Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Bonjour Monsieur le Ministre de l’Economie.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Laurence FERRARI.
LAURENCE FERRARI
Bienvenue dans la matinale de Cnews. On va parler de la mobilisation contre la réforme des retraites, deux nouvelles journées d’action sont prévues les 11 et 15 mars prochains, par l’Intersyndicale, qui demande à être reçue par le président MACRON. Il refuse. Pourquoi, il méprise les corps intermédiaires ?
BRUNO LE MAIRE
Non, puisqu’il a proposé à tous les syndicats d’être reçus au printemps et à l’été dernier, 2022. Et je rappelle que certains, comme la CGT, ont refusé. A ce moment-là, c’était le temps des syndicats, c’était le temps de la discussion, pour préparer le projet de loi de réforme des retraites, donc la CGT a refusé l’invitation du président de la République. Maintenant, c’est le temps du Parlement, c’est-à-dire que c'est aux Parlementaires, qui représentent le peuple français, de prendre les décisions sur cette réforme des retraites. S’il y a des discussions à avoir, c'est au ministre du Travail, Olivier DUSSOPT, d’avoir ces discussions, avec les représentants syndicaux, mais nous sommes dans le temps du Parlement.
LAURENCE FERRARI
Mais il y a une crise, il y a 1 280 000 personnes dans la rue mardi, le président est sourd, n’entend pas ce que dit la rue ?
BRUNO LE MAIRE
Absolument pas.
LAURENCE FERRARI
Et les Français ?
BRUNO LE MAIRE
Le président, il écoute, comme nous écoutons tous ce que dit la rue, ce que disent les Français, mais je le redis, c’est maintenant le temps du Parlement, du Sénat et de l’Assemblée nationale. Nous écoutons aussi les Français qui soutiennent cette réforme, nous soutenons ceux qui veulent travailler, nous écoutons tous ceux qui veulent avoir la liberté de se rendre sur leur lieu de travail. La politique, c'est tenir compte des avis de l’ensemble des citoyens français, pas se mettre sous pression des uns ou des autres.
LAURENCE FERRARI
La France insoumise remet en cause la légitimité démocratique du président à imposer une réforme présente dans son programme, au motif que ceux qui ont voté pour lui au second tour, en fait, votaient contre Marine LE PEN. Qu’est-ce que vous leur répondez ?
BRUNO LE MAIRE
Oui mais la France insoumise ne respecte aucune des règles démocratiques. Donc lorsque Jean-Luc MELENCHON nous expliquait qu’il allait devenir Premier ministre sur la majorité, quand ensuite la France insoumise nous a expliqué que le président de la République n'avait pas la légitimité alors même qu'il avait été réélu par le peuple français, il y a un moment donné on n’écoute plus ce que dit la France insoumise, et je pense qu'on gagne du temps à ne pas trop écouter ce que dit la France insoumise, parce qu'ils ont perdu leur boussole démocratique. Le président de la République a été élu par le peuple français, il a toute légitimité pour faire adopter le texte de la réforme des retraites. Les sénateurs et les députés ont été élus par le peuple français, ils le représentent, ils ont toute légitimité pour faire adopter ce texte. Au bout du compte, une loi est adoptée par les représentants du peuple français, ça s'appelle la démocratie.
LAURENCE FERRARI
Vous êtes sûr qu’elle sera adoptée, au final, cette loi ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, j’ai la conviction que cette réforme des retraites sera adoptée, et j'ai la conviction, même si c'est dur à expliquer, je comprends qu'il puisse y avoir des inquiétudes des uns et des autres, qui disent « il va falloir travailler plus longtemps ». Je suis convaincu que la France, avec cette réforme des retraites, sortira plus forte, plus prospère, que nous aurons la garantie que ce régime des retraites, qui fait la solidarité entre les générations qui se mettent à travailler et les générations qui ne travaillent plus, sera enfin préservée pour les années qui viennent.
LAURENCE FERRARI
On va parler chiffrage évidemment avec vous de cette réforme. Un tout petit mot de ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, avec des comportements on va dire inadéquats, les deux bras d'honneur d'Eric DUPOND-MORETTI par exemple, pas sur la réforme des retraites, c'était sur une autre question. Vous aimez les bras d'honneur ?
BRUNO LE MAIRE
Non, et je n'aime aucun geste de violence, ni aucune parole de violence. Et je crois que notre République et notre démocratie gagneraient à un plus grand respect des uns envers les autres. Mais je pense qu’Eric DUPOND-MORETTI en a parfaitement conscience, d'ailleurs il s'en est excusé.
LAURENCE FERRARI
D'accord. Les Républicains, vous êtes certain que vos alliés voteront le texte ?
BRUNO LE MAIRE
C'est à eux de le décider, mais enfin je constate que le Sénat, la majorité républicaine, a voté massivement le passage à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite, cette nuit au Sénat, il me semble que Les Républicains de l'Assemblée nationale appartiennent au même parti que les sénateurs Les Républicains du Sénat. Donc il y aurait une totale incohérence à ce que les seconds ne votent pas ce qu'ont voté les premiers.
LAURENCE FERRARI
Alors, Aurélien PRADIE, député LR du Lot, souhaite que le gouvernement aille plus loin sur les carrières longues, notamment sur le fait que les personnes qui ont commencé à travailler très tôt, 14, 16 ans, 18 ans, soient obligées de cotiser 44 ans, alors que ceux qui ont 15, 17, qui ont commencé à 15 ,17 ou 19, cotisent 43. Là, vous allez accéder à sa demande ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais à un moment donné, je reprends le mot de cohérence, Laurence FERRARI, " il y a deux fils qui se touchent ". La proposition qui vient d'être mentionnée, elle coûte plusieurs milliards d'euros. Alors, on ne va pas s'écharper à la centaine de millions d'euros près, mais ça coûte plusieurs milliards d'euros. Or, il me semble…
LAURENCE FERRARI
Ce que demande Aurélien PRADIE ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, et Les Républicains nous expliquent, et ils ont raison, que l'équilibre des finances publiques c'est très important. Ils ont raison. J'y suis profondément attaché. Ils nous disent, matin, midi et soir, et ils ont raison, qu'il faut garantir l'équilibre financier du régime de retraite en 2030. Je les soutiens. Et dans le même temps, ils proposent des dépenses supplémentaires en centaines de millions d'euros ou en milliards d'euros. A un moment donné, je vous le dis, il y a deux fils qui se touchent, ce n’est pas compréhensible. Au passage, la réforme telle qu’elle est en cours d'examen au Sénat, a apporté des modifications qui sont bienvenues, par exemple la surcote de 1,25% pour les femmes qui ont élevé des enfants, je trouve que c'est une très bonne mesure. Mais toutes ces mesures mises bout-à-bout, font que le texte à la sortie du Sénat, tel qu'il existe aujourd'hui, coûte 450 millions d'euros supplémentaires. Il faudra trouver ces 450 millions d'euros…
LAURENCE FERRARI
Ailleurs.
BRUNO LE MAIRE
… pour garantir l'équilibre en 2030. L'équilibre est très important, nous avons promis à nos compatriotes de remettre les comptes des régimes de retraite à l'équilibre en 2030, je tiens à ce que nous respections cette promesse et à ce que, à la fin, la réforme des retraites garantisse l'équilibre financier en 2030.
LAURENCE FERRARI
Donc ça veut dire qu’aujourd’hui la promesse de l'équilibre elle n'est pas tenue.
BRUNO LE MAIRE
Non.
LAURENCE FERRARI
Au regard de ce qui est voté au Sénat.
BRUNO LE MAIRE
Mais, les sénateurs ont voulu améliorer le texte, c'est leur droit, et je pense que les améliorations qui ont été apportées sont de bonnes améliorations. Mais mon rôle de ministre des Finances, c'est de rappeler qu’au bout du compte, le texte final qui sera adopté, doit garantir l'équilibre de notre régime de retraite par répartition en 2030. Nous avons promis une copie à l'équilibre, nous remettrons une copie à l’équilibre.
LAURENCE FERRARI
Vous êtes assez discret sur les coûts cachés de la réforme. Le décalage de départ de 2 ans engendre évidemment de nouvelles dépenses. A l'heure actuelle, un Français sur deux qui arrive à la retraite, est au chômage. Combien ça va coûter aux différents systèmes de protection sociale ?
BRUNO LE MAIRE
Mais tout ça justement doit faire partie des évaluations. Nous l'avons fait sur la copie qui est sortie de l'Assemblée nationale, nous avons vu que ça coûtait 850 millions d'euros supplémentaires. La copie sortie de l'Assemblée nationale. La Première ministre a apporté des réponses très concrètes, par exemple sur l’alignement du forfait social des départs volontaires sur les licenciements, à 30 %, ça rapportait un peu plus de 200 millions d'euros. D'autres mesures ont été proposées. Là nous avons, à la sortie du Sénat, un texte où 450 millions d'euros supplémentaires sont à trouver, il faudra les trouver.
LAURENCE FERRARI
A quel moment ce texte sera voté, à votre avis ? Fin de la semaine prochaine, après la Commission mixte paritaire ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne maîtrise pas le…
LAURENCE FERRARI
Avec un 49.3, sans 49.3 ?
BRUNO LE MAIRE
Je le maîtrise pas le calendrier parlementaire, je pense que sans relâche, toutes les heures, tous les jours nous séparent du vote final, nous devons convaincre les parlementaires, ceux de notre majorité, ceux des Républicains, de parvenir à une majorité. Et croyez-moi ça va être un travail difficile, un vrai travail de conviction, député par député, pour parvenir à cette majorité, je pense qu'il ne faut ménager aucun effort pour parvenir à cette majorité parlementaire.
LAURENCE FERRARI
Une fois que ce texte serait voté, vous espérez que la mobilisation dans la rue s’essouffle, c'est là-dessus que vous misez ?
BRUNO LE MAIRE
Nous sommes en démocratie. Une fois que le peuple s'est prononcé, les représentants du peuple sont prononcés, je pense qu'il faut appliquer les textes qui ont été votés par le peuple français et ses représentants, et puis regarder ensuite ce que traduisent ces inquiétudes, sur le travail, sur la rémunération du travail, sur le pouvoir d'achat, et y apporter des réponses. Ce n'est pas une mesure définitive de la réforme des retraites, c'est une mesure qui est nécessaire et qui s’inscrit dans une politique…
LAURENCE FERRARI
Donc il y en aura une autre après, c’est ça ?
BRUNO LE MAIRE
Non, qui s'inscrit dans une politique économique plus globale, qui vise le plein-emploi en 2027, la prospérité de tous, de rémunération du travail, qui soient les meilleurs possibles, il faut continuer à avancer vers nos objectifs de politique économique.
LAURENCE FERRARI
Donc, les Français désapprouvent votre politique économique et sociale, le sondage Cnews, 82 % d'entre eux se disent en colère.
BRUNO LE MAIRE
Il y a de la marge de progression, je le reconnais.
LAURENCE FERRARI
Oui, voilà. Mais, cette fracture-là elle restera, même si cette loi est adoptée. Ce ressentiment des Français vis-à-vis de ce que vous faites depuis que vous êtes à Bercy et Emmanuel MACRON, comment est-ce que vous allez retisser le lien, avec une inflation qui va exploser encore ?
BRUNO LE MAIRE
D’abord, je n’ai pas la même interprétation du sondage que vous, ça vous pouvez le comprendre. Ce que j'ai envie de dire à nos compatriotes, c'est que nous approchons du plein emploi, que nous avons encore créé au dernier trimestre 44 000 emplois, que de 2000 à 2017 il n'y avait que des destructions d'emplois industriels, que nous depuis 2017 nous avons recréé plus de 80 000 emplois industriels. Nous ouvrons des usines là où en France on ne faisait que fermer des usines. Nous recréons des formations industrielles, nous avons protégé le pouvoir d'achat de nos compatriotes comme aucun autre pays européen l'a fait. Nous avons maîtrisé l'inflation…
LAURENCE FERRARI
A quel prix ?
BRUNO LE MAIRE
… comme aucun autre pays européen ne l'a fait. Nous avons aujourd'hui des perspectives de croissance, ça fait des mois Laurence FERRARI que matin midi et soir les économistes les plus chevronnés me disent : " Il y aura une récession en France en 2023 ! ". La réalité c’est que j'ai toujours défendu l'idée qu'il y aurait une croissance, positive, solide. Nous avons une croissance positive et solide et je vous confirme ce matin que nous aurons en 2023 une croissance positive et solide. Quant à l'inflation…
LAURENCE FERRARI
A quel niveau ? A quel niveau cette croissance ?
BRUNO LE MAIRE
Je confirme que nous…
LAURENCE FERRARI
La Banque de France va remonter ses prévisions de croissance, de 0,3.
BRUNO LE MAIRE
C'est bien la preuve que la Banque de France qui avait envisagé une récession, aujourd'hui rétablit des perspectives de croissance qui sont plus positives. Il faut avoir confiance dans le peuple français et dans les capacités de l'économie française, parce que les chiffres montrent qu'elle résiste, qu’elle est solide, et nous avons devant nous en plus une perspective qui est celle de la décarbonation notre économie, que nous allons soutenir avec un projet de loi soit industrie verte, qui va permettre non seulement de garantir la prospérité de nos compatriotes, mais en plus de faire de l'économie française la première économie décarbonée. Moi sans relâche, quels que soient les sondages, quelles que soient les inquiétudes qui s'expriment, je veux montrer à nos compatriotes qu'ils réussissent, que leur économie est solide et qu'ils ont tous les talents pour réussir le monde tel qu'il est.
LAURENCE FERRARI
En attendant l'énergie décarbonée dont vous rêvez, les Français paient leurs factures d'énergie à des prix insensés, quand est-ce que la France va se mettre sérieusement à la réforme du marché électrique européen ? Il y a une réforme qui est en cours, on sait très bien que ça ne sera pas la réforme que vous appeliez de vos voeux, il y a déjà 2 ou 3 ans. La France est impuissante à imposer cette réforme ?
BRUNO LE MAIRE
D’abord, nos compatriotes, Laurence FERRARI, en tout cas pour ce qui concerne les ménages, mais aussi les très petites entreprises, sont ceux qui paient les factures les moins chères en Europe, puisque nous les protégeons, et que…
LAURENCE FERRARI
Mais ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas chères.
BRUNO LE MAIRE
Non, mais ça veut simplement dire qu’elles auraient pu être beaucoup plus chères. Et pour donner un chiffre très précis, c'est de 180 à 200 € par mois que nous prenons à notre charge, nous l'Etat, en faisant payer les plus grandes entreprises. On dit : ah ben vous ne taxez pas les entreprises qui font des profits sur l’électricité ou sur le gaz. Nous les taxons, nous récupérons l'argent qui finance le bouclier tarifaire, qui fait que vos factures d'électricité et de gaz n'ont pas explosé. Sur la réforme du marché européen de l’énergie…
LAURENCE FERRARI
Parce que c'est ça le problème de base.
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr.
LAURENCE FERRARI
C'est que l’on produit notre électricité à un coût, 50 € du mégawatheure et on le rachète 280.
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr. Mais nous avons un marché européen de gros qui fonctionne bien et que nous ne souhaitons pas modifier. Mais en revanche, pour ce qui est des prix de détail, je persiste et je signe, il faut que les Français paient le prix de l'électricité décarbonée à son coût de production, et qu'on n’aligne pas le coût du mégawatheure d'électricité décarbonée produit par nos centrales nucléaires, sur le prix du gaz. C'est aberrant du point de vue économique, c'est aberrant du point vu écologique.
LAURENCE FERRARI
Quand arriverez-vous à cela Monsieur le Ministre ?
BRUNO LE MAIRE
C'est le combat que nous menons avec Agnès PANNIER-RUNACHER depuis maintenant plusieurs mois, avec évidemment l'engagement total du président de la République. Moi je souhaite que d'ici la fin de l'année 2023 nous puissions avoir des premières propositions de la Commission européenne, qui montrent que l’on déconnecte ces deux prix, et que la France tout simplement, ce que nous demandons c'est du bon sens et de la justice.
LAURENCE FERRARI
Donc fin 2023, ça veut dire que ça serait pour l’hiver 2024.
BRUNO LE MAIRE
Mais ce sont des réformes structurelles…
LAURENCE FERRARI
Comment vont faire les artisans ?
BRUNO LE MAIRE
…. qui sont lourdes. Le principe sur lequel nous restons très fermes, c'est que la France paie son électricité…
LAURENCE FERRARI
Beaucoup trop chère.
BRUNO LE MAIRE
… à son coût de production, et pas au coût de production du gaz, c'est-à-dire de l'énergie fossile.
LAURENCE FERRARI
Pourquoi ne peut-on pas faire comme l'Espagne et le Portugal, qui ont demandé une sortie temporaire de ce marché de l'électricité européen ? Ça réglerait les problèmes urgents des artisans.
BRUNO LE MAIRE
Parce que la grosse différence, c'est que nous, nous sommes reliés avec les réseaux européens d'électricité, ce n’est pas le cas de la péninsule ibérique, Portugal et Espagne, donc ils ont eu droit à une dérogation sur le marché européen de l'électricité, mais sur le long terme, la clé pour nous c’est de payer notre électricité aux coûts de production. Et croyez-moi je ne compte pas lâcher ce combat.
LAURENCE FERRARI
D'accord, mais là nos partenaires allemands évidemment ne sont pas sur la même longueur d'onde que nous, ils freinent au maximum, ils veulent attendre la fin des élections européennes de 2024. Est-ce que l’on pèse encore en fait en Europe, nous les Français ?
BRUNO LE MAIRE
Mais regardez ce qui vient d'être proposé par la Commission européenne en réponse à l’Inflation Réduction Act américain. Des crédits d'impôts pour soutenir notre industrie, ça fait des années qu'on le demande, nous l'avons obtenu. Une clause d'alignement sur les aides américaines, ça fait des années qu'on le demande, nous l'avons obtenu. Une simplification des projets d'intérêt collectif européens, pour aller plus vite sur l'hydrogène, sur les batteries électriques, sur les panneaux solaires, nous l'avons obtenu. La nouvelle politique industrielle à laquelle chacun sait que l'Allemagne était parfois réticente, que nous portons avec le président de la République qui a dit en 2017 : " il faut de la Souveraineté industrielle européenne ", nous l'avons obtenu. Donc arrêtons de dire…
LAURENCE FERRARI
Nous sommes souverains aujourd'hui en matière énergétique ?
BRUNO LE MAIRE
Mais bien sûr que nous sommes souverains…
LAURENCE FERRARI
On n’a pas importé d’électricité en décembre ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, on la importée parce que nous avons eu des difficultés sur les réacteurs nucléaires, ce que je veux dire simplement, parce que vous me posez la question sur l'Europe, c'est que notre vision de l'Europe, d'une Europe souveraine, indépendante, elle l'a emporté en Europe, elle l’a emporté par la force des événements qui ont montré que c'était un peu dangereux d'être dépendant du gaz russe, elle l’a emporté parce que l’on a vu que Américains et Chinois étaient capables de défendre leur industrie à coups de subventions et d'aides, eh bien nous le faisons nous aussi. Je pense que c'est une vraie victoire politique française, qui montre que la France pèse davantage qu’on ne le croit et qu’elle a la capacité à faire bouger l'histoire en Europe.
LAURENCE FERRARI
Encore un mot de l'Allemagne. L'interdiction de vente des véhicules thermiques pour 2035 a été repoussée en raison des réticences de l'Allemagne, qui évidemment veut protéger son industrie automobile. Elle dit : il faut une alternative avant d'interdire, parce que 98% du parc automobile roulant en Europe est évidemment lié au carburant. Qu'est-ce que, comment on va faire nous ? On s’aligne sur l’Allemagne, comme toujours ?
BRUNO LE MAIRE
Certainement pas, et vous pouvez retirer le « comme toujours », parce que la France n'a pas vocation à s’aligner sur qui que ce soit. Nous sommes une Nation indépendante, nous construisons des partenariats avec nos amis européens, que ce soit l'Allemagne, l'Italie ou d'autres, mais l'alignement n'est pas tellement dans mon registre de beauté politique. L’indépendance oui. Et s'agissant du véhicule thermique, je pense que c'est une erreur. Quand il y a une révolution, vouloir se mettre en travers de la révolution technologique en cours, c'est toujours une erreur. Aujourd'hui nous basculons du véhicule thermique vers le véhicule électrique. Il faut mettre toutes nos forces, toutes nos innovations, tous nos investissements vers le véhicule électrique, sinon quoi, qui va gagner cette révolution ? La Chine qui a 5 années d'avance sur nous, sur les batteries électriques, sur le moteur électrique, sur les véhicules électriques, qui ont des capacités à produire des véhicules électriques à bas coûts. Eh bien il faut rattraper notre retard, engager toutes nos forces vers le véhicule électrique, et moi je tiens à saluer le travail de Carlos TAVARES chez STELLANTIS, le travail de Luca de MEO chez RENAULT, qui ont parfaitement compris cette révolution en cours, qui ont accéléré pour que nos deux champions, STELLANTIS et RENAULT puissent réussir, mais vous ne croyez pas que je vais leur dire : " Ah ben attendez, finalement on parle d'investissements en milliards d'euros, de stratégie sur des années voire sur des décennies. Je vais vous dire, on a changé d'avis ". Mais enfin ce n’est pas sérieux. On ne change pas d'avis sur une stratégie industrielle aussi lourde, comme ça du jour au lendemain, nous tenons à cet objectif de 2035. Il y a une clause de révision 2026, attendons 2026 pour voir s'il y a des ajustements à faire ici ou là, mais engageons toutes nos forces, comme ont fait STELLANTIS, comme ont fait RENAULT, faire la bataille du véhicule électrique.
LAURENCE FERRARI
Très bien. Une dernière question qui est fondamentale, sur l'inflation, le pouvoir d'achat des Français. 14,5% d'inflation pour l'alimentation sur le mois de février. 10% dans les négociations entre les industriels et la grande distribution, ça va faire 24,5% de hausse des prix de l'alimentation pour les Français. C'est intenable. Vous n’avez pas réussi à imposer un panier anti-inflation à la grande distribution, vous allez proposer des Chèques alimentaires ?
BRUNO LE MAIRE
Mais nous avons imposé à la grande distribution de prendre des centaines de millions d'euros sur ses marges, pour avoir les prix les plus bas possible. C'est la première chose. Nous avons imposé une deuxième chose, qui est absolument essentielle à mes yeux, c'est qu'il y ait des renégociations commerciales en juin entre les industriels et distributeurs. Pourquoi ? Parce que moi, il y a un truc que j'ai du mal à comprendre, Laurence FERRARI, c'est que lorsque le prix du blé explose, le lendemain le prix de la baguette explose, la baguette qui est vendue chez les distributeurs…
LAURENCE FERRARI
Et pas l’inverse.
BRUNO LE MAIRE
Et moi je voudrais que lorsque le prix du blé baisse, c'est le cas aujourd'hui, lorsque le prix du fret maritime baisse, c'est le cas aujourd'hui, eh bien le lendemain les prix baissent pour les consommateurs et que les grands industriels répercutent immédiatement la baisse des prix sur les prix à la consommation. C'est pour ça qu'un des éléments clés de l'accord, qui n’a pas été suffisamment mis en avant, c'est qu’en juin il y aura à nouveau des négociations commerciales, nous voyons que les prix de gros baissent, je veux que les prix de détail en juin, grâce à ces négociations commerciales réouvertes entre distributeurs et industriels, permettent de faire baisser les prix à la consommation.
LAURENCE FERRARI
Le pic de l'inflation, c'est pour quand ? Vous nous l’annoncez depuis plusieurs mois.
BRUNO LE MAIRE
Je vous ai annoncé de la croissance en 2023, contre l'avis de tout le monde, les faits m’ont donné raison. Je vous dis que nous aurons une décrue de l'inflation à partir de mi 2023, nous aurons une décrue de l'inflation partir de mi 2023. Ça ne veut pas dire que nos compatriotes vont percevoir tout de suite que les prix baissent et que les choses vont mieux, j'en ai parfaitement conscience, c'est pour ça aussi qu'on veut de meilleures rémunérations, qu'on se bat pour plus d'intéressement, plus de participation, plus de primes. Une politique économique, elle doit obéir à des équilibres entre les producteurs, les consommateurs, les industriels, et elle doit avoir un cap stratégique, le nôtre il est très clair, c'est du travail pour tous et du travail bien rémunéré.
LAURENCE FERRARI
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu ce matin dans la matinale de Cnews.
BRUNO LE MAIRE
Merci Laurence FERRARI.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 10 mars 2023