie, il n'y a pas que les boulangers qui sont concernés, il y a aussi tous les métiers de bouche, tous les artisans qui utilisent des machines, du matériel, demain, avec le coût de l'énergie, vous allez avoir le résultat des entreprises, les bénéfices, qui vont s'évanouir. L'augmentation du coût de l'énergie fait deux heureux, les énergéticiens, et l'État, qui touchent la TVA sur le surcoût de l'énergie.
MARC FAUVELLE
Il faut bac+15 pour remplir les formulaires d'aides du gouvernement ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est des formules qu'on connaît, mais qui ne font pas beaucoup avancer le schmilblick. Tout ce que dit Xavier BERTRAND est faux, nous sommes intervenus tôt…
MARC FAUVELLE
Emmanuel MACRON a émis des critiques, pas exactement avec les mêmes mots, mais il a dit "les numéros verts qui ne fonctionnent pas, les formulaires qu'on n'arrive pas à remplir, il y en a marre."
BRUNO LE MAIRE
Nous sommes intervenus très tôt, pour d'abord protéger nos compatriotes contre l'augmentation des prix de l'énergie, c'est le bouclier tarifaire, ça fait près de deux ans qu'il est en place, il coûte 46 milliards d'euros, donc contrairement à ce qui vient d'être dit, l'État n'en met pas plein sa poche, l'État sort de l'argent de sa poche pour protéger les Français et protéger les entreprises. Nous avons mis en place des mesures de protection des entreprises depuis des mois, nous venons de le compléter en garantissant à toutes les très petites entreprises un tarif moyen à 280 euros le mégawatheure, et les fournisseurs d'énergie vont contribuer, ils contribuaient déjà très largement à travers le mécanisme de rente inframarginale, ce qu'on appelle parfois la taxe sur les surprofits, ils contribuent au financement du bouclier pour les ménages, du bouclier énergétique, ils vont contribuer désormais à la protection des très petites entreprises en garantissant un prix moyen à 280 euros le mégawatheure. Nous faisons notre travail, on peut toujours le faire mieux, mais avec la volonté de protéger nos compatriotes, nos entreprises, surtout les plus petites, contre la flambée des prix.
SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, l'Assemblée planche en ce moment sur la proposition de loi du député Renaissance Frédéric DESCROZAILLE, il est prévu, par exemple, que si aucun accord n'est trouvé entre industriels et distributeurs pendant les négociations, eh bien ce sont les prix de l'année précédente qui continuent de s'appliquer, est-ce que d'abord ça ne va pas augmenter l'inflation, et est-ce que ce n'est pas favoriser les grands industriels en permettant que ce texte soit voté ?
BRUNO LE MAIRE
C'est le risque. Moi je comprends parfaitement l'intention du député DESCROZAILLE, qui est de dire il y a une industrie aujourd'hui qui est fragilisée par la flambée des prix, et il y a un rapport de l'Inspection générale des finances qui le montre bien, c'est l'industrie agroalimentaire, parce qu'elle consomme beaucoup d'énergie, et il faut rééquilibrer le rapport de force entre les industriels de l'agroalimentaire et la distribution, ça je pense que ce principe-là il est juste. Ensuite il faut qu'on trouve le bon équilibre, je pense qu'il n'a pas encore été trouvé, parce qu'il ne faut pas qu'on tombe dans l'excès inverse, où des très grands industriels de l'agroalimentaire imposeraient leurs prix, et du coup favoriseraient l'inflation, au bout du compte c'est vous et moi qui aurions à payer plus chère notre alimentation, nos shampooings et nos produits d'hygiène.
MARC FAUVELLE
C'est ce que disent aujourd'hui les patrons des grandes surfaces, c'est ce que dit Michel-Edouard LECLERC, qui dit "si demain cette loi passe, certains produits prennent 30 %."
BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour cela que, à ma demande, la ministre chargée des PME, Olivia GREGOIRE, reçoit actuellement, va recevoir les distributeurs, va recevoir l'industrie agroalimentaire, pour essayer de trouver, avec le député DESCROZAILLE, dont je salue le travail, le meilleur équilibre possible entre protéger les industriels de l'agroalimentaire et éviter une flambée des prix à la consommation dans les rayons. On est arrivé à le faire sur EGalim pour les produits agricoles, eh bien on doit arriver à le faire aussi, avec les industriels de l'agroalimentaire, pour les prix de grande consommation.
MARC FAUVELLE
Bruno LE MAIRE, les banques, en ce moment, disent qu'elles n'arrivent plus à prêter, à accorder des prêts immobiliers, car les taux d'intérêts de ces prêts remontent plus vite que le taux d'usure, le taux d'usure c'est le taux maximum qui inclut le prêt et tous les frais annexes. Le marché de l'immobilier, on le sait, est en train de se gripper aujourd'hui, est-ce que vous allez réformer ce taux d'usure, qui est un peu complexe, mais important pour les banques, et pour tous ceux qui veulent emprunter ?
BRUNO LE MAIRE
Vous avez parfaitement raison Marc FAUVELLE, il est essentiel pour définir le taux auquel vous pourrez emprunter pour acheter votre logement, mais le problème c'est que ce taux d'usure il était révisé approximativement tous les six mois, donc pendant six mois vous risquez d'avoir un taux trop haut ou trop bas, là nous avons décidé, avec le Gouverneur de la Banque de France, que le taux d'usure, désormais, serait modifié tous les mois, en fonction du niveau de l'inflation, pour être au plus près possible des demandes des emprunteurs et des demandes des banques, pour favoriser le crédit immobilier et permettre aux emprunteurs d'emprunter plus facilement. Je reconnais bien volontiers qu'il y a eu, ici ou là, des blocages sur l'accès au crédit, je sais très bien que ça a pénalisé beaucoup de nos compatriotes qui disaient "mais on ne pouvait avoir un crédit, la banque refusait, c'est le taux d'usure qui était trop bas, il faut le relever", eh bien là nous aurons des modifications mensuelles, ça permettra d'être au plus près de la demande des emprunteurs, c'est très important pour nos compatriotes…
MARC FAUVELLE
A partir de quand ça va changer ?
BRUNO LE MAIRE
Ça change dans les semaines qui viennent, et ça va permettre à nos compatriotes d'avoir accès plus facilement au crédit immobilier.
MARC FAUVELLE
Merci Bruno LE MAIRE et bonne journée à vous.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 janvier 2023