Texte intégral
CHARLES MAGNIEN
Quelles décisions, quelles mesures, pour faire face à la sécheresse ? Le ministre de la Transition écologique, Christophe BECHU, a réuni hier soir les préfets concernés, et il est ce matin dans ce studio. Bonjour Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Charles MAGNIEN.
CHARLES MAGNIEN
Dans un instant, vous nous dites quelles sont les régions particulièrement touchées et à quels types de restrictions il faut s’attendre. Vos réponses, c’est tout de suite sur RMC.
CHARLES MAGNIEN
Bonjour Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Charles MAGNIEN.
CHARLES MAGNIEN
Vous êtes le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Face à la sécheresse hivernale record, vous avez réuni hier soir les préfets qui coordonnent les six grands bassins du pays. On va rappeler, quatre départements sont déjà aujourd’hui en vigilance renforcée, avec certaines restrictions, dans le Var, les Bouches du Rhône, les Pyrénées Orientales et l’Ain. Est-ce que, à la suite de cette réunion hier soir, d’autres départements pourraient passer en vigilance renforcée dans les jours qui viennent ? Est-ce qu’il y a des zones, des régions, qui vous inquiètent particulièrement ?
CHRISTOPHE BECHU
D’abord, on est en situation partout, avec des clients dont… Il faut comprendre, c’est que l’on est entré dans l’automne, avec des niveaux de nappes phréatiques, à cause de la sécheresse de l’été dernier, très bas. Et qu’est-ce qui s’est passé depuis septembre, il n’a pas beaucoup plu. Et en février il n’a quasiment pas plu. On est donc dans une situation où on a pris du retard par rapport à l’année dernière à la même époque, et on a vu comment l’été s’était passé. En plus, on a un déficit d’enneigement, qui n’a échappé à personne, et donc on est dans une situation où l’humidité des sols est comparable dans trois régions françaises, à celle de la fin d’un mois de mai : l’Occitanie, l’Auvergne Rhône Alpes, la région Sud. On n’est pas dans une situation de fin février, mais de fin mai. Et dans les départements où ça va bien, on est dans une situation qui correspond à un début de mois d’avril.
CHARLES MAGNIEN
Mais alors, qu’est-ce que vous avez dit hier soir aux préfets que vous avez réunis, est-ce que vous leur avez dit : " Ce matin, là, on met en place des restrictions " ? Ou est-ce qu’on se prépare à prendre des décisions à l’heure actuelle, c’est ça ?
CHRISTOPHE BECHU
Ce que je leur ai dit, c'est simple : en mars, dans chaque département, vous réunissez un Comité départementale ressources en eau. On fait une photographie département par département, et partout où il y a besoin, on prend les arrêtés de restrictions qui s’imposent. On n’a pas la main qui tremble, parce que si on ne prend pas maintenant des décisions, on va se retrouver, à l’approche de l’été, s’il ne pleut pas au mois de mars, ce qu’évidemment on espère tous, mais s’il ne pleut pas, on va se retrouver avec des conflits d’usage. L’année dernière, on a 700 communes en France, qui à un moment ou à un autre, se sont retrouvées sans eau potable. La même situation, s’il ne pleut pas, vu l’état des nappes phréatiques, vu l’état du débit des cours d’eau, on a les 2/3 de cours d’eau de ce pays qui sont en-dessous de leur étiage normal, et on a même 18% qui sont en-dessous de ce que l’on appelle la décennale sèche, c’est-à-dire les eaux les plus basses constatées pour un mois de février. Donc si on ne veut pas se retrouver avec 1 000, 1 200, 1 500, 2 000 communes qui se retrouvent avec des difficultés le moment venu, l’obligation d’envoyer des citernes ou des bouteilles d’eau pour aller assurer une partie des activités, le fait d’arrêter des activités économiques ou agricoles de manière très précoce, il faut que l’on rationne et que l’on assure une restriction dès maintenant.
CHARLES MAGNIEN
Donc l'idée, c'est d'anticiper. Alors, si j'ai bien compris, ça ne sera pas une décision qui tombe de Paris pour tout le pays, mais des décisions locales selon les situations, département par département. Mais juste pour qu'on soit clair, là, pour ceux qui nous écoutent, est-ce que dans certains départements, il y a des Français qui doivent s'attendre dans les jours, dans les semaines qui viennent, à avoir, je ne sais pas, l'eau du robinet qui est coupée, des coupures d'eau purement et simplement ?
CHRISTOPHE BECHU
On a quelques communes aujourd'hui qui ne sont pas sorties de la restriction de l'été dernier. Le département des Bouches-du-Rhône que vous avez cité, il est en restrictions depuis l'été et il n'a jamais cessé de l'être pour certains types d'usages. On a, vous l'avez dit, cinq départements aujourd'hui qui sont en vigilance renforcée, dans lesquels les usages sont d'ores et déjà limités, les Pyrénées Orientales, l'Isère, les Bouches-du-Rhône, et l'Ain que vous avez cité un peu plus tôt.
CHARLES MAGNIEN
Et le Var.
CHRISTOPHE BECHU
Et le Var. Mais pour être clair, oui, dans les jours, dans les semaines qui viennent, d'autres départements feront l'objet d'arrêtés de la part des préfets. Le message que je lance, c'est : on n'a pas forcément besoin d'un arrêté préfectoral pour se demander comment on peut restreindre sa propre consommation. On n'est pas obligé d'aller laver sa voiture quand on a une sécheresse comme celle qu'on est en train de connaître, sans attendre qu'il y ait une décision qui tombe. Il faut prendre conscience…
CHARLES MAGNIEN
Donc là, ce qui nous écoutent ce matin, vous leur dites : attendez un peu pour laver la voiture. On n’arrose par les plantes abondamment aujourd'hui. Il y a un message de responsabilité sur tout le territoire.
CHRISTOPHE BECHU
Il est très clair. On a à la fois un Plan eau, qu'on s'apprête à présenter. Comment on réutilise les eaux usées dans ce pays, alors que jusqu'à maintenant même quand on les traite on ne s'en sert pas. Comment on utilise mieux les eaux grises, les eaux de pluie, comment on fait en sorte de limiter les fuites sur les réseaux, comment on est attentif à nos comportements. Vous, moi, chacun de nous trois sur ce plateau, c'est 149 litres d'eau par jour et par personne d'eau potable que nous utilisons.
MARGUERITE DUMONT
Mais justement, on a une question de Pierre sur notre application RMC, qui est en train de vous écouter et qui nous dit : « Très bien cet appel à la responsabilité, mais est-ce qu'il ne faut pas des contrôles, des sanctions ? Moi je suis pour la répression ». Est-ce que vous partagez cet avis, est-ce que ça n'est pas comme ça qu'on va vraiment faire des économies d'eau ?
CHRISTOPHE BECHU
Il y aura évidemment dans le plan, le fait d'aller bouger des paramètres. Dans ces paramètres, on autorisait aujourd'hui des forages, par exemple, jusqu'à 10 000 m3, sans qu’il y ait nécessairement d'autorisations qui soient déposées en préfecture. On a des forages, là aussi, qui se font sans compteur, sans qu'on sache ensuite combien on en prend. On va bouger ça, et évidemment il y aura des contrôles en face de ces nouvelles restrictions que l’on va mettre en place.
MARGUERITE DUMONT
Et sur le quotidien ?
CHRISTOPHE BECHU
Il faut qu'on assouplisse des types d'usages, notamment pour le quotidien, en faisant en sorte que les eaux grises, par exemple, dans certaines maisons, elles puissent servir à alimenter les toilettes au lieu que ce soit de l'eau potable, comme ça se passe dans des pays qui ont l'habitude de cette absence de culture d'eau.
CHARLES MAGNIEN
Parce qu’on entend bien, c’est la fin de l'abondance en fait, c'est un changement de mentalité…
CHRISTOPHE BECHU
C’est clairement ça.
CHARLES MAGNIEN
L’eau illimitée, c'est fini.
CHRISTOPHE BECHU
C'est clairement ça, c’est prendre conscience de la nécessité de préserver cette ressource. On parle beaucoup de dérèglement climatique, tous les experts vous expliquent que globalement on aura entre 10 et 40% d'eau moins disponible au milieu du siècle. Et ça, ce n’est pas une décision du gouvernement, c'est pas un truc qui se débat à l'Assemblée, c'est juste une réalité naturelle, en face de laquelle on doit, un, faire appel à la responsabilité, et s’il le faut aller plus loin. Pour le moment, on est dans la responsabilité et dans la vigilance.
CHARLES MAGNIEN
Et justement, Christophe BECHU, il me semble que vous êtes sur le point, là en sortant de ce studio, de vous rendre au Salon de l'agriculture, juste à côté de nos studios, est-ce que les agriculteurs justement – ils sont les premiers à souffrir de cette sécheresse – est-ce qu'ils seront aussi les premiers à devoir faire face à des restrictions d'eau, là dans les jours et les semaines qui viennent ?
CHRISTOPHE BECHU
Je vais effectivement aller au Salon, discuter avec une partie des responsables agricoles. Sans eau il n’y a pas d'agriculture, sans agriculture on ne se nourrit pas. Donc le sujet c'est comment on fait avec davantage de sobriété ? Parce que si on empêche les agriculteurs de travailler, pour importer des produits qui viennent du bout du monde, ce sera pire pour la planète, et ça ne sera pas mieux pour l'état hydrique, donc il faut qu'on arrive à trouver des compromis. Dans ces compromis il y a des solutions, l'irrigation au goutte-à-goutte, les horaires auxquels on est capable d'arroser, le type de culture qu'on choisit en fonction du climat et des sols avec lesquels on se retrouve, mais il y a évidemment à discuter ensemble pour trouver des solutions, on a besoin les uns des autres.
CHARLES MAGNIEN
Et vous allez le faire tout de suite en sortant de ce studio. Merci beaucoup Christophe BECHU…
CHRISTOPHE BECHU
Merci pour votre invitation.
CHARLES MAGNIEN
Ministre de la Transition écologique, d'être passé par RMC ce matin. On retient que des décisions, des restrictions vont être annoncées dans les jours qui viennent, mais département par département. Et puis cet appel à la responsabilité des Français, dès maintenant, chacun, sans attendre les restrictions. On peut faire des efforts dans son quotidien. Et puis je vous rappelle que RMC est aussi en direct du Salon de l'agriculture sur le stand de la région Hauts-de-France, toute la semaine.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 1er mars 2023