Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, à BFM Business le 2 février 2023, sur la politique de l'énergie.

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Texte intégral

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Notre invitée, c’est la ministre de la Transition énergétique, Agnès PANNIER-RUNACHER. C’est formidable la transition, parce qu’on découvre des nouvelles énergies tous les jours, on redécouvre le nucléaire, on parle de solaire, on parle d’éolien. Et ce matin on va commencer – on a beaucoup de sujets avec vous – mais on va commencer par la géothermie, parce que vous allez présenter ce plan ce matin, vous nous en donnez la primeur. On va notamment pouvoir tous creuser des trous dans son jardin pour se chauffer ? C’est ça l’idée ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C’est à peu près ça, Christophe JAKUBYSZYN. Bonjour à tous. Oui, le Plan géothermie, c'est nous donner accès à une énergie verte, inépuisable, sous nos pieds, puisque ce sont des forages qui donnent accès à une eau qui a une température très stable et qui rafraîchit l’été et chauffe l’hiver. C’est ça l’idée, et en fait ce potentiel, il représente chaque année, en termes de développement, l’équivalent du chauffage au gaz de 500 000 ménages, donc c'est gigantesque.

LAURE CLOSIER
Ça a l’air presque magique. C’est gratuit, inépuisable, mais ça demande quand même des investissements colossaux, et puis ça ne peut pas se faire partout.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ça peut se faire dans beaucoup d’endroits en France, à titre individuel, c’est-à-dire une installation individuelle, ça va être des projets où vous n’allez pas chercher, vous n’allez pas creuser en profondeur, et votre pompe à chaleur va être plus efficace qu’une pompe à chaleur classique. Mais c’est plus coûteux à l’investissement, et c’est pour ça que nous avons mis en place des aides complémentaires, ça peut aller jusqu’à 16 000 € de financement de ces pompes à chaleur par géothermie, pour les ménages les plus modestes, donc c’est 90 % de la facture que nous prenons en charge. Et pour les ménages qui sont, qui gagnent mieux leur vie on va dire, ça peut aller jusqu’à 40 %. Donc c’est déjà beaucoup d’investissements.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et il y aura un minimum pour tous les ménages, je crois, quels que soient leurs revenus, de 5 000 € ? C’est ça ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
On accompagne jusqu’au 8e décile, c’est-à-dire en gros 80% de la population. On peut penser que les 20 % restants sont en capacité de trouver l’équilibre économique de ces investissements.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors, amorcer la demande, c’est bien, mais il faut aussi que derrière, toute une filière soit prête…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Se mobilise, tout à fait.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu’on a les formations, les entreprises, les appareils, les chaudières à géothermie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ce qui est très intéressant, c'est qu’on a les entreprises, on a les briques technologiques en France.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ah oui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc on a tous les éléments d’une filière. En revanche, on n’a pas encore aujourd’hui la taille critique, et c’est l’enjeu, à la fois de rendre visible cette énergie qui est particulièrement intéressante, au moment du réchauffement climatique, puisqu’elle chauffe mais elle rafraîchit aussi, et on sait combien des besoins de refroidissement on va avoir besoin dans les périodes de canicule. Et puis deuxièmement, elle va se développer partout en France. Donc on a des briques technologiques, mais on a besoin de former, notamment des foreurs, et nous allons créer des écoles de forage, c’est la même chose grosso modo que ce que l’on a fait dans le monde pétrolier et gazier, simplement on le met au service d’une énergie verte.

LAURE CLOSIER
Quand vous êtes un ménage aujourd’hui, c’est quand même pas facile de s’y retrouver quand on veut passer au vert, entre : je mets des panneaux solaires dans mon jardin, la géothermie, j’ai des gens qui m’appellent toute la journée pour me proposer des nouvelles fenêtres. Comment on fait, clairement ? On dit, on ne va pas tous devenir des spécialistes des énergies renouvelables.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, effectivement, vous avez complètement raison, il faut s’adresser, nous avons déployé 500 points sur le territoire français, physiques. Vous avez un accueil pour vous accompagner sur les solutions de rénovation thermique, et plus largement de comment je fais face, pour passer au vert, parce que comme ménages, vous avez beaucoup de ménages qui veulent prendre leur part de la Transition énergétique, lutter contre le réchauffement climatique, et puis baisser la facture, je pense que c’est très concret aujourd’hui, et baisser la facture durablement. Et donc, dans ces points d’accueil, vous avez des conseils, vous avez également le site en ligne autour de la rénovation thermique, et vous avez des numéros verts, qui répondent, je le précise…

LAURE CLOSIER
J’allais le dire.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Puisqu’on les a testés, et nous, nous sommes là avec l’Agence Nationale de l’Adaptation de l’Habitat, pour accompagner, l’ANAH, pour accompagner tous ces Français, on a 2 000 conseillers, pardon, 5 000 conseillers qui sont déployés sur tout le territoire, et 1 800 particulièrement sur ces enjeux-là.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique, est-ce que vous aussi il y a un numéro vert pour vous ? Parce que j’imagine, quand on est ministre de la Transition énergétique, on doit être perplexe face à toutes ces évolutions, la géothermie, l’électrification à marche forcée, notamment de l’automobile, certains constructeurs rechignent, ils disent qu’on va trop vite. L’hydrogène, il y a un Salon qui se tient en ce moment sur l’hydrogène, on en a parlé dans les journaux, on reçoit beaucoup d’entreprises qui sont sur cette filière. Est-ce que vous, en tant que ministre, vous êtes sûre de faire les bons choix ? Comment vous faites pour faire les bons choix, pour savoir où est-ce qu’on met les milliards, dans quelle énergie on les met ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est une course contre la montre, c’est la première chose. C’est-à-dire que la rapidité avec laquelle est en train de se jouer la partie de réchauffement de notre planète, fait que nous devons absolument mettre, la démultiplier, et vous savez, depuis que je suis installée à mon poste, j’ai pris 36 textes, voté 2 lois et une 3e sur le nucléaire est en cours, donc loi d’accélération sur les énergies renouvelables, loi sur…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avec beaucoup de simplifications administratives, notamment pour implanter des champs éoliens.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, avec des simplifications, avec aussi le choix de dire : on va mettre des panneaux photovoltaïques sur ce qui est déjà artificialisé, parce qu’à un moment, ça permet de concilier biodiversité et changement climatique, il faut faire attention à ça. Donc vraiment une accélération. Une division par deux, des délais d’instruction des projets éoliens marins, mais on a pris des mesures pour réduire les temps de contentieux. Donc on a vraiment fait un travail de fond…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous êtes sûre que l’on fait les bons choix ? L’électrification, l’hydrogène…

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc, pour aller dans votre Direction, comment on fait les choix, on regarde tout simplement ce que l’on appelle le coût de la tonne évité, et ça permet de choisir, je dirais territoire par territoire, ce qui est le mieux adapté. Lorsque votre coût de la tonne évité est à 80 €, si vous faites un projet de photovoltaïque, et que le coût de la tonne carbone est bien de 80 €, eh bien vous vous dites : " C’est bon, je suis dans les clous ». Si effectivement vous avez des projets qui sortent à 250 € du mégawattheure, donc l’unité de production d’électricité ou de chaleur renouvelable, là, vous vous dites : « Je suis peut-être encore un peu loin " ou ne n’est pas le projet à privilégier. Donc, moi ce que je suis en train de faire, c’est de donner à tous les élus locaux, les éléments d’aide à la décision. Qu’ils aient une notion de leur potentiel en termes de production d’éoliennes, de leur potentiel de ce que l’on appelle le cadastre solaire. Tous les élus locaux ne sont pas égaux devant l’ensoleillement. De leur donner les éléments sur leur production sur leur territoire, sur leur consommation, en intégrant la consommation de carburant et la consommation de gaz.

LAURE CLOSIER
C'est un prêt à l’emploi.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà, c'est la boite à outils pour qu’on prenne les meilleures décisions ensemble. Et ça ne sera pas le ministère de la Transition énergétique qui prendra évidemment toutes les décisions ; moi il me semble que c'est à chacun d’entre nous, vous mentionnez les ménages, mais les entreprises aujourd’hui ont une boite à outils. Elles peuvent faire de la géothermie pour chauffer, refroidir, une zone d’activité. C’est possible, il faut aller un peu plus loin, mais c'est possible, et ça vaut le coup d’être regardé. Mais on peut faire de l’autoconsommation collective, vous avez l’entrepôt qui met les panneaux photovoltaïques et qui va servir tourtes les entreprises de la zone. Donc tous ces projets doivent être portés, et pour que ça fonctionne, il faut avoir effectivement les bons éléments de coûts, parce que, attention aux projets qui coûtent trop cher, on perd en compétitivité, mais également les bons éléments en termes de procédures administratives, et l’appui des préfectures, et vous savez que tous les préfets sont aujourd’hui mobilisés, au service des énergies renouvelables.

LAURE CLOSIER
Il y a l’aspect également sobriété. On a réussi à baisser de 10 % globalement la consommation des ménages et des entreprises. On est arrivé à un pic, on ne peut pas aller plus loin sans détruire les outils de production ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je ne le crois pas du tout….

LAURE CLOSIER
Il y a de la réserve.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C’est-à-dire qu’on est vraiment aujourd’hui dans la partie qui a été la plus facile en termes de sobriété. Et qu’on soit clair, la sobriété, ce n’est pas attaquer la production. D’ailleurs, les mesures que nous prenons en matière de sobriété, ce sont des mesures qui visent à réduire l’énergie qui est gaspillée. Je ne demande pas à une usine qui fait, qui a besoin d’un four, de baisser la température de ce four. Ça n’aurait aucun intérêt. En revanche, réfléchir à la façon d’organiser l’atelier peinture et se dire que plutôt que de le démarrer et de l’arrêter tous les jours, on peut faire une production continue sur la moitié de la semaine, ce qui évite de gaspiller de l’énergie à chaque fois que l’on éteint et que l’on allume, c'est des choses que certaines entreprises nous proposent…

LAURE CLOSIER
Et on peut aller plus loin.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Et on voit que l’on peut aller plus loin, et je porterai pour le président de la République et la Première ministre, effectivement, un plan sobriété étape 2, parce que c’est énorme ce que l’on peut économiser. Je vous donne juste un exemple. Au point le plus froid de cet hiver, qui était le 12 décembre dernier, où notre système électrique était en tension, grâce à la sobriété, nous avons économisé l’équivalent de la production de 7 réacteurs nucléaires. Aujourd’hui, notre grand projets…

LAURE CLOSIER
Ça tombait bien.

AGNES PANNIER-RUNACHER
… c’est 6 réacteurs en construction. Vous voyez bien que c’est énorme.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Encore une dernière question, parce que demain vous réunissez à nouveau à Bercy les fournisseurs d’énergie, voir s’ils appliquent ces fameux plafonds, les 280 €, la révision des contrats. Juste une question : est-ce qu’ils jouent le jeu, les fournisseurs d’énergie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ils jouent le jeu, parce qu’ils ont fait, alors à notre demande, ça a été une discussion effectivement très très directe…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Très musclée.

AGNES PANNIER-RUNACHER
… mais ils ont tous proposé un avenant à leurs clients, pour plafonner le prix de l’énergie à 280 € du mégawattheure. Aujourd’hui…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Parce qu’il y a beaucoup de TPE qui nous écrivent et qui nous disent : ça ne fonctionne pas, on n’y arrive pas, on n’a pas eu la réponse. Il faut qu’ils répondent après.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C’est difficile, pour que ça fonctionne, puisque ça sera sur la facture de janvier, qui n’est pas encore arrivée chez le TPE. Par contre, moi je mets une alerte…

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ils ont peur, oui.

AGNES PANNIER-RUNACHER
… on constate que nous n’avons que 200 000 TPE, que 200 000 TPE qui se sont signalées auprès de leur fournisseur.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Oui, c’est ça.

LAURE CLOSIER
Il faut se signaler.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Répondez aux mails, cochez la case, c’est une case à cocher sur votre espace client, mais faites-le, parce que ça sera tout de suite sur votre facture de janvier. N’attendez pas la facture de février, ça serait trop dommage, vous allez avancer de la trésorerie inutilement.

CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique, d’avoir été l’invitée de « Good morning business ».


source : Service d’information du Gouvernement, le 7 février 2023