Interview de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à France Info le 22 février 2023, sur la sécheresse, le plan Eau, le réchauffement climatique, la voiture électrique, les zones à faibles émissions et les dauphins victimes de la pêche.

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Média : France Info

Texte intégral

LORRAIN SENECHAL
Bonjour Christophe BECHU.

CHRISTOPHE BECHU
Bonjour.

LORRAIN SENECHAL
Voilà plus d’un mois qu’il n’a pas plu en France, alors il y a quelques gouttes là, qui sont tombées ces dernières 24h, mais plus significatives en tout cas depuis plus d’un mois, un record, est-ce que vous êtes inquiet, est-ce qu’on peut dire que la France est en état d’alerte ?

CHRISTOPHE BECHU
La France est en état d’alerte et c’est la raison pour laquelle, demain, un 23 février, j’aurai l’occasion de réunir, de présider le Comité d’anticipation sécheresse, et dès lundi, avec tous les préfets coordinateurs de bassin, de commencer à regarder, territoire par territoire, où nous en sommes.

LORRAIN SENECHAL
Ça c’est inédit, si tôt dans l’année ?

CHRISTOPHE BECHU
C’est inédit, plusieurs choses sont inédites, on est sur les bases de l’hiver le plus sec depuis 1959, les 31 jours sans pluie que vous évoquez ils font suite à une année dont tout le monde se souvient, 10 mois sur 12 de déficit pluviométrique, avec un triste record au mois de juillet où on était à moins de 8 millimètres sur la totalité de l’été, et une sécheresse qui a marqué les esprits, des nappes phréatiques aujourd’hui sur lesquelles on a environ deux mois de retard en termes de remplissage, et des territoires, à la minute où on se parle, Pyrénées-Orientales, Var depuis hier, Bouches-du-Rhône, Isère, dans lesquels il y a encore des restrictions ou des restrictions qui viennent d’être prises, comme dans un certain nombre de communes au cours de ces dernières heures, et ce sera à nouveau le cas pour d’autres territoires, pour anticiper, pour éviter de se retrouver dans une situation catastrophique au mois de juillet.

NEÏLA LATROUS
D’autres départements vont peut-être avoir des restrictions d’eau, en plein hiver ?

CHRISTOPHE BECHU
Je vous le confirme, dès lundi le point qu’on fera avec les préfets ce sera que chacun d’entre eux, à l’échelle du bassin sur lequel il est, fasse le point avec tous les préfets de département pour qu’on puisse prendre des mesures de restrictions qui soient softs, si j’ose dire, dès le mois de mars, pour éviter de se retrouver dans des situations catastrophiques d’arbitrage quand on approchera du mois de juin et du mois de juillet, il y a de l’anticipation qu’on peut faire, il y a déjà des gestes qu’on est capable de poser…

LORRAIN SENECHAL
Dès maintenant vous appelez les habitants de ces territoires à faire attention à la maison, ceux qui nous écoutent, qu’est-ce qu’ils peuvent faire ?

CHRISTOPHE BECHU
Dès maintenant, 87 communes du Var font l’objet de restriction sur les possibilités d’arrosage, c’est-à-dire le type de choses qu’on entend plutôt en plein été, dès maintenant la question du remplissage des piscines, même si ça peut sembler totalement hors de propos vu le contexte dans lequel nous sommes, est susceptible de faire l’objet de restriction sur un certain nombre de territoires pour qu’on évite de se retrouver dans des situations qui sont complexes. Donc, c’est l’enjeu de la réunion de demain, de ce Comité d’anticipation sécheresse, c’est l’enjeu de la réunion de lundi avec l’ensemble des préfets, prendre des mesures en amont, pour éviter de se retrouver au dernier moment avec toutes les conséquences qu’on a en termes d’arbitrages, agriculture, biodiversité, et autres usages.

NEÏLA LATROUS
Des nappes qui ont déjà deux mois de retard en termes de remplissage, c’est rattrapable d’ici l’été ou c’est déjà trop tard ?

CHRISTOPHE BECHU
C’est rattrapable, c’est rattrapable, mais globalement…

NEÏLA LATROUS
Il faudrait qu’il pleuve un peu plus dans les prochains jours… ?

CHRISTOPHE BECHU
On a besoin d’un mois de mars qui soit particulièrement pluvieux et on sait que globalement on a à peu près deux mois devant nous, jusqu’au milieu, fin du mois d’avril, et que ce sont ces deux mois-là qui conditionneront le type d’été que nous aurons ensuite, parce qu’à partir du mois d’avril vous avez les bourgeons qui commencent à éclore, vous avez une partie de l’eau qui est absorbée par une autre chose, et donc ça ne recharge plus les nappes, donc c’est vraiment les deux mois qui viennent qui sont absolument cruciaux.

LORRAIN SENECHAL
L’eau devenant une ressource rare ça crée des tensions, à Mont-de-Marsan par exemple des agriculteurs ont manifesté préventivement pour le maintien de leur quota de prélèvement d’eau, est-ce qu’ils doivent être prioritaires ?

CHRISTOPHE BECHU
Dans quelques jours on va avoir l’occasion de présenter un grand plan Eau, une cinquantaine de mesures, parce qu’on voit bien que ce n’est pas satisfaisant seulement de se demander ce qu’on interdit et comment on regarde, donc, l’agriculture, il n’y a pas d’agriculture sans eau, et les agriculteurs ils ne réclament pas de l’eau pour eux, ils réclament de l’eau pour pouvoir produire, mais donc indirectement pour nous nourrir, et ce serait très hypocrite d’empêcher les agriculteurs de produire si c’est pour importer des produits qui viennent de loin et dans des pays qui eux aussi vont être confrontés à des manques d’eau. Le réchauffement climatique c’est entre 15 et 40 % de réserves d’eau disponibles en moins pour la France, on actualise ces études, mais c’est globalement ce qu’il faut être capable de retenir, donc il faut qu’on soit à la fois capable de baisser nos prélèvements et de trouver d’autres ressources, d’où ce qu’on rendra public dans quelques jours, le fait de pouvoir davantage utiliser les eaux usées, ce n’est pas normal qu’on utilise que de l’eau potable pour aller arroser des espaces verts…

NEÏLA LATROUS
Qu’est-ce qui bloque aujourd’hui pour l’utilisation justement de cette eau retraitée ou de ces eaux usées ?

CHRISTOPHE BECHU
De la réglementation, le fait qu’on s’est tellement habitué à ne pas avoir de problème d’eau potable, qu’on met de l’eau potable partout, qu’on interdit par exemple que de l’eau pluviale puisse alimenter des toilettes, qu’on interdit que de l’eau usée puisse servir à aller arroser des espaces verts…

LORRAIN SENECHAL
C’est interdit aujourd’hui, c’est obligatoire que l’eau de nos toilettes soit de l’eau potable ?

CHRISTOPHE BECHU
Ça c’est obligatoire, et vous avez aujourd’hui… ça procède par interdiction, donc ça fait partie de ce qu’on est en train de bouger, c’est ce qui s’appelle les évolutions sur les eaux grises, mais pour aller plus vite et pour ne pas être trop technique, c’est un dossier qu’on a avec le ministère de la Santé, parce que dans beaucoup de cas l’eau elle a évidemment des conséquences, et l’eau potable en particulier, et on a aujourd’hui en France, parce qu’on a eu une culture de l’abondance sur ce sujet, absolument pas pris les habitudes des pays du Sud, il y a moins de 1% de nos eaux usées retraitées qui dans les faits sont réutilisées, 10 fois plus en Italie, 20 fois plus en Espagne, 100 fois plus en Israël, on voit les marges que ça représente. On a 20% de notre eau potable qui part dans des fuites et on n'a pas de plan contre les fuites qui soit fait avec des territoires qui sont parfois jusqu’à 70% de fuites, et quand vous superposez la carte des communes qui ont beaucoup de fuites et des 700 communes qui ont manqué d’eau potable à un moment ou un autre de l’année 2022, eh bien il y a beaucoup de coïncidences.

NEÏLA LATROUS
Donc ça veut dire qu’il faut un plan Eau, que vous allez annoncer dans quelques jours, qui correspondrait un peu soit au plan de rénovation thermique dans les bâtiments, soit au plan de sobriété pour les particuliers ?

CHRISTOPHE BECHU
Il y aura tout ça, il y aura de la sobriété…

NEÏLA LATROUS
Il y aura un EcoWatt de l’eau ?

CHRISTOPHE BECHU
149 litres d’eau par jour et par personne, c’est ce que nous consommons. Imaginez si on vous livrait le matin les 100 bouteilles correspond à ce que vous allez consommer par personne et par jour, je pense qu’on aura une prise de conscience d’une autre nature que celle qui consiste juste à tourner le bouton de la douche ou du robinet…

NEÏLA LATROUS
Donc vous dites c’est comme le plan de sobriété, il y aura un peu de tout ça, c’est-à-dire qu’il y aura aussi, on est habitué cet hiver à l’application EcoWatt qui dit quand c’est vert, quand c’est rouge, s’il faut faire attention ou pas à son utilisation électrique, il y aura la même chose pour l’eau, il faut s’habituer à ce genre d’outil ?

CHRISTOPHE BECHU
On va responsabiliser effectivement les Français en donnant aussi à voir ce que sont les restrictions. Vous savez, l’été dernier on a eu plus de 90 départements dans lesquels il y avait des restrictions, mais ça fonctionne en fonction des cours d’eau, et donc il y a peut-être des gens qui de bonne foi ne savaient pas quelle était la réalité de la restriction à l’endroit où ils étaient, donc on a aussi à progresser dans l’information qu’on donne aux Français, à la fois sur la réalité de la consommation, sur les gestes pour être capables de diminuer, parce que je n’ai aucun doute que nos concitoyens ils sont très sensibles au sujet, ils ont vécu un été qui a été traumatisant compte tenu de ce qu’on a pu voir, et ils ne demandent qu’à regarder comment on peut préserver une partie de cette eau.

NEÏLA LATROUS
Toujours avec Christophe BECHU, Ministre de la Transition écologique et des Territoires. Vous dites qu’il faut anticiper une trajectoire à 4 degrés de réchauffement d’ici à 2100. L’accord de Paris vise un réchauffement global de 1,5 voire 2 degrés dans le pire des cas. Ça veut dire que vous ne croyez pas qu’on puisse tenir ce scénario déjà aujourd'hui considéré comme pessimiste dans l’accord de Paris ?

CHRISTOPHE BECHU
Je ne dis pas du tout ça, je dis qu’il y a deux choses. Il y a la… Comment on se bat pour éviter qu’on ait un dérèglement climatique qui s’accentue ? Comment on diminue nos gaz à effet de serre ? Comment on limite le nombre de voitures thermiques ? Comment on sort du fioul ? Comment on diminue notre consommation de gaz ? Mais dans le même temps, le réchauffement il a commencé. L’accord de Paris, il explique qu’il faut aller vers la neutralité carbone, qu’il faut rester aux alentours de 1,5 à moins de 2 degrés. À la minute où on se parle, on est déjà à 1,7 degré d’augmentation des températures par rapport à l’ère préindustrielle en France : 1,1 degré à l’échelle de la planète, 1,7 degré en France. Et quand on regarde, les experts du GIEC nous disent : on n’est pas dans la bonne trajectoire. On va aller, si on continue, parce que l’Europe baisse mais qu’à l’échelle du monde, ça continue de progresser les énergies fossiles, on va aller vers 2,8, 3,2 à l’échelle mondiale selon l’ONU, selon le GIEC. Ça voudrait dire au moins 4 degrés en France.

NEÏLA LATROUS
Et ça on n'est pas prêt ? Aujourd'hui il n’y a pas de scénario ?

CHRISTOPHE BECHU
Demain matin, c'est demain aussi, je réunis l'ensemble des opérateurs du ministère : Météo France, ADEME, CEREMA, l'ensemble des directions pour qu'on commence à construire une trajectoire à 4 degrés qui permet de savoir ce qui se passe à 4 degrés. Parce qu'à 4 degrés, préparer notre pays à 4 degrés ça veut dire anticiper beaucoup de changements. J'étais lundi à Métabief dans une station de ski qui commence à se dire : un jour il n’y aura plus de neige ; à 4 degrés c'est les 2 tiers des stations de ski qui manqueront de neige dans les Alpes. A 4 degrés, la neige de culture elle ne suffira pas à remplacer la neige naturelle. A 4 degrés, on aura 5 fois plus de sécheresse, on aura une augmentation des jours de canicule qui sera beaucoup plus intense donc préparer ça, ça ne veut pas dire…

NEÏLA LATROUS
C’est des villes côtières englouties aussi, de l'érosion sur le littoral.

CHRISTOPHE BECHU
Typiquement à 2 degrés, on considère qu'il y a 1 000 communes et 50 000 logements qui sont concernés par la montée des eaux, entre 30 et 60 centimètres. A 4 degrés, on va atteindre jusqu'à 1,20 mètre d'augmentation des eaux dans la deuxième moitié du siècle. Se préparer à ça, ce n’est pas le souhaiter : c'est au contraire sortir du déni et se dire « on fait tout pour tenir les objectifs mais comme il y a une part qui ne dépend pas de nous - parce que le réchauffement c'est aussi ce qui se passe à l'échelle mondiale, dans d'autres pays qui continuent à la minute où on se parle à ouvrir des mines de charbon, à faire en sorte de continuer à investir dans le fossile - et on a donc à la fois à se battre pour tenir ces accords de Paris et la baisse des émissions en France et en Europe, et dans le même temps à se préparer au pire, à regarder les conséquences que ça a sur les investissements, sur les normes, sur les sols, sur l'eau typiquement parce que ce sera un des sujets cruciaux.

NEÏLA LATROUS
Et dans le même temps, on voit les contradictions de cette prévision et ce risque à long terme et l’urgence de l'immédiat avec encore, par exemple hier, Emmanuel MACRON qui demande aux pétroliers de faire un geste sur le diesel, carburant polluant. On n'arrive pas à sortir de cette contradiction-là.

CHRISTOPHE BECHU
Je ne crois pas ça parce que si vous regardez, ces derniers jours c'est le vote de la sortie en Europe des moteurs thermiques avec la décision à partir de 2035 de ne vendre que de l'électrique. Que dans le même temps le président de la République explique que les pétroliers qui ont vécu une année historique en termes de profits…

LORRAIN SENECHAL
Et en termes de subventions.

CHRISTOPHE BECHU
En en termes de subventions.

LORRAIN SENECHAL
Le pouvoir d'achat n'a jamais été autant subventionné par de l'argent public.

CHRISTOPHE BECHU
1 000 milliards, 1 000 milliards de dollars parce que beaucoup de pays à l'instar de la France ont financé des gestes et des soutiens à la pompe, avec d'ailleurs en France une unanimité de tous les partis politiques et même les oppositions qui ont imposé au gouvernement d'aller augmenter l'aide pour ceux qui possèdent des chaudières au fioul. Donc les contradictions, croyez-moi, elles sont…

LORRAIN SENECHAL
C'est la question de Neïla LATROUS : comment on fait pour concilier la fin du monde et la fin du mois ?

CHRISTOPHE BECHU
Typiquement avec ce vote du Parlement européen, avec l'accélération sur l'électrique, avec la volonté de faire en sorte de sortir de ces énergies fossiles, mais avec un calendrier qui fait qu'on se rend compte qu'entre les 2, on a des emplois. On a des centaines de milliers de personnes qui sont concernées et que si on fait la transition écologique sans penser aux conséquences sociales ou économiques, on n’y arrivera pas.

LORRAIN SENECHAL
Alors la fin de la vente de voitures neuves thermiques, donc diesel ou essence, en 2035, ça c'est définitif. C’est une décision européenne, ça va arriver, c'est dans 12 ans en France.

CHRISTOPHE BECHU
Je vous confirme.

LORRAIN SENECHAL
Ce n’est pas une décision sur laquelle on pourra revenir ou qu'on pourra contourner.

CHRISTOPHE BECHU
C’est une décision qui s'impose, elle est nécessaire d'un point de vue climatique et je vais vous dire elle est nécessaire…

LORRAIN SENECHAL
Je veux dire d'un point de vue légal.

CHRISTOPHE BECHU
Mais d'un point de vue économique, dire ça c'est donner à l'industrie européenne un cap clair pour qu'elle puisse faire les investissements qui lui permettront d'être au rendez-vous et qu'on ne se retrouve pas avec une casse sociale dans l'intervalle. Tenir ce cap, c'est obligatoire d'un point de vue climatique et c'est la durée qu'il faut pour éviter que ça se retourne contre notre industrie. Parce que si c’est passer à l'électrique pour acheter uniquement des voitures chinoises, ça veut dire que c'est très hypocrite parce que ça entraînera une augmentation de notre empreinte écologique. Donc typiquement, on est sur un calendrier qui est ambitieux, qui est radical : 2035 c'est après-demain, et qui dans le même temps, je vous le confirme, va permettre à l'industrie de s'adapter.

LORRAIN SENECHAL
En tout cas l'industrie, elle est pessimiste sur l'objectif. Les grands du secteur, STELLANTIS, donc ça c'est l'alliance PEUGEOT CITROËN FIAT, BMW, RENAULT estiment que le fait de passer au tout électrique et de l'imposer en 12 ans, ça n'est pas la bonne solution. Il ne faudrait pas tout miser, mettre tous nos oeufs dans le même panier en quelque sorte.

CHRISTOPHE BECHU
Regardez, il y a 2 minutes vous m'expliquiez qu’il faut qu'on accélère sur ces sujets, et là vous vous faites le porte-voix - ou en tout cas le porte-parole – de ceux qui disent qu’on va trop vite.

LORRAIN SENECHAL
Il y a une inquiétude du secteur.

CHRISTOPHE BECHU
J'assume pleinement le fait qu’il y a des inquiétudes et qu'une transition, par définition ça veut dire des changements de comportement, de normes, de pratiques mais on n’a pas le choix. On ne peut pas pleurer le matin sur l'état de la planète, sur les extinctions d'espèces, sur les conséquences du réchauffement climatique, et puis le soir se dire que quand même tout ça va un peu vite. Il faut être capable de concilier un rythme et j'assume que ce soit trop lent pour une partie des activistes, que ce soit trop rapide pour une partie des conservateurs. C'est faire de la politique, c’est trouver le chemin.

NEÏLA LATROUS
Est-ce que tous les Français auront les moyens de passer à l'électrique en 2035 ?

CHRISTOPHE BECHU
Le sujet, ça va être la mise en place du leasing à 100 euros promis par le président de la République.

NEÏLA LATROUS
Ça arrive quand ?

CHRISTOPHE BECHU
On est en train d'y travailler, c'est en 2023 qu’on va le paramétrer mais on veut que ça profite à l'industrie européenne.

LORRAIN SENECHAL
Le paramétrer, ça veut dire quoi ?

CHRISTOPHE BECHU
Ça veut dire regarder quels sont les niveaux de revenus qui permettent d'y avoir droit et dans quelle mesure on pourrait le réserver à l'industrie européenne. Parce qu'on est très au clair sur le fait que si c'est subventionné avec de l'argent public français, l'industrie chinoise…

LORRAIN SENECHAL
Ce ne sera pas n’importe quelle voiture et pour pas n'importe quel client si j’ose dire.

CHRISTOPHE BECHU
Bien entendu. Il faut qu'on regarde. Les Etats-Unis sous couvert de lutte contre le réchauffement climatique et l'inflation ont voté un plan de plusieurs centaines de milliards qui leur permet aussi d'aller subventionner leur industrie. Bruno LE MAIRE et son homologue allemand se sont rendus à Washington pour faire part de leurs préoccupations, le président de la République se bat pour que précisément il y ait aussi une prise de conscience de la nécessité d'avoir davantage de souveraineté européenne sur ces sujets. Il faut qu'on utilise la transition vers l'électrique comme étant aussi un moyen d'accompagner notre industrie…

NEÏLA LATROUS
En 2023, les règles seront définies.

CHRISTOPHE BECHU
D’ici la fin de l'année.

NEÏLA LATROUS
D’ici la fin de l’année. Et les premières voitures ?

CHRISTOPHE BECHU
Et les réservations seront possibles.

NEÏLA LATROUS
Les réservations seront possibles dès cette année.

CHRISTOPHE BECHU
D’ici la fin de l’année, on paramétrera le dispositif pour qu’on puisse commencer à réserver sa voiture électrique.

NEÏLA LATROUS
Sur les bornes de recharge, 100 000 bornes de recharge en 2023, c'est un objectif.

CHRISTOPHE BECHU
Il sera atteint dans les prochaines semaines. On a commencé l'année en étant déjà à plus de 80 000, on est à un million de bornes de recharge disponibles sur le pays mais sur l'espace public, on sera à 100 000 dans les prochains jours. L'enjeu d'après, c'est les bornes de recharge très rapide, c'est ce qui se passe sur les autoroutes ou sur les grands axes.

NEÏLA LATROUS
Il faudra aller au-delà de 100 000 de toute façon.

CHRISTOPHE BECHU
Bien entendu. Ça va accompagner le parc.

NEÏLA LATROUS
En 2025, on sait à peu près d'ailleurs combien ? Est-ce que c’est de l'ordre du million ?

CHRISTOPHE BECHU
On aura l'occasion de le préciser. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on a dépassé les 13% d'immatriculations électriques en 2022. On est sur une pente où ça augmente tous les ans. On sera à 100 % d'immatriculations de nouvelles voitures électriques en 2035, et donc cette courbe elle nous permet de dimensionner, de mesurer la vitesse à laquelle il faut qu'on accélère sur les bornes.

NEÏLA LATROUS
Et dans le même temps se déploie en France, toujours dans cette volonté d’éloigner les voitures thermiques en tout cas les plus polluantes et d'améliorer la qualité de l'air, les zones à faible émission qui concernent déjà 11 agglomérations françaises. Ça a commencé en début d'année. Comment se passe le déploiement parce que vu de notre côté à nous, de ce que l'on entend de la part des élus, on a l'impression que ça se fait un peu dans le chaos et que tout le monde ne sait pas très bien à quoi s'en tenir.

CHRISTOPHE BECHU
Je suis ravie que vous me posiez cette question. Les ZFE, ce n’est pas une invention française. La première, elle a été mise en place en Suède en 1996 et il y en a 270…

LORRAIN SENECHAL
Donc il y a 27 ans.

CHRISTOPHE BECHU
270 partout en Europe, et nous en France on a une espèce de débat comme si c'était une mesure contre les plus fragiles, comme si c'était des zones à forte exclusion pour reprendre la rhétorique de la France insoumise et du Rassemblement national.

LORRAIN SENECHAL
Et qui nous est imposé par l'Europe.

CHRISTOPHE BECHU
Non, la vérité c’est que…

LORRAIN SENECHAL
C’est l'argument qui est repris.

CHRISTOPHE BECHU
J’entends l’argument. La vérité, c'est qu'on a été condamné, la France, par l'Europe mais aussi par le Conseil d'Etat, pour dépassement de seuil de pollution atmosphérique. 48 000 morts de pollution atmosphérique en France, chiffre 2021, et ce sont les plus fragiles qui trinquent. Ce sont ceux qui sont victimes de l'asthme, c’est des jeunes enfants, ce sont des personnes âgées et souvent les plus fragiles aussi d'un point de vue social, qui habitent dans des maisons qui sont moins bien isolées. Le texte il dit quoi ? Il demande aux autorités locales une obligation de résultats, pas de moyens. Et ce qui explique la confusion c'est que dans certains endroits vous avez des maires qui disent : je vais faire une ZFE du lundi au lundi, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 qui va s'appliquer aussi aux véhicules professionnels. Vous en avez d'autres qui disent - c'est le cas pour la métropole du Grand Paris - pas la nuit, pas le week-end. Vous en avez qui disent que les particuliers pas les professionnels, et je peux vous dire : vu du gouvernement ça ne nous pose pas de difficulté. Ce qui est présenté comme une cacophonie, c’est le fait d'aller accompagner localement, dans la concertation le déploiement d'un dispositif pour qu'on baisse les seuils de pollution atmosphérique.

NEÏLA LATROUS
Mais il y aura des aménagements parce que je crois que vous avez demandé à des élus de vous faire des propositions pour le mois de juin.

CHRISTOPHE BECHU
Dans le même esprit. J'ai demandé au président de la métropole de Toulouse Jean-Luc MOUDENC et à la vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg de me remettre pour la fin du premier semestre leurs recommandations sur le fait de continuer à rendre plus accessible d'un point de vue social, d'un point de vue politique ces différents dispositifs.

NEÏLA LATROUS
C’est l’accompagnement des automobilistes par exemple.

CHRISTOPHE BECHU
Exactement. Très concrètement à Strasbourg et à Toulouse, vous avez un certain nombre de fois où quel que soit votre véhicule, vous pouvez accéder à la métropole en tenant compte de ce que peuvent être les obligations. Est-ce que c'est le schéma qu'il faut suivre ? Est-ce qu'il faut le prolonger ? Et la question des aides elle n’est pas tabou, et en particulier ce dont on a besoin, c'est d'un marché de véhicules propres d'occasion qui diminue aussi le reste à payer. C'est ce qui est en train de se passer.

NEÏLA LATROUS
Christophe BECHU, le week-end dernier deux cadavres de dauphins ont été découverts, l’un sur une plage dans les Landes, l’autre au large des Sables-d’Olonne en Vendée, et sur l’un d’eux il y avait une inscription qui visait très précisément l’ONG de défense des océans Sea Shepherd, est-ce que vous avez vu les images et est-ce qu’elles vous ont choqué ?

CHRISTOPHE BECHU
Bien sûr qu’elles m’ont choqué, elles ne peuvent que choquer tous ceux qui les découvrent, c’est une situation qui ne peut qu’indigner et ça se passe dans un contexte où on est à plus de 400 corps de dauphins qui ont été retrouvés sur les plages depuis le début de l’hiver, c’est-à-dire un chiffre comparable à celui qu’on a déjà connu l’année dernière à la même époque.

NEÏLA LATROUS
Découverts ouverts, complètement éventrés, les ONG disent c’est un acte de cruauté des pêcheurs directement.

CHRISTOPHE BECHU
On pense que…

NEÏLA LATROUS
Il y a des enquêtes pour savoir ces 400 dauphins comment ils arrivent éventrés sur les plages ?

CHRISTOPHE BECHU
On regarde évidemment ce genre de choses, il y a environ 95 % de ces corps de dauphins sur lesquels vous avez les striures des filets qui laissent assez peu de doute sur le fait qu’il s’agit de captures accidentelles, j’ai entendu évidemment, sur votre antenne, le cri d’Allain BOUGRAIN-DUBOURG…

LORRAIN SENECHAL
On va l’écouter justement…

NEÏLA LATROUS
Le président de la Ligue de protection des oiseaux.

LORRAIN SENECHAL
Le président de la Ligue de protection des oiseaux, qui vous a interpellé directement, écoutez-le.

ALLAIN BOUGRAIN-DUBOURG
Ça nous renvoi finalement à ce que disait le président Jacques CHIRAC, il disait « la maison brûle et on regarde ailleurs. »

JOURNALISTE
Emmanuel MACRON il vous répond quoi ?

ALLAIN BOUGRAIN-DUBOURG
Eh bien là j’ai le sentiment que sa réponse est l’océan se rougit du sang des dauphins et il regarde ailleurs.

LORRAIN SENECHAL
Christophe BECHU, vous regardez ailleurs ?

CHRISTOPHE BECHU
Non on ne regarde pas ailleurs. J’ai eu plusieurs occasions d’échanger avec le président de la LPO et en ce moment même, on a pris un décret il y a quelques semaines pour obliger 200 bateaux à s’équiper d’effaroucheurs sonores, ce qu’on appelle les pinger, et la moitié d’entre eux, la moitié de ces fileyeurs, va être équipée de caméras. Deux enjeux, d’abord faire en sorte d’effaroucher les dauphins pour qu’ils s’éloignent de ces différents bateaux et ensuite de nous permettre d’avoir des données, de documenter les éléments.

LORRAIN SENECHAL
Deux cents bateaux ça suffit ?

CHRISTOPHE BECHU
C’est environ la moitié de la flotte, je ne dis pas que ça suffit, mais ça va nous permettre à la fois de pouvoir, on l’espère, avoir des résultats de diminution de ces captures accidentelles, et dans le même temps de disposer de données. Les associations elles nous disent il faut aller plus loin, il faut imaginer une fermeture spatiotemporelle…

LORRAIN SENECHAL
Il faut suspendre la pêche.

CHRISTOPHE BECHU
Une fermeture spatiotemporelle ce n’est pas un sujet tabou, simplement vous le faites sur quel territoire, comment vous organisez, en particulier dans le Golfe de Gascogne, avec les Espagnols, parce que vous savez qu’on n’a pas que des bateaux qui sont français, ça commence quand, ça se termine quand en termes de date, quel niveau d’indemnisation vous accompagnez, est-ce que c’est tous les bateaux, est-ce que c’est les fileyeurs, est-ce que c’est les chaluts pélagiques, est-ce que c’est…

NEÏLA LATROUS
Vous dites ce n’est pas tabou.

CHRISTOPHE BECHU
Ce n’est pas tabou, mais pour ça il nous faut des données, il nous faut les données de cet hiver et sans doute celles de l’hiver prochain pour être en capacité de pouvoir déterminer, délimiter la manière dont les choses se passent. La préoccupation qui est la mienne, qui est celle de Bérangère COUILLARD, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, qui est très investie également sur le sujet, sur cette histoire des dauphins, elle est totale, mais ce que je veux dire c’est que cette indignation elle ne nous conduit pas à ne pas agir, elle nous conduit, et je comprends l’émotion des défenseurs de l’environnement, de Sea Shepherd, de la LPO, mais elle nous a conduit à prendre ces décisions, à débloquer des crédits pour ces équipements en termes d’effaroucheurs sonores et en termes de caméras, et elle nous pousse, et on continuera évidemment à agir, dans ce domaine je considère que je n’ai pas une obligation de moyens, mais que là aussi on a une obligation de résultat qui est de diminuer ces prises accidentelles.

LORRAIN SENECHAL
Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique, et donc des transports, ça fait partie de vos portefeuilles, est-ce qu’il faut s’attendre à une France totalement à l’arrêt le 7 mars prochain dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites ?

CHRISTOPHE BECHU
Il faut s’attendre de toute façon à une journée du 7 mars qui va être très compliquée, ça je ne vais pas vous dire le contraire, ensuite je ne peux pas par définition prévoir ce qui se passera le 8, le 9, et la manière dont tout ça va s’organiser.

LORRAIN SENECHAL
Est-ce que vous vous y préparez ?

CHRISTOPHE BECHU
Ce qui est certain c’est qu’on se prépare à tout et donc on se prépare aussi à cette hypothèse, dans un contexte où j’espère que le pays ne sera pas bloqué, qu’on ne prendra pas les Français en otages, parce que je considère qu’il y a une énorme différence entre le fait de contester un texte, de contester une réforme, et de bloquer le pays, ce n’est pas la bonne solution, jamais c’est la bonne solution, et bien entendu j’en appelle à la responsabilité.

NEÏLA LATROUS
Vous dites ça sera dur, ça sera une France qui effectivement risque d’être bloquée, ça veut dire que ceux qui ont la possibilité de décaler leur trajet doivent le faire dès maintenant, c’est un appel que vous pouvez lancer ?

CHRISTOPHE BECHU
Je pense qu’il y a beaucoup de Français qui de toute façon se disent que le 7 mars s’ils peuvent télétravailler ou faire en sorte de pouvoir s’organiser différemment ils auront tout intérêt à le faire et c’est bien entendu un appel que je lance et que je relaie.

NEÏLA LATROUS
Et vous dites pas de certitude pour la suite, à ce stade, vous n’avez pas d’information particulière sur…

CHRISTOPHE BECHU
Non, et il y a toute une partie de la France en ce moment qui est en vacances, on voit bien qu’il y a des appels, mais on y verra certainement plus clair dans quelques jours, on sera vigilant, y compris parce que les transports c’est la liberté de mouvement, c’est la capacité, on en a parlé un peu plus tôt, d’éviter de prendre sa voiture…

LORRAIN SENECHAL
Mais Clément BEAUNE lui il conseille aux usagers de repousser, de reporter les voyages carrément, pour le 7 mars.

CHRISTOPHE BECHU
C’est exactement ce que je viens de vous dire en suggérant effectivement le télétravail ou les autres organisations, mais sur votre question il se passe quoi après, eh bien vous me réinviterez pour qu’on en discute.

LORRAIN SENECHAL
Christophe BECHU, eh bien vous reviendrez, ministre de la Transition écologique…

CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 23 février 2023