Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à LCI le 2 février 2023, sur la réforme des retraites, le partage de la valeur, la dette publique, la croissance économique et l'inflation.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bruno Le Maire - Ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ;
  • Adrien Gindre - Journaliste

Texte intégral


ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup d’être là ce matin.

BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.

ADRIEN GINDRE
Je le disais, réforme des retraites, c’est aussi la mobilisation, l’opposition, la semaine prochaine encore deux journées d’actions annoncées par les syndicats et en particulier dans les transports avec une action mardi – ça c’est clair – un débat entre les syndicats sur l’opportunité de poursuivre mercredi éventuellement samedi qui sera un jour de départs en vacances. Qu’est-ce que vous dites aux syndicats ? Vous leur demandez de renoncer ? Est-ce que le droit de partir en vacances est supérieur au droit de grève ?

BRUNO LE MAIRE
C’est le droit des syndicats d’appeler à manifester et je vais vous dire, je trouve que nous avons un débat qui est plutôt sain sur cette réforme des retraites, avec des cortèges syndicaux qui se déroulent bien, les oppositions qui expriment leur opposition et nous qui défendons une réforme à laquelle je crois profondément parce qu’elle est la seule à garantir le régime de retraite par répartition.

ADRIEN GINDRE
Avec quand même une opposition, pardon Bruno LE MAIRE, très forte. Les syndicats revendiquent pour la journée qui a eu lieu mardi la plus grosse mobilisation depuis 1995. Les enquêtes d’opinion montrent encore une opposition massive des Français. Est-ce que le Gouvernement peut tenir malgré tout ça ? Contre la rue et contre la majorité des Français ?

BRUNO LE MAIRE
Mais nous tenons pour le régime de répartition, c’est tout, pas pour nous faire plaisir. Nous tenons parce qu’il y a un principe de réalité et je pense qu’il est bon de rappeler ce principe de réalité. Vous ne pouvez pas garder un régime de retraite par répartition avec des déficits qui seront de plus de 13 milliards d’euros en 2030, qui d’ici quelques années vont atteindre 150 milliards d’euros quand vous cumulez ces déficits. Au bout du compte, c’est soit l’effondrement du régime de retraite par répartition, soit ce que proposent toutes les oppositions sans le dire : l’augmentation des impôts donc la baisse du pouvoir d’achat de nos compatriotes. C'est ça les choix qui sont à faire et je pense que dans le débat qui s’ouvre, il faut rappeler des réalités. Des réalités financières : oui, vous ne pouvez pas garder des systèmes généreux auxquels nous croyons tous sans les financer. Oui, il y a moins de gens qui cotisent pour ceux qui sont partis à la retraite. Ces réalités-là, elles sont bonnes à rappeler parce que sinon ça s’appelle tromper les Français. Et dans les discours des oppositions du Rassemblement national jusqu’à la Nupes, je vois beaucoup de mensonges, beaucoup d’approximations et aucune solution pour protéger les retraites de nos compatriotes.

ADRIEN GINDRE
Alors peut-être un point qui mérite de s’y arrêter. Le Gouvernement et vous venez de le [dire] : il faut sauver le système de retraite par répartition. On sait que notre démographie évolue défavorablement et vous le répétez, vous le redites, il y a moins d’actifs aujourd’hui qu’il y avait par le passé rapporté au nombre de retraités. Pourquoi faut-il absolument sauve le système de répartition plutôt que d’en imaginer un nouveau ou d’imaginer de nouveaux modes de financement ? Est-ce que le macronisme au pouvoir depuis 2017 ce n’est pas aussi penser contre les cadres établis et inventer de nouvelles idées ?

BRUNO LE MAIRE
On peut inventer de nouvelles idées, nous en inventons très souvent. Nous en avons portées sur la rémunération du travail, sur la prime défiscalisée qu’a mise en place le président de la République. Nous apportons de nouvelles idées et des nouvelles idées ne veut pas dire abandonner ce que nous sommes. La France c’est la solidarité et je crois de manière viscérale à cette idée que la société française tient grâce à un principe de solidarité entre les générations : ceux qui travaillent payent pour ceux qui ne travaillent plus. C’est juste, c’est solidaire et vous savez, dans une société, le risque de voir les jeunes se détourner des plus anciens, le risque de voir les uns séparés des autres par égoïsme parce qu’on ne penserait qu’à soi, il est très fort. Et donc je pense qu’il y a des principes fondamentaux dans les sociétés auxquels il faut rester attaché : la solidarité entre générations pour moi, elle n’est pas négociable.

ADRIEN GINDRE
Le président a rappelé ces dernières semaines qu’il avait été élu sur un projet qui de son point de vue comporte la réforme des retraites. Il a fait campagne dessus. Il y a quand même une question qui va se poser à vous, c’est avez-vous une majorité au Parlement pour faire voter la réforme ? Je ne dis pas seulement la faire adopter, il y a des outils institutionnels qui vous permettent de la faire adopter dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité social, il y a le 49.3 qui est désormais célèbre. Est-ce que vous, vous considérez qu’il faudra un vote majoritaire ?

BRUNO LE MAIRE
Je crois que nous aurons une majorité sur la réforme des retraites au Parlement. Je crois parce que les Républicains, s’ils sont cohérents, ont toujours défendu la réforme des retraites et le report de l’âge légal de départ à la retraite. C'est ce que nous faisons et cette réforme que nous proposons est très proche de ce qu’eux-mêmes proposaient donc je suis convaincu que Les Républicains voteront cette réforme des retraites et que nous aurons une majorité. Par ailleurs une majorité, ça se construit, ce n’est jamais donné d’avance. Donc il y a un débat qui va s’ouvrir à partir de la semaine prochaine à l’Assemblée nationale, il y aura des propositions, il faut les écouter, et il y a des marges de négociation, il y a des marges de discussion au Parlement. La seule limite que nous fixons et que je rappelle ce matin, c’est l’équilibre financier en 2030 du régime de retraite par répartition parce qu’il y a, je le redis, des réalités financières auxquelles il faut faire attention. Elles vous rattrapent toujours un jour ou l’autre. Vous savez, si vous n’arrivez pas à payer votre loyer, à un moment donné vous êtes obligé de partir de chez vous. Si vous n’arrivez pas à payer votre régime de retraite par répartition, il faut l’abandonner et passer à des choses qui sont moins justes et moins équitables mais avec cette seule limite : je suis convaincu qu’il y a des marges de discussion et que nous pourrons construire une majorité au Parlement sur la réforme des retraites.

ADRIEN GINDRE
Alors on va poursuivre sur ce que vous venez de dire parce que ce sont des choses très importantes. Juste un point : il y a Les Républicains, vous avez raison, et vous les appelez à être cohérents avec eux-mêmes, mais il y a aussi dans votre majorité des députés qui ont des doutes. Je signale en particulier qu’il y a des députés du parti Horizons, ça interpelle parce qu’Edouard PHILIPPE, leur patron, à un moment avait même proposé le report de l’âge légal 67 ans, il avait émis cette idée. Il doit s’exprimer prochainement. Qu’est-ce que vous attendez de lui ?

BRUNO LE MAIRE
J’attends de la majorité, j’ai eu l’occasion de le dire, qu’elle fasse bloc. C’est quand c’est dur qu’il faut se rassembler et ce n’est certainement pas le moment de s’éparpiller. Nous devons faire bloc et ce bloc doit s’élargir.

ADRIEN GINDRE
A chacun de tenir ses troupes.

BRUNO LE MAIRE
S’élargir à tous ceux qui ont vocation à voter cette réforme des retraites, les premiers d’entre eux. Là aussi je ne demande pas à des gens qui ont toujours fait preuve d’irresponsabilité sur les sujets financiers ou d’irresponsabilité sur les régimes de retraite de venir nous rejoindre. Tous ceux qui vous disent : il n’y a qu’à augmenter les impôts, il n’y a qu’à augmenter les cotisations et baisser le pouvoir d’achat de nos compatriotes, ceux-là on n’arrivera pas à les convaincre. Tous ceux qui pensent que la dette c’est pas grave et qu’on peut accumuler les dettes et que la réalité ne se rappellera jamais à vous, on ne va pas essayer de les convaincre, ça ne servirait à rien. Mais en revanche, qu’on élargisse notre bloc majoritaire à d’autres formations politiques comme Les Républicains qui partagent les mêmes conceptions de la responsabilité financière et du maintien du régime de retraite par répartition, ça nous allons le faire et je suis convaincu dans mon for intérieur que nous y arriverons et que nous aurons cette majorité pour la réforme des retraites.

ADRIEN GINDRE
Alors dans les bougés ou les mouvements que le Parlement peut faire, il y a des sujets qui sont sur la table : la question des carrières longues, ceux qui vont se retrouver à cotiser 44 annuités, le sort des femmes, le sort des seniors avec, y compris, des oppositions en dehors de l’Assemblée. Par exemple, le MEDEF n’est pas pour des sanctions pour les entreprises. Quel bougé vous souhaitez et quel bougé vous ne souhaitez pas sur ces sujets ?

BRUNO LE MAIRE
Moi je pense que ce serait de très mauvaise politique que le Ministre des Finances dise quel bougé il faut faire ou quel bougé il ne faut pas faire.

ADRIEN GINDRE
Le Gouvernement a bien des convictions.

BRUNO LE MAIRE
C’est la liberté parlementaire de choisir ce qui leur paraît le plus fondamental à faire évoluer dans notre texte. Est-ce que c’est sur les carrières longues ? Est-ce que c'est sur la pénibilité ? C’est à eux de le dire. Moi je ne fixe qu’une seule limite parce que c’est ma responsabilité vis-à-vis de nos compatriotes : l’équilibre financier en 2030. C'est l’engagement que j’ai pris vis-à-vis de toutes celles et tous ceux qui nous écoutent. C’est ma responsabilité de ministre des Finances et ça me permet de dire à mes enfants : vous aurez vous aussi une retraite par répartition.

ADRIEN GINDRE
Mais quand vous dites par exemple toute proposition doit être accompagnée d’un financement, ça vaut aussi pour les carrières longues, les femmes, les seniors ? C’est-à-dire que s’il y a le moindre euro de dépense qui est engagé, il faudra trouver une compensation. Alors il y a juste un point que je n’ai pas bien saisi : si on ne touche pas aux cotisations et que l’âge est déjà fixé, quelle ressource de financement reste-t-il ?

BRUNO LE MAIRE
Vous avez parlé d’imagination tout à l’heure, je sais que les parlementaires savent faire preuve d’imagination pour financer les mesures qui pourraient être proposées. Il faudra trouver des financements.

ADRIEN GINDRE
Il y a une mise en garde qui a été adressée – enfin plusieurs d’ailleurs. Nicolas SARKOZY s’exprime dans Le Figaro, il le fait en racontant son histoire, la réforme des retraites de 2010. Vous étiez d’ailleurs membre du gouvernement à l’époque en charge de l’agriculture, et il évoque aussi la réforme passée, il fait allusion à celle de 2003 et il dit : au total, les concessions avaient coûté plus cher que le bénéfice attendu. Raymond SOUBIE, son ancien conseiller que vous avez également bien connu, dit : dans la réforme actuelle, il y a déjà 35 % des bénéfices potentiels qui sont partis en fumée et surtout il dit : à ce stade, le retour à l’équilibre du système en 2030 paraît déjà compromis. Est-ce que vous partagez ou est-ce que vous contestez cette analyse ?

BRUNO LE MAIRE
Non, il n’est pas compromis. C’est la garantie, une fois encore, que je donne. L’équilibre financier du régime des retraites sera garanti en 2030 par cette réforme. En revanche, là où je les rejoins, c’est que c’est une grande singularité de cette réforme et c’est pour cela qu’elle est juste. C’est que sur les 17,7 milliards d’euros que rapportera cette réforme en 2030, près de 6 milliards d’euros, je dis bien 6 milliards d’euros, vont aller à des mesures d’accompagnement, d’amélioration de la situation financière de chacun, d’amélioration des pensions, c’est-à-dire que plus d’un tiers de ce que nous rapporte la réforme des retraites va à l’amélioration de ceux qui partent à la retraite.

ADRIEN GINDRE
Mais ça ne doit pas aller au-delà.

BRUNO LE MAIRE
Ça ne doit pas aller au-delà et on doit garder cet équilibre-là mais je dois dire que c’est par rapport à toutes les autres réformes : mais vous faites la même chose que dans les années passées… Mais c’est tout à fait faux. La vraie différence, la vraie singularité de cette réforme des retraites, c’est que nous avons voulu accompagner ceux qui partent dans des conditions difficiles à la retraite, nous avons voulu accompagner les aidants, nous avons voulu garantir une retraite minimale à 1 200 euros pour ceux qui ont les niveaux de retraite les plus faibles, nous avons voulu préserver les avantages des femmes. Quand j’entends tous les mensonges honteux qui sont colportés sur les retraites des femmes, mais oui une femme qui a eu un enfant aura bien droit à ses huit trimestres, deux années de cotisation pour sa retraite. Ne jouons pas avec les peurs des Français. Mais toutes ces améliorations sur les aidants, sur les pensions minimales, sur ceux qui ont eu des carrières longues, ça coûte le tiers de ce que nous rapporte cette réforme des retraites et c’est bien pour ça qu’elle est singulière, qu’elle est originale et qu’elle est juste.

ADRIEN GINDRE
Mais j’ai bien noté que vous disiez le tiers et on ne doit pas aller au-delà de ce tiers. Je reviens juste à Nicolas SARKOZY un instant, dans cet entretien au Figaro Magazine, enfin dans ses citations, il donne aussi un cadre politique. Il dit : plus vous négociez, plus vous mobilisez la gauche. Est-ce que vous partagez cette analyse ? Est-ce que le Gouvernement peut entretenir sa propre opposition en cédant trop ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense que c’est trop compliqué pour moi. Je pense que nous avons une réforme des retraites qui a déjà été beaucoup discutée, beaucoup négociée par Elisabeth BORNE. La Première ministre, je peux en témoigner, n’a pas ménagé son temps avec les forces politiques, discuter avec les syndicats et nous arrivons au Parlement avec un texte qui est nouveau. Ce n’est pas exactement et rigoureusement ce qu’avait proposé le président de la République dans sa campagne.

ADRIEN GINDRE
Mais pour le coup, vous avez quand même une opposition massive.

BRUNO LE MAIRE
Il est quand même bon de rappeler que nous avons négocié. Est-ce qu’il y a ensuite encore des marges pour discuter, négocier, améliorer le texte ? Ma réponse est oui et c’est même souhaitable, c’est le rôle du Parlement avec cette limite que j’ai fixée qui est une limite financière et je pense qu’il est très bon qu’au Parlement chacun se dise : mais dans le fond, quel est le point sur lequel on voit qu’il y a plus d’inquiétude et auquel il faut que nous apportions des réponses ? Moi je compte sur notre majorité qui est une majorité de grande qualité avec des parlementaires qui sont exceptionnels de ténacité, de présence, de mobilisation pour apporter des réponses aux inquiétudes de nos compatriotes.

ADRIEN GINDRE
Dernier mot, on va avancer. Vous disiez tout à l’heure, je crois que nous allons avoir une majorité. Est-ce que ça veut dire que l’adoption de la réforme par ordonnance ou par 49.3 est exclue ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n’est pas à moi de trancher cette question. Simplement il est toujours préférable de se donner le mal nécessaire de construire une majorité. Et avoir une majorité au Parlement, c'est avoir la légitimité politique pour que cette réforme s’applique et garantisse une fois encore le régime par répartition.

ADRIEN GINDRE
Lié à la question de la retraite il y a bien sûr la question du travail, qui a été remise dans le débat ces derniers jours, en particulier par le gouvernement, Gérald DARMANIN disait dimanche au « Parisien », « oui, il faut travailler plus, il faut l’assumer », votre ministre délégué Gabriel ATTAL indique vouloir tester la semaine de quatre jours pour les fonctionnaires, il y a des députés de votre majorité, MoDem, qui ont évoqué l’idée à un moment de dire on pourrait travailler 35 heures et demi pour faire plus d’activité, plus de rentrées aussi dans les cotisations, quelle est votre proposition à vous, qu’est-ce qui vous paraîtrait pertinent sur le champ du travail, on sait que le gouvernement prépare une loi sur les questions d’emploi et de travail, même si on n’est pas tout à fait au clair sur ce qu’elle va contenir, qu’est-ce qu’il faudra d’ailleurs qu’elle contienne à vos yeux ?

BRUNO LE MAIRE
Au-delà des lois et des textes, ce qui me paraît le plus important c’est qu’il y ait un meilleur partage de la valeur, et donc une meilleure rémunération des salariés, ça fait des années que je l’explique, que je le défends. J’ai demandé aux entreprises, qui d’ailleurs l’ont fait, d’augmenter les salaires quand elles le pouvaient, je pense que ce qui est le plus important pour le ministre de l’Economie c’est que tous ceux qui travaillent puissent en avoir pour leur argent, c’est le cas de le dire, c’est-à-dire que, vous travaillez, il faut être bien rémunéré. On a développé l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié, nous sommes le premier pays en Europe en nombre d’actionnaires salariés, nous avons développé cette prime défiscalisée, qui a remarquablement fonctionné, mais je pense qu’il faut aller plus loin et il faut que chacun qui va au boulot ce matin se dise " je vais pouvoir construire ma vie avec, je vais pouvoir payer mon loyer, je vais pouvoir acheter une maison, je vais pouvoir partir en voyage, je vais pouvoir payer les loisirs de mes enfants et leurs études ", c’est ça qui compte, c’est que le travail soit dignement rémunéré, et là-dessus je pense que nous pouvons faire mieux, c’est l’objet de la thématique du partage de la valeur que nous avons ouverte avec la majorité, les forces syndicales, et les organisations patronales, travaillent ensemble, j’espère qu’elles parviendront à un accord sur le partage de la valeur, ce serait formidable que salariés et patrons s’entendent, en France, sur un meilleur partage de la valeur, je pense que ce serait une très belle avancée, et pour moi c’est la première attente de nos compatriotes dans une période où ils souffrent de l’inflation, où le pouvoir d’achat est forcément attaqué par l’augmentation des prix des carburants, par l’augmentation des prix alimentaires, eh bien la meilleure réponse c’est un meilleur partage de la valeur.

ADRIEN GINDRE
Sur les carburants d’ailleurs, vous avez mis en place l’indemnité carburant travailleur, où est-ce qu’on en est ?

BRUNO LE MAIRE
On en est à 4,4 millions de personnes qui l’ont demandée, donc ça a fortement augmenté, ça veut dire que la moitié de ceux qui y ont droit l’ont demandée, j’incite tous ceux qui y ont droit, à réclamer ces 100 euros de chèque qui vont leur permettre d’améliorer leur pouvoir d’achat.

ADRIEN GINDRE
Ce week-end dans " Le JDD " vous avez aussi rappelé que le " quoi qu’il en coûte " c’est fini, vous avez indiquez entreprendre une revue des dépenses, toutes les dépenses publiques, l’Etat, les collectivités, le champ social, combien d’euros d’économies vous cherchez ?

BRUNO LE MAIRE
Les économies elles doivent se chiffrer, dès le budget 2024, en milliards, je ne vais pas vous donner un montant précis, mais il faut que ces économies se chiffrent en milliards pour pouvoir tenir les objectifs qui m’ont été fixés par le président de la République, et sur lesquels nous sommes désormais engagés, retourner sous les 3% de déficit et faire baisser la dette publique à partir de 2026. La méthode que nous retenons est une méthode qui va passer par la concertation, je le dis notamment à l’égard des collectivités locales, il ne s’agit pas de revenir à des solutions passées qui, je sais, ont inquiété les collectivités locales, il s’agit, en esprit de responsabilité là aussi, de se confronter à la réalité. La réalité c’est que cette dette nous coûte toujours plus cher parce que l’argent est plus rare, que la politique monétaire a changé et que là nous empruntions tous, collectivités locales, comme Etat, à des taux de 0 %, aujourd’hui ils sont à 2,5%, c’est la même chose, une fois encore, qu’un ménage qui achète son logement, il sait parfaitement que ce n’est pas la même chose d’emprunter à 1% ou d’emprunter à 2,5, 3 ou 3,5%, l’Etat, les collectivités locales, sont dans la même situation, notre méthode sera une méthode de concertation, mais il y a une réalité, c’est que quand l’argent est plus cher il faut se désendetter.

ADRIEN GINDRE
On pourra éviter de franchir le seuil des 3000 milliards de dette pour la France ?

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n’est pas tous ces seuils symboliques, on peut toujours jouer avec ces seuils symboliques…

ADRIEN GINDRE
Ce n’est pas rien.

BRUNO LE MAIRE
Ce n’est pas rien, bien entendu, mais qu’est-ce qui compte ? c’est que la France produise plus de richesse qu’elle ne dépense d’argent public, c’est ça le coeur de notre philosophie économique avec le président de la République, avoir une France prospère qui produise plus. De ce point de vue-là, l’un des grands enjeux que nous avons devant nous, il y a la réduction de la dette qui va nous permettre de réduire les dépenses, c’est de l’autre côté produire plus de richesse, avec de l’autre côté de l’Atlantique un pays qui s’appelle les Etats-Unis, qui vient de prendre des décisions radicales avec son « Inflation Reduction Act », qui veut attirer à lui, ne nous faisons aucune illusion, toute l’industrie européenne, qui risque d’affaiblir la base européenne. L’un des grands défis que nous avons pour rester une nation prospère, un continent prospère, c’est d’apporter des réponses fortes, rapides et massives, à l’ « Inflation Reduction Act » américain.

ADRIEN GINDRE
Mais le président est allé aux Etats-Unis en décembre, on n’a pas eu le sentiment, pardon, qu’il revenait avec une solution magique…

BRUNO LE MAIRE
Mais il a dit les choses avec beaucoup de fermeté, je peux en témoigner, au président BIDEN, je me rendrai, à la suite de ce déplacement, la semaine prochaine, avec mon homologue allemand Robert HABECK, aux Etats-Unis, pour voir ce que nous pouvons discuter avec les américains, mais la France réponse elle est chez nous en Europe, elle est dans les premières propositions, très fortes, et très bonnes, que vient de mettre sur la table la présidente de la Commission européenne Ursula VON DER LEYEN, augmenter les aides d’Etat, les décaisser plus vite, simplifier nos aides, mais que chacun comprenne bien que nous sommes face au plus grand défi, pour l’industrie européenne, des trois dernières décennies.

ADRIEN GINDRE
Et les Allemands l’ont compris aussi ?

BRUNO LE MAIRE
Les Allemands l’ont compris aussi, beaucoup de nos partenaires européens l’ont compris, je le redis, c’est le plus grand défi industriel des trois dernières décennies, soit nous apportons des réponses, rapides et massives, et nous pourrons garder notre base industrielle sur la nouvelle industrie de demain, l’hydrogène, les énergies renouvelables, le nucléaire, l’intelligence artificielle, soit nous n’arrivons pas à compenser ce que font les américains et à résister avec beaucoup de fermeté, et le risque de délocalisation industrielle de masse est là, c’est bien pour cela que le président de la République a fait de cet enjeu l’enjeu numéro 1 du prochain conseil européen.

ADRIEN GINDRE
Dans ce contexte-là vous pouvez maintenir votre prévision de croissance à 1 % pour cette année ? comme toujours il y a des avis divergents, la BANQUE DE FRANCE, je crois dit 0,3, le FMI 0,7.

BRUNO LE MAIRE
Adrien GINDRE, il y a deux mois, sur un autre plateau de télévision on m’avait dit ça va être -0,2, le quatrième trimestre, ça y est, on entre en récession, j’avais dit nous aurons une croissance positive, nous avons eu 0,1, ce n’est pas une croissance mirobolante, mais c’est de la croissance.

ADRIEN GINDRE
Donc ce sont des oiseaux de mauvais augure ?

BRUNO LE MAIRE
Nous avions dit 2,7% de croissance en 2022, nous allons donc faire, ça vient d’être confirmé par l’INSEE, 2,6, gardons notre sang-froid, regardons la réalité des chiffres…

ADRIEN GINDRE
Ça vous le dites pour la BANQUE DE FRANCE et le FMI, ce sont eux qui publient ces chiffres.

BRUNO LE MAIRE
Non, je dis simplement que gardons notre sang-froid et regardons la réalité des chiffres, il y a un élément très positif dans ce chiffre de croissance, c’est que l’investissement des entreprises se maintient, qu’elles continuent à créer des emplois, qu’elles continuent à investir, et c’est ça qui fait la solidité de l’économie française, donc derrière des emplois, je l’espère des emplois bien rémunérés, et donc la possibilité pour nos compatriotes de se projeter dans leur vie.

ADRIEN GINDRE
Juste un petit mot. Votre gouvernement, enfin votre ministère même, prépare un panier également anti-inflation avec les distributeurs, pour une durée de trois mois, ça veut dire qu’en juin l’inflation ce sera terminé ?

BRUNO LE MAIRE
L’inflation elle devrait reculer à la moi-2023, je confirme cette perspective, mais pour tous ceux qui aujourd’hui, demain, après-demain, le week-end prochain, vont faire leurs courses au super ou à l’hypermarché, ils voient bien que les prix alimentaires ont fortement augmenté, il faut que nous apportions la réponse, et la réponse nous voulons la travailler avec les distributeurs, avec les industriels de l’agroalimentaire, ça prendra encore quelques semaines, je ne vais pas vous le cacher…

ADRIEN GINDRE
Même si certains ont déjà commencé, SYSTEME U a déjà commencé son propre panier.

BRUNO LE MAIRE
Voilà, SYSTEME U a déjà commencé avec un panier, il peut y avoir d’autres solutions, je souhaite que ces solutions soient concertées entre industriels et distributeurs et qu’elles se traduisent véritablement de manière très visible dans les prix des biens de première consommation pour tous nos compatriotes.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Bruno LE MAIRE d’avoir été sur ce plateau ce matin.

BRUNO LE MAIRE
Merci Adrien GINDRE.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 7 février 2023