Texte intégral
LORRAIN SENECHAL
Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Lorrain SENECHAL.
LORRAIN SENECHAL
Le gouvernement est accusé ce matin, sur France Info, par la contrôleuse générale des prisons, Dominique SIMONNOT, de gardes à vue abusives, c’était en marge du mouvement contre la réforme des retraites, juste après le 49.3 fin mars, des gardes à vue abusives, et une stratégie même, c’est le mot qu’elle a utilisé, mise en place par le gouvernement pour essayer de faire taire une partie des manifestants, qu’est-ce que vous lui répondez ?
BRUNO LE MAIRE
Je lui réponds que je ne suis ni Garde des sceaux, ni ministre de l’Intérieur, Gérald DARMANIN a répondu, je crois, de manière très claire. Je voudrais dire aussi que toutes nos actions se font évidemment dans le cadre républicain, et je voudrais en profiter pour apporter tout mon soutien aux forces de l’ordre qui sont attaquées, harcelées, agressées, en permanence dans ces manifestations par des personnes qui ne viennent pas pour manifester, mais qui viennent uniquement pour casser, et face à des personnes qui ne viennent que pour casser il n’y a qu’une seule réponse, la fermeté et l’autorité.
LORRAIN SENECHAL
Elle outre passe ses compétences dit Gérald DARMANIN, vous êtes d’accord, elle se mêle de ce qui ne la regarde pas la contrôleuse générale des privations… ?
BRUNO LE MAIRE
Gérald DARMANIN est ministre de l’Intérieur, donc je sais de quoi il parle.
NEÏLA LATROUS
Vous parliez des violences, est-ce que vous en avez pour ce soir, alors que le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le deuxième référendum d’initiative partagée, est-ce que vous craignez qu’il y ait de nouveaux des heurts ce soir ?
BRUNO LE MAIRE
Non, moi je crois surtout qu’on doit sans cesse laisser la place au dialogue, laisser la place aux institutions, le Conseil constitutionnel va se prononcer sur ce projet de référendum d’initiative partagée, nous verrons quelle sera sa décision, pour ce qui me concerne je souhaite surtout continuer à faire avancer le pays.
NEÏLA LATROUS
Avancer ça veut dire tourner la page des retraites, parce qu’on voit que c’est compliqué, l’intersyndicale donne déjà rendez-vous en juin, il y a un texte qui va arriver à l’Assemblée, manifestement… ?
BRUNO LE MAIRE
Je vois bien, Neïla LATROUS, tous les obstacles qui sont mis pour empêcher la mise en oeuvre de cette réforme, je voudrais rappeler des choses simples. La première c’est que la réforme des retraites elle a été adoptée, elle a été validée par le Conseil constitutionnel, et elle a été promulguée par le président de la République, donc elle doit s’appliquer, et s’appliquer…
NEÏLA LATROUS
Il n’y aura pas de suspension ?
BRUNO LE MAIRE
S’appliquer dans les délais qu’a indiqué le président de la République. La deuxième chose…
NEÏLA LATROUS
Quelles que soient les manifestations, il n’y aura pas de suspension ?
BRUNO LE MAIRE
La deuxième chose que je tiens à rappeler c’est que, admettons que la réforme des retraites ne soit pas appliquée, qu’est-ce qu’il y a à la place, comment est-ce que l’on fait pour assurer l’équilibre de notre système de retraite par répartition, qui est-ce qui va combler les déficits, c’est les retraités, en baissant leur pension, c’est les salariés, en augmentant les cotisations ? donc il n’y a aucune alternative crédible à la réforme que nous proposons, qui sauve le régime de retraite par répartition, que la baisse du pouvoir d’achat des retraités ou des salariés, à laquelle nous sommes profondément opposés. Je voudrais simplement qu’au lieu de cette course d’obstacles on comprenne qu’il y a quelque chose qui s’appelle l’intérêt supérieur de la nation, l’intérêt supérieur de la nation c’est de sauver notre régime de retraite par répartition, pour que tous nous puissions bénéficier de cette solidarité.
LORRAIN SENECHAL
Et pour ça le groupe LIOT, ce matin Charles de COURSON sur France Info, vous propose d’organiser une grande conférence, d’en parler tranquillement, est-ce que ça ne serait pas un moyen de sortir par le haut de cette crise ?
BRUNO LE MAIRE
Mais un pays peut parler, discuter, dialoguer, c’est nécessaire, un pays doit aussi, à un moment donné, décider, décider au nom, je le redis, de ce qui est l’intérêt supérieur de la nation. Aujourd’hui en France, ce qui tient les Français ensemble, c’est notre système social, c’est notre protection sociale, c’est le fait que jeunes et plus âgés sont solidaires les uns des autres, eh bien préserver ce système-là, pour moi, je le redis, c’est l’intérêt supérieur de la nation, et je ne vois, de la part du groupe LIOT, ou de tout autre groupe, aucune alternative, sinon prolonger indéfiniment les discussions, mais à un moment donné il faut bien décider, ou alors faire baisser le pouvoir d’achat des retraités et des salariés pour financer le manque à gagner du système, ce qui me paraît une option profondément injuste. Donc je crois que la seule solution raisonnable c’est d’appliquer cette réforme, qui a été désormais décidée, validée, et promulguée.
NEÏLA LATROUS
Est-ce que vous avez une évaluation du coût de ce mouvement social, on voit déjà des mairies, Lyon, Paris notamment, dire l’Etat de toute façon va devoir venir au secours des communes qui ont vu par exemple des biens dégradés ?
BRUNO LE MAIRE
Ce que je constate c’est que l’économie française résiste, c’est tout, donc les mouvements sociaux sont toujours légitimes du moment qu’il n’y a pas de violence, les oppositions sont légitimes, même si je garde profondément au fond de moi la conviction que cette réforme des retraites est indispensable pour garantir la prospérité nationale et la prospérité des générations qui viennent, mais pour le reste vous voyez bien, pas d’impact significatif…
NEÏLA LATROUS
Et l’indemnisation ?
BRUNO LE MAIRE
Sur la croissance, puisque la croissance au premier trimestre a été de 0,2, et que contrairement à toutes les prévisions des oiseaux de mauvais augure, comme je l’explique depuis plusieurs mois, non seulement il n’y aura pas de récession, mais il y a une croissance française qui reste solide.
NEÏLA LATROUS
Et l’indemnisation des mairies, par exemple la mairie de Paris qui réclame 1,6 million d’euros à l’Etat ?
BRUNO LE MAIRE
Nous allons voir quelles sont les demandes des collectivités locales, on ne peut pas systématiquement nous dire il faut que l’Etat vienne à la rescousse, l’Etat protège face à la crise actuelle, on ne peut pas systématiquement demander à l’Etat de venir à la rescousse alors que nos finances publiques aujourd’hui doivent être rétablies.
LORRAIN SENECHAL
Juste, est-ce qu’on sait maintenant précisément combien d'économies vont être réalisées grâce à la réforme ?
BRUNO LE MAIRE
C’est plus de 17 milliards d’euros…
LORRAIN SENECHAL
Ça c’est sur l’ensemble du quinquennat, jusqu’à 2027 ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, c’est d’ici 2030, avec un engagement qui a été pris par la Première ministre, et que je rappelle ici, garantir…
LORRAIN SENECHAL
Y compris avec l’index senior qui a été écarté par le Conseil constitutionnel, c’est toujours 17 milliards ?
BRUNO LE MAIRE
Oui, garantir l’équilibre, c’est toujours la garantie du rétablissement de l'équilibre du système de retraite par répartition auquel nous sommes tous attachés.
NEÏLA LATROUS
On voit que la colère s'exprime, vous évoquiez les violences, s'exprime sur le parcours des manifestations, avec par exemple des supérettes saccagées à Paris encore lundi, montent aussi sur les réseaux sociaux des appels à aller perturber par exemple des assemblées générales, ATTAC dit " l'assemblée générale de TotalEnergies n'aura pas lieu, il faut bloquer les actionnaires ", qu'est-ce que ça vous inspire ?
BRUNO LE MAIRE
Mais qu’est-ce qu’on veut, on veut tuer l'attractivité de la France, que nous avons réussi à rétablir avec le président de la République ? nous sommes aujourd'hui le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en France. Quand un investisseur étranger veut investir en Europe il se dit je vais venir en France. Nous allons avoir dans un peu plus de 10 jours un grand événement, Choose France, où tous les investisseurs de la planète vont se rassembler pour dire nous allons investir en France…
NEÏLA LATROUS
Vous craignez que ces images de blocage d'assemblées générales viennent effrayer les investisseurs ?
BRUNO LE MAIRE
Mais c'est totalement inacceptable. Enfin, de quoi parle-t-on ? les casseurs qui débarquent chez LVMH, ou qui débarquent dans d'autres boutiques, les casseurs qui débarquent dans des assemblées générales, qui viennent perturber le bon fonctionnement des entreprises et la bonne délibération des actionnaires, qui peuvent être vous ou moi, ou nos auditeurs, mais c'est totalement inacceptable. Il n’est pas acceptable que dans un pays comme la France, une des grandes nations économiques, les entreprises ne puissent pas fonctionner correctement, délibérer correctement, dialoguer correctement. Il n’est pas acceptable de s’en prendre aux magasins, il n'est pas acceptable de s'en prendre aux commerces, il n'est pas acceptable d'avoir de la violence contre les policiers, il n'est pas acceptable de menacer de manière aussi brutale les forces de l'ordre, l'autorité doit avoir le dernier mot dans notre pays, la liberté de manifester de s'exprimer, oui, pleinement, totalement, entière, mais la casse, la violence, la menace, débarquer dans les commerces, débarquer dans les AG, c’est intolérable et inacceptable.
LORRAIN SENECHAL
Toujours avec Bruno LE MAIRE, ministre de l’Economie. On avait hier sur France info le panier France info sur une quarantaine de produits qu’on scrute avec le cabinet NielsenIQ, les prix en hausse de 17,6 % sur ce panier sur un an en avril, ça plafonne par rapport à Mars mais ça reste très élevé. Comment on fait baisser l’inflation Bruno LE MAIRE en urgence parce que là il y a urgence ?
BRUNO LE MAIRE
Il faut que les industriels participent à la baisse des prix, les prix de gros sont en train de baisser, les prix du blé par exemple, les prix du fret. Il faut que les industriels répercutent ça…
LORRAIN SENECHAL
Vous répétez ça depuis des jours et des semaines, comment on les fait revenir à la table des négociations ?
BRUNO LE MAIRE
C’est pour cela que nous allons prendre un certain nombre d’initiatives avec Olivia GREGOIRE, les chiffres que vous donnez c’est effectivement un plafonnement ou une très longue décélération, mais je veux redire à quel point c’est dur pour nos compatriotes notamment les plus modestes, notamment les familles nombreuses, quand il faut alimenter une famille nombreuse et que les prix augmentent aussi fort, c’est très dur. Donc nous allons avec Olivia GREGOIRE poursuivre notre action. Un : Nous allons convoquer distributeurs et industriels dès la semaine prochaine au ministère de l’Economie et des Finances pour accélérer les négociations commerciales. Je leur ai déjà écrit, maintenant nous allons les faire venir à Bercy pour accélérer les négociations commerciales et que les grands industriels, je dis bien les grands industriels répercutent à la baisse sur les prix à la consommation, la baisse des prix de gros. Deux : Nous avons un trimestre anti-inflation, il marche ce trimestre anti-inflation, quand vous prenez les prix au début de l’opération, ils ont baissé de moins 5 à moins 7% sur ces produits du trimestre anti-inflation.
LORRAIN SENECHAL
Et il prend fin à la fin du mois.
BRUNO LE MAIRE
Cette opération s’arrête le 15 juin, nous voulons avec les distributeurs prolonger l’opération pour que les distributeurs continuent de s’engager sur la baisse d’un certain nombre de prix, moins 5 à moins 7 % sur ces produits qui sont dans le trimestre anti-Inflation. J’en ai déjà parlé avec la plupart des distributeurs, je salue
leur attitude qui est une attitude constructive, volontariste, nous prolongerons l’opération au-delà du 15 juin. Enfin troisième chose qui me parait très importante, c’est que nous ayons les distributeurs et les industriels qui soient présents pour dialoguer, qu’on n’oublie pas non plus, j’ai vu le président de la FNSEA…
LORRAIN SENECHAL
Les agriculteurs.
BRUNO LE MAIRE
Il y a quelques jours, que cette baisse des prix ne doit pas avoir d’impact sur nos producteurs agricoles. J’ai été trois ans ministre de l’Agriculture, je ne veux pas que ce soit les producteurs agricoles qui paient, c’est déjà très difficile pour eux, il faut trouver des solutions qui n’affectent pas nos producteurs.
LORRAIN SENECHAL
Vous convoquez donc les industriels à partir de la semaine prochaine à Bercy, mais qu’est-ce qui les oblige à se mettre à la table des négociations ?
BRUNO LE MAIRE
Les négociations commerciales, nous avons demandé de les rouvrir avant l’inflation, quand les prix commençaient à fortement augmenter, ils nous ont dit mais venez à notre rescousse, les prix augmentent sur les marchés, on n’a pas pu répercuter sur les prix à la consommation, du coup nos marges sont en train de fondre comme neige au soleil, on ne s’en sort pas.
LORRAIN SENECHAL
Ils vous ont appelé à l’aide, vous avez répondu.
BRUNO LE MAIRE
J’ai fait le nécessaire, je suis monté au créneau et je leur ai permis de rouvrir les négociations commerciales pour augmenter leurs prix. Maintenant que les prix baissent, ce n’est que justice de demander aux grands industriels de répercuter à la baisse pour le consommateur le prix des produits de grande nécessité.
LORRAIN SENECHAL
Mais rien ne les y oblige, rien ne les oblige à aller à la table des négociations.
BRUNO LE MAIRE
Attendez, je parie toujours sur le sens de l’intérêt général et je le redis l’intérêt supérieur de la Nation. L’intérêt supérieur de la Nation c’est que les prix baissent et notre objectif c’est quoi ? Que distributeurs et grands industriels s’engagent dans ces nouvelles négociations commerciales.
LORRAIN SENECHAL
Et il ne peut pas y avoir de solution, il ne peut pas y avoir de sanction ?
BRUNO LE MAIRE
Mais pour l’instant parions sur la bonne volonté, ça peut fonctionner aussi, ça a toujours été ma méthode, le dialogue, mais je n’ai jamais exclu des mesures plus fermes si jamais le dialogue ne fonctionnait pas.
LORRAIN SENECHAL
Lesquelles ?
BRUNO LE MAIRE
D’abord laissons la place au dialogue. Enfin je le redis sur notre objectif, prolonger les opérations au-delà du 15 juin avec l’objectif de faire baisser les prix et de casser la spirale des prix inflationnistes sur les prix alimentaires à l’automne prochain. Je pense que si on s’y met tous, distributeurs, industriels, les pouvoirs publics, nous pouvons casser la spirale de l’augmentation des prix alimentaires à l’automne prochain, ça doit être notre objectif, un ralentissement d’abord, et casser la spirale ensuite.
NEÏLA LATROUS
Comme vous évoquez justement peut-être des prix qui arrêtent d’augmenter, ou en tout cas dont l’augmentation décélère à partir de septembre, est-ce que ça veut forcément dire que le panier anti-inflation, que ce trimestre pardon anti-inflation est prolongé jusqu’en septembre ou ça c’est aussi encore un élément à négocier ?
BRUNO LE MAIRE
Rediscuter non, rediscuter avec les distributeurs, ce que je peux vous dire c’est qu’ils sont d’accords pour prolonger les opérations au-delà du 15 juin, on va déterminer précisément ensemble la forme et nous avons tous le même objectif, casser cette augmentation des prix à l’automne.
NEÏLA LATROUS
Bruno LE MAIRE, le pouvoir d’achat en berne c’est aussi une aubaine pour un certain nombre de professionnels de l’arnaque, est-ce qu’il y a des contrôles renforcés de la DGCCRF, est-ce qu’on voit augmenter le nombre d’arnaques commerciales, notamment sur Internet on a beaucoup parlé ces derniers temps des influenceurs qui profitaient aussi un peu de la détresse de personnes en recherche de bons plans sur Internet ?
BRUNO LE MAIRE
La DGCCRF vous avez raison est totalement mobilisée et je tiens à saluer le travail qui est fait par les agents de la direction générale de la consommation et de la répression des fraudes, ils contrôlent tout ce qui peut et tout ce qui doit être contrôlé, ça peut les prix dans la grande distribution, ça peut être les marges, c'est aussi les influenceurs. Là nous avons contrôlé 50 sites d'influenceurs…
NEÏLA LATROUS
Depuis le début de l’année ?
BRUNO LE MAIRE
Sur ces 50 sites d'influenceurs, nous avons noté depuis le début de l'année, c'est-à-dire 3 fois plus que ce que nous faisions dans les années normales, nous avons constaté 30 infractions.
LORRAIN SENECHAL
30 sur 50.
BRUNO LE MAIRE
30 sur 50. Donc tout cela est évidemment totalement inacceptable, il y aura des sanctions, il y aura des injonctions, il y aura des poursuites pénales et nous allons donner les noms des influenceurs qui n'ont pas respecté les règles dans les prochains jours. Je pense que c'est aussi très dissuasif.
LORRAIN SENECHAL
Ce sont des noms connus ?
BRUNO LE MAIRE
Vous verrez les noms, chacun a sa propre culture, il y a des noms qui diront quelque chose aux uns et pas forcément aux autres mais on ne peut pas accepter que les influenceurs, ce soit le Far West, nous avons fait adopter une loi avec une proposition de loi portée par 2 députés qui va permettre de réguler ce secteur, je veux aussi protéger les influenceurs qui font un super boulot, qui sont dynamiques, qui sont créatifs contre les arnaques d'autres influenceurs qui du coup développent une mauvaise réputation d'une activité qui pourtant se développe en France. Renforcement des sanctions…
LORRAIN SENECHAL
Vous disiez Booba a raison sur France Info, Booba merci, vous lui dites maintenant d'avoir mis le doigt sur ce…
BRUNO LE MAIRE
Non là je dis merci à la DGCCRF qui a fait un super boulot et qui permet de lutter contre les fraudes et les arnaques qui sont inacceptables partout dans les magasins, comme sur le net.
NEÏLA LATROUS
Encore un point sur l'inflation Bruno LE MAIRE, en général, en général le Livret A qui est le placement préféré des Français est revalorisé 2 fois par an pour permettre aux épargnants ben tout simplement de ne pas perdre d'argent lorsqu'ils mettent de l’argent sur ces comptes. Il n'y aura pas de 2e revalorisation cette année croit savoir Mediapart, est-ce que vous nous le confirmez ?
BRUNO LE MAIRE
Oui mais ce n'est pas Mediapart qui décide de la revalorisation du Livret A, c'est une proposition qui est faite par le gouverneur de la Banque de France et qui ensuite est validée par votre serviteur.
NEÏLA LATROUS
Ce n’est pas le gouvernement qui décide tout seul ?
BRUNO LE MAIRE
Ce n’est pas le gouvernement qui décide tout seul, il y a une formule, il y a une proposition qui est faite par le gouverneur de la Banque de France et comme je l'ai toujours fait je retiendrai la proposition du gouverneur de la Banque de France. Si jamais la conclusion de la formule et du gouverneur de la Banque de France, c'est que comme l'inflation est très élevée, il faut continuer à augmenter la rémunération du Livret A, je suivrai la recommandation du gouverneur.
LORRAIN SENECHAL
Mais vous, vous avez le pouvoir d'aller plus loin, de prendre la décision…
BRUNO LE MAIRE
On peut toujours déroger dans un sens ou dans un autre, je pense que ce n’est pas de bonne politique parce que ça brouille les messages et que ça empêche d'avoir une visibilité sur la politique financière du gouvernement et moi je crois à la visibilité, je crois la stabilité, je crois à la prévisibilité, c'est important pour les investisseurs et c’est surtout important pour nos compatriotes. Donc nos compatriotes doivent savoir que je suivrai la recommandation du gouverneur sur le taux du Livret A, que si l'inflation amenait le gouverneur à me faire une proposition d'augmentation de ce taux, je suivrai la recommandation du gouverneur parce que ma première responsabilité, c'est de protéger l'épargne des Français surtout dans ces périodes de crise, c'est extrêmement important, protéger l'épargne des Français.
NEÏLA LATROUS
Est-ce qu'il faut à tout prix se débarrasser de de l'inflation Bruno LE MAIRE quitte à casser la croissance ? On entend dire par exemple que les taux vont encore augmenter, les taux de la Banque centrale.
BRUNO LE MAIRE
C’est un dosage, vous avez parfaitement raison.
NEÏLA LATROUS
Toute la stratégie du gouvernement, c’est de viser…
BRUNO LE MAIRE
C‘est un équilibre compliqué à trouver, c’est un dosage qui est difficile à trouver…
NEÏLA LATROUS
Mais pas à n’importe quel prix.
BRUNO LE MAIRE
Nous garderons un niveau d'inflation plus élevés qu'avant la crise parce que nous voulons relocaliser notre production industrielle en France parce que nous décarbonons notre économie et que ça coûte plus cher de faire des produits décarbonée que des produits lourdement carbonés, donc nous aurons structurellement une inflation un peu plus élevée, mais nous devons faire attention dans ce combat contre l'inflation à ne pas casser la croissance. C’est un équilibre difficile à trouver. C'est comme sur les finances publiques, c'est une ligne de crête. Il y a certains qui me disent, mais il faut tailler à la hache dans les dépenses publiques, tout supprimer, les dépenses sociales, les dépenses des collectivités locales, mais vous faites ça l’économie s’effondre et vous avez une récession. Donc ce n’est pas la bonne solution. D'autres vous disent…
NEÏLA LATROUS
La récession, ce n'est pas le prix à payer pour lutter contre l’inflation ?
BRUNO LE MAIRE
La dette, ça n’a pas d’importance, on ne remboursera pas, laissez faire, laissez filer la dette, laissez filer les déficits, c’est irresponsable, la réalité se rattrape à vous, les marchés vous demandent de payer des taux plus élevés si vous ne tenez pas bien vos comptes publics, donc il y a une ligne de crête à tenir que nous tenons avec le président de la République et la Première ministre, rétablir nos finances publiques tout en préservant la croissance française…
LORRAIN SENECHAL
Des finances publiques d'ailleurs qui…
BRUNO LE MAIRE
Les résultats sont là, nous commençons à baisser la dette française et nous avons une croissance qui reste solide.
LORRAIN SENECHAL
Et solde budgétaire de l'Etat à l'instant les chiffres du ministère chargé des comptes publics, 55 milliards d'euros fin mars, c'était 38 milliards d'euros un an plus tôt.
BRUNO LE MAIRE
C'est bien pour ça qu'il faut de manière très constante, très solide et totalement déterminée et croyez-moi personne ne peut douter de ma détermination en la matière, nous devons rétablir nos finances publiques. Nous avons défini une nouvelle trajectoire, une baisse de la dette accélérée parce que les taux d'intérêt augmentent et qu'il serait irresponsable de ne pas baisser la dette plus rapidement, le retour sous les 3 % en 2027, cette ligne sera tenue et elle sera tenue avec la plus grande fermeté.
NEÏLA LATROUS
Toujours avec Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances. Vous évoquiez les taux d'intérêt qui remontent, c'est dans ce contexte que l'agence de notation Fitch a dégradé la note de solvabilité de la France, premier avertissement envoyé à l'Etat, d'autres agences doivent se prononcer le mois prochain, vous avez dit on va faire des réformes structurantes, alors vous venez de nous dire " ce n’est pas tailler à la hache dans les dépenses sociales ", c'est quoi alors des réformes structurantes ?
BRUNO LE MAIRE
C’est ce qui a été fait sur l'assurance chômage, quand vous réduisez la durée d'indemnisation du chômage, que vous incitez les gens à revenir sur le marché du travail parce qu'il y a des pénuries d'emplois dans les restaurants, dans l'hôtellerie, dans les services, eh bien vous faites une réforme qui est structurante pour l’économie.
LORRAIN SENECHAL
Ça c’est déjà fait.
BRUNO LE MAIRE
Quand vous faites la réforme…
LORRAIN SENECHAL
Des retraites, ça c’est déjà fait aussi.
BRUNO LE MAIRE
Des retraites, ça c’est une réforme structurante, quand vous présentez le projet de loi sur l'industrie verte, que nous présenterons…
NEÏLA LATROUS
Ça, ça arrive mi-mai.
BRUNO LE MAIRE
Avec le président de la République dans une semaine, eh bien vous faites une réforme structurante parce que vous accélérez la réindustrialisation du pays, l'ouverture d'usines, la création de postes d'ouvriers, d'ingénieurs, de techniciens de maintenance, c'est totalement structurant dans un pays qui a perdu 2 millions d'emplois industriels en 20 ans, c’est ça les réformes structurantes.
LORRAIN SENECHAL
Donc vous misez tout sur la loi industrie verte, c’est ça la prochaine… ?
BRUNO LE MAIRE
Non, je ne mise pas tout sur cette loi, je pense qu’elle est totalement décisive pour mettre fin à 30 années de délocalisations industrielles dans notre pays et décarboner notre industrie pour avoir une économie verte, mais c'est la somme de ces décisions, de ces mesures, et c'est ce volontarisme qui va, au bout du compte…
LORRAIN SENECHAL
Parce que là, la…que fait Fitch c’est de dégrader la note de la France.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais d’autres agences de notation ont décidé de garder la même note et de ne pas modifier la note de la France, je prends note, moi, de la décision de Fitch, je rappelle que Fitch montre bien que la réforme des retraites est un point positif qui va permettre de rééquilibrer les comptes, mais moi la simple conclusion que j'en tire c'est que, effectivement, nous devons veiller à accélérer le désendettement, accélérer la réduction des dépenses publiques pour que les dépenses publiques augmentent moins vite que la croissance, c'est de la bonne gestion, c'est exactement ce que nous avons décidé avec le président de la République, et je suis le garant de cette décision du président de la République. Quand il décide de présenter un programme de stabilité, à nos partenaires européens, dans lequel on accélère le désendettement, il y a un garant de cette décision, c'est le ministre des Finances, quand il décide que les dépenses publiques ne devront pas augmenter plus vite que notre richesse nationale, je suis le garant de cette décision.
NEÏLA LATROUS
Est-ce que vous réclamez une sorte de réflexe d'union nationale autour du rétablissement des comptes publics, alors que le budget 2024 va commencer à être discuté d'ici quelques mois et qu'on voit des oppositions qui pour l'instant ne facilitent pas le vote d’un certain nombre de textes à l'Assemblée, est-ce que vous dites aux oppositions c'est le moment, saisissez la main tendue, faisons une forme d'union nationale autour du désendettement ?
BRUNO LE MAIRE
J’aimerais, Neïla LATROUS, qu’il y ait une union nationale de la réduction des déficits et de la dette, je vois que dans des pays…
NEÏLA LATROUS
Ça ne sera pas le cas ?
BRUNO LE MAIRE
Qui sont gouvernés par des gouvernements socialistes, en Espagne, au Portugal, le rétablissement des finances publiques fait l'objet d'un consensus, j'ai malheureusement trop d'expérience politique pour croire que ce soit aussi facile et possible en France, mais je tends effectivement la main vers tous ceux qui ont toujours réclamé la réduction des déficits et la réduction de la dette. Il va y avoir une loi de programmation des finances publiques, elle va refléter cette détermination du gouvernement à rétablir les comptes de la nation, tous ceux, Républicains en tête, qui réclament ce rétablissement des comptes de la nation, devraient pouvoir voter cette loi, et je ne vois pas au nom de quoi, au nom de quelle excuse, au nom de quel prétexte, on ne pourrait pas le faire.
LORRAIN SENECHAL
Vous avez entendu peut-être les mots de votre ancien Premier ministre, vous avez rappelé tout à l'heure vous étiez ministre de l'Agriculture il y a quelques années, François FILLON, qui avait quitté un poste pour la Russie il y a quelques mois, au tout début de l'invasion russe en Ukraine, hier il a déclaré " si j'ai envie de vendre des rillettes sur la Place Rouge, je vendrai des rillettes sur la Place Rouge ", qu'est-ce que ça vous évoque ?
BRUNO LE MAIRE
C’est une drôle d'idée d'aller vendre des rillettes sur la Place Rouge.
LORRAIN SENECHAL
Est-ce qu’un ancien Premier ministre, en fait, peut faire le métier qu'il veut ? c'est ça la question, il semble bien que oui.
BRUNO LE MAIRE
Je ne suis pas là pour juger les uns ou les autres, moi je suis ministre en fonction, avec des objectifs clairs, réindustrialiser notre pays, décarboner notre économie, rétablir les équilibres des finances publiques et faire en sorte que les gens qui bossent, qui tiennent le pays, qui font la croissance, qui font que le pays s'en sort, soient mieux rémunérés et s'en sortent mieux. Moi, pour ce qui me concerne, les rillettes sur la Place Rouge, c'est très très loin de mes préoccupations.
NEÏLA LATROUS
Vous n’êtes pas que ministre en exercice, vous êtes aussi écrivain avec ce dernier roman, « Fugue américaine », qui rencontre un engouement inédit sur les réseaux sociaux, en cause une page, sur les 480 du livre, un passage érotique qui a fait le bonheur des internautes ce week-end, est-ce que vous êtes surpris par l'accueil réservé à votre livre ?
BRUNO LE MAIRE
10 lignes sur 480 pages, lisez le livre, lisez le livre, vous verrez qu'il y est question de Vladimir HOROWITZ, c'est le personnage central du livre, il est question de musique, de ma passion pour la musique, il est question de Bach et de Beethoven, il est question de villes, de New York, de Berlin, de Moscou, il est question du XXe siècle, et des drames du XXe siècle, il est question de la fragilité des failles et des personnes, parce que c'est quelque chose qui me touche profondément, de voir des personnes qui tombent et qui se relèvent, d'autres personnes qui tombent et qui ne se relèvent pas, ce roman est une grande aventure, une aventure humaine, et je souhaite qu'il soit lu comme ça.
LORRAIN SENECHAL
Vous êtes déçu que ce soit ça qui fasse le tour d’Internet ?
BRUNO LE MAIRE
Non, lisez le livre, il y a d’autres personnes qui lisent le livre…
LORRAIN SENECHAL
Ça a été quoi votre réaction, parce que là vous êtes même tourné en dérision ?
BRUNO LE MAIRE
Peu importe, lisez le livre et rien, rien, ne limitera jamais ma liberté d'écrire.
LORRAIN SENECHAL
Et ça n’entrave pas votre travail de ministre de l’Economie, d’être tourné en dérision sur un passage d’un livre que vous avez écrit ?
BRUNO LE MAIRE
Je crois que l’émission a montré que j’étais à ma tâche, à 100%, et pour le reste, entre la liberté et la censure, j'ai toujours fait le choix de la liberté et je continuerai de le faire.
LORRAIN SENECHAL
Bruno LE MAIRE, écrivain donc, mais surtout ministre de l'Economie, et invité ce matin de 8.30 France Info, bonne journée à vous.
BRUNO LE MAIRE
Merci beaucoup.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 4 mai 2023