Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-brésiliennes, à Brasilia le 8 février 2023.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Mauro Vieira, ministre des affaires étrangères de la République fédérative du Brésil

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher Mauro,
Mesdames, Messieurs,


Je veux tout d'abord vous remercier Monsieur le Ministre de la chaleur de votre accueil, de la qualité de nos conversations, de leur sincérité. J'ai trouvé en vous un partenaire tel que nous les aimons, je me permets de le dire publiquement. Après l'élection du Président Lula puis son entrée en fonction, qui ont été suivies de près en France - pour le dire de manière diplomatique - notre rencontre marque, nous le souhaitons, le début d'une relance de ce partenariat politique particulier qui nous lie avec le Brésil depuis maintenant 15 ans et que nous allons mettre à jour, renforcer, auquel nous allons donner une nouvelle ambition. Je viens donc ici à la demande du Président de la République pour que nos deux pays lancent une nouvelle dynamique dans leur relation.

Pour la France, le Brésil est un partenaire de premier plan, c'est le fruit d'une amitié historique entre nos deux pays. Vous rappeliez tout à l'heure, Monsieur le Ministre, que nous allons bientôt célébrer les 200 ans de nos relations diplomatiques. C'est le fait de l'histoire mais aussi de la géographie, puisque la France partage avec le Brésil une longue frontière qui est même sa plus vaste frontière avec un autre pays. La France est donc aussi un pays des Amériques et en est fière de l'être à vos côtés. C'est enfin la conviction que le Brésil peut jouer un rôle clé, un rôle charnière au sein de l'ordre international, que nous abordons cette nouvelle dynamique à un moment où nous avons plus que jamais besoin de dialogue et d'unité pour répondre aux défis de notre temps, qui sont nombreux, nous le voyons jour après jours et sur tous les continents.

Je suis extrêmement honorée que le Président Lula me fasse l'honneur de me recevoir. Notre mission, Monsieur le Ministre, dans le sillage de son élection et de son installation, c'est de rechercher toutes les convergences politiques possibles entre nos deux pays, elles sont nombreuses. La France et le Brésil ont en commun d'être attachés au respect de leur souveraineté et de la promotion d'un ordre international régi par le droit et par la coopération.

Nous avons aussi en commun notre attachement au multilatéralisme et à ses institutions nous ont rassemblés de longue date et qui continueront à nous réunir. Nous avons à coeur de défendre la démocratie, lorsqu'elle est attaquée ou menacée comme ce fut le cas le 8 janvier dernier sur cette esplanade. Vous avez vu, Monsieur le Ministre, qu'aussitôt la France, par la voix du président de la République, par la mienne et comme l'ensemble des responsables politiques français ont tenu à faire part immédiatement de leur solidarité et de leur plein soutien à la démocratie brésilienne qui a démontré sa force et sa capacité de résilience. Je réitère devant vous ce soutien et redis notre amitié au peuple brésilien. Nous savons aussi et nous en avons parlé, Monsieur le Ministre, que la démocratie peut être plus fragile à cause des campagnes de désinformation et de manipulation qui peuvent être menées. Je crois que c'est l'un des sujets sur lesquels nous devons coopérer pour réfléchir ensemble à ce qui permet de lutter contre ces désinformations et manipulations pour consolider nos démocraties.

Ces valeurs et ces intérêts partagés vont nous conduire à travailler dans les prochaines semaines et prochains mois sur une feuille de route qui guidera notre action et notre relation dans les prochaines années. Elle sera politique, économique, scientifique, mais elle concernera aussi les champs traditionnels de coopération transfrontalière, de coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité, dans le domaine de la culture aussi. Nous avons de l'ambition. Voici ce que nos chefs d'Etat ont décidé, ils en ont parlé, il y a encore quelques jours. Voici quelle est, si vous l'acceptez, Monsieur le Ministre, notre mission et celle de nos équipes. Nous devons renforcer nos collaborations et défendre nos valeurs, côte à côte.

Nous avons évoqué, le ministre vous l'a dit, l'ordre international et la situation en Ukraine, où la Russie poursuit sa guerre depuis bientôt un an puisque nous arrivons bientôt au triste anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine, avec cette guerre qui se poursuit avec son lot de crimes et d'exactions. Et j'ai tenu à saluer les prises de position du Brésil aux Nations unies pour condamner l'agression illégale menée par la Russie et rappeler notre attachement commun au respect des principes fondamentaux la Charte des Nations unies. Il n'y aura pas de paix internationale sans le plein respect de ses principes. Dans cette guerre, nous le savons, il y a un agresseur et un agressé. Et il est important que tous les Etats qui sont attachés au respect du droit international et aux principes de la Charte des Nations unies répètent combien c'est important. Je suis persuadée que le Brésil aura à coeur de rappeler les faits, les responsabilités, comme nous le ferons nous-mêmes à la fin de ce mois.

Puisque je mentionne le Conseil de sécurité des Nations unies, permettez-moi de rajouter que nous allons continuer de travailler avec le Brésil dans toutes les enceintes multilatérales, dans les instances mentionnées mais aussi au-delà. Je sais aussi, Monsieur le Ministre, que nous avons en vous, dans le Brésil, un partenaire de poids, qui peut jouer un rôle clé dans la défense du multilatéralisme, de l'ordre international fondé sur les règles de droit, du maintien de la paix, des droits de l'Homme et des valeurs cardinales qui sont les nôtres.

Nous avons bien sûr beaucoup parlé des enjeux environnementaux. Dans les défis qui sont les nôtres, il y a la défense de l'environnement, la protection de la planète, la lutte contre la déforestation. J'ai salué la volonté brésilienne d'organiser la COP30 en Amazonie, si je comprends bien, Monsieur le Ministre. La France appuie cette ambition et aidera à l'organiser dans la mesure de nos moyens. Vous pouvez compter sur nous que nous pour cela. Je sais aussi que nous pouvons compter sur le Brésil qui est l'un des piliers de la construction du droit environnemental mondial pour maintenir le plus haut possible le degré d'ambition qui doit être le nôtre pour enrayer le changement climatique. Nous sommes heureux de vous retrouver dans ce combat qui dépasse bien sûr nos pays et qui est de l'intérêt de l'ensemble des pays de la planète. Nous pouvons espérer retrouver grâce à vous une dynamique ambitieuse et mieux répondre, grâce à vous à l'urgence climatique. Je me suis entretenue ce matin avec la ministre de l'environnement et du changement climatique, mais je salue par avance l'action que la diplomatie brésilienne, avec vous à sa tête, mènera pour nous permettre d'avancer.

J'ai mentionné les droits de l'Homme, j'aurais dû mentionner parmi eux l'importance que le président de la République attache à l'égalité entre les femmes et les hommes. Je salue ici la présence de Mme la Secrétaire générale, en ajoutant que mon ministère a désormais une Secrétaire générale, avec qui j'en suis sûre, nous ferons de plus grands progrès encore. Tous nos voeux nous accompagnent, Madame. Nous avons aussi évoqué à ce titre la situation des peuples autochtones et avons l'ambition de vous aider au Brésil et ailleurs. Nous pensons que sur les sujets de santé et de développement nous pouvons réfléchir ensembles à des solutions innovantes pour aider au développement dans le respect de l'environnement pour ses populations qui ont été trop affectées par un mode de développement qui n'était pas respectueux ni de leur culture ni de la nature.

Nous allons coopérer en matière scientifique et en matière de recherche. Et puis vous le disiez, Monsieur le Ministre, sur le plan économique, la France se flatte d'être fortement présente au Brésil avec je crois un rôle de premier plan dans le cadre des investissements étrangers. Je crois que nous sommes le troisième plus grand investisseur. Ils nous restent encore quelques échelons pour être votre premier partenaire. Ce peut être notre ambition commune, mais d'ores et déjà nous avons plus de 1.000 entreprises implantées au Brésil qui représentent un nombre d'emplois important : autour de 500.000. Et nous pouvons coopérer bien d'avantage avec la nouvelle donne qui est celle de l'élection du Président Lula et grâce à la feuille de route que nous allons mettre au point ensemble.

J'ai souligné également notre soutien à la perspective d'une adhésion du Brésil à l'OCDE, Monsieur le. Ministre, vous le disiez, et nous avons aussi pu parler du futur accord de l'UE-Mercosur. J'ai rappelé l'engagement de la France qui est celui de mettre dans les accords commerciaux de nouvelle génération qu'elle signe avec ses partenaires, des normes environnementales et sociales pour que la mondialisation s'effectue dans le bénéfice de tous et non pas seulement pour les plus aisés. Il le faut, nous y tenons et nous sommes désormais plus confiants désormais que le Brésil accepte que dans un futur accord, le respect de ces principes sociaux et environnementaux et notamment le respect des Accords de Paris sur le Climat puisse être intégré dans l'accord. Il y a encore beaucoup de travail technique à faire et nous le mènerons au meilleur rythme. Nous attendons pour notre part les propositions de la Commission européenne puis ce que pour notre part ce sera donc la Commission de l'Union Européenne qui établira la position des Etats membres dans cet accord. Voilà quelques mots des principaux sujets que nous avons abordés dans cet entretien Monsieur le Ministre. Je vous remercie à nouveau par ce qu'il a été tout à la fois dense, confiant, chaleureux, à l'image des relations qui doivent être celles entre la France et le Brésil. Dans la perspective d'une rencontre entre nos deux chefs d'Etat, ici au Brésil mais pourquoi pas en France. Nous allons nous y mettre et travailler d'arrache-pied pour que cela soit possible. Je me réjouis en tout cas dans le rôle qui est le mien de participer activement à nos retrouvailles et je suis sûre que nous ouvrons une nouvelle belle page à écrire en ce qui concerne les relations entre le Brésil et la France.

Merci beaucoup, Monsieur le Ministre.

(...)

Q - Le président Lula a refusé d'envoyer des munitions à l'Ukraine. J'aimerais savoir quelle est la position de la France. Le Brésil propose la création d'un groupe de pays qui sont hors du conflit pour tenter de trouver la paix. Est-ce que la France soutiendra cette initiative ?

R - Il faut partir des faits et des responsabilités. Et les responsabilités sont que, dans cette guerre, il y a un agresseur et un agressé. C'est la Russie qui a choisi de déclencher cette guerre, de la poursuivre et de la mener en violation du droit international. On ne peut pas, lorsqu'on aborde ces questions mettre les deux pays sur le même pied d'égalité. L'Ukraine a le droit de se défendre, droit reconnu par la Charte des Nations unies. Il n'y a pas équivalence des responsabilités. Tous les pays qui sont attachés au respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, rappellent cet engagement. La France l'a fait, le Brésil la fait. Ce sera particulièrement important de le rappeler à l'occasion des réunions qui auront lieu à New York le 23 et 24 février.

Quant aux propositions du Président Lula, toute initiative visant à faire respecter le droit international et visant à ramener la paix sur la scène internationale, est la bienvenue. Tout en respectant les responsabilités des uns et des autres, car je le répète, c'est la Russie qui a envahi l'Ukraine et pas l'inverse. La France encouragera toute initiative dans ce sens. Excusez-moi de le dire mais il suffit que la Russie mette fin à son agression, c'est aussi simple que cela. Un certain nombre de désordres internationaux, qui ne touchent pas que l'Ukraine ou le continent européen, touchent aux principes fondamentaux du droit international basé sur les règles. Il suffirait que l'agresseur mette fin à son agression, je crois que le monde entier s'en porterait mieux. Toute initiative allant dans ce sens serait la bienvenue.

Q - Le Brésil est en train de voir la réactivation du Fonds Amazonie avec le retour de l'Allemagne et la Norvège. Le Brésil a-t-il déjà demandé à la France de participer à cette initiative ?

R - Avec l'autorisation du ministre et en écho à ce qu'il vient de dire, je voudrais souligner l'importance que nous attachons au Fonds pour l'Amazonie. Je l'ai dit au ministre mais je veux vous le dire aussi, la France étudie la possibilité d'une contribution bilatérale, de même que l'Union européenne, dont elle fait partie et à laquelle elle contribue, étudie très activement la possibilité d'une contribution de l'Union européenne. Je pense que c'est important que vous le sachiez. Merci beaucoup.

Q - Avez-vous déjà fixé une date pour une éventuelle visite du président Emmanuel Macron au Brésil et si la date correspond au sommet de l'Amazonie auquel le président Lula a invité le président Macron ?

R - Le Président de la République envisage de venir au Brésil, il en est même désireux. Il nous reste à trouver la date et l'occasion qui pourrait être, mais je parle au conditionnel, ce sommet de l'Amazonie s'il y est convié et si cela correspond à ses projets. Il est désireux de venir au Brésil ; de même, il a transmis une invitation au Président Lula à se rendre au sommet de Paris au sujet des financements internationaux qui se tiendra les 22 et 23 juin. Le Président Lula y est le bienvenu, l'invitation lui a été transmise. Il est le bienvenu de manière générale en France que ce soit à cette occasion ou à une autre. La mission que le ministre et moi-même avons accepté est de faire en sorte que 2023 soit une belle année. Ce sera une encore plus belle année si elle permet au Président de la République de venir au Brésil et au Président Lula de se rendre en France. Nous allons en tout cas nous y employer.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 février 2023