Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
L’invité du jour, c’est vous Sonia BACKES. Bonjour. Vous êtes la secrétaire d’Etat en charge de la Citoyenneté. Et vous venez, ce matin, tirer un premier bilan contre la loi du séparatisme parce que c’était il y a un an et demi qu’elle a été votée. Et on en mesure - allez-vous nous le dire – les premières conséquences ? Vous parlez d’un réveil républicain. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous avez réveillé, avec cette loi, les administrations. Vous avez donné des outils aux uns et aux autres ?
SONIA BACKES
Oui, c’est ça. En fait, il faut rappeler ce que c’est le séparatisme. C’est tout simplement des organisations qui, autour d’un lieu de culte, d’une association, d’une école, s’organisent pour aller contre les lois de la République. Et c’est en fait le séparatisme qui alimente la radicalisation, qui alimente le terrorisme. Et jusqu’à présent, en fait, on s’attaquait principalement au haut du spectre, c’est-à-dire au terrorisme. Et en fait, avec cette loi séparatisme, on s’est donné les outils et on a finalement désinhibé l’administration pour aller chercher la radicalisation et au-delà, tous les groupes séparatistes qui se mettent en place.
APOLLINE DE MALHERBE
Désinhiber, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que jusqu'alors, certaines administrations qui étaient confrontées à des signes de radicalisation, ont parfois une forme d'emprise sur les jeunes, notamment puisque c'est aussi cette question des écoles, cette question des associations périphériques à l'école. Jusqu'alors, elles laissaient passer parce qu’elles rasaient les murs, parce qu'elles avaient peur de ne pas avoir forcément les bons outils, peur d'être stigmatisées, de stigmatiser d'ailleurs ?
SONIA BACKES
Oui, je pense qu'il y avait une forme d'inhibition et, en fait, il y avait surtout un fonctionnement en silos. C'est-à-dire que l'école regardait l'école, les financiers regardaient les finances etc… Et en fait, on a mis en place des structures qui sont dans chaque département et qui en fait permettent d'avoir un regard global. Donc on voit à la fois qui alimente les associations, comment les écoles sont mises en place. Et en fait, maintenant, on peut faire des contrôles. C'est plus de 3000 contrôles sur l'année 2022 qui ont été menées, qui ont mené à des fermetures de mosquées.
APOLLINE DE MALHERBE
Combien avant ?
SONIA BACKES
Ça a permis, en fait… Avant c’était séparé. Là maintenant, on a eu 3 000 contrôles. Et les objectifs globaux sur l'ensemble des sujets, parce qu'en fait, on peut s'attaquer maintenant… ; avec la loi séparatisme, on peut s'attaquer à tous les sujets. Ça va être le contrôle des établissements relevant du public, ça va être le contrôle de l'accueil des enfants, des contrôles dans l'enseignement, des contrôles financiers. On peut aussi maintenant… On a une limite, au-dessus de 15 000 euros de financement étranger, on doit être informé, on ne l'était pas avant. Donc, en fait, on s'attaque à tous les sujets.
APOLLINE DE MALHERBE
Et vous parlez d'une véritable stratégie d'entrisme. C'est ça à quoi vous vous attaquez. Ça veut dire quoi une stratégie d'entrisme ? Très concrètement, c'est quel genre d'associations qui ont quelle visée ?
SONIA BACKES
En fait, c'est tous les genres. Vraiment, ce sont des associations dont l'objectif est de mettre la République à genoux. Donc jusqu'à présent c'étant des choses très visibles avec des prêches d'imams dans les mosquées. Et ça, ça s'est arrêté parce que maintenant, ils savent très bien qu’ils vont être poursuivis immédiatement. Donc, on a une autre forme maintenant qui, petit à petit, en fait, et on le voit à l'école avec la laïcité : on a toute une organisation, des vidéos qui sont préparées pour finalement, petit à petit,…
APOLLINE DE MALHERBE
Quels sont les signaux qui font qu'une école, vous vous dites : " là, ils ont basculé dans une forme de séparatisme " ? On avait beaucoup parlé de cette fameuse école à Roubaix dans un des reportages qui avaient été diffusés sur M6. On voyait les petites filles et les petits garçons qui, sans que ce soit forcément dit, on faisait tout pour qu'ils ne se voient pas, ne se parlent pas, ne se touchent pas. Ils n’avaient pas le droit de dessiner les visages. Est-ce que ce sont ces signaux-là qui font que vous décidez, oui ou non, de fermer une école ?
SONIA BACKES
C'est exactement ça. C'est-à-dire qu'en fait, on en a encore le préfet de l'Hérault, on a encore fermé il y a deux jours à Lunel. On voit bien en fait les petites filles et les petits garçons qui sont séparés dès le plus jeune âge ; les filles qui sont très voilées dans les classes. C'est une un enseignement coranique, puisqu'on parle-là d'écoles qui prônent l'islam radical. On a tous …
APOLLINE DE MALHERBE
Même si vous avez aussi fermé une école juive, par exemple…
SONIA BACKES
Juive, oui. Il faut dire les choses.
APOLLINE DE MALHERBE
Qui avait également éloigné les enfants de la République.
SONIA BACKES
Bien sûr. Vous savez, la loi séparatisme, évidemment elle ne s'attaque pas qu'à l'islam radical. C'est malheureusement une très grande partie des établissements qu'on a fermés. Mais c'est aussi l’ultragauche, c'est l'ultradroite, c'est …
APOLLINE DE MALHERBE
L’ultragauche, on va y revenir, parce qu'il y a une stratégie pour vous-même de séparatisme. Vous réutiliser le mot sur ce qu'on a pu voir notamment avec parfois une franche très radicalisée des militants, y compris écolo. Mais d'abord des chiffres quand même, Sonia BACKES, combien d'écoles fermées ? Combien de mosquées fermées, un an et demi après la loi ?
SONIA BACKES
C’est sept lieux de culte fermés, donc sept mosquées fermées. C'est onze établissements hors contrat donc écoles : six de manière définitive, cinq de manière temporaire. C'est cinq associations dissoutes. C'est 8 millions d'euros qui ont été récupérés grâce aux outils que nous avons maintenant. Et sur la question financière, qui est quand même le nerf de la guerre de ces organisations-là, on a aujourd'hui des outils parce qu'en fait, ils sont obligés de nous transmettre leur compte. Ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Et donc, on va pouvoir maintenant avoir des outils pour aller…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais c’est aussi des subventions, parfois des subventions publiques qui, sous couvert, de donner de l'argent pour de l'aide aux devoirs par exemple pour les enfants, ou de l'accompagnement pour les familles. Vous vous êtes rendu compte qu'en réalité, c'était des enseignements religieux ?
SONIA BACKES
C'est ça qui est plus supportable et c'est ça que la loi séparatisme nous permet d'arrêter avec le contrat d'engagement républicain. C'est-à-dire qu'une association a le droit de faire ce qu'elle veut, mais ce n'est pas les fonds publics qui la paie.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais comment vous vous assurez ensuite, je reviens toujours à ce fameux reportage qui avait beaucoup beaucoup fait réagir où on voyait des mosquées qui étaient officiellement fermées et d'ailleurs qui étaient fermées avec le rideau fermé, mais avec les usagers, les fidèles qui continuent à y aller mais par une porte dérobée à l'arrière. C'est-à-dire qu'officiellement, oui, vous pouviez dire que c'était fermée, mais dans les faits, ça ne l’était pas. Est-ce qu'aujourd'hui, il y a toujours ces contournements des fermetures ?
SONIA BACKES
Il y a toujours et on continue à s'y attaquer. Et c'est le cas exactement de ce qui s'est passé dans l'Hérault il y a quelques jours. El Baraka qui avait une première interdiction, qui a essayé de la contourner, et on est revenu avec du coût des sanctions qui sont de plus en plus lourdes et des contrôles qui sont de plus en plus fermes. Et ça peut aller, et ça a été pour plus d'une centaine de personnes, à des poursuites pénales sur un certain nombre de faits.
APOLLINE DE MALHERBE
Sonia BACKES, vous évoquiez de vous-même la question d'une forme de radicalisation de militants qui veulent une forme de séparatisme. Est-ce que vous diriez qu'une partie de ceux qui étaient à Sainte-Soline par exemple, le week-end dernier, qui d'ailleurs sont visés par le même genre d'outils dont on parle habituellement pour déradicaliser d'islamisme politique, c'est-à-dire notamment les fichés S. Puisqu'on a découvert dans la voix du ministre de l'Intérieur qu'une partie de ces militants étaient fichés S ; est-ce que la loi séparatisme, elle s'applique aussi à ce genre de profil ?
SONIA BACKES
Oui, elle s'applique. D'abord, il faut rappeler que le ministre de l'Intérieur parlait d'écoterrorisme. Et on est là-dedans, c'est-à-dire qu'on est en fait dans des organisations - c'est le cas des Soulèvements de la Terre - qui en fait organisent une forme de séparatisme, considèrent qu'une cause passe au-dessus des lois de la République, qu'un être humain a le droit de s'attaquer, d'être violent avec un autre être humain, sur la base d'une cause politique. Et là dès l'instant où,.. Et c'est quand même assez décevant, voire hallucinant que des élus de la République qui votent la loi, se permettent d'abord de ne pas la respecter, parce que la manifestation à Sainte-Soline n’était pas autorisée.
APOLLINE DE MALHERBE
Là, vous ciblez les élus LFI et Europe Ecologie-Les Verts qui pour certains, y compris des députés, se sont rendus à la manifestation qui était une manifestation …
SONIA BACKES
Se sont rendus à une manifestation interdite et s’en sont vanté dans l'hémicycle. A un moment donné, quand les lois de la République ne sont pas respectées par les élus de la République, c'est quoi la règle ? On peut décider, vous et moi, de quelle cause mérite qu’un être humain s'attaque à un autre être humain ? Après, c'est l'anarchie. Et je crois que, vous savez, les valeurs de la République, les lois de la République, c'est quand même qui nous protègent, les Français. Je crois que 80% des Français veulent de l'ordre, et je pense que c'est le rôle du Gouvernement, le rôle de l'Etat de les protéger.
APOLLINE DE MALHERBE
Et en même temps, certains disent que le fait-même d'avoir interdit cette manifestation est une des raisons qui a poussé à sa radicalisation au fond.
SONIA BACKES
Vous savez, quand la préfète découvre par les services de renseignement qu'on va avoir des centaines de personnes extrêmement violentes, parfois fichées S, vous l'avez dit, qui ont prévu d'arriver avec des haches, des cocktails molotov, des boules de pétanque ; ils ne viennent pas avec des boules de pétanque pour jouer à la pétanque. Donc oui, effectivement, le rôle du Gouvernement, le rôle de l'Etat, c'est de protéger les gens qui viennent pour manifester. Les gens ont le droit de manifester, c'est un droit constitutionnel. Ils ont droit d'être contre ces bassines. Mais par contre, notre rôle, c'est de les protéger. Les protéger, c'est effectivement interdire cette manifestation.
APOLLINE DE MALHERBE
Sonia BACKES, vous avez des nouvelles de l'imam Hussein ?
SONIA BACKES
Oui. Il est au Maroc, et c'est très bien comme ça.
APOLLINE DE MALHERBE
Il est au Maroc. Il n'y a pas eu de… Il y avait la volonté éventuellement de revenir en Europe mais …
SONIA BACKES
A notre connaissance, il est au Maroc et, encore une fois, c'est très bien.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci en tout cas d'avoir accepté mon invitation ce matin. Vous êtes secrétaire d'Etat en charge de la Citoyenneté. Et vous veniez donc tirer un premier bilan de la loi contre le séparatisme qui a donc été votée il y a un an et demi. Merci à vous.
SONIA BACKES
Merci.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 31 mars 2023