Texte intégral
GUILLAUME DARET
Bonjour Isabelle ROME.
ISABELLE ROME
Bonjour.
GUILLAUME DARET
Vous allez annoncer ce matin l’expérimentation de ce qu’on appelle le pack nouveau départ, qui vise à aider les femmes qui veulent partir après des violences conjugales. Très concrètement, où est-ce que vous allez le tester ? Quel est le calendrier et qu'est-ce que ça contient ?
ISABELLE ROME
Alors je vais tout à l'heure lancer donc la première expérimentation de ce dispositif dans le Val-d'Oise, tout près de Paris. C'est un dispositif qui est destiné à aider les femmes qui se sentent en situation de danger auprès de leur conjoint violent à s'extraire des griffes de celui-ci. C’est vraiment pour leur simplifier la vie et pour faire en sorte que ce parcours qu’elles peuvent imaginer extrêmement compliqué, et qui est souvent très compliqué, soit plus facile.
GUILLAUME DARET
Qu’est-ce qu’il contient alors ?
ISABELLE ROME
Il suffira qu'elles aillent voir soit une association, soit un médecin, soit qu'elles aillent à la police, soit même auprès d'un maire dans un village, et cette personne qui va les accueillir va pouvoir signaler cette situation et puis ensuite contacter un seul référent. Donc là dans le Val-d'Oise, ça va être la Caisse d'Allocations familiales. Donc il y aura un référent et ce référent va déclencher, auprès des autres partenaires, toutes les aides dont elle peut avoir besoin j’allais dire pour reprendre son envol.
GUILLAUME DARET
Des aides financières.
ISABELLE ROME
Ça peut être une allocation type RSA, ça peut être une aide pour son retour à l'emploi, pour son retour à la formation, une aide pour la garde d'enfant, un accompagnement psychologique et un hébergement d'urgence si besoin, et cela sans qu'elle ait besoin d'aller frapper à toutes les portes. Tout sera déclenché pour elle et sur mesure.
GUILLAUME DARET
Est-ce que ce sera testé dans plusieurs départements ou pour l'instant dans un seul et quel est le calendrier ?
ISABELLE ROME
Le calendrier, c’est d'abord qu’on est comme ça sur un département parce qu'en fait, j'ai souhaité que ce dispositif corresponde le mieux possible aux besoins de la victime, donc je me suis fait aider de la délégation interministérielle à la transformation publique pour bâtir ce dispositif. Donc là on va le peaufiner sur le terrain, sur 12 semaines, ensuite quatre autres territoires dont un rural et un Outre-mer. Et puis ensuite, on aura une généralisation progressive jusqu'à fin 2025.
GUILLAUME DARET
Alors Isabelle ROME, depuis le début de l'année il y a déjà 22 féminicides qui ont été recensés. Est-ce que vous êtes favorable par exemple à ce que - on sait que ça, c'est discuté - qu'il y ait une juridiction spécialisée pour ces violences conjugales et ces féminicides ?
ISABELLE ROME
Ce que je voudrais dire, c'est que moi je suis vraiment hantée par ces féminicides et moi qui en ai jugé aussi tellement lors de mes précédentes fonctions de magistrate. Je suis hantée aussi par Assia par exemple dont le corps a été retrouvé en morceaux au parc des Buttes-Chaumont, qui avait dit selon sa sœur qu'elle sentait qu'elle allait mourir.
GUILLAUME DARET
Et qu’est-ce qu’on fait pour changer ça ?
ISABELLE ROME
Justement j'espère que ce pack nouveau départ permettra à ces femmes de partir avant qu'il soit trop tard. Et s'agissant de la justice spécialisée, là il n'est pas question de tribunaux nouveaux, de tribunaux spécialisés, de créer de nouvelles choses. En revanche, les parlementaires qu’a saisis la Première ministre travaillent sur une spécialisation de la justice. Ils vont rendre leur rapport fin mars et oui, nous allons vers certainement des chambres spécialisées, vers des réponses encore plus rapides, vers une formation renforcée de tous les magistrats. Nous allons dans cette voie de spécialisation parce que c'est important. Parce que je ne cesserai de rappeler que ces violences sont spécifiques et qu'elles nécessitent un traitement spécifique.
GUILLAUME DARET
Alors la lutte justement contre les violences et les inégalités, ça se joue, on le sait, dès l'éducation. Il y a trois associations qui attaquent l’Etat en justice pour réclamer davantage de séances d'éducation à la sexualité à l'école. Les chiffres sont terribles : seulement 15 % des lycéens, 20 % des collégiens ont bénéficié des trois séances obligatoires en 2022. Pourquoi ça ne bouge pas ?
ISABELLE ROME
Oui. Alors moi, c'est un chantier que j’ai souhaité ouvrir dès mon arrivée parce que si on veut lutter pour baisser sensiblement les violences faites aux femmes, il faut commencer dès l'enfance.
GUILLAUME DARET
15 % des lycéens.
ISABELLE ROME
Et donc avec le ministre de l'Education nationale Pap NDIAYE, vraiment nous avons pris ce sujet à bras-le-corps. Il a eu le courage d'ailleurs de publier les chiffres que vous citez et de donner des instructions partout dans les inspections académiques pour que cette loi de 2001 qui impose ces 3 séances soit appliquée, mis en place des vade-mecum. Nous avons un petit groupe de travail aussi entre ministères pour que cette loi s'applique enfin et sur tous les territoires. Il publiera aussi d'ailleurs les résultats. Donc oui, il y a vraiment un suivi très strict de cette loi pour qu'elle s'applique. Et puis s'agissant aussi de mon ministère, je souhaite aussi que nous puissions diffuser cette culture de l'égalité un peu partout sur les territoires, par exemple avec les collectivités locales sur le périscolaire par exemple.
GUILLAUME DARET
Alors justement vous parlez des collectivités locales. La semaine prochaine, le gouvernement va dévoiler un plan égalité hommes-femmes, vous allez notamment annoncer la mise en place d'un index pour l'ensemble de la Fonction publique. Concrètement qu’est-ce qui va se passer ? De quoi il s'agit ?
ISABELLE ROME
Alors vous savez qu'il existe un index pour les entreprises privées - d'ailleurs les résultats ont été publiés le 1er mars - qui vise justement à mesurer les inégalités salariales au sein des entreprises, les inégalités dans les promotions par exemple. En fait, la même chose s’appliquera à la Fonction publique. Nous allons travailler là-dessus avec mon collègue Stanislas GUERINI.
GUILLAUME DARET
Pour l'instant un calcul, pas de sanctions prévues pour ces administrations. Dans un premier temps, vous voulez avoir les chiffres.
ISABELLE ROME
Voilà. Ce qu'il faut déjà, c'est de la transparence parce que c'est important et c'est aussi très stimulant pour que chacun, chacune s'inscrive dans cette démarche vertueuse.
GUILLAUME DARET
La semaine prochaine, Emmanuel MACRON va rendre hommage à Gisèle HALIMI, ancienne avocate, militante féministe. Est-ce que vous souhaitez comme certains qu'elle entre au Panthéon ?
ISABELLE ROME
Alors moi déjà, je me réjouis vraiment de cet hommage national parce que pour moi, qui était en plus magistrate, Gisèle HALIMI c'est vraiment une grande figure d’avocate qui s'est battue pour les droits des femmes et qui a permis l'avancée de la loi puisque dès 1971-1972, elle a obtenu des acquittements, ensuite elle a manifesté pour ce droit à l’avortement.
GUILLAUME DARET
Alors est-ce qu’il faut justement la faire entrer au Panthéon ? Est-ce que vous, vous êtes pour ?
ISABELLE ROME
Je pense que, comme le président l'a indiqué, c'est une démarche longue donc en fait…
GUILLAUME DARET
Mais vous personnellement ?
ISABELLE ROME
Je n'ai pas d'avis particulier. Je me réjouis vraiment de cet hommage qui lui sera rendu le 8 mars. Et puis je pense que c'est un hommage aussi pour toutes ces femmes qui se battent chaque jour pour les droits des femmes et qui, parce que j'ai envie de le dire aussi, qui chaque jour se battent pour obtenir des petites victoires pour la dignité et la liberté des femmes.
GUILLAUME DARET
Inscrire l'IVG dans la Constitution, oui, non ?
ISABELLE ROME
Pour moi, c’est un combat majeur et je soutiens à fond l'inscription de ce droit à l'IVG dans la Constitution. Il faut verrouiller ce droit parce que nous ne sommes à l'abri d'aucun risque de régression, nous le voyons un petit peu partout dans le monde. Et puis je pense que dans ce monde où les conservatismes sont en train de monter, où un peu partout les droits des femmes sont bafouées, où les femmes sont opprimées, où on les fait taire par exemple comme en Afghanistan - c'est un véritable crime contre l'humanité quand on tue la parole des femmes - si notre pays, la France, met le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans le plus haut texte de sa République, c'est un beau signal pour les femmes du monde entier.
GUILLAUME DARET
Créer en France un congé menstruel pour les femmes qui ont des règles douloureuses comme ça vient d'être fait en Espagne, vous y êtes favorable ?
ISABELLE ROME
Alors je pense que nous avons déjà beaucoup avancé dans la prise en charge de ce qu'on appelle la précarité menstruelle, c'est-à-dire pour les personnes qui n'ont pas forcément les moyens de se payer ces protections.
GUILLAUME DARET
Mais créer spécifiquement un congé comme c’est le cas en Espagne ?
ISABELLE ROME
Nous avons aussi des avancées pour les congés en cas de règles douloureuses. Je pense que ce sujet doit être examiné de près parce que la réponse n'est pas forcément évidente.
GUILLAUME DARET
Dans l'actualité, on a vu ces derniers jours Noël LE GRAËT, ancien patron de la Fédération française de foot désormais, quitter justement la fédération et visé par une enquête pour harcèlement moral et sexuel. Il dénonce une cabale médiatico-politique. Qu'est-ce que vous en pensé, vous ?
ISABELLE ROME
Ce que j’ai pensé, c'est d'abord que je soutiens ma collègue ministre des Sports qui est courageuse je trouve.
GUILLAUME DARET
Il a décidé de l'attaquer en diffamation.
ISABELLE ROME
Moi je trouve qu'elle est courageuse et qu’elle n'a pas parlé, j'allais dire, à partir de rien, qu'elle s'est fondée notamment sur un rapport de l'inspection qui révélait un certain nombre d'agissements qui rendaient le maintien de cette personne plutôt incompatible avec des fonctions de responsabilité. Moi je ne cesserai de le rappeler - aux côtés d'ailleurs de ma collègue mais aussi de manière plus générale - il faut qu'à la tête de toute structure, les chefs soient exemplaires. Comment est-ce qu'on peut prôner l'égalité entre les femmes et les hommes, comment est-ce qu'on peut lutter contre le sexisme si à la tête de certaines instances on a des personnes qui ne sont pas exemplaires ? Moi je prône l'exemplarité.
GUILLAUME DARET
Merci beaucoup Isabelle ROME.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 7 mars 2023