Texte intégral
Bonjour à toutes et à tous.
Nous avons le plaisir, Annalena Baerbock et moi, d'être devant vous aujourd'hui, non pas pour faire le compte-rendu du Conseil des ministres, le ministre est là et le fera comme chaque semaine, mais parce que ce Conseil a été marqué, honoré, heureux de la présence d'Annalena Baerbock, ministre des affaires étrangères allemande, et j'ajoute, amie, qui a participé à nos travaux dans le cadre des dispositions du traité d'Aix-la-Chapelle. Mais c'est surtout une façon concrète, que nous pratiquons avec peu de pays, de marquer l'intimité de nos pays, la confiance réciproque que se font nos deux pays.
Cette présence d'Annalena au Conseil des ministres aujourd'hui est particulière, et elle se situe dans la droite ligne de ce que nous avons décidé au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, le 22 janvier dernier, à Paris. Vous avez tous en tête, je pense, mais je tiens à le rappeler, l'invitation qui a été lancée au Président de la République de se rendre en visite d'Etat en Allemagne ; invitation qu'il a acceptée, et donc visite d'Etat qui se déroulera, tout début juillet, du 2 au 4 juillet. Ce sera une autre preuve de cette intimité et de cette confiance réciproque. Et je crois que vous savez également que le Président de la République aura l'occasion d'être, à l'invitation du Chancelier Scholz, à Potsdam, tout bientôt, le 6 juin.
Quelques mots sur ce que nous avons fait ensemble lors de ce Conseil. Je commencerai et puis Mme Baerbock continuera. Ça a été bien sûr d'abord l'occasion d'échanger sur les liens entre nos deux pays, mais aussi sur la coordination de l'action européenne et internationale de nos deux pays. Nous le faisons à quelques jours de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, dite Gymnich, qui nous permettra de nous retrouver sous la présidence suédoise, à Stockholm, après-demain. Bien sûr, la guerre menée par la Russie en Ukraine a été au coeur de nos échanges, ce matin. Comme leurs partenaires européens, la France et l'Allemagne partagent bien évidemment une détermination commune à soutenir l'Ukraine face à cette guerre d'agression russe, et aussi longtemps que nécessaire, aussi longtemps que nécessaire, et sur tous les plans : diplomatique, politique, économique, financier, militaire, s'il le faut, et il le faut, humanitaire, mais également judiciaire. Nous en parlions hier, lors de la réunion de Kiev, à laquelle assistait la présidente de la Commission européenne. Annalena et moi, nous nous félicitons particulièrement de la mise en oeuvre de ce que nous avions décidé, il y a quelques semaines, lors du Conseil Affaires étrangères, qui vise à permettre l'accélération et l'augmentation des livraisons de munitions à l'Ukraine à travers le mécanisme dont nous avons décidé un déstockage plus rapide, un remboursement par la facilité européenne de paix, l'acquisition conjointe de munitions et de missiles au profit de l'Ukraine, et puis le développement des capacités de production de nos industries de défense, car il est nécessaire, je le redis, d'aider l'Ukraine dans la durée. Une façon de montrer que pour pouvoir se défendre, il faut pouvoir s'équiper. Ce qui est vrai pour l'Ukraine est vrai aussi pour nos pays. L'Allemagne et la France poursuivent leur coopération étroite et ancienne, avec l'Espagne, par exemple, dans le cadre du développement de l'avion de chasse du futur, le SCAF, pour ceux qui suivent ces questions de près. Et nous voulons aussi avancer dans le projet de char du futur. Nous en avons parlé ce matin, au Conseil des ministres. Nos pays entendent se doter des moyens de défense efficaces, pour eux-mêmes, mais aussi pour l'Europe, parce que c'est ce que nous ferons ensemble contribuera à la sécurité de l'Europe comme à notre propre sécurité et à la compétitivité de l'industrie européenne.
Notre conviction, c'est que la relation franco-allemande se renforce, aussi bien au niveau bilatéral qu'européen, et nous renforce lorsqu'elle se renforce. Vous connaissez, un thème connu de nos diplomaties. Nos pays poursuivent la même ambition au service d'une Europe souveraine et démocratique, parce que nous ne devons jamais oublier, et nous vous voyons au surlendemain du 8 mai, jour particulier dans l'histoire de nos pays, au sujet duquel la Ministre s'est exprimée, comme moi-même et comme le Président de la République, la Première ministre et la plupart de nos ministres, eh bien, se voir aussi près de ce moment, et le lendemain de la fête de l'Europe, le 9 mai, je crois que c'est une occasion pour nous de vous redire et de réaffirmer que l'Union que nous construisons, l'Europe que nous voulons, la coopération qui est la nôtre, s'inscrit dans le cadre de ce socle de valeurs partagées, de liberté, de démocratie, de respect de la personne humaine, de respect de l'Etat de droit qui est le fondement de ce que nous faisons sur ce continent et qui est précisément une de ces choses qui est attaquée aujourd'hui, qu'il faut défendre et défendre en coopérant, en avançant, en promouvant des initiatives. Nos pays sont déterminés à faire de l'Europe, dans ce cadre, une puissance souveraine, autonome, libre de ses choix.
Et cela passe aussi par l'Europe, puissance industrielle, Europe compétitive, Europe qui accélère sa transition écologique vers la neutralité climatique, et notamment en traitant les questions délicates des secteurs de l'énergie, nous en parlons souvent dans d'autres cadres, vous savez bien pourquoi. Une Europe qui puisse aussi réduire ses dépendances stratégiques dans le domaine des matières premières, des semi-conducteurs, des matériaux critiques, mais aussi dans celui de la santé, ou du numérique, ou du cyber.
Beaucoup de choses à faire, donc, vous le voyez, et nous avons la même volonté de développer une plus grande sécurité économique européenne. Comme le Président de la République l'a appelé de ses voeux encore il y a quelques semaines à La Haye, dans son discours du 11 avril, comme le Chancelier l'a fait, pour sa part, hier, au Parlement européen. Notre autonomie stratégique, cela implique, je l'ai dit, la réduction de nos dépendances, lorsqu'elles sont excessives, en tout cas, et c'est vrai, notamment à l'égard de la Chine. Notre homologue chinois, M. Qin Gang était hier à Berlin, il sera ce soir à Paris. Notre message sur ce sujet, comme sur tant d'autres, est uni. Vis-à-vis de la Chine, nous ne cherchons pas le découplage, mais nous cherchons à limiter nos dépendances, lorsqu'elles sont excessives. En bon français, on parlera de derisking, par opposition au decoupling. Mais j'ai tenu à essayer de m'exprimer précédemment dans des termes plus choisis et plus français.
Plus largement, la France et l'Allemagne poursuivront leur coordination pour répondre aux défis globaux et aux crises internationales. Nous participerons, l'une et l'autre, je le disais en fin de semaine à Stockholm, au Gymnich, mais pas seulement au Gymnich. Cette réunion est prolongée par une réunion avec nos partenaires asiatiques et c'est important de pouvoir, dans ce cadre, parler avec eux des défis qui sont devant nous, du rééquilibrage aussi des relations avec la Chine, de la stabilité dans la région Indopacifique et de la présence accrue, que vous y mènerez et que nous menons. Voilà.
La participation d'Annalena, lui, a aussi permis, et je l'en remercie, d'exprimer ses condoléances comme je l'ai fait, comme nous l'avons fait pour le décès d'un de vos confrères, journaliste de l'AFP, Arman Soldin, tué hier à Bakhmout. Je me souviens de lui et je ne veux pas dire des choses trop personnelles, mais parce qu'il avait couvert ma dernière visite à Kiev, notamment, donc merci Annalena de lui avoir rendu hommage. Je veux, moi aussi, rendre hommage non seulement à son courage mais au travail que vous faites, qui est indispensable pour que nous connaissions la réalité des faits, pour que nous connaissions la vérité en Ukraine comme ailleurs.
Annalena, je te laisse la parole et puis nous répondrons, si vous voulez bien, et si le ministre, porte-parole du Gouvernement nous y autorise, à une question sur ces sujets et sur nul autre, je dois le préciser.
Merci beaucoup.
(...)
Q - Je vous remercie, Madame la Ministre, pour les mots que vous avez eus pour Arman. Je me permets de rappeler d'ailleurs qu'il était né dans un pays en guerre, en Europe, à Sarajevo, il y a 30 ans, et qu'il a perdu la vie en couvrant, en racontant une autre guerre en Europe, et qu'il est mort un 9 mai, le jour de l'Europe, ce qui est particulièrement bouleversant quand on connaît le symbole que cette journée représente en termes de paix et d'espoir. Voilà.
Donc, par rapport à cette petite remarque, j'avais deux questions, si c'était permis. En l'une, la première concerne l'Ukraine : vous avez toutes les deux rencontré - ou allez rencontrer - le ministre chinois des Affaires étrangères. Quelles sont vos attentes concrètes vis-à-vis de la Chine ? Quel message attendez-vous de la Chine, vis-à-vis de la Russie, pour aider à avancer vers une solution de paix et accélérer un chemin vers la paix ? Ce sera la première question.
Et la deuxième qui concerne Paris et Berlin, qui sont aussi tous les deux si importants dans ce processus européen et dans cette construction européenne : comment comptez-vous, concrètement, relancer le couple franco-allemand, ces prochaines semaines ? Et sur quels dossiers en particulier, sur quels sujets pourriez-vous rapidement afficher des résultats ? Merci.
R - Je vais commencer, Annalena complétera. Sur la Chine, elle complétera, parce qu'elle a vu notre homologue hier.
Sur la Chine et concernant l'Ukraine, nos positions sont connues, mais permettez-moi de les rappeler très rapidement. Ce que nous attendons de la Chine et nous en parlons avec elle ouvertement, directement, avec la franchise que permet l'amitié, de l'importance qu'il y a pour l'ensemble des pays, en particulier, pour ceux qui sont membres du Conseil de sécurité, membre permanent du Conseil de sécurité, comme l'est la Chine, comme nous le sommes, pays doté de surcroît de veiller activement au plein respect des principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies. Et parmi ces principes, eh bien, il y a la souveraineté des Etats, la non-agression, le droit de légitime défense, mais aussi l'intégrité territoriale. Et donc, ce que nous attendons de la Chine, et nous le lui disons, c'est qu'elle participe à la défense des principes qui fondent l'ordre international fondé sur la règle de droit qui est celui dans lequel nous évoluons. Très concrètement, le Président de la République en avait parlé au Président Xi Jinping, il est nécessaire que la Chine utilise ses relations avec la Russie pour faire mieux comprendre à la Russie qu'elle est dans une impasse, et lui demander, je reprends son expression, " de revenir à la raison ", de façon à adopter une nouvelle attitude et une attitude qui soit celle d'un retour à la paix et non pas de la continuation de la guerre ; une guerre non provoquée, choisie par la Russie et menée par elle depuis un an, plus d'un an déjà, par des moyens qui violent toutes les lois de la guerre, tout le droit international humanitaire, s'il fallait ajouter cela. Nous demandons également à la Chine, bien sûr, de s'abstenir de toute livraison d'armement à la Russie, car ce serait basculer dans tout à fait une autre configuration qui remettrait en question le regard que nous portons sur ce pays. Annalena a eu l'occasion d'avoir hier notre collègue. J'aurai ce même dialogue exigeant, direct, avec notre collègue chinois que j'avais eu le plaisir de voir au mois d'avril à Pékin.
(...)
R - Mais vous avez déjà vu que la liste est déjà longue de ce que nous faisons. Je pourrais la reprendre intégralement. Mais en effet, nous avançons sur la Chine parce que nous parlions de la Chine. Nous avons une feuille de route pour mener nos relations avec la Chine. Annalena parlait de la solidarité internationale, elle a oublié, je crois, de parler de ce que nous faisons pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes dans nos ministères, et au-delà dans notre politique étrangère. Et puis, je pourrais citer, puisque vous m'aviez interrogé sur l'Ukraine, que hier encore, par exemple, nous avions pris une initiative, dans le cadre du sommet qui s'est tenu à Kiev, pour avancer sur l'idée d'un tribunal internationalisé permettant de juger le crime d'agression dont la Russie se rend coupable.
(...)
Merci beaucoup. Merci à tous et merci de votre intérêt pour ce sujet. Nous rendons le contrôle de ce point de presse au porte-parole du Gouvernement. Merci encore une fois de vous intéresser à ces questions et je voudrais terminer en disant à ceux qui m'ont connu dans d'autres fonctions que ça me fait plaisir de les revoir. Ils se reconnaîtront. Merci à tous.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 mai 2023