Texte intégral
ORIANE MANCINI
Et notre invité politique pour cette émission spéciale depuis le Salon de l’agriculture c’est Marc FESNEAU, bonjour.
MARC FESNEAU
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d’être avec nous, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, on est ensemble pendant 25 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Fabrice VEYSSEYRE-REDON du groupe EBRA, les journaux de l’Est de la France, bonjour Fabrice.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Bonjour Oriane, bonjour Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Marc FESNEAU, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation, on a évidemment beaucoup de sujets à aborder avec vous, d’abord vous êtes ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. En 2017 Emmanuel MACRON promettait de relever ce défi de la souveraineté alimentaire du pays, est-ce que l’agriculture française, aujourd’hui, est en capacité de nourrir sa population ?
MARC FESNEAU
Alors évidemment elle est en capacité de nourrir sa population, la question c’est, il y a un certain nombre de pans de production qui ont perdu en souveraineté depuis des années, pour ne pas dire des dizaines d’années, je pense aux fruits et légumes, je pense à la volaille, je pense à la viande bovine, reconnaissons aussi qu’on est puissamment exportateur en lait, puissamment exportateur en céréales, puissamment exportateur en vins et spiritueux, enfin bref on a quand même des secteurs sur lesquels il y a de l’excellence, mais on a besoin de penser notre système, y compris avec le dérèglement climatique, y compris avec les grands dérèglements du monde, géopolitiques et économiques, en regardant les facteurs qu’on a, de risque qu’on a sur notre souveraineté, notre propre souveraineté, et puis globalement les facteurs de risque qu’on a sur la souveraineté européenne et mondiale. Et donc on a un travail à faire, c’est le sens de ce qu’on va annoncer au cours de ce salon et à l’issue de ce salon, sur le plan souveraineté fruits et légumes, et au fond c’est un concept général, mais il faut rentrer après dans le détail des choses pour regarder secteur par secteur, production par production, les secteurs qui sont en risque. Aujourd’hui, on vient d’en parler, la betterave, on est largement souverain puisqu’on est le premier producteur européen de betterave, mais il y a un risque de perte de souveraineté si nous n’arrivons pas à trouver des solutions techniques au-delà des mesures d’urgence que nous prenons cette année.
ORIANE MANCINI
Donc il y a un risque pour la filière betterave sucrière, il y a un risque qu’elle disparaisse aujourd’hui cette filière ?
MARC FESNEAU
Je ne connais pas un système économique qui tienne avec 30 à 40%, d’une année sur l’autre, de perte de récolte et qui tienne durablement avec ça, parce que vous avez des outils industriels, vous avez un système économique, c’est comme si vous disiez chaque année, ou tous les deux ans, un constructeur automobile il perd 40 % de sa production, vous voyez bien l’erraticité des choses, et donc on a besoin, par la recherche, de trouver des solutions, pour trouver des alternatives aux néonicotinoïdes…
ORIANE MANCINI
A quelle échéance elles pourraient arriver des solutions ?
MARC FESNEAU
Alors on dit entre deux et quatre ans, plutôt par les semences, plutôt par la recherche variétale, pour éviter – je parle de la betterave stricto sensu – on va regarder si on ne peut pas… on va mettre de toute façon des moyens supplémentaires, donc c’est un temps long, et la difficulté qu’on a dans les moments qu’on traverse c’est d’avoir un certain nombre de gens qui parfois donnent… alors il y a des décisions, là en l’occurrence c’est une décision de la cour de justice, mais un certain nombre de gens qui sur la place publique disent il n’y qu’à, il faut qu’on, c’est simple, il suffit d’interdire, comme si l’interdiction produisait la solution, l’interdiction n’a jamais produit la solution, et donc on a besoin de travailler dans une forme de planification, la Première ministre en parlera aujourd’hui, à anticiper ce que peut être le risque de disparition de molécules, à regarder, toujours dans la chimie, les produits phytosanitaires, quelles peuvent être les alternatives, et puis les autres alternatives éventuellement.
ORIANE MANCINI
Mais juste, entre deux et quatre ans, vous dites, là vous avez promis d'indemniser les producteurs de betterave qui seraient touchés par la jaunisse cette année, qu'est-ce qu'il en sera pour les années futures, est-ce que tous les ans vous allez les indemniser ?
MARC FESNEAU
On est en train de regarder sur l'année 2024, alors d'abord on va essayer de couvrir les choses dans l'ordre chronologique des problèmes qui sont à nous, d'abord couvrir 2023 parce que, pourquoi, il y avait un risque qu'un certain nombre de producteurs décident de ne pas planter, auquel cas c'est la filière entière qui se désagrégeait puisque les outils de transformation allaient disparaître, et on est en train de regarder sur des alternatives avec des produits qu'on essaiera ou contestera cette année, et par ailleurs voir ce qui peut être accélérée pour que 24, 25 soit plutôt l'horizon que 26, 27.
ORIANE MANCINI
Mais en attendant, tous les ans ils seront indemnisés.
MARC FESNEAU
Non mais, on est sur… pardon, je prends dans l’ordre. 23, indemnisation, on cherche, il y a de la recherche, il y a l'INRA, il y a les instituts techniques, donc je ne peux pas vous dire le 25 février si j'ai une solution le 25 février…
ORIANE MANCINI
Et pour cette année, indemnisation de manière illimitée, c'est-à-dire que tous les producteurs sont touchés, sont garantis d’être…par la jaunisse.
MARC FESNEAU
Ceux qui sont concernés par un épisode de jaunisse, dont on identifiera bien, c’est bien l’objectif que de couvrir le risque et c’est l’engagement qu’on a pris devant eux.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui vous évoquiez, Monsieur le ministre, la question des bovins, la France en aurait perdu 2 millions en moins de 10 ans, est-ce que par rapport au coût écologique, on parle notamment de la ressource en eau, on l'a vu encore dans commentaire il y a quelques minutes ici même, est-ce que par rapport à cette moindre consommation de viande en France c'est le sens de l'histoire, est-ce que ce n'est pas le sens de l'histoire justement, qu’il y ait moins de bovins dans ce pays ?
MARC FESNEAU
D’abord la décroissance de production ne suit pas de manière linéaire la décroissance de consommation, à la vérité on a une décroissance de consommation de 1, 2% selon les années, ça dépend d'ailleurs des filières, en viande bovine plus qu'en viande porcine par exemple, parce que la viande porcine on est plutôt en légère augmentation, et c'est bien tout le problème de dire, de ne pas corréler le besoin en consommation de la réalité de la production c'est une erreur. Il y a une tendance générale et une tendance lourde au niveau national, ou au niveau européen, qui est une tendance plutôt à la diminution de la consommation de viande, il y a aussi une tendance au transfert parfois de la consommation de telle production vers telle autre, par ailleurs…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Y compris sur les viandes ?
MARC FESNEAU
Y compris sur les viandes, volaille, viande rouge, porc, viande rouge, porc, volaille, donc il y a des mouvements à l'intérieur de ces consommations. Troisième élément, il va falloir qu'on se dise aussi une chose, on a besoin de l'élevage, y compris dans le process de décarbonation on a besoin de l'élevage, si je veux faire de l'engrais minéral vers l'engrais organique j'ai besoin d'élevage, si j’ai envie et besoin, j'ai envie et besoin d'ailleurs, de maintenir les prairies qui ont des fonctions paysagères, des fonctions biodiversité, mais aussi des fonctions de stockage carbone, j'ai besoin d'élevage, et donc ce qu'il faut qu'on arrive c’est à trouver la balance d'un point de vue de la consommation, mais aussi qu'on trouve… et qu'on montre mieux la contribution déterminante de l'élevage à la transformation et à la transition agricole. L’idée que certains ont mis dans les têtes que le monde irait mieux sans élevage, c'est une idée totalement saugrenue, d'abord parce que les gens consomment, et donc sauf à être dans un pays autoritaire qui dirait " article 1 il n’y plus d'élevage ", " article 2 on ne mange plus de viande ", ce n’est pas la volonté que nous avons, alors je sais que dans l'esprit de certains il y aurait un peu cette volonté-là, ce n’est pas la mienne, vous vous en doutez, et deux, par ailleurs on a besoin d'élevage, il n’y a pas un territoire, y compris dans des régions que vous connaissez, qui… sans élevage il n’y a pas d'autres activités, et donc est-ce qu'on a envie d'aller à l'embroussaillement, aux risques incendies, à la perte de biodiversité, au faible stockage de carbone, donc il faut qu'on arrive à montrer ça, et d'ailleurs avec le président de la République, lors des échanges qu'il a eus avec la filière, avec les chambres d'agriculture, avec la coopération, nous sommes sur leur stand, l'idée c'est de travailler sur ce qu'on appelle les " amilités " (phon), qu’est-ce qu’apporte l'élevage de positif pour les milieux, pour la biodiversité, pour le climat, et ça c'est un élément important. Il y a deux puits de carbone, les deux puits de carbone c’est la forêt sous toutes ses variétés, la haie, l'agroforesterie et la forêt, et puis il y a la prairie, et donc on a besoin de prairie, et donc on a besoin d'élevage, et donc on a besoin d'éleveurs.
ORIANE MANCINI
Sur la question, on en a un peu parlé avec les betteraves, mais des pesticides, des produits phytosanitaires et de leur interdiction, c'est une inquiétude évidemment des agriculteurs, le problème c'est que ce n'est pas le cas partout dans l'Union européenne de la même façon, est-ce que la principale concurrence de l'agriculture française aujourd'hui elle est intra-européenne ?
MARC FESNEAU
Alors, contrairement à ce qu'on croit c'est, parfois on dit c'est les accords internationaux qui sont la principale concurrence, à la vérité la principale concurrence elle est intra-européenne, ce n'est d'ailleurs pas nouveau, il fut d'ailleurs une période, encore aujourd'hui pour un certain nombre de produits, où nous étions dominants sur tel ou tel marché, mais la question des produits phytosanitaires elle est double, la première c’est qu’on prépare les transitions, là où on sait qu'on aura des transitions, deux, on aura besoin… nous sommes nous-mêmes entourés de chimie, et donc la chimie, je ne vois pas pourquoi l'agriculture serait privée de chimie quand tout le reste de nos vies aient de la chimie, ce n’est pas parce que c'est de la chimie que c’est toxique, donc on a introduit cette idée-là, on a besoin de chimie, et on a besoin par ailleurs, et je l'assume que comme tel parce que sinon on raconte des sornettes, on aura besoin de ça, mais on a des produits dont on sait que le degré d'impact est de plus en plus faible, mais quand il y a des produits qui ont un impact il faut assumer aussi d'avoir nécessité à en sortir, et là il faut essayer de trouver les éléments de transition. Premier élément, ça c'est en franco-français. Le problème du système français, et du système européen d'ailleurs, c'est qu'à la vérité chacun est maître chez lui des autorisations ou des interdictions, donc on a créé petit à petit un certain nombre de distorsions de concurrence, avec nos voisins européens, c'est le cas sur la betterave, c'est le cas sur un certain nombre d'autres produits, et souvent nous faisons figure de précurseurs, on est les premiers à interdire, pendant ce temps-là nos voisins et concurrents nous font de la compétition, généralement d'ailleurs après l'Union européenne nous suit, mais sauf qu'on a pris 5 ou 6 ans, ou 10 ans, de retard de compétitivité, et donc l'idée aussi…
ORIANE MANCINI
Et c’est vécu comme une injustice par les agriculteurs.
MARC FESNEAU
Mais ils ont raison de le vivre comme une injustice. Alors l’idée que j’ai, qui a été soumise au président de la République, que j'ai proposée, c'est de dire, un il faut de la planification, c'est-à-dire que quand on commence à avoir des alertes sur des molécules il faut qu'on puisse, en raison, regarder les impacts sur les filières, regarder les alternatives et assumer le délai nécessaire, sous réserve que ce ne soit pas un produit dont la toxicité soit avérée, très importante pour la santé humaine, mais quand même il faut qu'on puisse assumer les transitions, et deux, pas de décision qui ne relève pas du niveau européen. Si ça doit produire de l'interdiction ou de la réévaluation dans les modalités d'utilisation, diable, que ça se fasse au niveau européen, parce que sinon ça n'a aucun sens d'avoir un marché unique ou un marché commun. Tous les produits circulent librement dans l'Europe, c'est à notre avantage, ça fait partie de la puissance française, si on commence à dire tous les produits circulent, mais tous ne sont pas issus des mêmes conditions de production, et que c'est chez nous qu'on a les conditions les plus drastiques et les plus pénalisantes, à la fin il n’y a plus d'agriculture, ça aussi il faut quand même se le dire, et donc on a besoin d'une harmonisation européenne, et donc tout ce qui se fera, et c'est le combat que je mène auprès des collègues européens, c'est tout ce qui fera en termes de normalisation, positive ou négative, au niveau européen, et pas ailleurs.
ORIANE MANCINI
Mais c’est un combat qui est à long terme ça.
MARC FESNEAU
Oui, mais ça n’empêche pas… ce n’est pas parce que c’est un combat à long terme qu’il ne faut pas le mener.
ORIANE MANCINI
En attendant qu’est-ce que vous leur dites aux agriculteurs ?
MARC FESNEAU
Non mais après on a… on prend les prend les problèmes les uns après les autres, on a un sujet betterave, on a d'autres molécules qui peuvent faire l'objet d'interdiction, et là c'est la recherche, l'innovation, et la planification.
ORIANE MANCINI
Sur la question, on en a un peu parlé, des fruits et légumes, puisque la France importe aujourd'hui à 40 % de ses légumes, 60 % de ses fruits, vous avez parlé d'un plan de souveraineté fruits et légumes, qu'est-ce qu'il va contenir ?
MARC FESNEAU
Alors il va contenir, alors je l'annoncerai mercredi, donc je dis quelques éléments de ce qu'il va contenir, mais vous me permettrez de l'annoncer aussi avec les professionnels. D’abord je voudrais saluer le travail qui a été fait que les professionnels, on a essayé de comprendre ce qu'étaient les facteurs de perte de compétitivité. Il y a une vingtaine d'années nous étions souverains, nous étions autosuffisants, souverains est autre chose, nous étions autosuffisants, et petit-à-petit… un certain nombre de choses. Alors c'est un, modernisation d'un certain nombre d'outils de production, je pense aux serres froides ou aux serres chauffées, on a des outils de production, on a perdu, or c'est des ambiances, c’est des milieux dans lesquels on peut se passer de produits phytosanitaires, mais les deux, chauffées ou froides, les Espagnols ont 10 fois plus de serres que nous, c'est un élément de réassurance en termes de compétitivité. Deuxième élément on a besoin de rénover, pour ce qui est des fruits plutôt là, nos vergers, on a des vergers dont les variétés sont parfois moins en adéquation avec l'attente des consommateurs, plus sensibles à certaines maladies et moins faciles à être protégés parce que les systèmes de filets et autres qu'on met dans les vergers, il faut que le verger soit constitué, pensé pour ça, donc le deuxième sujet c'est la rénovation des vergers. Le troisième sujet, pour ne pas aller trop loin, le troisième sujet c'est le travail sur les alternatives aux produits phytosanitaires, et donc c'est un travail massif, au travers de France 2030, parce que ce sera le filigrane des modalités de financement, qui permet quand même de mieux tenir compte des nécessités de transition, c'est le travail qu'on fait sur les variétés, c'est de travail qu'on fait sur les alternatives, c'est le travail qu’on fait sur le bio contrôle. Et puis dernier sujet pour aller vite, c'est un sujet communication. On a seulement 1 Français sur 3, et je ne leur en fait pas grief parce que c’est souvent une question, ou d'information ou de moyens, seulement 1 Français sur 3 prend les 5 fruits et légumes par jour recommandés par le programme Nutrition santé, par tous les grands organismes, l'OMS le dit aussi. On a besoin au travers de la communication de faire savoir et de montrer les savoir-faire aussi, sans faire de jeu de mots, mais de faire savoir qu'il est nécessaire de consommer des fruits et légumes. Alors après on a des sujets parfois d'inflation, des sujets de consommation, mais avant l'inflation et avant la consommation nous étions à ce taux-là, donc on a besoin de faire la promotion des fruits et légumes en général, et des fruits et légumes français, puisque l'objectif c'est qu'on puisse en produire plus.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Oui, vous avez évoqué à plusieurs reprises cette question de survie de l'agriculture française, de souveraineté, 100.000 exploitations en moins en France en une décennie, me semble-t-il, et aussi, derrière, des gros soucis, des gros problèmes, c’est un sujet dramatique, chez les agriculteurs eux-mêmes, problèmes humains, on parle d'un suicide tous les 2 jours en France, vous confirmez ce chiffre d’ailleurs ?
MARC FESNEAU
Oui, oui, c’est le chiffre malheureusement…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Comment vous abordez cet aspect humain des choses ?
MARC FESNEAU
Alors il y a plusieurs, le renouvellement des générations est une chose, mais j’aborde le sujet humain. D’abord le monde agricole est un monde qui est plutôt pudique, ce n’est pas le monde dans lequel on exprime le plus parfois sa détresse, sa désespérance, sa difficulté, son impasse technique, son impasse économique, son impasse parfois personnelle, il faut que la parole se libère, il faut qu'on arrive à ce que… chaque maillon de la chaîne, tout le monde est responsable dans une chaîne, alors tout le monde est responsable pas au sens juridique, mais tout le monde doit regarder et veiller sur un agriculteur, celui qui s'occupe de son élevage, le vétérinaire, le technicien des chambres d'agriculture, le responsable public qui le croise à telle ou telle manifestation, le banquier, l'assureur, enfin tout le monde, l'agent de l'Etat qui saisit son dossier ou le contrôle, tout le monde doit penser qu'on est face à des situations parfois qui sont des situations de détresse et qui sont dramatiques, et qui parfois s'expriment d’ailleurs par la violence, y compris physique, assez rarement, mais parfois verbale, mais derrière ça il faut essayer de détecter les situations de détresse…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Souvent liée à une problématique économique.
MARC FESNEAU
Pas toujours seulement…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Souvent.
MARC FESNEAU
Mais c'est le terreau la problématique… mais maintenant vous allez avoir aussi un certain nombre de gens qui… ils sont dans une impasse économique parce qu'ils sont dans une impasse climatique, donc on a dans ce moment où un peu rien n'est stable, ni économiquement, ni climatiquement, ni en termes de produits utilisables, il y a quelque chose de l'ordre d'une détresse qui peut naître. Et puis il y a un deuxième sujet sur lequel j'attire l'attention de tout le monde, y compris de ceux qui - je ne pense pas que tout le monde soit mal intentionné, ce n’est pas ma nature de penser ça - mais de ceux qui disent des choses sur l'agriculteur, qui écrivent des choses. Quand vous mettez sur un bâtiment d'élevage " camp de concentration ", d'élevage de volailles ou d’élevage de porcs, vous dites quelque chose à quelqu'un qui est d'une violence absolument terrible, au-delà de la, comment dirais-je, du gap entre ce qui est écrit et la réalité, et la comparaison qui n'est pas une comparaison, qui est une offense faite à ce qu'ont été les camps de concentration et ceux qui y ont été, mais au-delà de l’erreur…
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Ce que vous nous dites c’est que les agriculteurs sont aussi les victimes de cette radicalisation du débat ?
MARC FESNEAU
Eh bien oui, quand vous avez des gens à bout de champ qui vous menacent et qui vous disent " qu'est-ce que vous mettez dans le produit ", quand vous avez des agriculteurs, il y en a des témoignages tous les jours, qui sont menacés physiquement parce que le voisin demande ce que c'est, y compris sans savoir quoi que ce soit de ce que c'est, de tel ou tel produit, quand vous avez des gens, qui à chaque fois que vous avez un projet vous disent " j'en veux pas, la nuisance ", vous avez vu le cas d'un agriculteur dans les Yvelines où il y a le voisinage, dans un courage immense d’anonymat, parce que c'est quand même mieux quand on est anonyme, dit " on ne veut pas de vos vaches, on préfère que vous mettiez des moutons ", mais on n'est pas dans un exercice récréatif, on est dans une activité économique, on est avec des gens qui ont besoin de considération et besoin de vivre de leur travail, donc on a quelque chose à dire, y compris dans cette question de mal-être, de l’amour qu’on porte aux agriculteurs et du besoin qu’on a d’eux, et si on passe son temps à dire que, au fond ils ont des activités qui sont toxiques, parce que c'est ça ce que disent ces gens-là ce, qui est faux en plus, évidemment il ne faut pas s’étonner après qu'il y ait des réactions qui soient des réactions de forteresses assiégées, de craintes, d'incompréhensions. Vous avez des gens qui tous les jours en France, il faut rendre hommage à leur patience, se font engueuler, on va dire le mot, par des gens qui ne connaissent rien aux cycles végétaux et qui simplement disent « je veux une forme de tranquillité », mais il faut accepter dans l'activité agricole la part de ce qu'elle a de contraintes pour tout le monde, et c'est normal. On est dans une société…
ORIANE MANCINI
Vous avez parlé de l’économie…
MARC FESNEAU
On est dans une société, pardon, on est dans une société qui est quand même diablement peu bienveillante, qui n’essaye jamais de comprendre l'autre dans sa différence et de comprendre l'autre dans ses contraintes, et donc je demande à tout le monde, dans ses propos, dans sa manière d'aborder les choses, d’abord de ne pas être caricatural, si dans ce pays on pouvait ne pas être caricatural on se porterait mieux, et d’essayer de comprendre l'autre.
ORIANE MANCINI
Vous avez parlé de l'économique et du climatiques, on va en parler, l'économique d'abord. Les négociations commerciales annuelles entre producteurs et distributeurs s'achèvent dans quelques heures, où en est-on ?
MARC FESNEAU
Dans quelques jours, jours et heures. On sait que ça glisse, la date limite c'est fin février, on est dans…
ORIANE MANCINI
Moins de 48h.
MARC FESNEAU
48h, donc c’est quelques grandes heures, quelques petits jours, pour ne pas jouer sur les mots ; on en est qu’il y a eu du retard de pris, je ne comprends pas d'ailleurs que la grande distribution ait au fond pris tant de temps pour négocier, parce qu'évidemment après on concentre sur quelques jours la querelle de la négociation, et ça c'est évidemment très mauvais, donc on a une tension des derniers jours, alors c'est normal dans une négociation, mais quand vous avez des enseignes qui étaient encore -il y a 3 ou 4 jours j'ai réuni tout le monde - à 30 ou 40 % simplement négociations achevées, vous avez évidemment une tension qui est forte. On a deux débats là-dessus, le premier c’est que d'abord la loi, rien que la loi, au moins la loi, c'est-à-dire EGalim, 1 et 2, EGalim 2 en particulier, c’est on rémunère la matière première agricole. On a un deuxième sujet qui est plus prégnant cette année, c'est la matière première industrielle, parce que la chaîne alimentaire c'est des producteurs, des transformateurs, des distributeurs, tout le monde doit gagner sa vie dans la chaîne. EGalim 2 et 1 viennent plutôt essayer d’améliorer le premier point, et globalement, quand vous en parlez avec le secteur agricole, on a plutôt fait une oeuvre dans le bon sens, personne ne dirait qu'il faut revenir en arrière et qu'il faut supprimer cette loi, elle a été dans le bon sens, avec une forme de marche avance sur le prix. On a un sujet parce qu'il y a des augmentations qui se sont lentement, sûrement, et accélérant…. c’est dans la chaîne agroalimentaire, parce que ce qu'on appelle les matières sèches, les emballages, le verre, l'énergie, et donc on a besoin aussi que dans le dialogue qui se noue il y ait aussi un dialogue avec la grande distribution, pour les transformateurs je dis bien, qui permette de mieux prendre en compte les hausses qui étaient… alors, il faut le faire aussi avec raison, mais les transformateurs le font, et c'est ce qu’a dit le président de la République, il faut aussi que les distributeurs prennent leur part, c'est-à-dire qu'il faut que, comment dirais-je, ça se tienne avec l'objectif que l'inflation soit aussi maîtrisée que possible.
ORIANE MANCINI
Mais vous êtes optimiste sur l'issue de ces négociations, ça va aboutir ?
MARC FESNEAU
…C’est enseigne par enseigne, c’est produit par produit, mais je…
ORIANE MANCINI
Vous avez des chiffres aujourd’hui sur où on en est ?
MARC FESNEAU
Aujourd’hui non, là à date à l’heure où je vous parle non, parce que on est vraiment dans un processus continu, et là d'heure en heure ça peut bouger pour les raisons vous avez évoquées, donc non, mais je ne désespère pas que, y compris de tous les maillons, y compris le plus abouti, le plus en aval, comprenne que quand on est une entreprise française on a une responsabilité patriotique, et quand on est un patriote, ce dont je ne doute pas, le sujet n'est pas qu'un sujet - je ne leur demande pas d'être des philanthropes évidemment, tout le monde doit gagner de l'argent – mais le sujet c'est quand même la souveraineté alimentaire. Qui accepterait qu'un jour ces enseignes soient responsables d'une dégradation encore plus puissante de la souveraineté alimentaire ? ils ont une responsabilité. Ce n’est pas les autres la souveraineté, c'est chacun, les agriculteurs ils le font tous les jours, les transformateurs, les distributeurs, et puis nous comme citoyens, pour ceux qui ont le plus de moyens, parce qu'il y en a qui n'ont pas forcément les moyens, ça sera offense de leur donner des conseils ou des ordres, ou des consignes, mais pour ceux qui le peuvent de penser l'acte de consommation en disant " est-ce que derrière j'ai un agriculteur, derrière le produit il y a un producteur, et donc est-ce que derrière j’ai un producteur qui est rémunéré ? "
ORIANE MANCINI
Il y a la question du panier anti-inflation qui est travaillé par votre collègue Olivia GREGOIRE, alors évidemment on comprend l'intérêt pour les Français dans cette période difficile, mais est-ce que vous, ministre de l'Agriculture, vous souhaitez qu'il ne voit pas le jour, on sait que les agriculteurs n'y sont pas très favorables ?
MARC FESNEAU
Alors, on a un débat avec les organisations agricoles, mais l'objectif que nous partageons avec Olivia GREGOIRE c'est - et c'est bien ce qui a été dit d'ailleurs y compris par le président de la République - le panier anti-inflation ce n’est pas un panier anti-production et anti-transformation, c’est un panier sur lequel les distributeurs, et donc tout le sujet que nous avons à travailler ensemble c'est de veiller à ce que ça soit bien les distributeurs qui fassent l'effort, on sait parfois la propension qu'ils ont à renvoyer dans les étages plus en amont, le sujet, c'est un engagement des distributeurs, et c'est un engagement qu’ils doivent prendre, et c’est donc sur cette base-là qu'on travaille pour regarder si c’est faisable.
ORIANE MANCINI
Donc il ne doit pas peser sur les agriculteurs ?
MARC FESNEAU
Si c’est pour dire " je fais un panier anti-inflation fait sur le dos des autres ", je reviens à mon problème de rémunération et je reviens à mon problème de souveraineté, ce n’est évidemment pas l'objectif et nous sommes tout à fait alignés là-dessus au gouvernement.
ORIANE MANCINI
L’autre question c'est la question climatique, vous l'avez dit, il y a une réunion qui va avoir lieu aujourd'hui autour du ministre de la Transition écologique Christophe BECHU sur les restrictions d'eau, est-ce qu'il y aura des restrictions d'eau pour les agriculteurs ?
MARC FESNEAU
A date, dans un certain nombre de départements… alors d'abord on n'est pas dans la période où l'agriculture a besoin le plus d'eau, vous voyez bien d'ailleurs qu’un certain nombre de départements qui vont être balayés aujourd'hui par de l'eau et de la neige, ça repousse le… dès qu’il pleut 20 millimètres ou 30 millimètres vous avez un sujet qui est de nature différente parce que quand même les plantes ont besoin d'eau, elles ont besoin d’eau qui tombe du ciel d'abord, et pas forcément d'eau des nappes, mais il n'empêche que ce que va faire Christophe BECHU, et ce que nous allons travailler avec lui c'est, dans la perspective d'un été qui peut être difficile si la pluviométrie n'est pas au rendez-vous, comment on se prépare et quels sont mécanismes territoriaux de gouvernance et dans quel ordre on essaye de prendre les choses, c'est la prolongation de ce qu'on a fait en 2022, sauf que d'habitude on prend plus tôt ces mesures et ces anticipations aux mois d'avril-mai et que là nous sommes en février. Pourquoi ? parce que peu d'eau en octobre-novembre, un peu d'eau en décembre, un peu d'eau en janvier, pas d'eau en février, et donc on est dans quelque chose d’atypique en termes de pluviométrie. Je rappelle quand même toujours en moyenne en France, c’est 600, 650 millimètres, ça va bien tomber à un moment. Mais on a besoin quand vous êtes responsable public d’anticiper, donc on verra les mesures départements par départements, secteurs par secteurs, mais l’idée c’est plutôt de se mettre en situation plutôt que là de produire, il y a quelques départements difficultés mais là on est plutôt sur des bonnes pratiques et les choses qu'on peut porter et exiger pour des consommateurs en tant que tel.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Sur cette question justement d'anticipation, est-ce que l'abandon par exemple de productions très consommatrices en eau comme le maïs, est-ce que leur abandon doit être étudié d'ores et déjà ?
MARC FESNEAU
Mais vous avez déjà une évolution des pratiques selon les territoires et on voit bien d'ailleurs que le maïs était plutôt dans les zones à forte pluviométrie plutôt que dans les zones à faible pluviométrie. Si vous êtes dans un printemps comme là il s'annonce, c'est-à-dire pas d’eau du tout, c’est le blé qui va manquer d'eau et s’il pleut cet été le maïs aura de l'eau. Donc caricaturer et figer un modèle agricole uniquement dans un modèle climatique, c'est plus compliqué que ça. Alors attendez, évidemment on a dans la. Certain nombre de territoires des productions dont on sait bien qu'elles seront moins faciles à mettre en oeuvre, le maïs mais pas que le maïs, le maraîchage dans certains territoires, la question qu'on a à mettre en oeuvre, c’est de la transition mais d'ailleurs quand vous regardez dans ces régions-là les agriculteurs se sont déjà adaptés. Quand vous regardez dans… attendez quand vous regardez sur la question du maïs, les variétés qu'on a aujourd'hui elles sont 20 à 30% plus économes en eau, donc c'est l'ensemble de la panoplie des choses qu'il faudra faire et dans le travail que nous faisons c'est un travail géographique des transitions qui sont à l'oeuvre.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous arrivez aujourd'hui à savoir quelle production seront touchées par la sécheresse hivernale en cours, est-ce que par exemple il y aura des conséquences sur le blé, est-ce que ça on peut déjà le dire ?
MARC FESNEAU
Aujourd’hui non parce qu'aujourd'hui on est dans une période où il fait frais, où la végétation n'est pas encore repartie parce qu'il a fait froid et où l'appel d'eau, le besoin d’eau ne sera pas puissant comme il va l’être dans 3 semaines ou un mois. Donc on ne peut pas dire aujourd'hui ça, essayons de dire et de documenter les choses. Après il faut se dire les choses, le blé consomme plus d'eau que le maïs, donc on va pas arrêter toutes les prévisions parce qu'il y a des productions… toutes les productions ont besoin d'eau, la seule difficulté sur le maïs, c'est que ça a besoin d'eau dans les périodes où il y a le moins d'eau disponible, en théorie, compte tenu de ce qu'est le climat aujourd'hui. Et donc on a besoin de travail et des systèmes, mais dans les systèmes fourragés, les systèmes de prairie, dans les systèmes fourragés et dans les systèmes de prairie qui cet été ont été très lourdement pénalisés, si je n'ai pas du maïs ou des éléments complémentaires pour alimenter mon bétail, j'ai plus d'aliments pour le bétail, donc il faut quand même regarder ça avec raison.
ORIANE MANCINI
Un mot sur une autre crise, c'est la grippe aviaire évidemment qui inquiète, combien de volailles aujourd'hui ont été abattues à ce jour avec cet épisode de grippe aviaire, est-ce qu’il y a encore des foyers ?
MARC FESNEAU
Alors il y a encore des foyers, c'est en gros environ 308 foyers qui étaient à date concernée, on a eu un épisode qui s'est passé en 2 temps, une montée assez forte à l'automne qui nous a plutôt inquiété, plutôt dans les territoires historiques des Pays de Loire, désormais maîtrisée par les mesures de biosécurité qui ont été prises et je salue aussi l'engagement des producteurs et des éleveurs qui ont pris des mesures de ce qu'on appelle de dédensification, de repeuplement plus programmé, plus mis en oeuvre au fur et à mesure, pourquoi, parce que ça permet d'éviter le risque dans la période la plus grande. Aujourd'hui on a des foyers qui nous inquiètent en Bretagne, en particulier dans les Côtes-d'Armor avec un sentiment qu'il y a une progression là dans ces territoires-là, dans un mois on sera sorti, je le dis en prenant ma respiration et je sais que les éleveurs la prennent encore plus que moi. Et puis 2e et donc on a plutôt un épisode, on avait 1400 cas l'an dernier, on est plutôt à, on est à 300 à date donc c'est quand même beaucoup moins puissant. 2e élément on travaille aussi au-delà des mesures sanitaires de biosécurité sur un vaccin, l'objectif étant qu'à l'automne nous puissions mettre à disposition un vaccin, c'est quand même des mesures de biosécurité, les pratiques d'élevage et le vaccin, une manière d'essayer d'endiguer cette épidémie, cette épizootie, cette influenza aviaire qui est quand même un élément si nous n'étions pas intervenus, la filière disparaissait.
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
C’est un vaccin français ?
MARC FESNEAU
C'est un vaccin, il y a des Français, il y en a d'autres, il y a 2 protocoles qui sont en cours, on attend la qualification puisque c'est des expérimentations qui ont lieu dans toute l'Europe. Il y a 4, 5 pays.
ORIANE MANCINI
Mais il y a d'autres abattages prévus, on est à combien d'abattage aujourd'hui ?
MARC FESNEAU
C’est plusieurs millions, une dizaine de millions, mais il y a toujours….
ORIANE MANCINI
Il y en a d’autres de prévus.
MARC FESNEAU
Mais dès qu'il y a un cas, et dès qu'il faut le faire, on le fait voilà. C’est le protocole qui a été décidé, ce n‘est jamais de gaîté de coeur que ça se fait, mais il faut qu’on arrive à juguler cet influenza.
ORIANE MANCINI
On va aller Audrey VUETAZ qui est dans les allées du salon avec à ses côtés un agriculteur Jean-Michel CURIEN qui est éleveur de race vosgienne et qui y a une question à vous poser Monsieur le Ministre.
AUDREY VUETAZ
Oui Jean-Michel qui touche une retraite à 800 euros car il n'a pas effectué une carrière complète dans une exploitation agricole même s'il a aidé ses parents quand il était jeune avant de reprendre l'exploitation familiale. Jean-Michel, un petit mot et puis vous aviez une question pour le ministre concernant la réforme.
JEAN-MICHEL CURIEN, ELEVEUR DE VACHES VOSGIENNES
Oui bonjour Monsieur le Ministre, donc je vous pose la question par rapport à mon cas mais qui concerne aussi beaucoup de monde en ce moment et qui va en concerner encore plus dans les années qui viennent vu l'évolution du monde agricole, c'est à dire est-ce qu'on va être concernés par le projet de réforme à 1200 euros par mois pour toutes les personnes qui ont effectué une carrière complète. Et voilà aujourd'hui toutes les personnes qui arrêtent un métier pour se reconvertir dans l'agriculture dans quelques années ils connaîtront le même problème puisqu'ils auront, ils n'auront pas de carrières complètes à la MSA et qui ne seront pas concernés donc par la réforme du député André CHASSAIGNE qui s'est bien défendu pour défendre une cause mais c'est vrai que pour moi il y a des oublies dans un cette réforme quand même. Nous qui avons été, moi j'ai été au contact de l'agriculture depuis mon tendre, mon plus jeune âge et que j'ai fait toute ma carrière là-dedans et aujourd'hui on s'aperçoit que finalement on passe à côté des dernières réformes sur ce sujet, merci.
ORIANE MANCINI
Marc FESNEAU, je vous laisse répondre.
MARC FESNEAU
D'abord merci de votre témoignage. alors il faut dire les choses comme elles sont, le système agricole, le système social agricole il était à part du système et du régime général, c'est un choix qui a été fait au sortir de la guerre que d'avoir et moi je trouve que c'était un bon choix, Mutualité sociale agricole, régime particulier, taux de cotisation différent plus bas que les salariés ou d'autres régimes, c'est un régime d'indépendants agricoles et donc il nous faut aussi assumer le fait que régime d'indépendants agricoles, c'est pas tout à fait les mêmes règles qui s'imposent. 2e élément, loi Chassaigne, la loi Chassaigne permet d'avoir 85% du SMIC, c'est une loi je le dis d'autant plus qu'il ne vous aura pas échappé qu'André CHASSAIGNE n'était pas tout-à-fait de notre obédience ou de mon obédience politique, mais…
ORIANE MANCINI
C'est le président du groupe communiste.
MARC FESNEAU
Président du groupe communiste issu du Puy-de-Dôme et tout le monde sait l'engagement qu'il a eu et tout le monde sait que l'unanimité a démontré quand même que cette loi visait à améliorer les choses. Première loi Chassaigne pour les chefs d'exploitation, 2e loi Chassaigne pour les conjoints collaborateurs et les aidants familiaux, on avait des gens qui avaient aidé et dont la carrière n'était pas comprise. 3e élément, parce que c'est un processus continu d'amélioration, et c'est plusieurs centaines d'euros, 100, 200, 300 pour un certain nombre d'agriculteurs qui touchaient vraiment une retraite qui était beaucoup trop faible, elle reste trop faible, mais c'est quand même un procès d'amélioration, regardons d’où on part. 3e texte, le texte dit Julien DIVE, loi Dive, qui vient d'être votée par l'Assemblée nationale et le Sénat, lui il vient résoudre quelque chose, c'est là que le régime était particulier, dans le régime agricole c’était toute la carrière qui était comptée pour calculer votre pension de retraite, là on introduit 25 années, on a besoin avec la MSA, et c’est le cas de monsieur d’ailleurs, de reconstituer les carrières parce qu’il est facile de reconstituer quand la carrière s’est faite tout à fait sous régime agricole, quand elle n’est pas complètement sous régime agricole il faut pouvoir reconstituer, mais on va passer à 25 années, c’est -à-dire qu’on va réaligner vers le régime général. Et dernier élément, dans la réforme que porte Olivier DUSSOPT, que porte le gouvernement, il y avait un trou, donc petit à petit on essaie de réparer les oublis, les trous, les injustices. Mais il faut assumer le fait, sinon il faut qu’on parle des cotisations, il faut assumer le fait que le régime de cotisations était différent du régime d’autres salariés ou d’autres indépendants. Dernier point dans la réforme qui est portée là et qui va être examinée au Sénat c’est, il y a un certain nombre d’agriculteurs qui ont dû arrêter leur carrière, notamment pour des raisons d’arrêt maladie, et ça interrompait la carrière, ça ne leur faisait pas une carrière complète, ça ne leur permettait pas d’accéder à un certain nombre de prestations en termes de retraite, et donc on va le mettre pour faire en sorte qu’il y ait moins d’injustice aussi, donc c’est un régime de nature particulière, on le fait converger, on s’approche des choses, mais ça n’empêche pas qu’évidemment il faudrait que ce soit un processus continu sur lequel il faut travailler.
ORIANE MANCINI
Merci Monsieur le ministre. Un mot Audrey, rapidement.
AURELIE VUETAZ
Qu’est-ce que vous en pensez justement de la réponse du ministre ?
JEAN-MICHEL CURIEN
Qu’est-ce que j’en pense, je connais un peu le fonctionnement de la Mutualité sociale agricole, après vous avez dit au début de votre intervention que ça s'est mis en place après-guerre, moi je pense que quand même il y a des choses qui ont évolué depuis, nous en zone de montagne on était obligé de rester sur des petites fermes qu’on a pu faire évoluer avec beaucoup de mal parce que ce n’est pas facile non plus, des endroits il y a beaucoup de pression foncière, on ne trouve pas facilement du terrain, des terres pour exploiter, donc en fait on a quand même fait, enfin moi dans mon cas, et je ne suis pas le seul, on a quand même fait notre carrière complète au cul des vaches comme on peut dire, et puis aujourd'hui on s'aperçoit qu'on est quand même un peu oublié, eh bien oui je renouvelle ma question, est-ce que les fameux 1200 euros pour tout le monde, est-ce qu'on va être concerné ou pas ?
ORIANE MANCINI
Le ministre vous a répondu.
AURELIE VUETAZ
On verra donc dans le déroulement, dans l'examen de la retraite au Sénat, voilà Oriane pour cette question sur les retraites agricoles.
ORIANE MANCINI
Un dernier mot Marc FESNEAU très rapidement sur cet examen, vous aussi, comme le président de la République, vous attendez des améliorations du Sénat, il faut qu'il enrichisse le texte ?
FABRICE VEYSSEYRE-REDON
Et ces 1200 euros sur lesquels vous êtes rappelé, rappelé, rappelé.
MARC FESNEAU
Oui, mais on a précisé les choses, sur carrière complète, dans des régimes, enfin bref, on aura l'occasion d'y revenir, mais j'attends, et d'ailleurs j'attends sans impatience et sans inquiétude, le fait que d'abord au Sénat on puisse avoir un débat serein, je pense que la démocratie et le Parlement méritent des débats, il faut… et je connais bien le Sénat comme vous le savez, donc je n'en doute pas, donc on a besoin d'abord que les choses soient posées sans invective, sans chanter, sans crier, sans insulter, sans menacer, enfin bref, on est obligé de le rappeler quand même, y compris sur des plateaux de télévision, parce que ça paraît naturel, mais le Sénat va remettre peut-être un peu d'ordre dans les idées et un peu l'église au milieu du village, si vous me permettez cette expression. Deuxième élément, ça permettra d'aller au fond du dossier, d'explorer le 1200 dans quel cadre il se met, d'explorer les dates butoirs, les 43, 44, le débat infernal sur ce sujet-là, il faut qu'on essaye d'expliciter, de regarder sur les carrières longues, de regarder sur les distorsions qui peuvent encore exister pour les femmes, donc j'espère bien que ça permettra d'avancer sur des projets, d'avancer et d'affiner le dispositif, et d'éclairer nos concitoyens sur les enjeux de cette réforme.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 1er mars 2023