Texte intégral
PATRICK ROGER
En direct du Salon de l’Agriculture, je reçois Marc FESNEAU, qui est ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Bonjour.
MARC FESNEAU
Bonjour.
PATRICK ROGER
Merci d'être avec nous de matin. Alors, plusieurs questions. Où va l’agriculture ? Un exploitant sur deux a plus de 50 ans, la France aide-t-elle suffisamment ses agriculteurs ? Aura-t-on demain une souveraineté alimentaire ? Est-ce qu’on va la préserve ? Quels produits, quels prix ? Des agriculteurs ou des jardiniers, avec les questions de l’environnement, et puis évidemment la sécheresse, c'est ce que nous allons aborder avec vous, en évoquant quelques autres sujets, à commencer tout de même, on va en dire un mot, sur la réforme des retraites. Une réaction à ce qu’a dit hier votre collègue du gouvernement, Gabriel ATTAL, au Sénat il a dit : " Ici, au moins, nous ne sommes pas j’espère dans une ZAD ". Vous qui avez été ministre des Relations avec le Parlement, vous auriez pris le même discours, c'est-à-dire qu'il y avait une ZAD à l'Assemblée nationale et qu'on espère autre chose au Sénat ?
MARC FESNEAU
Oh, chacun emploie les mots qu'il veut. Moi je constate quand même que ça ressemblait singulièrement à ça à l'Assemblée nationale. Parce qu’au fond c'est quoi ? C'est ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, c'est sous couvert de démocratie, le refus de la démocratie, c'est-à-dire du débat. Le Parlement, ça veut dire le lieu où on parlemente, où on parle. Or, manifestement il y a un certain nombre de gens qui n'étaient pas là pour parler mais qui étaient plutôt là pour invectiver, et je trouve qu'ils font mal à la démocratie, parce qu'on a besoin d'une Assemblée nationale, on a besoin de controverse à l'Assemblée nationale, on a besoin de débat, on a besoin de ne pas être d'accord et de trouver des voies de compromis, or au fond quand on ne se donne pas les moyens et la capacité à voter et à débattre, on met en scène une forme d'impuissance, auquel il faudra sans doute…
PATRICK ROGER
Donc vous souhaitez une parole apaisée.
MARC FESNEAU
Eh bien on peut avoir, quand vous regardez les grands débats, et parfois les grands débats à l'Assemblée nationale, je remonte à des dizaines d'années, mais il n’y a peut-être pas besoin de remonter, il y avait une forme de virulence, une forme de controverse très forte, mais il y avait quand même la volonté qu'on puisse aller au bout d'un vote, d'un débat de de l'échange d'idées, or ce à quoi on a assisté, a connaissons-le, relevait plus de l'échange d'invectives que de l'échange d'idées.
PATRICK ROGER
Oui, Marc FESNEAU, Olivier VERAN n'a pas forcément calmé les choses, le porte-parole du gouvernement, quand il dit : « Attention avec le 7 mars, s’il y a un blocage, ça va nous mener à une catastrophe écologique ».
MARC FESNEAU
Oui, mais je n’ai pas vu l'entièreté, pardon, je suis au salon, je ne suis pas… je suis dans une bulle ; Je ne sais pas elle est préservée d'ailleurs, mais une bulle avec d'autres sujets. Les Français exprimeront ce qu'ils ont à exprimer le 7 mars. On a besoin de cette réforme, c'est ça le fond du sujet. On n'a pas besoin non plus, je vois ce qui me gêne un peu parfois chez certains, c'est l'expression de " on va mettre en rade le pays, on va mettre à genoux l'économie, c’est…
PATRICK ROGER
Et est-ce qu’il u a, Marc FESNEAU, un risque…
MARC FESNEAU
Attendez, attendez, ce n’est pas l'économie que l’on met à genoux, c'est les Français qu’on met à genoux quand on fait ça. Parce que si l'économie va mal, ce n’est pas une chose informe et sans visage, l'économie, l'économie c'est des salariés, des chefs d'entreprise, de la richesse, des retraites qu'on paie, des impôts qui permettent de financer. Donc je ne suis pas sûr que mettre à genoux l'économie, soit un objectif dans une vie, et même dans une vie tout court d'un pays, je pense que la vie d'un pays c’est d’essayer de trouver des équilibres.
PATRICK ROGER
Oui. Si la France était à l'arrêt, est-ce que sur un plan agricole, ce serait, il y a un risque aussi de catastrophe, comme le dit Olivier VERAN…
MARC FESNEAU
On ne va pas, enfin, je veux dire, on ne va pas vivre… Au mois de septembre c'était : on ne va pas avoir d'énergie. Au mois de février c’est…
PATRICK ROGER
Eh bien ça c'était le gouvernement qui le disait, pardon, mais…
MARC FESNEAU
Non non non non, le gouvernement ne disait pas ça. Le gouvernement disait : si on fait des économies, et c'est ce qu'ont fait les Français, on passera l'hiver sans difficulté. On n’a pas dit, on n'a pas été… Là j'entends certains qui disent " on ne sait pas si on va passer l'été en termes d'eau ", là maintenant vous avez dit que si jamais c’est mis en rade, on ne va pas se nourrir. On a…
PATRICK ROGER
Mais c'est relayé par le gouvernement aussi.
MARC FESNEAU
Non non non, on a assez… Vous ne m’embarquerez pas là-dessus. On a assez de catastrophistes et de catastrophisme, de collapsologues, pour que je ne vienne pas en rajouter. Il y a des difficultés dans ce pays…
PATRICK ROGER
Bon, c’est Olivier VERAN, là qu’il a dit avant-hier.
MARC FESNEAU
Non, il n’a pas dit qu’on allait manquer d’alimentation, bon.
PATRICK ROGER
Non, il a dit : on peut aller vers une catastrophe…
MARC FESNEAU
Mais je pense qu’il faut qu’on… Dans une démocratie les gens peuvent exprimer leur colère, peuvent exprimer leur désaccord, c'est tout à fait normal, mais n’essayons pas de rajouter du chaos au chaos, qui est au chaos ambiant du monde, je trouve qu'on en a déjà assez comme ça.
PATRICK ROGER
Oui, mais parce qu'il pourrait quand même y avoir, s’il y avait un ralentissement avec une grève…
MARC FESNEAU
Enfin, jusqu'à nouvel ordre, non mais jusqu'à nouvel ordre…
PATRICK ROGER
Même sur le plan agricole.
MARC FESNEAU
Jusqu'à nouvel ordre, depuis les années 40 on a quand même toujours nourri les Français, on a eu la Covid et tout était en rade, et on a nourri les Français, les agriculteurs ils ont été à la hauteur…
PATRICK ROGER
Bon, eh bien allons-y.
MARC FESNEAU
On est sur le stand de la coopération, il y a des gens qui travaillent pour nourrir les Français, y compris ce qui sont …
PATRICK ROGER
Alors, allons-y justement. Oui, puisque nous sommes au Salon de l'agriculture ici. On sent tout de même de l'inquiétude. Alors hier vous avez répondu par un Plan fruits et légumes de 200 millions d'euros, quels sont les plans et les échéances aujourd'hui pour soutenir l'ensemble de la filière agricole ?
PATRICK ROGER
Au fond, c'est la première illustration de la volonté qu'on a de reprendre, appartement par appartement, si vous me permettez cette expression, une forme de souveraineté. Alors, ne soyons pas non plus blanc ou noir dans cette affaire, on est largement souvent en céréales, on est largement souverain on lait, on est largement souverain en fruits, en vin, enfin bref, on a plein, en porcs, enfin bref, mais on a un certain nombre de filières qui effectivement ont souffert pour des raisons diverses, on pourra y revenir si vous le voulez, d’une baisse de compétitivité qui fait que ça a produit une baisse de souveraineté. Sur les fruits et légumes on a essayé de travailler sur plusieurs sujets. Un, une forme de modernisation et de rénovation, les serres, les vergers, parce que ça permet de limiter l'usage des produits phytosanitaires, cela permet de mieux mécaniser, ça a permet de gagner en compétitivité. Deuxièmement, de travailler sur la recherche et sur l'innovation. On a des impasses techniques liées au retrait d'un certain nombre de molécules, je pense à la cerise par exemple, qui sont les filières qui ont beaucoup souffert du retrait de molécules chez nous et pas chez les autres d'ailleurs souvent, c'est une interrogation d'ailleurs pour l'avenir. Et on a besoin de trouver des alternatives sur ces sujets. Et puis tout simplement, pour une troisième illustration, on a besoin de recommuniquer sur l'utilisation des fruits et légumes.
PATRICK ROGER
D'accord. Donc ça, les 200 millions c'est à travers ça.
MARC FESNEAU
Mais c'est une affaire d'argent, dans un plan c’est, si on pouvait se dire aussi, pardon d'être un peu besogneux ou empirique, dans un plan il y a les moyens, ça vient couronner une stratégie. La stratégie c'est une reconquête dans la décennie de 10 points de souveraineté, en termes de fruits et légumes, et ça il faut qu'on donne des messages de moyen et long terme aux agriculteurs.
PATRICK ROGER
Oui, parce que 70 % des fruits que nous mangeons sont d'origine étrangère en France.
PATRICK ROGER
60. Mais oui oui.
PATRICK ROGER
Oui, bon, on ne va pas chipoter sur les chiffres, mais…
MARC FESNEAU
Non non, mais c'est déjà pas mal.
PATRICK ROGER
C'est déjà…
MARC FESNEAU
Ça suffit à nous occuper.
PATRICK ROGER
C’est déjà trop, comme un poulet sur deux, par exemple aussi, qui vient donc de l'étranger. Comment peut-on faire pour garder notre souveraineté…
MARC FESNEAU
Je m’arrête deux secondes…
PATRICK ROGER
… alimentaire, qui plus est en cette période d'inflation, où il y a une hausse des coûts de production bien sûr pour l'ensemble de la filière agricole en France.
MARC FESNEAU
Vous me permettez de m'arrêter juste…
PATRICK ROGER
Oui oui, bien sûr.
MARC FESNEAU
… sur la filière poulet, parce que c'est très emblématique aussi de ce qu'il faut faire et de ce qu'il faut améliorer. On a une filière avicole qui est bien organisée, qui souffre beaucoup, mais on a couvert le besoin, les difficultés, je crois en partie de la grippe aviaire. Simplement on a une gamme qui fonctionne bien, les labels, les animaux qui sont en plein air, et puis les produits de l'entrée de gamme comme on dit, là on a un problème de compétitivité, c'est-à-dire qu’en gros les 50% qui nous manquent, c'est plutôt sur l'entrée de gamme, ce qu'on mange y compris dans du snacking comme on dit, et sous d'autres formes. On a besoin d'avoir des produits de haut de gamme, des produits de milieu de gamme, et des produits d'entrée de gamme. On ne peut pas avoir simplement une filière…
PATRICK ROGER
Non mais les produits d'entrée de gamme c'est quoi alors ? Parce que ça veut dire que c'est moins bien élevé, que c’est…
MARC FESNEAU
Non, ce n’est pas moins bien élevé, mais c’est…
PATRICK ROGER
Oui mais…
MARC FESNEAU
Non mais c'est ce qu'on mange !
PATRICK ROGER
Oui, c'est ce qu'on mange et qui vient de l'étranger.
MARC FESNEAU
Donc il faut avoir tout dans un produit. Evidemment les coûts ne sont pas les mêmes, mais dans tous les cas, et d’ailleurs…
PATRICK ROGER
Et ce sera des produits de moins bonne qualité ?
MARC FESNEAU
Mais ce n’est pas les produits de moins bonne qualité, mais ce n’est pas la même nature de produits, ce n’est pas les mêmes exigences que ça porte, mais c'est ce qu'on mange aussi. Et donc de même que l’on ne mange pas tous les jours une côte de boeuf, mais on mange plus régulièrement du steak haché. Et ce n’est pas le même produit, et ce n’est pas le même coût, et ce n’est pas le même équilibre de matière. Donc, il faut qu'on ait quelque chose qui soit de l'ordre de l'équilibre économique, sinon on sera toujours défaillant sur une partie.
PATRICK ROGER
Et comment vous pouvez soutenir alors cette filière d'entrée de gamme ? Parce qu’on l'a bien compris, l'enjeu est là.
MARC FESNEAU
C’est un sujet de compétitivité. C'est un sujet de ne pas sur-normer par rapport à d'autres pays.
PATRICK ROGER
Alors voilà. Foutez-nous la paix, a dit une agricultrice tout à l’heure. Elle dit : on n’en peut plus en fait de l’ensemble.
MARC FESNEAU
Oui, alors après il faut… C'est commode à dire, moi, derrière le micro, de dire foutons-leur la paix, ou laissez les Français tranquilles, arrêtez d'emmerder les Français, avait dit président POMPIDOU je crois. Après il faut essayer de le faire en raison, parce que nous sommes collectivement avec des injonctions contradictoires, c'est-à-dire que nous sommes les premiers, dès qu'il y un problème, à demander une loi, collectivement. On a un sujet, il faut une loi, comme si la loi allait régler les problèmes. On est un pays qui légifère trop. On est un pays qui pense que comme on n'est pas capable de compromis, et comme on n'est pas l'intelligence collective, on a forcément besoin d'interdire ou d'autoriser, vous voyez ce que je veux dire ? On a besoin collectivement se poser cette question-là. Et deux, de veiller à chaque fois, parce qu'on est dans un marché unique, dans un marché européen. L'essentiel de nos concurrents ne sont pas à l'autre bout du monde, l'essentiel de nos concurrents ils sont à nos frontières, c’est nos partenaires aussi, et donc on a besoin de regarder à chaque fois qu'on produit de la norme, de faire en sorte que la norme soit équivalente chez le voisin, parce que de toute façon…
PATRICK ROGER
Mais ça, est-ce que vous pouvez l’imposer chez les voisins, pour qu'ils respectent les normes ? Parce que c'est l’un des problèmes…
MARC FESNEAU
Non non, mais là vous le prenez à l’envers. Non, vous le prenez à l’envers…
PATRICK ROGER
Ben…
MARC FESNEAU
Ah non, vous le prenez à l’envers.
PATRICK ROGER
Eh bien d’accord. Alors, prenons-le à l’endroit avec vous, Monsieur le Ministre.
MARC FESNEAU
Essayons de ne pas d'être arrogant et d'imposer la norme que les voisins ne veulent pas.
PATRICK ROGER
Oui, mais alors, comment fait-on ?
MARC FESNEAU
Eh bien on s’évite de faire nous-mêmes les normes.
PATRICK ROGER
Eh bien oui, mais alors, pour…
MARC FESNEAU
Eh bien oui.
PATRICK ROGER
Alors, mais qui…
MARC FESNEAU
C'est comme ça qu’il faut faire.
PATRICK ROGER
Mais qui est en cause ? Non mais, Marc FESNEAU, qui est en cause ? C’est l’ensemble de notre administration ?
MARC FESNEAU
Attendez, je vais vous répondre, mais…
PATRICK ROGER
Oui, allez-y.
MARC FESNEAU
Je sais qu’on a besoin de coupables et qu’en France, on aime bien mettre des têtes au bout d’une pique.
PATRICK ROGER
Non !
MARC FESNEAU
Mais on va la jouer un peu différemment, je vais essayer en tout cas parce que ce n’est pas mon genre et vous me connaissez. Quand vous décidez d'une norme en France et qu'après vous allez voir les autres en disant, sans avoir discuté avec eux : maintenant c'est la norme qui va s’imposer, il n’est pas illégitime que les 26 autres lui disent : tu es gentil, tu es passé devant mais à quel moment on en a parlé ? Il y a une forme d'arrogance à faire ça et il y a une forme d'inconscience aussi à faire ça parce que nous sommes dans un marché unique. C'est qui a fait la richesse de l'Europe et la richesse de la France, y compris la richesse agricole. Donc on a besoin en France, mais c'est parfois de la réglementation, c'est parfois de la loi, c'est parfois des choses qu'on ne voit pas… Oui, des pratiques donc il n'y a pas à mettre qui que ce soit à la vindicte. C'est un effort collectif que nous devons faire, pas que sur l'agriculture objectivement. Je reste élu municipal et élu communautaire, le nombre de sujets sur lesquels on a le sentiment qu'on en fait toujours beaucoup plus que les autres, ça ne nous rend pas plus heureux d'ailleurs et ça ne nous rend pas dans une société beaucoup plus sûre. Je vais vous donner un exemple : réutilisation des eaux usées.
PATRICK ROGER
Oui, oui.
MARC FESNEAU
Nous sommes le pays qui réutilise le moins les eaux usées. Pourquoi ? Parce qu'en France, il y a une espèce d'ambiance collective de : oh là là, c'est des eaux de stations d'épuration, c'est des eaux - on appelle ça les eaux grises que je n'aime pas trop – c’est des eaux qu'on jette au milieu qui sont analysées. En France il y a une culture qui s'est développée dans les services de la santé, dans les services du ministère, collectivement comme citoyen, on ne réutilise surtout pas ces eaux. On est en train de produire un décret en Conseil d'Etat avec mes collègues de la Santé de l'environnement pour sortir de ça. On utilise 1,8% des eaux usées, les Italiens 15, les Allemands 10, les Espagnols 18. Quand même ils n’ont pas l'air en mauvaise santé, mais ça c'est nous qui avons sur-normé, et du coup c’est des entreprises…
PATRICK ROGER
Donc ça, vous l’encouragez. Il y a des expériences qui sont menées.
MARC FESNEAU
Bien sûr, et en plus on a la technologie. On a les meilleures quand même entreprises en termes de réutilisation de l'eau. C’est des gens qui exportent leur savoir-faire à l'extérieur de nos frontières et on n'est pas fichu de le faire chez nous.
PATRICK ROGER
Oui. À propose de l’eau, c'est une grande préoccupation avec la sécheresse en fait actuellement.
MARC FESNEAU
Oui.
PATRICK ROGER
Que faut que faut-il faire là ? Est-ce qu’il faut que les agriculteurs…
MARC FESNEAU
Il faut qu’il pleuve.
PATRICK ROGER
Alors il faut qu’il pleuve, mais ça évidemment ça ne nous appartient pas, et puis il y a un problème de réchauffement climatique probablement derrière tout ça. Mais est-ce qu'il faut revoir aussi les cultures comme le maïs par exemple ?
MARC FESNEAU
Alors deux choses, deux choses. Il y a le court terme, c'est pour ça que je disais il faut qu'il pleuve parce que dans l'épisode qu'on traverse qui est un peu atypique, on n'a pas eu de pluie, peu en janvier, pas du tout en février. On verra la semaine prochaine qui s'annonce plus pluvieuse fort heureusement, donc il faut naviguer entre le court terme et le moyen terme. Ce qu'on essaie de regarder, c'est comment on prépare une éventuelle sécheresse, mais enfin il tombe 600 millimètres en moyenne dans mon territoire. À la fin il va tomber 600 millimètres. Je me souviens de 2016 où il n’était pas tombé une goutte d'eau en février et en mars, on irriguait en mars et en avril on avait 80 centimètres d'eau dans mon village en Beauce, donc soyons prudents n'étant ni Madame Irma ni météorologue. Ça c'est en cours mais il faut quand même se préparer au cas où. Puis sur le temps long, on a besoin d'essayer d'utiliser l'eau sous toutes les formes, ce que je disais sur la réutilisation…
PATRICK ROGER
Oui, des eaux usées.
MARC FESNEAU
On a besoin d'avoir des systèmes qui soient économes en eau. On sait que par exemple, vous utilisez du goutte-à-goutte en arboriculture par exemple, vous économisez 40 ou 60 % d'eau, donc ça c'est important. Toute goutte d’eau doit être utile. Je rappelle d'ailleurs que l'eau qui est mobilisée par les agriculteurs ce n'est pas pour eux, c'est pour nous. Ce n'est pas de l'eau pour les agriculteurs, c'est de l'eau pour nous, donc il faut diviser par 65 millions d'habitants sinon on fait une erreur factuelle. Les gens disent : les agriculteurs accaparent l'eau, ce n'est pas pour remplir des piscines, c'est pour nous nourrir. Troisième élément, on a besoin avec eux d'avoir des systèmes plus économes, on a besoin d'avoir… Dans certains territoires, il y aura des évolutions d’assolement. Est-ce qu'ici il y a moins de maïs ? Est-ce qu’ici il y a plus de maïs ? Est-ce qu’ici il y a plus… On a un système par exemple d'élevage qui est très basé sur les prairies. Le système basé sur les prairies, il va être un peu chahuté par le dérèglement climatique. D’ailleurs il y aura besoin peut-être dans ces élevages paradoxalement d'un peu de maïs et donc d’un peu d’accès à l’eau.
PATRICK ROGER
Donc il y a une transformation progressive de l’agriculture.
MARC FESNEAU
Voilà. Essayons de ne pas caricaturer le modèle et de le faire évoluer parce que le réchauffement climatique, ça va s'imposer à nous.
PATRICK ROGER
Oui. Marc FESNEAU, il nous reste trois minutes. Je voudrais qu'on en vienne aussi à cette question effectivement d'inflation. Alors on a parlé beaucoup d'un panier anti-inflation, les agriculteurs n'étaient pas forcément favorables, on a entendu Christiane LAMBERT par exemple. Quelles mesures, quel plan d'aide pourrait-il y avoir pour justement l'ensemble des denrées alimentaires ?
MARC FESNEAU
Alors là c'est plutôt inflation. Alors on a besoin quand même, c'est tout l'objet d’EGalim 1 et EGalim 2, on a besoin quand même de faire en sorte qu'on rémunère les producteurs. Ce n’est pas la peine de parler de souveraineté si on ne rémunère pas les producteurs. Autant arrêter tout de suite le débat sur la souveraineté si on n'est pas capable de dire aux producteurs qu'on va les payer au juste prix parce que ça a un juste coût.
PATRICK ROGER
Oui.
MARC FE
SNEAU
Deuxième élément, on est dans une phase inflationniste qui est liée à la guerre en Ukraine. Je ne vais pas vous redire ce qui a été dit souvent sur vos. Antennes. On a besoin de regarder ce panier anti-inflation ou autre dispositif. Bruno LE MAIRE a redit hier ou avant-hier, si j'ai bonne mémoire, qu’il continuait à y travailler. C'est d'avoir sur un certain nombre de produits la garantie qu’ils sont stables et qu’ils sont… Mais ça a une condition, c'est ce qu'a rappelé Bruno LE MAIRE : c'est que la stabilité des prix ne se fait pas aux prix des producteurs et aux prix des transformateurs, et donc il reste un dernier élément et un dernier maillon de la chaîne : c'est les distributeurs.
PATRICK ROGER
Les distributeurs. Il faut qu’ils fassent des efforts.
MARC FESNEAU
Je suis suffisamment, comment dirais-je, instruit de ce qui se passe généralement pour que parfois certains distributeurs disent : je fais des efforts et qu'à la fin ça se termine chez le producteur, donc c'est ça qu'on est en train de calibrer : est-ce que c'est un panier, est-ce que c'est une autre formule ? Et sous quinzaine, on aura un dispositif qui sera calé. Je ne peux pas vous en dire plus parce qu’on est en train d'essayer de calibrer.
PATRICK ROGER
Dans une quinzaine de jours il y aura donc…
MARC FESNEAU
On aura des éléments qui visent à passer ce pic inflationniste lié à l'alimentation.
PATRICK ROGER
On dit que le pic sera plutôt pour le mois d'avril. Parce qu’on a dit mars au début et là il pourrait être vers le mois d'avril. Vrai ou pas ?
MARC FESNEAU
On avait dit mars, on dit mois d’avril, enfin voilà. Là non plus, on n'est pas Madame Irma, on essaie de se mettre en disposition pour éviter les pics. Je rappelle qu'en février, on avait dit : c'est affreux, on va avoir 20 % d'inflation et que la France a fait 6 % d'inflation, parce qu'on y travaille et parce qu'on s’en occupe sérieusement.
PATRICK ROGER
Avec cette inflation, est-ce que la filière bio est menacée ?
MARC FESNEAU
Avec cette inflation, la filière bio à terme si ça durait dans la structure de la demande, la filière bio pourrait être en grand risque. C'est le sens des premières annonces qu’a pu faire la Première ministre Elisabeth BORNE et de la volonté qu'on a nous de faire en sorte de faire passer le cap. On a un choc de demande là, on a une filière bio qui ne trouve plus sa clientèle, donc on a besoin de travailler pour éviter que des agriculteurs se déconvertissent. On a besoin de travailler pour passer le cap par la communication pour que des gens reviennent vers le bio, et on a besoin sur le long terme de structurer. C’est un segment de marché. Parce que le bio, on le voit bien, a été un peu chahuté par la proximité, le localisme qui est aussi une autre version de la volonté des gens de se réapproprier leur alimentation. Donc il faut qu'on travaille immédiatement pour éviter un choc qui fasse fermer des boutiques ou déconvertir des producteurs.
PATRICK ROGER
Là, il y a un risque dans les semaines qui viennent ?
MARC FESNEAU
Oui, il y a un risque dans les semaines qui viennent donc on est en train de travailler et de regarder comment on peut faire passer ce cap, et puis il y a une responsabilité de la grande distribution aussi. Les rayons bio, alors ils vont nous dire : oui mais ça ne correspond plus à la demande. Au moment où ça allait bien, c'était la croissance à deux chiffres, ils en remplissaient les rayons. Il faut toujours se méfier des croissances à deux chiffres oui. Et donc maintenant, ils ont une responsabilité : c'est qu'il y a une filière bio et que s’il y a une filière bio, pour la soutenir, il faut que ce soit proposé aux clients.
PATRICK ROGER
Et puis peut-être une dernière question qui est plus générale et de philosophie par rapport à l'agriculture, Marc FESNEAU. Il y avait une agricultrice ce matin qui nous disait : ras-le-bol, on est stigmatisé les agriculteurs, on nous tape dessus, maltraitance animale, maltraitance aussi de l'environnement. Est-ce qu'il ne faudrait pas faire davantage de pédagogie, de campagnes de communication ? C'est ce qu'elle réclamait tout à l'heure.
MARC FESNEAU
C'est ce qu'on essaie de faire à votre antenne là. Il faut faire de la pédagogie.
PATRICK ROGER
Oui oui bien sûr. Mais est-ce qu'il peut y avoir des actions en fait beaucoup plus globales ?
MARC FESNEAU
Oui, on ne pas faire… Il faut faire de la pédagogie mais la pédagogie ce n'est pas une action choc. C'est tous les jours d'expliquer ce que c’est que le cycle de l'eau, ce que c'est que l'alimentation, ce que c'est que d'être éleveur, l'utilité de l'élevage et ne pas se soumettre aux vidéos des uns et des autres qui sont des vidéos qui sont souvent assez virales mais qui sont absolument destructrices.
PATRICK ROGER
Il y a de la désinformation à ce niveau-là ?
MARC FESNEAU
Oui. Enfin quand vous prenez, vous encapsulez une vidéo et que vous résumez l'élevage à une situation dans un cas particulier sans que personne n'en sache le contexte, évidemment. C'est une des professions, elles sont peu nombreuses, mais c'est une profession qui travaille à ciel ouvert, aux yeux de tous, qui a le sentiment à juste titre d’être très stigmatisée, très grande injustice, par des gens qui ne connaissent rien souvent – en tout cas ceux qui parlent.
PATRICK ROGER
Vous parlez d'une partie des écolos, c'est ça ?
MARC FESNEAU
Je ne veux même pas qualifier politiquement où ils sont. C’est des gens qui ne comprennent pas ce que c'est qu’un cycle, ils ne comprennent pas et ils sont dans la logique du " y’a qu’à, faut qu’on ", les mêmes qui ont nous ont expliqué qu'il fallait sortir du nucléaire et qui maintenant sont les bras ballants en disant : c’est incroyable, on ne sait pas faire. Et les mêmes qui vous disent qu'on ne fait pas du nucléaire, que l'éolien ça ne va pas parce que ceci, que le solaire ça ne va pas parce que cela, que la méthanisation ça ne va pas. Moi je vais vous dire, il ne faut pas qu'on s'occupe trop de ces gens-là parce que ces gens-là ils nous amènent à la catastrophe. On a failli l’avoir sur le nucléaire, il n'est pas question pour moi que sur la souveraineté alimentaire, parce qu'on écouterait des gens qui au bout – je ne dis pas que c'est leur projet - mais qui au bout amènent l'agriculture à sa perte et les agriculteurs à leur perte. Je ne laisserai pas faire et c'est bien la volonté du gouvernement de ne pas laisser faire.
PATRICK ROGER
Merci Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui était notre invité ce matin en direct ici du Salon de l'agriculture au Centre des coopératives agricoles.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 7 mars 2023