Texte intégral
AMANDINE BEGOT
Bonjour Pap NDIAYE.
PAP NDIAYE
Bonjour.
AMANDINE BEGOT
Et bienvenu sur RTL. On va parler fermetures de classes, salaire des enseignants, mais aussi et surtout harcèlement scolaire. C'est un sujet qui nous tient à coeur, plein d’un million d’élèves victimes chaque année, c'est colossal Comment arrêter ça ? Votre réponse dans un instant. Pap NDIAYE, je voudrais que l’on commence, donc, avec ce sujet qui nous tient particulièrement à coeur, celui du harcèlement scolaire. Un débat d’ailleurs est organisé aujourd’hui au Sénat. On rappelle les chiffres : un enfant sur dix, victime de harcèlement à l’école au cours de sa scolarité, 800 000 à 1 million d’enfants victimes chaque année. C'est colossal. Et parmi eux, il y a Maël, un petit garçon de 10 ans, ont les auditeurs de RTL se souviennent sans doute, puisque son témoignage nous avait tous bouleversés : pendant près de 3 ans, ce petit garçon a été victime de coups, d’insultes, jusqu’au jour où il a dit en pleine classe, qu’il préférait mourir plutôt que de continuer à vivre cet enfer. 10 ans seulement.
Alors, ses parents ont remué ciel et terre, prévenu l’équipe éducative, déposé plainte. Le harcèlement a été reconnu comme tel, mais à chaque fois on leur disait : « Impossible de forcer le harceleur à changer d’école, c'est à votre fils de quitter l’établissement ». Maël a été privé d’école pendant plus de 3 mois, et c'est parce que son papa a fini par alerte les médias, et notamment RTL, que les chose sont bougé.
Alors, j’ai eu le papa de Maël hier soir au téléphone, parce qu’on garde ce lien. Ça fait un mois que son fil a retrouvé sa classe, tout va bien. Il est content, il a retrouvé ses copains, ça se passe bien à l’école, et je lui ai dit qu’on vous recevait ce matin, il avait une question pour vous : « Que faire – Pap NDIAYE – pour que les victimes n’aient plus à fuir, pour qu’il n’y ait pas d’autre Maël ? ».
PAP NDIAYE
C’est une vraie question. Le harcèlement scolaire, on en connait les effets sur les élèves, sur leur bien-être, sur leur réussite scolaire. C'est absolument intolérable, et l’Education nationale est mobilisée, et moi au premier rang. Vous savez que depuis plusieurs années, il y a un programme, que l’on appelle le programme pHARe, il a été généralisé, je l’ai généralisé à la rentrée, dans les écoles primaires et dans les collèges. D’ailleurs, nous allons le généraliser en direction des lycées à la rentrée prochaine, c'est une annonce…
AMANDINE BEGOT
Que vous annoncez ce matin.
PAP NDIAYE
… que je peux vous faire d’ores et déjà. Mais, bien entendu, il y a encore beaucoup à faire, 60 % des écoles sont engagées dans ce programme, 86 % des collèges. C'est bien mais ce n’est pas suffisant. Je rappelle que c'est un programme qui consiste à former les adultes, 5 par établissement, avoir des élèves ambassadeurs, c'est eux qui détectent leurs camarades, qui voient les changements de comportements et qui peuvent rapporter les choses. Et puis les procédures par lesquelles on fait cesser les situations de harcèlement.
AMANDINE BEGOT
Mais, est-ce que ça fonctionne vraiment ? Vous avez un retour sur les expérimentations qui ont été menées ?
PAP NDIAYE
On a des premiers retours et puis les deux années d'expérimentation ces derniers temps ont montré en effet des progrès tout à fait…
AMANDINE BEGOT
Mais ça veut dire quoi ? Un établissement où le programme pHARe est installé, est un établissement où il n'y a plus de harcèlement ?
PAP NDIAYE
Non. Ça n'est pas si simple hélas. Mais c'est un établissement où les situations de harcèlement, quand elles arrivent, elles sont repérées de manière plus précoce, et puis elles sont traitées de manière également plus rapide.
AMANDINE BEGOT
Vous savez des chiffres ?
PAP NDIAYE
Là, on a des données sur les six académies où ce programme a été expérimenté, qui montrent une baisse du nombre de harcèlements, de cas de harcèlements, et un délai également raccourci dans le traitement des harcèlements. Donc on sait que c'est bien. Il faut avancer, il faut évidemment faire de telle sorte que l'ensemble des écoles et des établissements s'engage dans ce programme, même si ça n'est pas la panacée. Et puis, il y a le problème que vous soulevez avec Maël, c'est le fait que dans les écoles primaires, eh bien il n'y a pas du conseil de discipline, et donc dans le cas où il faut séparer l’élève harceleur de l'élève harcelé, on en arrive à une situation qui n'est pas normale, par laquelle c’est l'élève harcelé qui doit partir.
AMANDINE BEGOT
Parce qu'on ne peut pas forcer un élève à quitter un établissement, ça n'existe pas dans le primaire.
PAP NDIAYE
Parce qu’il n’y a pas…
AMANDINE BEGOT
On ne pourrait pas changer la règle, Pap NDIAYE ?
PAP NDIAYE
Eh bien justement, on peut changer les choses, et c'est ce que je vais donc proposer, par un changement réglementaire, par lequel en dernier recours, on parle d'enfants ici, on parle quand même de situations parfois qui ne sont pas si simples entre le harceleur et le harcelé…
AMANDINE BEGOT
Le harceleur a aussi des problèmes et doit être pris en charge, bien sûr.
PAP NDIAYE
Voilà, il y a des zones qui sont des zones un petit peu…
AMANDINE BEGOT
Mais ça veut dire changer le code de l'Education nationale ?
PAP NDIAYE
Et donc c'est un changement réglementaire dans l'Education nationale, où en dernier recours, lorsque toutes les solutions ont été épuisées, à ce moment-là, l'élève harceleur pourra être scolarisé dans une autre école, indépendamment de l'avis des parents, si le maire ou les maires concernés sont d'accord.
AMANDINE BEGOT
« En dernier recours », ça veut dire des mois et des mois, j'imagine.
PAP NDIAYE
Ça veut dire qu’il y a une procédure d'abord, où on essaie d'abord de concilier. On peut faire venir aussi des spécialistes de l'Education nationale, de l'académie, qui viennent pour régler la situation. Il y a…
AMANDINE BEGOT
Sauf que, dans le cas de Maël, pardon je vous coupe, mais le papa il a alerté tout le monde, et sincèrement, personne n'a rien fait.
PAP NDIAYE
Eh bien il faut à l'avenir que les choses se passent plus rapidement. Et en dernière analyse, si ça ne fonctionne pas, effectivement pouvoir décider que l’élève harceleur, que c'est l’élève harceleur et non pas l'élève harcelé, qui devra être scolarisé dans une autre école. C'est un changement important. Mais je répète, cela ne se fait ce n’est pas en 5 minutes, rapidement, c'est une décision lourde de conséquences, et on parle d'enfants entre 6 et 11 ans.
AMANDINE BEGOT
On parle d'enfants, effectivement, tout petits, et des familles derrière qui bien sûr sont forcément marquées par tout ça. Vous parliez du programme pHARe mis en place au primaire et au collège, et vous nous annoncez ce matin sur RTL qu’il va être généralisé au lycée. Tous les enseignants disent : c'est très bien, sauf qu'il n’y a pas de moyens, il n’y a pas de budget alloué aujourd'hui au harcèlement scolaire.
PAP NDIAYE
Alors, il y a des budgets puisque…
AMANDINE BEGOT
Des budgets, mais il n’y a pas un budget.
PAP NDIAYE
Alors, il y a un budget, c'est un budget de la formation, puisque nous formons des enseignants, et les formations ont commencé et vont bon train dans toutes les académies. Ça prend un peu de temps, c'est une grosse machine que l'Education nationale, les formations ça coûte un peu, ça représente un certain budget.
AMANDINE BEGOT
Combien ?
PAP NDIAYE
Alors, à l'échelle, c’est plusieurs millions d'euros, évidemment, à l'échelle du pays, mais la question c'est aussi celle de savoir si les établissements eux-mêmes ont besoin de moyens spécifiques, à propos des situations de harcèlement.
AMANDINE BEGOT
Ça ne serait pas…
PAP NDIAYE
Je n’en ai pas le sentiment.
AMANDINE BEGOT
… au moins pour le symbole, vous avez fait du harcèlement une priorité nationale, au moins pour le symbole, y consacrer un vrai budget, une enveloppe budgétaire comme on avait fait pour les violences conjugales, Marlène SCHIAPPA, quand elle a présenté ce grand plan, il y avait de l'argent sur la table, mis uniquement pour ça. Est-ce qu'en termes de symboles, au moins, ça ne réglerait pas une partie de la question ? C'est ce que réclament les associations.
PAP NDIAYE
Eh bien, moi je regarde aussi l'efficacité des dispositifs, et nous allons voir comment les choses marchent du point de vue de la formation, du point de vue aussi des campagnes de communication. Le 30 20, le 30 18, vous savez ces numéros de téléphone et qui sont gratuits et que l'on peut appeler en cas de harcèlement scolaire ou de cyber harcèlement, ça, ça représente aussi des budgets, ce sont les plateformes de personnes qui répondent au téléphone et de manière très efficace. Les campagnes de communication, la semaine contre le harcèlement au moins de novembre. On a…
AMANDINE BEGOT
Vous estimez en faire assez aujourd’hui.
PAP NDIAYE
On n'en fait jamais assez. Quand on a des situations aussi dramatiques que celles qu'on a pu connaître il y a quelques semaines ou quelques mois, la seule conclusion que je peux dire, c'est qu'on n’en fait jamais assez. Mais on est sur le bon chemin et on est entièrement mobilisé. Il est clair que ces situations de harcèlement sont intolérables et qu'il faut progresser et y mettre fin. Ça c'est un engagement, et nous allons le réaliser cet engagement, y compris par les mesures que je viens d'annoncer ce matin.
AMANDINE BEGOT
Pap NDIAYE, il nous reste très peu de temps et je voudrais balayer rapidement deux, trois sujets. Vous disiez « c'est un engagement ». Parmi les engagements, il y a aussi celui d'Emmanuel MACRON qui avait promis une augmentation des salaires pour les enseignants, revalorisation autour de 10 % avait-il dit, en 2023, et sans condition, c'était censé être en janvier 2023, on en est où aujourd'hui ?
PAP NDIAYE
Ce sera en septembre 2023, je m'y suis engagé. Nous avons des moyens budgétaires très importants. En année pleine ça représente 3 milliards, dont 2…
AMANDINE BEGOT
6 % pour tous les enseignants.
PAP NDIAYE
3 milliards d'euros, dont 2 milliards qui seront versés de manière inconditionnelle, pour tous les enseignants, depuis le 1er jour du stage jusqu'au dernier jour de la carrière, plus les conseillers principaux d'éducation, plus les psychologues de l’Education nationale.
AMANDINE BEGOT
Ça fait combien, pour être à peu près concret, pour les enseignants qui nous écoutent ?
PAP NDIAYE
Nous allons faire les annonces la semaine prochaine, ce sont des… C'est une revalorisation extrêmement substantielle, 2 milliards d'euros pour cela, et puis un milliard d'euros supplémentaires pour les enseignants qui s'engageront dans de nouvelles tâches, que nous…
AMANDINE BEGOT
C’est le fameux pacte.
PAP NDIAYE
C'est le fameux pacte.
AMANDINE BEGOT
Ceux qui remplaceront notamment les enseignants absents, au bout de 72 heures, pourront avoir jusqu'à 3 600 € je crois.
PAP NDIAYE
50 €, c'est ça, c'est une prime annuelle de 3 650 €, ça représente 10 % supplémentaires par rapport au salaire moyen.
AMANDINE BEGOT
Et ça, ce sera une contrepartie…
PAP NDIAYE
En contrepartie de nouvelles missions que nous allons proposer aux enseignants volontaires.
AMANDINE BEGOT
Quand vous étiez venu, en septembre dernier, vous aviez dit « pas moins de 2 000 € pour un enseignant en début de carrière » …
PAP NDIAYE
Absolument.
AMANDINE BEGOT
Vous vous étiez engagé…
PAP NDIAYE
Je confirme.
AMANDINE BEGOT
Ça sera le cas, là ?
PAP NDIAYE
Je confirme, ce sera le cas.
AMANDINE BEGOT
Il va falloir à nouveau des speed dating pour la rentrée, pour recruter les enseignants ou là…
PAP NDIAYE
Vous savez qu'on a des difficultés dans le recrutement des enseignants. Il n’y a pas de speed dating, la plupart des enseignants contractuels enseignaient déjà l'année précédente, nous les fidélisons en quelque sorte, mais l'objectif de l'augmentation dont nous parlons, c'est précisément de rendre le métier plus attractif, parce que nous avons besoin de plus d'enseignants, d'enseignants bien formés et bien rémunérés.
AMANDINE BEGOT
Et en même temps il y a des fermetures de classes annoncées pour la rentrée prochaine, 2 265 selon le SNES FSU, qui est le premier syndicat du primaire. Vous confirmez ces chiffres ?
PAP NDIAYE
Nous perdons 85 000 élèves à la rentrée 2023.
AMANDINE BEGOT
Sauf qu'on est encore un pays où il y a beaucoup d'élèves par classe, si on compare à la moyenne européenne…
PAP NDIAYE
C’est vrai.
AMANDINE BEGOT
22 par classe en France, pour 19 en Europe.
PAP NDIAYE
Et je peux vous dire que le taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre d'élèves par classe, va baisser légèrement l'année prochaine, donc le taux d'encadrement continue à s'améliorer, mais il faut regarder une réalité, c'est la baisse du taux de natalité depuis une dizaine d'années. On va perdre jusqu'à 500 000 élèves sur l'espace du quinquennat, même s’il faut aussi tenir compte des réalités, notamment des réalités des écoles des territoires ruraux, et vous savez que…
AMANDINE BEGOT
Mais on aurait pu en profiter justement pour avoir de plus petits effectifs, s'occuper du harcèlement, des enfants à problèmes, à difficultés. Le dédoublement, vous l'avez dit, ça fonctionne super bien, pourquoi se priver de classes, alors qu'on n'a pas les moyens de tenir…
PAP NDIAYE
Nous avons précisément un problème d'attractivité du métier. Si nous créons plus de postes, mais que ces postes restent vacants, convenez que l’on n'aura pas beaucoup avancé. Donc la priorité c'est d'abord de rendre le métier plus attractif, et c'est ce que nous faisons avec les augmentations que j'ai précisées à l'instant.
AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup Pap NDIAYE, et on avait encore plein de questions, mais vous reviendrez.
PAP NDIAYE
Avec plaisir.
YVES CALVI
Outre les augmentations en septembre, le ministre de l'Education nationale, qui annonce donc sur RTL : dans le primaire, en dernier recours, l’élève harceleur pourra être transféré, avec l’accord des maires. Nous sommes bien d'accord.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 13 avril 2023