Texte intégral
Q - A moins d'une heure du Conseil de sécurité de l'ONU, auquel vous allez participer, merci beaucoup, Madame la Ministre, d'être avec nous, en direct, sur LCI, en cette journée spéciale. Un an de guerre, l'Ukraine, toujours debout, souffre sur le terrain, manque de munitions, d'armes lourdes. Elle réclame des avions de combat. La France va-t-elle accepter la demande de Zelensky ?
R - Un an de guerre, oui, en effet, un an d'exactions, de crimes de guerre. Parce que la Russie se bat avec un sens particulier de ses obligations internationales. Elle n'en respecte aucune, ni la Charte des Nations unies, ni ses engagements, ni le droit international humanitaire. Je voulais commencer par dire cela. Alors, quels sont les besoins de l'Ukraine aujourd'hui ? Parce que c'est aujourd'hui qu'il faut aider l'Ukraine dans un moment décisif. Vous l'avez dit, la Russie est à l'offensive ; et donc l'Ukraine a besoin de notre soutien, économique, financier, diplomatique - c'est pour cela que nous sommes à New York aujourd'hui - mais aussi militaire. Ce dont elle a besoin sur le plan militaire, en ce moment, c'est de munitions, de défenses antiaériennes, d'armes de protection, de véhicules de l'avant blindé, et puis de ces chars ; les chars français vont arriver d'ici la fin de cette semaine. Voilà quels sont aujourd'hui les besoins de l'Ukraine. Il ne faut pas penser à l'aider demain, il faut l'aider au moment où elle en a besoin et selon les besoins d'aujourd'hui.
Q - Donc pas d'avions de combat, à ce stade. Vladimir Poutine, au bout d'un an, n'a pas atteint ses objectifs militaires, mais ses forces progressent dans le Donbass. Il a désormais à ses côtés une puissance militaire, la Chine, qui s'apprêterait à lui fournir des drones kamikazes. Est-ce qu'on doit s'en inquiéter ? Est-ce que ce soutien militaire de la Chine change la donne, un an après le début de la guerre en Ukraine ?
R - Non. La Chine, aujourd'hui, n'a pas décidé de livrer des armes à la Russie. C'est important de le rappeler. Il y a des interrogations, qui sont les nôtres. Nous lui en faisons part. Nous en faisons part également à haute voix, parce que si la Chine devait se départir elle-même de ses obligations internationales, certainement cela changerait la donne et cela changerait notre relation avec elle. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il faut lui rappeler qu'elle n'a pas lieu de le faire. D'ailleurs, ce n'est pas ce qu'elle a indiqué aujourd'hui en présentant un certain nombre de propositions avec des points de convergence évidents avec la communauté internationale dans la recherche de la paix, mais avec une chose qui manque, et qui manque cruellement : c'est la demande validée hier par les Nations unies de retrait par la Russie de ses troupes qui occupent le sol ukrainien ; retrait inconditionnel, immédiat et complet. Voilà ce que nous demandons, voilà quelle est la règle internationale. Hier, la Russie a été totalement isolée, et la communauté internationale quasi-unanime lui a demandé de cesser ses exactions et de retirer ses troupes.
Q - Mais justement, Madame la Ministre, à quoi sert cette résolution non contraignante, on le rappelle, qui n'a évidemment pas été votée par la Russie, la Syrie ou encore la Corée du Nord ? Est-ce que c'est ça qui va convaincre Poutine d'arrêter la guerre en Ukraine ?
R - Il le faut, parce qu'il y a un plan de paix. Ce plan de paix, c'est la Charte des Nations unies, dont l'ensemble de la communauté internationale, hier, a demandé le respect. C'est-à-dire respect de l'intégrité des frontières, respect de la souveraineté des Etats, non-ingérence dans leurs affaires intérieures et non-agression. La Russie a été isolée, je le redis, et les quelques Etats que vous citez ont été peu nombreux. Vous savez, se retrouver en compagnie de la Corée du Nord ou de la Syrie, je crois que ce n'est pas très glorieux. Donc, c'est un message que la communauté internationale lui adresse. Elle est quasiment seule, et la quasi-totalité des Etats, 141 Etats, hier, lui demande de respecter la Charte, de respecter les principes qui fondent la paix et la sécurité internationales et de retirer ses troupes.
Q - Sur le rôle de la Chine, je voudrais y revenir, vous l'avez dit, officiellement, la Chine n'arme pas la Russie. Et pourtant, nos alliés américains, dans le soutien apporté par l'Ukraine, disent avoir des informations sur ce point. Stoltenberg, le chef de l'OTAN, dit que la Chine n'a aucune crédibilité en présentant son plan de paix, parce qu'il la soupçonne de jouer double jeu. Est-ce que vous, vous considérez aujourd'hui que la Chine est un interlocuteur fiable ou est-ce qu'elle joue double jeu ?
R - Je vous le disais, nous avons parlé ouvertement de ces questions, les uns et les autres, avec la Chine, les Etats-Unis et d'autres. Je l'ai fait, moi-même, pour rappeler la Chine à ses obligations, pour lui demander de se comporter comme une puissance responsable, ce que jusqu'ici elle a fait, et nous ne souhaitons pas lui voir franchir un pas qu'elle n'a pas franchi, aujourd'hui. Donc nous l'appelons à faire respecter, comme elle le fait traditionnellement, la stabilité et les principes du droit international. Nous l'entendrons, tout à l'heure, au Conseil de sécurité, et ce que je veux entendre de la part du délégué chinois qui représentera son pays, c'est son attachement aux principes de la Charte des Nations unies.
Q - Merci beaucoup, Madame la Ministre, Catherine Colonna, d'avoir été avec nous en direct, depuis New York...
R - Merci beaucoup.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er mars 2023