Texte intégral
Q - Bonjour Olivier Becht.
R - Bonjour.
Q - Le sommet Choose France s'est achevé hier soir par un grand dîner au Château de Versailles. Je rappelle qu'il s'agit d'un rendez-vous annuel visant à séduire les investisseurs étrangers et à les convaincre de s'implanter en France. Pour cette édition 2023, ce sera 13 milliards d'euros - c'est ce qui est annoncé - dans 28 grands projets qui représenteront au total 8.000 emplois. Est-ce qu'on peut être sûr que tous ces projets verront bien le jour ?
R - Oui. À partir du moment où ils ont été annoncés par les entreprises, ce sont des projets qui verront le jour. Bien sûr, ce sont des projets qui prennent, pour certains, plusieurs années à se concrétiser, parce qu'il faut monter les usines. Je pense notamment au grand projet de ProLogium à Dunkerque, qui vise à construire une nouvelle usine de batteries, ce qu'on appelle une gigafactory, avec plus de 3.000 salariés. Evidemment, les choses sont phasées, elles se font année après année. Il faut un peu plus que quelques mois pour monter une usine, donc c'est normal que les choses se fassent dans la durée.
Q - On a du recul, désormais, sur ces sommets Choose France, puisque c'était la sixième édition. Est-ce que toutes les annonces des précédentes se sont concrétisées ?
R - Oui, généralement, les engagements sont tenus. D'ailleurs, ça se retrouve dans les chiffres de l'emploi. Maintenant, depuis six ans, la France a créé plus de 1,7 million d'emplois. Et nous sommes désormais aussi dans une dynamique positive au niveau de l'industrie, puisque nous recréons de manière très dynamique des emplois industriels, ce qui n'était plus arrivé en France depuis 30 ans ; la France qui était plutôt habituée à perdre des emplois industriels qu'en créer. Donc ce sont de très bonnes nouvelles.
Q - Comment sont choisis les projets qui sont retenus ? Est-ce que, par exemple, une forme d'équité géographique est un critère que vous prenez en compte ?
R - Ce qu'il faut dire, c'est qu'en réalité, chaque année, il y a plus de 1.250 projets d'investissements étrangers en France qui se réalisent. 1.250. Il y en a, là, 28 qui ont été annoncés à Choose France. Ce sont soit des projets qui représentent, on va dire, un montant significatif. Je reprenais l'exemple de ProLogium...
Q - Dunkerque, oui.
R - ...puisque c'est 5,3 milliards d'euros. Mais ce sont aussi des projets qui se font à maturation. C'est-à-dire que j'avais encore dans mon bureau, récemment, des investisseurs qui souhaitent également investir à peu près 4 milliards d'euros sur notre territoire, en France, et qui ne l'ont pas annoncé à Choose France, parce que le projet n'était pas encore tout à fait mature, ils n'avaient pas trouvé le terrain sur lequel ils souhaitaient implanter leur projet. Et pour répondre à votre question, la réponse est oui : on cherche évidemment un équilibre du territoire. D'ailleurs, c'est très marquant, puisque lorsque vous regardez les chiffres, plus de la moitié de ces projets s'installent dans les territoires ruraux, des sous-préfectures, des villes moyennes. C'est aussi un peu la revanche, comme on dit, de la France des Gilets jaunes, vous savez, celle qui dénonçait cette fracture territoriale, en disant : "Ce n'est que les grandes métropoles qui ont bénéficié de la mondialisation". Eh bien, là, non, ce sont aussi les territoires ruraux qui bénéficient de la réindustrialisation.
Q - Alors, quand on regarde la carte de cette édition 2023, il y a tout de même une faiblesse assez notoire dans tout l'Ouest de la France. Comment on l'explique, ça ?
R - Peut-être parce que dans l'Ouest, on a beaucoup de terres agricoles, aussi un peu moins de friches industrielles, et vous savez qu'on a le fameux "zéro artificialisation nette des sols". C'est-à-dire qu'aujourd'hui on essaye d'abord de réhabiliter des friches existantes, plutôt que de prendre de la terre agricole. Voilà. Donc, ça explique peut-être en partie. Mais il est évident qu'on cherche aussi cet équilibre géographique entre le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest. Donc nous veillerons tout particulièrement aussi à ce que l'Ouest de la France soit bien servi dans la réindustrialisation de notre pays.
Q - Alors justement, le caractère écologique des contrats, des accords qui sont conclus lors de ce sommet est assez abondamment mis en avant. Mais le Président de la République, c'était en fin de semaine dernière, s'est attiré les foudres des écologistes, en appelant à une pause réglementaire européenne sur les contraintes environnementales. Ça rappellerait presque un peu la phrase de Nicolas Sarkozy en 2010 au Salon de l'agriculture : "L'environnement, ça commence à bien faire". Il y a l'idée qu'il y a comme une forme de tyrannie environnementale qui serait néfaste au développement économique ?
R - Non, je ne dirais pas ça. Il y a l'ambition environnementale que nous portons pour la planète, et ça, c'est la décarbonation, notamment de notre industrie, de notre économie. Nous investissons, je le rappelle, plus de 54 milliards d'euros à travers le Plan France 2030 pour atteindre le carbone net zéro en 2050 et, si possible, même, avant. Ça, c'est la grande transformation. Ensuite, il y a la question des normes, c'est-à-dire de l'empilement des normes. Nous avons aujourd'hui... Je vous assure, et je rassure l'ensemble des auditeurs de RFI, nous avons les normes environnementales, en Europe, les plus ambitieuses au monde. Au monde. Personne, ni en Chine, ni aux Etats-Unis, ni en Inde, ni dans d'autres pays hors Europe n'a des normes aussi ambitieuses et restrictives que les nôtres. Ce que nous disons...
Q - C'est qu'il ne faut pas aller plus loin maintenant ?
R - ...c'est qu'il faut appliquer, déjà, ces normes. Et appliquer déjà ces normes, c'est une contrainte très forte pour le monde économique. Il ne faut pas sans cesse rajouter des normes comme, si vous voulez, sur le mille-feuilles. Il ne faut pas oublier que le mille-feuilles, ce qui est bon dans le mille-feuilles, c'est aussi la crème à l'intérieur. Donc il ne faut pas simplement empiler les feuilles, il faut aussi faire en sorte qu'il reste un peu de crème, et faire en sorte que tout ça soit digeste, qu'on puisse continuer évidemment à investir dans notre pays tout en respectant l'environnement. C'est un engagement fort à la fois du Président de la République et, bien sûr, du Gouvernement.
Q - Comment expliquez-vous que la France reste attractive malgré les nombreux mouvements sociaux qu'elle connaît et les violences qui, souvent, les accompagnent ?
R - Mais parce que les investisseurs ne regardent pas ce qui se passe pendant quinze jours ou trois semaines...
Q - Ils ne regardent pas la télé peut-être ?
R - Si, ils regardent la télé ; mais ils ne regardent pas ce qui se passe pendant quinze jours ou trois semaines dans le pays. Quand on investit, quand on implante une usine, on l'implante pour dix ans...
Q - Là, pour la réforme des retraites, ça a été plusieurs mois, par exemple.
R - ... pour dix ans ou pour quinze ans, Monsieur Rivière, dix ans ou quinze ans. Vous regardez les fondamentaux. Les fondamentaux, c'est quoi ? C'est le droit du travail, c'est la fiscalité, c'est la simplification des procédures administratives. Aujourd'hui, et pour les dix prochaines années, c'est le prix de l'énergie, où la France est très compétitive grâce à son parc nucléaire. Et puis, c'est évidemment la capacité à former les talents. Là aussi, la France est reconnue comme telle. Donc nous avons aujourd'hui, grâce aux réformes qui ont été entreprises au cours des six dernières années, les fondamentaux de la compétitivité. Notre pays est le plus attractif aujourd'hui en Europe, pour la quatrième année consécutive. On a le droit d'en être fier.
Q - Il y a une autre raison que vous n'avez pas évoquée, que le Président de la République, hier soir, lors de son interview chez nos confrères de TF1, a mise en avant, parmi donc les explications sur l'attractivité de la France, c'est, a-t-il dit, la qualité de notre dialogue social. Est-ce que ça n'était pas un peu maladroit de dire ça, à la veille de la rencontre entre les syndicats et Elisabeth Borne, alors qu'on sait que les syndicats disent que le dialogue a été désastreux sur la réforme des retraites ?
R - Quand on interroge les chefs d'entreprise, et notamment ceux qui étaient en face de moi, hier, de très nombreux chefs d'entreprise se félicitent de la qualité du dialogue social que nous avons à l'intérieur des entreprises, avec des syndicats qui sont plutôt ouverts à la négociation avec les responsables de l'entreprise, et qui permettent, aujourd'hui, à l'intérieur même de l'entreprise, des compromis, des consensus, qui évitent justement les conflits sociaux. Ça aussi, c'est une bonne nouvelle.
Q - Merci Olivier Becht. Bonne journée.
R – Merci.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mai 2023