Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec France 24 le 24 février 2023, sur la Chine et le conflit en Ukraine.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Q - Après un an de guerre, il n'y a pas de pourparlers en vue, peut-on parler d'un échec de la diplomatie ?

R - Certainement la Russie a choisi d'entrer en guerre, oui. Et depuis 365 jours elle fait la guerre, elle fait la guerre, d'ailleurs, avec des méthodes condamnables qui ne respectent en rien le droit international humanitaire et le droit de la guerre. La diplomatie doit revenir. Je crois que le message qui a été adressé, hier, ici, aux Nations unies, par l'Assemblée générale, doit être entendu de la Russie. Elle est pratiquement isolée. 140 pays lui ont demandé de respecter les principes de la Charte, tous, et de retirer ses troupes immédiatement, conformément au droit international.

Q - Ici, à New York, la Chine n'a jamais condamné l'invasion russe. Elle propose un plan de paix. Est-ce qu'elle est la mieux placée pour se positionner comme médiateur dans ce conflit ?

R - Je ne sais pas si c'est son ambition, mais la Chine, qui est une puissance importante, s'est comportée ici, jusqu'ici, au Conseil de sécurité, en rappelant son attachement aux principes de la Charte. Vous savez, traditionnellement, la Chine est attachée à la stabilité. Elle ne se lance pas dans des aventures. Et nous souhaitons que cela continue. Ce matin, la Chine a présenté quelques idées. Une partie de ses idées sont convergentes, puisqu'elle rappelle l'importance des principes du droit international, de la Charte de l'ONU, et elle oublie, mais malheureusement, c'est quelque chose qu'elle ne devrait pas oublier, la partie importante du deuxième message, ici, de la communauté internationale, hier, la demande de retrait de ces troupes : la Russie occupe l'Ukraine, occupe une partie du territoire de l'Ukraine illégalement, elle doit se retirer immédiatement, si elle veut qu'une perspective de paix s'ouvre.

Q - Selon les Etats-Unis, la Chine pourrait armer la Russie ; quelles seraient les conséquences, si cela arrive ?

R - Les conséquences seraient majeures. Mais nous n'en sommes pas là, et si nous demandons, les uns et les autres, les Etats-Unis, la France - je l'ai fait - d'autres partenaires également, si nous demandons à la Chine de ne pas prêter la main à l'agression menée par la Russie en Ukraine, c'est parce que nous ne voulons pas voir ce cas de figure, où la Chine se départirait de sa position traditionnelle, attachée à la stabilité, et se rapprocherait au point de donner ce qu'elle n'a pas donné aujourd'hui et ce qu'elle ne doit pas donner. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu. La Chine nous interroge sur un certain nombre de ses comportements, mais la Chine n'a pas prêté main forte à l'agression russe.

Q - Que peuvent faire la France et l'Europe pour éviter que la situation devienne hors de contrôle ?

R - Eh bien, ce qu'elles font, c'est-à-dire deux choses : marquer leur soutien politique, économique, humanitaire aussi à l'Ukraine, l'aider à se défendre, car c'est un pays agressé qui a le droit de se défendre pour recouvrer sa souveraineté, et puis tracer des perspectives de paix. Nous l'avons toujours fait. Vous savez l'attachement du Président de la République à poursuivre le dialogue. Il l'a fait jusqu'au dernier moment, il y a un an, et aujourd'hui, nous voulons continuer d'être un pays qui oeuvre à la paix. Pour cela, c'est assez simple, il faut respecter la Charte des Nations unies. Et c'est ce que nous demandons, c'est ce qu'hier 141 pays ont demandé fortement et clairement à la Russie.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2023