Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Apolline de MALHERBE.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes le ministre de l’Economie, évidemment. L’économie qui est la justification, aux yeux d’Emmanuel MACRON, pour l’utilisation du 49.3. On est donc tant que ça dans une urgence ou au bord de la faillite, qu’il faille dégainer le 49.3 pour sauver l’économie française ?
BRUNO LE MAIRE
Non, mais nous sommes confrontés à des chocs qui sont puissants. L’économie française, elle se porte bien, je rappelle que la Banque de France vient de rehausser sa prévision de croissance pour 2023, à 0,6%, elle se rapproche donc de la prévision du gouvernement. Je dis depuis l’automne dernier, que la croissance française résisterait, j’ai expliqué à quel point les cassandres qui nous prévoyaient une récession, une croissance très molle, se trompaient. La Banque de France vient de confirmer que la croissance française serait solide dans 2023, c’est une excellente nouvelle.
APOLLINE DE MALHERBE
Elle revoit ses perspectives de croissance, à la hausse.
BRUNO LE MAIRE
Elle revoit ses perspectives à la hausse, à 0,6, et elle confirme, ce qui est le plus important pour nos compatriotes, que l'inflation devrait commencer à refluer vers mi 2023. Mais il n'en reste pas moins que nous sommes confrontés, oui, à des chocs qui sont importants. D’abord, il y a un choc démographique. Il y avait 12 millions de retraités en 2020, ils seront 19 millions en 2030. Donc c’est des pensions…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais alors, je ne comprends pas, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais c'est pensions qu’il faut payer, et comme nous, nous ne voulons pas baisser les pensions, eh bien nous assumons une réforme des retraites, qui garantit l'équilibre financier, et donc qui garantit à tous les retraités qui nous écoutent, que leurs pensions ne baisseront pas. Il y a un deuxième choc, c’est le choc financier.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, si ça ne va pas si mal ? Si ça ne va pas si mal, pourquoi est-ce que la justification, la première justification donnée par Emmanuel MACRON pour ce 49.3, c’est la situation financière et économique ?
BRUNO LE MAIRE
Parce que je rappelle que nous avons près de 3 000 milliards d'euros de dette, que nous avons fait un choix qui était généreux, nécessaire, qui était d'amortir le choc du Covid, d'éviter des faillites, d'éviter la flambée du chômage avec le quoi qu'il en coûte, mais que maintenant que justement la situation économique va mieux, c'est le moment de rétablir les comptes publics, c'est le moment de retrouver un équilibre financier. Quand vous avez près de 3 000 milliards d'euros de dette, vous ne rajoutez pas de la dette à la dette. Vous garantissez l'équilibre financier du régime de retraite par répartition, c'est ce que nous faisons. C'est d'autant plus nécessaire, et je voudrais vraiment que chacun le comprenne, que nous sommes rentrés dans une nouvelle ère financière, où les taux d'intérêt sont plus élevés. L'ère de l'argent gratuit c'est fini. L’ère où l'Etat français pouvait emprunter à 0%, c'est fini, nous empruntons aujourd’hui à près de 3%. La charge de la dette c'était 30 milliards d'euros en 2021, c'est passé à 40 milliards d'euros en 2022. C'est 10 milliards d'euros uniquement sur la charge de la dette, qui pourraient être utilement consacrés aux hôpitaux, aux crèches, aux universités. Moi je ne veux pas que nous étions l'argent des Français par la fenêtre, en ayant une charge de la dette qui explose, ça suppose de réduire la dette, et donc d'éviter d'avoir un régime des retraites qui accumule les dettes les unes après les autres.
APOLLINE DE MALHERBE
A cela, Marine LE PEN ce matin vous cible, vous, précisément, Bruno LE MAIRE, en disant : " Quand un ministre a 6 000 milliards d'euros de dette et qu'il a tant dépensé pour les derniers budgets, alors on se tait ".
BRUNO LE MAIRE
Et qu'est-ce qu'elle voulait qu'on fasse Marine LE PEN ? Et qu'elle ne compte pas sur moi pour me taire, surtout quand on dit des choses qui sont aussi révoltantes pour nos compatriotes. Elle aurait voulu quoi ? Qu'on abandonne les Français pendant la crise du Covid, lorsque l'économie française ne tournait plus, qu'on laisse les faillites se multiplier ? Elle voulait qu'on abandonne les chômeurs ? Elle voulait qu'on perde de nos compétences. C'est ça que voulait Marine LE PEN, Apolline de MALHERBE ? Franchement, c'est irresponsable. Donc nous avons pris les décisions justes, généreuses, nécessaires, pour que notre économie soit protégée. Du coup, chiffres à l'appui, elle repart aujourd'hui, donc les Français peuvent faire confiance aux évaluations du gouvernement, mais il n'en reste pas moins que maintenant que la situation économique se normalise, il faut baisser la dette pour que nous n’ayons pas une charge de la dette insupportable, qui pèse sur nous et sur nos enfants. Et puis nous avions un 3e choc après le choc démographique et le choc financier, c'est le choc économique. Chacun voit bien que la Chine, les Etats-Unis de monsieur BIDEN, l'Allemagne, sont en train d'investir massivement sur la décarbonation de leur économie. Ils investissent sur l’électrique, sur les batteries…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand vous avez lancé, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
.. Je souhaite que la France réussisse la décarbonation et investisse massivement dans l'économie, ça c'est de l'argent bien employé.
APOLLINE DE MALHERBE
Quand vous avez lancé cette ce débat sur la réforme des retraites, quand vous avez décidé du calendrier, vous, pas personnellement Bruno LE MAIRE, mais Emmanuel MACRON et l'ensemble du gouvernement, vous saviez le contexte, vous saviez les difficultés, vous saviez l'inflation, vous saviez tout ça.
BRUNO LE MAIRE
Mais, Apolline de MALHERBE, est-ce que vous m’avez entendu dire autre chose que la nécessité de rétablir en 2030 l'équilibre financier du régime de retraite par répartition ?
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça ne sera pas le cas. Dans le texte tel qu'il est ressorti de la…
BRUNO LE MAIRE
Ce sera le cas, je garantis qu'en 2030 le régime des retraites sera à l'équilibre financier, que par conséquent contrairement à ce que proposent les Marine LE PEN et consorts, nous ne baisserons pas…
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous avoue que je suis un petit peu surprise, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
Nous, nous ne baisserons pas les pensions de retraite, et nous n'augmenterons pas les cotisations, donc les impôts des Français. Nous, nous protégeons, contrairement à Marine LE PEN, le pouvoir d'achat des Français, parce que nous refusons cette augmentation des impôts, et nous refusons la baisse des pensions de retraite, et nous garantissons l'équilibre financier en 2030. On peut rentrer dans la technique, par des transferts de la branche des accidents du travail, vers la maladie…
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, il y a une chose que je ne comprends pas, c’est que vous nous dites à l’instant : " Je garantis que les pensions – enfin les retraites, le système des retraites – sera à l'équilibre en 2030 ". C’est effectivement la promesse que vous faisiez, que faisait notamment Olivier DUSSOPT au début de l'examen de ce projet, mais ce qui ressort de la convention, de la Commission mixte paritaire, est un projet qui n'est plus à l'équilibre. Vous aviez même de l'excédent promis en 2030, mais après toutes les concessions qui ont été faites à LR, pour le résultat que l’on voit, il n'y a plus d'équilibre. Il y a même un petit peu de déficit.
BRUNO LE MAIRE
Oh, je vous suis reconnaissant de reconnaître qu'il y a beaucoup de concessions dans ce texte. 7 milliards d'euros. 7 milliards d'euros de mesures d'accompagnement social. Là aussi, ce qui disent…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais là du coup, c’est ça de moins de l’équilibre que vous promettiez.
BRUNO LE MAIRE
Oui, non mais d’accord. Mais enfin, on pourrait dire une chose et son contraire…
APOLLINE DE MALHERBE
Non non, je dis simplement qu’en tout cas vous ne pouvez plus dire aujourd’hui…
BRUNO LE MAIRE
… je sais que le débat public est fait aujourd’hui, soit de contradictions, soit d’approximation, soit malheureusement trop souvent de mensonges. On ne peut pas nous dire à la fois, mais vous avez une réforme qui est brutale, et de l'autre nous dire, eh bien vous avez fait trop de concessions et trop de mesures sociales. Ces mesures sociales, elles sont nécessaires pour accompagner ce qui ont démarré tôt, pour accompagner les femmes, pour accompagner ceux qui sont dans une situation d'invalidité. Nous avons mis 7 milliards d'euros de mesures d'accompagnement social. C'est généreux et c'est nécessaire. Le financement sera garanti pour qu’en 2030 il y ait l'équilibre financier, soit par la lutte contre les fraudes, soit par le transfert de la branche des accidents du travail vers la branche vieillesse. Toutes les…
APOLLINE DE MALHERBE
Ça veut dire que vous allez devoir trouver ailleurs, les sous pour compléter cette réforme.
BRUNO LE MAIRE
Il faudra faire des transferts, bien entendu. Il faudra, je reconnais bien volontiers, compléter les financements par les mesures que je viens d'indiquer, mais nous garantirons l'équilibre financier. Et je veux dire à quel point, de ce point de vue-là, cette réforme, parce qu'elle évite la baisse des pensions, parce qu'elle évite l'augmentation des impôts, parce qu'elle permet de travailler tous collectivement davantage progressivement, pour financer notre modèle social, qui est tout simplement le plus généreux de la planète. C'est la pierre d'angle de la transformation économique de la France. C'est pour ça que j'en fais une réforme qui est à mon sens vitale, la réforme des retraites est la pierre d'angle de la transformation économique de notre pays, parce qu'elle va entraîner plus de travail collectif, donc plus de prospérité, donc la capacité à garantir la prospérité de nos enfants.
APOLLINE DE MALHERBE
Je voudrais qu'on voie la suite, la suite aujourd'hui et dans les jours qui viennent, voire même la suite d'ici la fin du quinquennat, savoir quels sont les outils qui restent à votre portée. D'abord la suite aujourd'hui, à la fois à l'Assemblée et dans la rue. A l'Assemblée avec ces deux motions de censure, et dans la rue avec cette colère qui, jour après jour, dans des manifestations plus ou moins spontanées, s'exprime d'abord à l'Assemblée, ces deux motions de censure, est-ce qu'il y en a une des deux que vous craignez. On apprend à l'instant par la voix d'Aurélien PRADIE que 15 députés LR voteront la motion de censure déposée par Charles de COURSON.
BRUNO LE MAIRE
Il faut toujours faire preuve d'humilité quand on se confronte à un vote, que ce soit le vote direct de nos compatriotes ou que ce soit un vote des représentants des Français au Parlement. Donc nous devons nous mobiliser totalement. Mais un vote, par définition, c'est une incertitude. Donc je le dis avec beaucoup…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous dites, à ce stade, on ne sait pas si …
BRUNO LE MAIRE
Non, je pense que ce sera le cas évidemment, et je le souhaite. Je rappelle à quel point cette réforme des retraites est un principe de réalité, de responsabilité, qu’elle est la pierre d’angle qui va permettre à notre pays de garantir sa prospérité, ses emplois, le financement de notre modèle social qui est, je le redis, le plus généraux au monde, qu'il va nous éviter aussi des difficultés du point de vue financier, mais je le dis avec beaucoup d'humilité…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais, Bruno LE MAIRE, sur le plan démocratique…
BRUNO LE MAIRE
Je le dis avec beaucoup d'humilité, un vote est un vote, avec sa part d'incertitude.
APOLLINE DE MALHERBE
Emmanuel MACRON qui a fait ça savoir qu'il souhaite, je cite, que la réforme puisse aller au bout de son cheminement démocratique, dans le respect de tous. Est-ce que les mots ont été véritablement bien choisis, quand on voit que c'est par un 49.3 et qu'il y avait un record de monde dans la rue, est-ce vraiment le cheminement démocratique et le respect de tous ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, bien sûr. Enfin je trouve qu'on a la mémoire courte. On a la mémoire courte Apolline de MALHERBE ! Enfin, cette réforme des retraites elle a été proposée il y a un an, en 2022, par le président de la République, candidat à l'époque, dans sa campagne présidentielle. Elle a été ensuite proposée par les candidats à la députation, dans le programme de la majorité. Elle a été ouverte à la discussion des syndicats, certains d'ailleurs ayant refusé cette discussion. Ensuite, elle a fait l'objet d'une présentation au Parlement. Nous avons reculé, je le rappelle, de 4 mois la présentation de ce texte, pour donner le temps, ça devait être fin 2022, on l’a décalé à début 2023, pour laisser le temps à la concertation, au dialogue. Nous avons une réforme où à l'origine l'âge légal de départ était à 65 ans, nous l'avons abaissé à 64 ans. Nous avons complété, comme vous l'avez parfaitement rappelé, de 7 milliards d'euros de mesures d'accompagnement des plus fragiles. Il y a eu un vote au Sénat, majoritaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Un vote…
BRUNO LE MAIRE
Il y a eu un vote de la Commission mixte paritaire, 10 voix pour, 14 voix contre. Il y a eu des centaines d'heures de débat à l'Assemblée nationale…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais il n’y a eu aucun vote à l’Assemblée nationale.
BRUNO LE MAIRE
Mais la faute à qui ?
APOLLINE DE MALHERBE
Eh bien la faute à vous, aussi.
BRUNO LE MAIRE
Mais non ! La faute à la NUPES, la faute à La France insoumise, qui n'ont cessé de faire obstruction. Nous voulions un vote sur l'article 7, et je veux vraiment que nos compatriotes comprennent…
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, vous avez choisi une procédure express et puis ensuite vous avez choisi le 49.3.
BRUNO LE MAIRE
Mais les députés La France insoumise ont refusé catégoriquement…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc ils ont leur part de responsabilité, mais vous ne pouvez pas le nier, qu’il y en a une aussi du côté du gouvernement.
BRUNO LE MAIRE
Non, ils portent l'entière responsabilité de l'absence de vote sur l’article 7. Il pouvait y avoir un votre article 7, s'ils n’avaient pas multiplié les milliers d'amendements avec une virgule, un point virgule, un adjectif, qu’on retire ou qu’on rajoute…
APOLLINE DE MALHERBE
Alors peut-être, eux, ont-ils une responsabilité sur l’article 7…
BRUNO LE MAIRE
… il y aurait eu un vote sur l’article 7. Donc, qu’on ne dise pas…
APOLLINE DE MALHERBE
… mais vous avez une responsabilité sur l’ensemble du texte, vous auriez pu aller au vote.
BRUNO LE MAIRE
Mais nous assumons la responsabilité sur le texte, mais qu'on le dise qu'il n'y a pas eu de cheminement démocratique. Il y a eu un cheminement démocratique de plusieurs mois. A un moment donné vient le temps de la décision, la décision c'est aujourd'hui, avec cette motion de censure, mais les débats ont eu lieu, la discussion a eu lieu, le dialogue a eu lieu, le texte est entré avec certaines caractéristiques, elles ont été profondément modifiées à la fin de ce dialogue, et s'il n'y a pas eu de vote sur l'article 7, c'est parce que systématiquement, méthodiquement et volontairement, La France insoumise a fait obstruction pendant les débats.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, quand vous voyez qu'il y a des députés, y compris au sein de la majorité Renaissance, qui se disent dépités de ce choix de 49.3. Le député Renaissance des Côtes-d'Armor, Eric BOTHOREL, qui écrivait : " J'oscille entre colère et déception après ce 49.3, défaite ou victoire au vote, la démocratie aurait parlé ". Quand vous voyez Richard RAMOS, proche de la majorité, du côté du MoDem, lui, il dit : " Il faut un gouvernement qui rebatte les cartes avec des ministres capables d'écouter le peuple français, et pas une bande d'arrogants, qui explique aux Français pourquoi ils sont idiots ". Que dites-vous à ces députés-là ?
BRUNO LE MAIRE
Je dis que la majorité a fait bloc, c'est ce que je constate, et qu'elle a été exemplaire, que ce soit Renaissance, Horizons, MoDem. Il peut toujours y avoir des voix isolées qui critiquent, ça s'appelle la démocratie, mais dans une majorité, qui est une majorité relative, elle a tenu bon, sous les critiques, sous le feu des oppositions, dans des conditions on l’a vu à l'Assemblée nationale, lamentables, parfois très violentes. Elle ne s’est pas désunie. Moi je lui rends hommage. C'est tout ce que j’ai à dire sur notre majorité. J'en suis fier.
APOLLINE DE MALHERBE
Voilà ce que vous pouvez répondre aux députés. Que répondez-vous à l'écrivain ? J'en parle avec vous, parce que vous vous revendiquez vous aussi, et vous l’êtes, vous publiez régulièrement, vous êtes à la fois ministre et écrivain, Nicolas MATHIEU qui est le prix Goncourt, qui est celui qui dit dire la France, avec différentes classes qui se regardent, il a écrit dans Mediapart ce week-end : " L'exécutif est certes légitime mécaniquement en vertu des textes, mais il a perdu ce qui donne vie à la vraie légitimité. Il a perdu cela aujourd'hui ", et il ajoute même " Ça légitimité se mesure, se comparse, se soupèse. Que dire d'un président élu deux fois mais sans peuple véritable ? Avez-vous pensé – il s'adresse à vous les ministres – avez-vous pensé à ces corps pliés, tordus, suremployés, qui trimeront par votre faute, jusqu'à la maladie, jusqu'à crever peut-être ? Non, vous n'y avez pas pensé. Eh bien ce monde-là est une nappe d'essence, et vous n'êtes que des enfants avec une boîte d'allumettes " ?
BRUNO LE MAIRE
Je ne me reconnais évidemment pas du tout dans ses propos. Ça veut dire quoi être élu sans peuple véritable ? Il conteste la démocratie ? J'ai été élu 3 fois député, dans une circonscription populaire, circonscription qui d'ailleurs a basculé aujourd'hui au Rassemblement national, donc les personnes dont parle de Nicolas MATHIEU, il n'est pas le seuls à les connaître. Et je n'aime pas ce procès que l'on fait, soit aux ministres, aux députés de la majorité, en méconnaissance du peuple. Je le trouve insultant et je trouve injuste, je le dis après 20 années d'expérience, où j'ai arpenté je crois tous les départements français. Je suis allé comme ministre de l'Agriculture, à la rencontre de tous nos compatriotes, y compris les plus humbles, les plus modestes, les plus délaissés, les plus en difficulté. Si je fais de la politique, c'est d'abord pour eux, et si je veux une réforme des retraites, c'est d'abord pour eux. Et si je veux garantir les équilibres financiers du régime de retraite par répartition, c'est pour eux ! Parce que les riches, les nantis, ceux qui ont de l'argent, ceux qui ont des ressources financières et culturelles, croyez-moi ils n’ont pas besoin une réforme des retraites par répartition, parce que la répartition ils s'en moquent bien. Ils ont de l'argent à la banque et peuvent financer leur fin de vie, sans difficulté. Donc je n'aime pas ces propos, je les trouve injustes, je les trouve insultants, je les trouve méprisants.
APOLLINE DE MALHERBE
Je vous trouve beaucoup plus en colère face à l'écrivain que face aux députés.
BRUNO LE MAIRE
Oui. Oui, parce que je vais vous dire. Ces 20 années d'engagement politique, qui à travers ces propos un peu faciles d’écrivain, sont remis en cause. 20 années de combat, 20 années où on a pu parfois se faire insulter, se faire au menacer. Et si je fais de la politique, ce n’est pas pour une partie de la population, c'est pour toute la France, et sauver le régime de retraite par répartition, et assumer le principe de réalité, que vous ne pouvez pas cumuler les dettes, que vous ne pouvez pas accumuler les mauvais financements…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais quelqu’un comme Laurent BERGER, dont vous avez souvent dit le respect que vous aviez pour lui, qui dit : allez, chiche on la retire cette loi…
BRUNO LE MAIRE
Assumer le principe de réalité, c'est ce qui fait l'honneur d’un responsable politique. Ne pas vendre des illusions aux gens, notamment aux plus modestes.
APOLLINE DE MALHERBE
68% des Français disent éprouver de la colère, c'est notre dernier sondage Elabe.
BRUNO LE MAIRE
Les 68% des Français, se disent que travailler davantage c'est dur. Evidemment, mais 68% des Français, voire 80, voire 90%, vous diraient : mais c'est quoi ce gouvernement de pantins, qui n’a pas su prendre ses responsabilités, qui savait que nous avions une dette élevée, qui voyait que les taux d'intérêt augmentaient…
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que ça dit aussi, Bruno LE MAIRE…
BRUNO LE MAIRE
… et qui ne garantit pas le financement de notre régime de retraite par répartition.
APOLLINE DE MALHERBE
Comment vous allez faire pour la suite ? Si on se projetait encore au-delà de cette journée-ci…
BRUNO LE MAIRE
Mais ce que ça dit, Apolline de MALHERBE, dépasse de loin… Bien sûr…
APOLLINE DE MALHERBE
… c’est-à-dire comment vous allez faire ? imaginons, puisque je rappelle la règle, vous n'avez le droit à un 49.3, qu'un 49.3 par session, outre les lois budgétaires comme vous l'avez fait pour la réforme des retraites. Imaginons que le président décide de l'utiliser uniquement cette année pour la loi sur l'immigration, ça veut dire que vous, Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, vous serez démuni, vous ne pourrez plus faire passer de loi.
BRUNO LE MAIRE
Ce que ça dit d'abord, pour revenir à votre question, c'est que la colère, l'inquiétude, les angoisses dépassent de loin la réforme des retraites. C'est une inquiétude par rapport au travail, par rapport à la considération, par rapport à la dignité, par rapport à la manière dont on peut vivre avec son salaire. Comment est-ce qu'on peut vivre dignement avec son salaire, payer son loyer, rembourser ses traites, alimenter correctement ses enfants, faire ses courses, pouvoir peut-être se payer un ciné, un resto, peut être partir en vacances, c'est ça la colère des gens, qui disent " je travaille et malgré tout je n’arrive pas à vivre correctement ". Nous entendons. Donc qu'est-ce qu'il faut faire pour la suite ? Avec beaucoup de modestie, d'humilité et de considération pour chacun ? D'abord s'intéresser à cette question du travail. Comment est-ce que l'on fait pour que le travail soit mieux rémunéré dans notre pays ? On a déjà fait beaucoup. Ça a été le fil rouge du quinquennat passé d'Emmanuel MACRON. On peut faire davantage. Moi je souhaite que nous transcrivions le plus vite possible, dans le texte législatif, le remarquable accord qui a été conclu entre tous les syndicats, notamment par Laurent BERGER, sur l'intéressement, la participation et les primes obligatoires pour toutes les entreprises, y compris les PME. Ça c'est une première avancée, et je pense qu'on peut trouver facilement une majorité là-dessus. Je souhaite qu'on avance vite sur l'industrie verte et la décarbonation de notre industrie, parce que je ne veux pas que la France prenne du retard par rapport aux Etats-Unis, à l'Allemagne ou à la Chine. Là aussi on peut trouver, il me semble, une majorité à l'Assemblée nationale, sur un texte comme l'industrie verte, et une majorité qui soit très large, pas uniquement avec des Républicains, peut-être aussi avec des socialistes, peut-être aussi avec des écologiques…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc pour vous, le quinquennat n'est pas fini en quelque sorte, il reste la possibilité de trouver des accords et des majorités sur des plans importants.
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, on peut trouver, nous devons et nous pouvons trouver des majorités larges sur des textes qui répondent aux inquiétudes de nos compétences.
APOLLINE DE MALHERBE
Il y a plusieurs points encore, une minute par question. Essence, banque et inflation. Essence d’abord. Est-ce que vous redoutez une éventuelle pénurie ? Certaines stations disent être au bout de la rupture, notamment dans les Bouches-du-Rhône…
BRUNO LE MAIRE
Moi j’appelle chacun à la responsabilité. Pas de stockage, pas de réserve, et nous prendrons nos responsabilités si les choses devaient continuer à être bloquées.
APOLLINE DE MALHERBE
Du côté des banques, UBS a donc annoncé qu'elle allait racheter CREDIT SUISSE, pour 3 milliards de francs suisses. Elle valait le double avant le week-end, est-ce que malgré tout ça vous paraît une bonne nouvelle, est-ce que ça vous rassure ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c'est un bon accord qui a été trouvé par le gouvernement suisse. J’ai eu mon homologue suisse au téléphone longuement vendredi, je me réjouis de cet accord, c'est un bon accord, pour autant nous parlons d'une banque qui a un bilan de plus de 750 milliards d'euros, donc c'est une banque qui pèse lourd dans le contexte européen, donc nous restons extrêmement vigilants sur la réaction des marchés.
APOLLINE DE MALHERBE
Et est-ce que les banques françaises vous paraissent suffisamment…
BRUNO LE MAIRE
Non, les banques françaises sont solides. Ça je veux vraiment le dire…
APOLLINE DE MALHERBE
Elles sont solides, parce que le gouverneur de la Banque de France a indiqué ce matin que donc CREDIT SUISSE, racheté par UBS, avait souffert de difficultés et de contrôles internes insuffisants, est-ce que vous nous dites ce matin que les banques françaises, elles, ont en effet été est testées régulièrement ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, elles ont été testées régulièrement, et ça rejoint ce que je vous disais sur la difficulté en politique, c'est de prendre sur soi la réalité, là où certains vendent des illusions ou des chimères. Oui, nous avons imposé des règles extrêmement strictes aux banques françaises, ça s'appelle Bâle 3. Oui, lorsqu'il a fallu négocier, je l'ai fait avec les banques françaises, elles n'étaient pas satisfaites, elles disent : ça va nous coûter trop cher, c'est des ratios prudentiels et des ratios de liquidités qui sont trop élevés, c'est difficile. Finalement nous avons trouvé un accord, nous avons imposé des règles les plus strictes au monde. On est bien content de les avoir aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
Bruno LE MAIRE, les députés s’apprêtent quand même à voter en effet certains textes et notamment celui sur la question des marges de la grande distribution, Michel-Edouard LECLERC qui était mon invité ce matin sur RMC dit qu'il ne comprend pas, qu’il y a un peu le good cop, le bad cop dans le gouvernement, que vous vous faites partie de ceux qui se disent les gentils et que les mauvais ce serait plutôt du côté du député Descrozaille, en gros il dit d'un côté on nous demande de faire un panier anti-inflation et de l'autre on s'apprête à voter une loi qui va nous empêcher de faire des méga promos et de rogner sur nos marges, de quel côté êtes-vous ?
BRUNO LE MAIRE
Il n’y a ni good cop, ni bad cop, il y a un équilibre à trouver, là aussi c'est le rôle de l'Etat et c'est le rôle de la politique de trouver un équilibre. Là où je rejoins Michel-Edouard LECLERC, je pense que la proposition Descrozaille est une très bonne proposition, je verrai le député Descrozaille d'ailleurs dans quelques heures, en revanche je trouve un peu paradoxal de dire que nous voulons les prix les plus bas pour nos compatriotes et dans le même temps limiter les promotions sur les DPH, les produits détergents, produits d'hygiène, à 34 %…
APOLLINE DE MALHERBE
Donc vous allez lui demander de retirer cette partie-là de sa loi ?
BRUNO LE MAIRE
Moi je serai favorable à ce qu'on autorise Michel-Edouard LECLERC et tous les distributeurs à faire des promotions, pas simplement à 34% sur les shampoings, les produits d'hygiène, les produits détergents, et jusqu'à 50%, voilà la proposition que je fais, et j'espère que nous trouverons un accord avec Monsieur Descrozaille. La deuxième chose que je demande c'est que les négociations commerciales entre les grands industriels et les distributeurs rouvrent dès le mois de mai, parce que je regarde de près ce qui se passe sur les marchés…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce qui permettra de racheter à la baisse…
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, c’est ce qui permet de dire…
APOLLINE DE MALHERBE
Et de faire baisser l’inflation.
BRUNO LE MAIRE
Et de rappeler, de confirmer, que l'inflation devrait refluer mi-2023. Je vois que tous les prix des produits alimentaires de gros baissent sur les marchés, eh bien je voudrais bien que lorsque le prix du blé baisse, le lendemain le prix du paquet de pâtes baisse. Ce que j'ai du mal à comprendre, Apolline de MALHERBE, lorsque le prix du blé monte, le lendemain le prix du paquet de pâtes augmente, eh bien lorsque l'inverse se produit il faut que les Français le voient dans leurs tickets de caisse.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc nouveau round de négociations. Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, merci à vous.
BRUNO LE MAIRE
Merci à vous.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 21 mars 2023