Texte intégral
Chère Annalena, merci beaucoup tout d'abord, merci de ton accueil à Berlin. Nous nous étions quittées il y a moins de 24h à Paris, merci d'être venue aussi à Paris.
Cher Ayman, Cher Sameh,
Mesdames et Messieurs,
Merci de votre présence. A mon tour, laissez-moi vous dire que nous venons d'avoir des échanges fructueux dans un format qui se réunit pour la septième fois, je crois, et je veux souligner devant vous l'intérêt de ce format et le fait que nous travaillons tous dans le même esprit et dans le même but qui est de contribuer à la paix. Nous nous sommes réunis, vous le savez, à un moment critique où la période des fêtes religieuses s'est passée tant bien que mal, mais à un moment aussi où les tensions restent fortes, peut-être même redeviennent fortes et peuvent à tout moment déraper. Evidemment, en disant cela, j'ai en tête, comme vous tous, les tirs de roquettes des dernières heures ciblant le territoire israélien et à ce titre je souhaite réitérer l'amitié de la France pour Israël et son attachement indéfectible à sa sécurité, tout comme j'ai en tête les événements qui ont précédé ces tirs.
Nous avons l'occasion souvent, trop souvent peut-être, de rappeler les responsabilités qui imposent à Israël, au titre du droit international, notamment la nécessaire proportionnalité dans les frappes qui sont conduites et la nécessité d'épargner les civils. Israël a le droit de se défendre, mais doit le faire en respectant le droit.
Ce contexte nous rappelle que le conflit israélo-palestinien n'est pas réglé, loin de là.
Il faut donc, je crois, continuer à échanger, continuer à proposer, continuer à œuvrer à la paix, humblement, comme nous le faisons, mais résolument, comme nous le faisons aussi, même si les perspectives peuvent paraître sombres.
Un constat fondamental, d'abord, concernant notre groupe.
Vous vous en souvenez, quand ce groupe s'est réuni pour la première fois, les paramètres internationaux agréés étaient attaqués. Ils étaient mis en cause, ils étaient même parfois, aussi surprenant que cela paraisse, accusés d'empêcher la paix et c'est d'ailleurs la première raison d'être de ce groupe : protéger les paramètres internationalement agréés.
Nous y sommes parvenus, je crois, et contrairement au temps où certains partenaires étaient prêts à remettre en question le futur, la dignité des Palestiniens, nous sommes revenus aux paramètres agréés, au cadre pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. Et donc je voudrais d'abord souligner qu'à cette aune, à cet égard, notre groupe a rempli une mission utile. Il y donc un motif d'espoir, même si je sais qu'il reste tant et tant à faire.
Alors, où en sommes-nous aujourd'hui ?
Premier constat d'évidence, chacun d'entre nous en a parlé : la violence. La violence persiste, la violence augmente et nous savons que la violence nourrit la violence. Elle tue. Et c'est aussi l'absence de perspectives politiques et la misère qui tuent. Alors, soyons clairs - nos collègues l'ont été, je veux l'être - l'engrenage de la violence ne cessera pas tant qu'une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien ne sera pas trouvée. Et il y a évidemment un contraste éloquent, tristement éloquent entre les violences quotidiennes, qui menacent d'ailleurs de se propager aux voisins, et la promesse de paix que les accords d'Abraham étaient censés porter. Ces accords à nos yeux sont une bonne chose en ce qu'ils confortent Israël dans son environnement régional, en ce qu'ils contribuent à apaiser les tensions, mais ne soyons pas non plus naïfs, ils sont insuffisants car ils sont construits autour d'une absence et laissent de côté la question palestinienne. Sans solution de cette question, les violences se poursuivront.
Dans ce contexte, l'erreur serait de se décourager. C'est pourquoi nous devons continuer nos efforts. C'est pourquoi nous nous sommes attachés à nous réunir, dans cet esprit - je le redis - commun, pour apporter notre contribution à un chemin de paix.
Et l'objectif est connu, il a été répété : deux Etats vivant côte à côte, en paix et en sécurité au sein des frontières sûres et reconnues qu'ils méritent, sur la base des lignes du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale des deux Etats. Voilà le cadre et ce cadre, c'est celui du droit international, tout simplement, et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
Nous avons le cadre, nous devons avoir la méthode. La méthode c'est la négociation directe entre les parties.
Dès lors, permettez-moi de faire le constat, pour y encourager, d'un second motif d'espoir. Ayman le rappelait, Sameh aussi. Israéliens et Palestiniens se sont rencontrés, à deux reprises, autour d'une même table, et ils ne l'avaient pas fait depuis plusieurs années. Ils se sont rencontrés en mars et en avril derniers, à Aqaba puis à Charm el-Cheikh, mesurant l'importance d'une rencontre directe entre les parties qui n'avait pas eu lieu depuis je crois 10 ans et j'en profite d'ailleurs bien sûr pour saluer les efforts entrepris par les Ministres et nos amis Choukry et Safadi. Ils ont une constance remarquable et cette constance leur permet de nourrir la vision qui nous est commune. Donc, chers collègues, merci de vos efforts. Nous les soutenons pleinement et merci de le faire en encourageant également les efforts de tous ceux qui peuvent avoir une contribution positive. Je veux à cet égard saluer le rôle des Etats-Unis d'Amérique dans les réunions d'Aqaba et de Charm el-Cheikh.
Alors les parties se sont vues, elles se sont parlé, directement, elles ont négocié et de plus, des engagements ont été pris. Et là encore, c'est un fait inédit dans une période récente. Alors, nous savons ce qu'il en est advenu, mais je voudrais souligner le motif d'espoir, ce second motif d'espoir que des engagements ont été pris après des contacts directs entre les parties. C'est un pas en avant. Nous devons l'encourager. Nous sommes là pour l'encourager.
Et donc il existe un début de dynamique. Et à partir de là, la conviction qui est la mienne de ce qu'est notre rôle, notre responsabilité, c'est de non seulement protéger ce début de dynamique contre certaines tentations contraires, de l'encourager, de le nourrir, pour qu'il puisse déboucher sur quelque chose d'utile, et de plus structurant encore, au profit des deux peuples palestinien et israélien.
Voilà donc la piste qui est suivie et elle nous dicte la priorité immédiate : les engagements pris doivent être tenus. Ils doivent être mis en œuvre et ainsi la confiance pourra grandir, ainsi nous pourrons envisager des perspectives positives pour la suite.
Et nous serons donc très vigilants à ce qu'Israël tienne ses engagements, concernant notamment l'absence de décision unilatérale en matière de colonisation, colonisation, dois-je le rappeler, qui est illégale en droit international et que la France donc condamne, et colonisation qui doit cesser.
Par ailleurs, le futur Etat palestinien doit être un véritable Etat : un Etat contigu, un Etat viable, un Etat souverain, qui réponde aux aspirations du peuple palestinien et ce que je disais sur les décisions et les actions unilatérales vaut pour tous. Toutes les parties, toutes les parties doivent s'abstenir d'action unilatérale. L'heure doit être au dialogue. Nous devons nous soutenir, nous sommes là pour l'encourager, pour apporter notre contribution à la restauration d'un horizon politique au profit des Palestiniens, comme des Israéliens, dans le cadre de cette solution à deux Etats, la seule qui vaille, la seule qui permettra aux deux peuples de vivre en paix, en sécurité et dans la dignité. Voilà, il faut continuer à œuvrer à la paix.
Je vous remercie.
(...)
Q - Nous avons entendu dans la voix du ministre des affaires étrangères jordanien qu'il souhaitait que l'Allemagne et la France jouent un rôle fort dans la région, est-ce que vous souhaitez le jouer, sous quelle forme, avec quelle démarche, avec quelle visite commune éventuellement ? La question s'adresse aux ministres Baerbock et Colonna.
R - Merci beaucoup Monsieur. Je crois que c'est ce que nous faisons, notre réunion d'aujourd'hui est la démonstration de cette volonté, de ce que nous pouvons apporter : apporter notre contribution à la paix, en complément d'autres efforts - et j'ai tenu à les saluer - restaurer un processus politique, maintenir vivante la solution à deux Etats, et soutenir cet effort politiquement, diplomatiquement, économiquement aussi comme nous le faisons à titre bilatéral par le canal de l'Union européenne. Car encore et encore, je répéterai que la solution à deux États, seule, peut apporter une solution juste et durable à toutes les questions qui se posent. Et je redis encore et encore que c'est celle qui peut mener à l'objectif que nous cherchons tous ensemble, qui est que Palestiniens et Israéliens, qui en ont le droit, vivent en paix, en sécurité et dans la dignité.
(...)
R - Je ferai en réalité la même réponse. J'ai rappelé dans mon propos introductif l'attachement de la France à la sécurité d'Israël, j'ai rappelé en même temps la nécessité de respecter une proportionnalité qui fait partie des principes du droit international humanitaire, et il y a eu des victimes civiles ; mon pays a eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet - je disais même peut-être trop souvent - en rappelant la responsabilité qui incombe à l'État qui mène ces opérations militaires. Et par ailleurs, en effet, comme Annalena Baerbock vient de le dire, nous nous sommes exprimés ensemble, aujourd'hui, tous les quatre, venant de zones géographiques différentes, sur cette question et également sur ce qui a suivi.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2023