Déclaration de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, sur les défis et priorités de la politique de l'énergie, à Paris le 24 janvier 2023.

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Circonstance : Voeux aux acteurs de l’énergie

Texte intégral

Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus locaux,
Mesdames et messieurs les acteurs de l’énergie,
Mesdames et messieurs,


Je suis très heureuse de vous accueillir ici, au ministère de la Transition énergétique. Vous le savez, c’est d’abord le ministère du temps long, des grands programmes énergétiques, avec le nucléaire bien entendu, mais aussi les énergies renouvelables. C’est aussi le ministère de l’urgence, comme le démontre la crise énergétique que nous traversons.

Pour bien démarrer, je tiens à vous souhaiter, à vous et à ceux qui vous sont chers, une très belle et très heureuse année 2023.

Une année de santé et de bonheur. Une année, je l’espère aussi, d’accomplissements dans les projets que vous entreprendrez.


2022, vous le savez, vous l’avez vécue, n’a pas été de tout repos. Les méga-feux, les sécheresses, les inondations et les records de chaleur nous ont confrontés, plus que jamais, à l’urgence de la crise climatique.

La guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en a découlé nous ont montré toute l’urgence, pour notre pays comme pour notre continent, de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles.

Elles nous ont montré combien la question énergétique est une question sine qua non, non seulement de notre compétitivité économique, mais aussi de notre concorde sociale et de notre indépendance politique.

Dans ce contexte difficile, historique même, il a fallu avancer vite pour protéger les Français bien sûr, mais surtout pour construire les bases d’un changement d’échelle de la transition énergétique.

Protection, d’abord.

En 2022, les Français, les très petites entreprises, les PME, les collectivités locales, notamment les plus petites d’entre elles, ont pu bénéficier des mesures de protection les plus puissantes d’Europe. Nous devons en être fiers. Les TPE et les ménages français sont notamment ceux qui ont payé le prix le plus bas d’Europe en 2022. Et cela a été permis en partageant les surprofits des producteurs d’énergie, notamment français.

Face aux risques qui pesaient sur le passage de l’hiver et une Russie qui a utilisé son gaz comme arme de guerre, nous avons su en un temps record diversifier et sécuriser nos approvisionnements, mais aussi réduire notre consommation d’énergie.

Grâce à l’engagement des agents d’EDF et de leur nouveau président directeur général, Luc Rémont, nous avons également relevé le défi de la montée en puissance de nos réacteurs et tenu l’objectif d’environ 45 GW de puissance connectée en janvier.

Et je compte sur EDF pour continuer ainsi en 2023.

Fondation ensuite. Car en 2022, nous avons posé les bases de l’accélération de notre transition énergétique.

Tout d’abord, nous avons posé les bases de la sobriété énergétique.

Grâce à la mobilisation générale des grandes entreprises, des grandes collectivités locales, des grandes administrations et plus largement, grâce à la mobilisation des Français et à votre mobilisation, vous, les professionnels de l’énergie, nous avons construit en deux mois un plan de sobriété historique qui a permis de réduire notre consommation de 10% en gaz et en électricité.

Ce plan montre la force d’une méthode qui part du terrain, qui embarque, qui responsabilise et qui refuse le choix systématique de la coercition pour obtenir des résultats.

Nous avons ensuite posé les bases d’une accélération des énergies renouvelables.

Depuis ma prise de fonction, j’ai pris plus de 30 textes réglementaires (x2) qui permettront de débloquer 10 GW de production électrique dans les deux ans. J’ai également lancé une mobilisation inédite des préfets afin d’accompagner et d’assurer la réussite du déploiement des énergies renouvelables dans tous nos territoires.

Grâce au projet de loi sur les énergies renouvelables qui sera examiné aujourd’hui par la Commission mixte paritaire du Parlement, nous avons fait la preuve d’une méthode et d’une ambition.

La méthode d’un texte qui a été patiemment co-construit avec les parlementaires, au cours de centaines d’heures d’échanges, dans un véritable esprit de dialogue, et qui a été largement voté au Sénat et à l’Assemblée nationale.

L’ambition d’un texte qui initie notre démarche de planification des énergies renouvelables. Une démarche qui part des territoires. Une démarche qui fait confiance aux élus locaux ; ce sont eux qui impulsent, c’est l’Etat qui accompagne.

C’est la traduction concrète de la planification écologique souhaitée par le Président de la République et que je porte, avec Christophe Béchu, sous l’égide de la Première ministre.

Je ne peux qu’espérer à cette heure que l’esprit de co-construction et de responsabilité qui a dominé jusqu’ici permette de finaliser rapidement ce texte.

Nous avons aussi posé les bases d’un nouveau programme d’excellence nucléaire grâce à la finalisation de l’audit sur les arrêts de maintenance et les conséquences que nous en avons tiré avec EDF ; grâce à la mobilisation de la filière ; grâce à la nomination du délégué au nouveau nucléaire français, Joël Barre ; ou encore, grâce au texte sur l’accélération des procédures nucléaires qui sera voté je l’espère tout à l’heure au Sénat.

Nous avons également posé les bases de la première grande loi de programmation énergie climat qui doit fixer notre stratégie pour les prochaines années.

La grande concertation lancée en octobre et conclue avant-hier par un " Forum des jeunesses ", a ainsi donné la parole aux Françaises et aux Français afin qu’ils nous disent les chemins qu’ils souhaitaient emprunter pour que notre pays atteigne la neutralité carbone d’ici 2050.

Nous avons enfin posé les bases d’une Europe de l’énergie plus forte et plus solidaire.

Grâce à notre action durant la Présidence Française de l’Union européenne, nous avons adopté le paquet climat le plus ambitieux au monde : " Fit for 55 = ".

C’est 3500 pages de législation qui concernent tous les secteurs d’activité et fixent des règles du jeu structurantes dès 2023.

Au cours des neuf conseils européens de l’énergie, nous avons adopté six règlements d’urgence. Ils créent les conditions d’une véritable solidarité européenne, avec l’obligation de remplissage des stocks de gaz, la diminution coordonnée de notre consommation d’électricité et de gaz, le plafonnement du prix du gaz et le mécanisme de captation des surprofits des énergéticiens. Et ceux qui vous parlent de sortir du marché de l’électricité sont des plaisantins qui ne devraient retenir notre attention que quelques minutes quand on regarde la réalité de la situation.


Après avoir posé les fondations en 2022, 2023 doit être l’année du choc d’accélération.

Un choc d’accélération qui ne pourra pas seulement se faire avec des lois et que je ne pourrais pas réussir sans la mobilisation de tous dans cette pièce et sûrement en dehors de cette pièce.

Un choc d’accélération qui doit répondre à trois grands défis.

Le premier défi, c’est celui de la justice sociale. Nous ne pourrons pas réussir la transition sans un juste partage des efforts et la protection des plus vulnérables.

C’est pourquoi, en 2023, comme en 2022, nous ne laisserons pas tomber les Français les plus modestes. Nous ne laisserons pas tomber non plus nos artisans, à l’instar de nos boulangers, que nous protégeons comme aucun autre pays européen.

Et je compte sur les fournisseurs d’énergie pour être, à nos côtés, à la hauteur de cette promesse.

Je sais aussi pouvoir compter sur les équipes de la Commission de Régulation de l’énergie, et leur présidente, Emmanuelle Wargon, pour la bonne mise en oeuvre de nos dispositifs d’aide.

Mais la vraie justice, c’est de construire des solutions qui permettent de régler durablement les problèmes de précarité énergétique.

Je pense aux millions de Français qui habitent des passoires thermiques. Il est l’heure d’innover et de rassembler tous les acteurs pour agir plus fort !

Le deuxième défi, c’est celui d’une transition énergétique qui doit changer d’échelle.

En matière de sobriété, d’abord.

Après avoir fait rentrer le mot et ses usages dans le langage courant, je veux transformer l’essai. Nous devons, dès à présent et tout au long de l’année, inscrire durablement notre société dans de nouvelles habitudes de sobriété. Car rappelons-le : la sobriété c’est du long terme. Ce n’est pas que du gaz ou de l’électricité, c’est aussi du carburant économisé. Et si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050, nous devrons collectivement réduire notre consommation d’énergie de 40% d’ici-là. La technologie nous y aidera mais elle ne pourra pas tout faire.

Mais la transition énergétique ne doit pas seulement changer d’échelle au niveau français.

2023 doit marquer une nouvelle étape pour l’Europe de l’énergie avec une réforme ambitieuse du marché européen de l’électricité. Une réforme structurelle au profit des consommateurs et qui favorise les investissements dans de nouvelles capacités de production. Je le rappelle, l’enjeu c’est de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et nous pourrons le faire que si nous sommes capables de produire de l’énergie sur notre sol. Les travaux sont lancés avec le papier diffusé par la Commission européenne fin décembre, la consultation qu’elle a lancée hier et le projet de texte qu’elle souhaite soumettre aux Etats membres au printemps.

Le troisième défi, c’est celui que nous devons réussir ensemble. Face au protectionnisme résolu de pays. C’est celui de produire plus en France et accélérer le développement des filières industrielles de la transition énergétique.

D’abord, en matière d’énergies renouvelables, qu’il s’agisse de l’éolien en mer, où nous pouvons renforcer notre leadership européen, du photovoltaïque, en faisant renaître une filière de production, ou de la géothermie, avec un futur plan d’action national, nos opportunités ne manquent pas.

Grâce à nos filières industrielles, notre pays peut non seulement rattraper le retard qu’il a accumulé en matière de déploiement des énergies renouvelables, mais également saisir des opportunités de développement économique et de création d’emplois.

Ensuite, en matière de nucléaire, dans le prolongement du projet de loi, nous devons mettre le programme du nouveau nucléaire français sur les rails du succès. Et ça se prépare maintenant.

En 2023, nous devons renouer avec l’esprit de la France des bâtisseurs. Relançons cette filière qui a fait notre fierté et notre succès ; cette filière qui nous a longtemps permis de bénéficier d’une électricité abordable et décarbonée.

C’est dans cet esprit que j’ai réuni vendredi dernier, ici-même, les acteurs de ces deux filières pour lever les freins et organiser leur mobilisation.

Avec la décarbonation de l’industrie qui est une opportunité unique de concilier le combat pour notre souveraineté et pour le climat.

Ensemble, nous avons la possibilité de construire, sur notre sol, les outils de nos transitions ; d’inventer de nouvelles filières industrielles ; d’ouvrir de nouvelles usines, de créer de nouveaux emplois et de remplacer ceux qui vont disparaître…

Et enfin, avec tous les métiers de la sobriété et de la rénovation thermique qui sont autant d’opportunités d’emplois nouveaux pour nos filières artisanales. Le projet de loi Industrie Verte sera bien entendu au service de cette ambition.


Mais au-delà des enjeux énergétiques, je souhaiterai que cette année 2023 soit une année de progrès.

Des progrès pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Et l'enquête récente sur ce sujet montre à quel point ce combat est d'actualité en particulier auprès des jeunes. Il peut être porté lorsque l’on est ministre de la transition énergétique en faisant en sorte d’améliorer la parité dans ces métiers.

De progrès pour l’égalité des chances. Pour que les réformes sur l’école, l’orientation, l’apprentissage et les lycées professionnels continuent de porter leurs fruits sur les territoires.

De progrès, enfin, pour notre Europe.

Je suis convaincue que nous avons la capacité de construire une Europe puissante énergétiquement, industriellement et à la pointe de la transition écologique. C’est maintenant que cela se joue et qu’il faut saisir cette opportunité.

De nombreux défis nous attendent, collectivement, en 2023. Vous pouvez compter sur moi pour être à la tâche chaque jour et tout faire pour les surmonter. Je compte aussi beaucoup sur vous car je sais à quel point l’intelligence collective est source de succès.


Encore bonne année à toutes et à tous.

Je vous remercie.


Source https://www.ecologie.gouv.fr, le 26 janvier 2023