Texte intégral
Monsieur le ministre, [Renaud MUSELIER]
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Monsieur le préfet,
Madame la présidente du conseil départemental,
Monsieur le maire,
Mesdames, Messieurs les élus, régionaux, départementaux et municipaux,
Officiers généraux, officiers, sous-officiers, aviateurs,
Je suis venu à Istres saluer la bravoure et honorer la mémoire des aviateurs qui ont combattu depuis cette base aérienne 125, qui, depuis 1917, a donné à la France son point d’envol vers toutes les batailles qui ont fait sa grandeur et la gloire de nos armées. Ce fut le cas dans les engagements récents que la France a assumé à travers le monde, et il y a encore quelques jours, pour évacuer nos ressortissants et ceux de nos alliés, à Khartoum, au Soudan.
Chaque fois qu’il advient un péril à la France, fidèles à leur devise, les aviateurs de la base aérienne 125 « font face ».
Depuis la création de cette base, les plus grands défis aéronautiques que la France a relevés ont vu le jour depuis ce tarmac : de la première traversée de l’Atlantique Sud par Jean Mermoz, qui le vit rejoindre Istres à Buenos Aires en 1933 ; aux essais des aéronefs qui ont fait la gloire de notre aviation et le succès de notre industrie, avec les Mystères, les Alphajets, les Mirages et bien sûr les Rafales. Toutes ces réussites industrielles et militaires ont été permises par la collaboration féconde de nos ingénieurs et de nos aviateurs. Cette histoire se poursuit avec la présence d’Airbus Helicoptères à Istres, de Dassault et de la direction générale de l’armement, sur cette base qui accueille de nombreux essais en vol.
On mesure ici, mieux que dans toute autre base aérienne, ce qui fait la singularité et la puissance de notre Armée de l’Air et de l’Espace : je veux bien sûr parler de notre force de dissuasion. Istres fut dès les années 1960, la seule emprise à posséder les trois modules qui composent la dissuasion nucléaire aéroportée avec ses missiles air-sol, ses vecteurs et ses ravitailleurs.
L’histoire de la base 125 témoigne du regard de nos aviateurs sans cesse tourné vers le futur pour s’adapter aux menaces qui pèsent sur le pays. Elle est le témoin de notre volonté de toujours conserver notre supériorité dans les airs. Elle illustre ce que sont nos armées : des forces toujours prêtes à être projetées de par le monde, quand la sécurité de la Nation l’exige. Bien des militaires ont embarqué depuis cette piste pour rejoindre le théâtre de leur mission partout sur notre planète : en Afrique, au Proche-Orient, en Asie ou en Outre-mer.
L’histoire de cette base aérienne 125 témoigne enfin de ce qui fait la mission première de nos armées : protéger notre territoire national, en assurant, outre la dissuasion militaire, la posture permanente de sûreté qui garantit la sécurité de notre territoire et de nos frontières.
Assurément, on mesure ici ce que la sécurité de la France doit à notre Armée de l’Air. Et en remettant il y a quelques instants leurs insignes à vos camarades, j’ai voulu confirmer combien les aviateurs d’Istres s’inscrivent toujours dans cet héritage.
Aviateurs de la base aérienne 125,
Depuis cette région qui vit au rythme des battements du monde et des flots de la mer Méditerranée qui relie plus qu’elle ne sépare les rives de notre continent à celles de l’Afrique et de l’Orient : vous savez que les courants emportent toujours les problèmes nés d’un côté de la mer vers l’autre rive.
Ici, plus qu’ailleurs : vous mesurez l’importance d’avoir une armée de l’Air capable d’intervenir à tout moment pour défendre et protéger nos intérêts, à bref préavis, partout autour de cette mer civilisationnelle. Et plus encore, partout dans le monde, pour faire face aux menaces.
En cela, la présence de nos bases aériennes sur notre territoire national répond invariablement à une antienne qui a fondé les choix politiques pour nos armées à travers les époques : " Dis-moi tes dangers, je te dirai ton armée ".
Il nous faut dès lors, identifier et qualifier ces menaces. Cela requiert une lucidité permanente sur nous-mêmes qui doit faire l’identité de notre armée de l’Air et de l’Espace, tant son histoire est une incessante remise en question pour conquérir la supériorité dans le ciel, la rapidité, la furtivité et des capacités nouvelles de projection. Ces menaces évoluent sans cesse, la technologie aussi : nous devons nous y adapter.
Ces menaces sont de plus en plus hybrides. Elles mettent simultanément à l’épreuve nos intérêts politiques, sociaux, économiques, technologiques et énergétiques ; tout autant civils que militaires. Elles créent un terrain favorable pour ceux qui tentent de diviser la Nation.
Elles appellent des lignes d’efforts dans les champs du cyber, du spatial, des fonds marins, du renseignement, des drones, ou de la guerre informationnelle. De la maîtrise de ces domaines dépendent désormais notre souveraineté et notre indépendance.
Les dangers qui pèsent sur le pays naissent aussi des conséquences du réchauffement climatique, en plus des nombreux bouleversements des équilibres géopolitiques qui déchirent notre monde.
Nous devons nous montrer à la hauteur de ces défis, tout en continuant à faire face aux menaces plus anciennes, comme le terrorisme, qui continue de menacer notre sécurité depuis l’Afrique ou le Proche Orient, mais aussi la prolifération nucléaire, dans des pays comme l’Iran et la Corée du Nord.
Malheureusement, l’ensemble de ces menaces – nouvelles et anciennes – se cumulent aujourd’hui plus qu’elles ne se succèdent.
Officiers, sous-officiers, aviateurs,
J’aimerais maintenant vous parler plus précisément du rôle qu’assumera dans l’avenir notre Armée de l’Air et de l’Espace pour faire face.
La programmation militaire que je porte devant le Parlement appellera des lignes de continuité, mais aussi des lignes d’efforts et de transformations. Elle consacrera d’abord l’impérieuse nécessité des missions qu’assument l’Armée de l’Air et de l’Espace pour notre dissuasion – en particulier depuis cette base –, avec nos forces aériennes stratégiques. Aux missions de dissuasion nucléaire s’ajoutent les missions conventionnelles de notre aviation de chasse qui verra se poursuivre sa modernisation avec le pivot attendu de la génération Mirage vers le tout Rafale.
Des investissements importants seront engagés pour permettre à nos chasseurs et à nos MRTT d’assurer la protection de notre territoire et d’être déployé partout dans le monde. Elle engagera aussi les grandes transitions vers l’avion de chasse du futur — et plus encore vers le « système de combat » aérien qu’il portera.
L’avenir de l’Armée de l’Air et de l’Espace se jouera aussi à travers nos alliances : dans les missions que la France assume comme nation cadre au sein de l’OTAN en Roumanie. Mais aussi dans les alliances bilatérales que nous avons à travers le monde : des Emirats Arabes Unis au Tchad, en passant par la Jordanie ou Abidjan. Car à chaque fois, l’armée de l’Air et de l’Espace joue un rôle pour faire vivre nos partenariats stratégiques. Elle donne à la France son envergure pour agir en allié fiable, crédible et indépendant, comme l’a voulu en son temps le général de Gaulle.
Les capacités de projection de la France seront enfin renforcées avec la livraison de nouveaux A400M capables d’intervenir partout sur la planète, pour défendre nos intérêts et ceux de nos ressortissants. L’opération SAGITTAIRE, menée la semaine dernière au Soudan, en a fait la preuve : nos aviateurs ont démontré que la France demeure l’une des rares puissances au monde en mesure de mettre en oeuvre une opération de sécurisation et d’exfiltration de nos compatriotes, à très court préavis, dans des conditions très dégradées et en agissant les premiers. Soyons en fiers.
Le spatial, enfin, est au coeur des transformations de votre armée avec la militarisation de cet espace, qui nécessite des investissements importants pour garantir nos capacités à agir de manière souveraine depuis, vers et dans l’espace. C’est un axe d’effort qui sous-tend les capacités de combat connecté de nos trois armées, mais aussi de nos services de renseignement et de nos cyber-combattants. C’est sans nul doute là, le grand défi de notre génération.
Aviateurs,
Cela m’amène à vous parler de l’avenir de votre unité. Et je veux vous dire que je ne vois aucun cas de figure dans lequel la base aérienne 125 n’aura pas un rôle déterminant à jouer pour la défense de la Nation dans les prochaines années.
Tout d’abord, les moyens dont vous disposez pour assurer notre dissuasion nucléaire seront renforcés. La programmation militaire que je présente devant le Parlement permettra la conversion de 3 A330-200 en MRTT d’ici la fin 2025, portant à 15 le nombre de nos ravitailleurs présents ici. La base sera définitivement au coeur des missions de soutiens et de mise en condition opérationnelle nécessaires à leur déploiement. Je sais que cette annonce était attendue.
Depuis qu’elle existe, la base d’Istres a accueilli nos aviateurs, nos soldats et nos marins avant qu’ils ne s’envolent pour défendre nos couleurs aux quatre coins de notre vaste monde. La programmation militaire pour les années 2024 à 2030 renforcera encore le rôle de la base pour la projection de nos soldats en opération extérieure et dans nos outre-mer. Elle prévoit la construction d’un terminal passager en 2026 et d’un bâtiment d’hébergement pour nos militaires en transit en 2025. Ces investissements feront d’Istres le principal hub militaire aérien français, autour de la plus longue piste d’Europe.
Au-delà des équipements et des infrastructures, une base n’est rien sans les militaires qui la font vivre. Je pense en particulier aux 310 réservistes opérationnels qui servent ici, aux côtés de l’armée d’active. Ils seront rejoints par 150 nouveaux réservistes d’ici 2030. Je veux redire ici combien leur mission est essentielle pour notre défense nationale.
Aussi, et devant les élus de ce beau territoire, je vous annonce un investissement global prévu dans cette LPM soumise au Parlement de 692 millions d’euros pour la seule base aérienne 125 au cours des sept prochaines années. Dont 490 millions d’euros pour les équipements capacitaires et 202 millions d’euros pour les seules infrastructures.
Au-delà de cette base d’Istres, le département des Bouches du Rhône joue un rôle majeur dans notre défense nationale. Avec l’école de l’Air et de l’Espace de Salon de Provence ; 4 régiments de notre Armée de Terre ; le lycée militaire d’Aix-en Provence ; la DGA ; le Commissariat de l’énergie atomique de Cadarache ; l’hôpital militaire de Laveran et les 10 245 femmes et hommes qui travaillent directement pour notre industrie de défense, les Bouches du Rhône sont au coeur de la prochaine loi de programmation militaire. Aussi, c’est un total de 830 millions d’euros qui seront investis dans les infrastructures militaires du département, hors capacitaire, au cours des sept prochaines années.
Au niveau régional, la programmation militaire portée par le Gouvernement, sous l’autorité du président de la République, prévoit la somme historique 3,9 milliards d’euros d’investissements pour les infrastructures militaires de la région Sud, hors capacitaire, confirmant notamment le destin de Toulon, comme un des plus grands ports militaires au monde. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Officiers, sous-officiers, aviateurs,
Je ne peux pas terminer cet ordre du jour sans avoir un mot pour vous-mêmes et pour vos familles. Pour vous parler d’abord de l’indispensable réflexion que nous devons mener sur la reconnaissance dont la nation vous témoigne à travers vos rémunérations. Nous aurons engagé, en 2023, un demi-milliard d’euros avec la nouvelle politique de rémunération des militaires. Nous poursuivrons ces efforts à l’avenir pour offrir des perspectives d’évolution de carrière, liées au mérite, aux militaires du rang et aux sous-officiers. Cette progression républicaine fait la force de nos armées, nous ne devons jamais la perdre de vue.
Naturellement, ces évolutions concernent l’ensemble des militaires, et bien sûr les 2043 marins-pompiers de Marseille qui agissent à vos côtés au quotidien, et souvent au péril de leur vie. Ils l’ont valeureusement montré lors de l’explosion d’un immeuble le 9 avril dernier. Je veux leur dire ici notre reconnaissance.
Nous engageons enfin des efforts avec le Plan Familles 2, dont le budget augmentera d’un tiers par rapport au précédent et qui correspond à un investissement de 28 millions d’euros dans votre département des Bouches du Rhône. Il doit permettre de mieux prendre en compte les contraintes de mobilité et de disponibilité qu’entraînent votre condition de militaire.
Pour la première fois, ce Plan Familles 2 a été préparé avec les représentants nationaux des collectivités territoriales. Je suis donc venu aujourd’hui proposer aux collectivités du territoire de mieux nous coordonner pour vous accompagner dans ces contraintes, en leur soumettant une lettre d’engagement partenariale que nous signerons dans un instant.
Tandis que certains estiment que les 413 milliards d’euros prévus par cette loi de programmation militaire seraient excessifs, les élus qui vous accueillent sur ce territoire connaissent, eux, l’importance des missions qu’assure nos armées pour notre défense nationale. En signant cette lettre d’engagement, ils font assurément un acte patriotique pour notre Nation.
Ce volontarisme de vos élus permettra de relever à vos côtés les défis qui font votre quotidien et celui de vos proches : pour trouver un logement ; des solutions de garde et de scolarisation pour vos enfants ; pour accompagner vos conjoints dans leur recherche d’emploi ; pour permettre la reconversion professionnelle des militaires blessés ; et pour cultiver les forces morales de la nation auprès de notre jeunesse et en lien avec nos anciens combattants – que je salue fraternellement –.
Aviateurs de la base aérienne 125,
En choisissant de consacrer votre vie à la défense de notre pays, vous assumez un engagement qui emporte la reconnaissance de toute la Nation. Devant vous aujourd’hui, nous prenons tous, collectivement, la mesure des responsabilités qui nous reviennent pour vous soutenir.
Sachez que ni vos chefs militaires, ni votre ministre, ni le président de la République chef des Armées, ne ménageront leurs efforts et leur énergie pour convaincre sans relâche de la nécessité de soutenir l’armée française. Et ainsi permettre que demain encore, la base aérienne 125 continue de remporter de grandes victoires, pour le succès des armes de la France.
Vive la base aérienne 125 !
Vive l’Armée française !
Vive la République !
Et vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 4 mai 2023