Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à RTL le 23 mai 2023, sur l'État actionnaire unique d’EDF, le plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'inflation.

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Intervenant(s) : 

Média : RTL

Texte intégral

AMANDINE BEGOT
On va parler, Bruno LE MAIRE, dans un instant inflation et transition écologique, vous répondrez notamment à la chronique de François LENGLET, mais d'abord cette annonce, vous nous l'annoncez ce matin sur RTL, ça y est, l'État est à nouveau l'actionnaire unique d'EDF.

BRUNO LE MAIRE
L'État a repris 98% du contrôle d'EDF et le 8 juin l'État aura 100% du contrôle d'EDF ?

AMANDINE BEGOT
Concrètement ça change quoi ?

BRUNO LE MAIRE
Concrètement ça va nous permettre de réaliser dans les meilleures conditions possibles le programme de construction de six nouveaux EPR, concrètement ça renforce l'indépendance énergétique du pays, et puis ça nous permet aussi de fixer des exigences claires à EDF, nous avons une exigence, c'est qu'EDF augmente sa production d'électricité nucléaire et revienne le plus vite possible aux 350 térawattheures qui sont nécessaires aujourd'hui à notre pays.

AMANDINE BEGOT
Est-ce que vous pouvez ce matin nous garantir qu'avec un État actionnaire unique d'EDF il n'y aura pas de risque de pénurie d'électricité l'hiver prochain, comme ça a été le cas l'hiver précédent ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, il n'y a pas de risque de pénurie, je rappelle aussi que nous avons réussi à passer l'hiver dans de bonnes conditions, qu'EDF, et je salue le travail d'EDF, a réussi à tenir ses engagements, 45 gigawatts, aujourd'hui nous avons 19 réacteurs qui sont à l'arrêt, 37 réacteurs qui sont en marche, ils produisent 40 gigawatts très exactement, et nous exportons à nouveau de l'électricité, donc c'est la preuve qu'on peut reprendre la main sur notre production d'électricité, notamment d'électricité nucléaire ?

AMANDINE BEGOT
En termes de tarifs pour nous consommateurs, est-ce que ça va changer quelque chose cette nationalisation, en clair est-ce que ça va permettre de payer l'électricité moins chère ?

BRUNO LE MAIRE
Ça va nous permettre de produire davantage, de réaliser dans les meilleures conditions possibles les réacteurs et donc d'avoir un prix qui soit le plus bas possible, c'est bien ça l'objectif, c'est important pour les ménages, c'est décisif aussi pour la compétitivité de nos entreprises. Une des choses les plus importantes pour nos entreprises, et donc pour nos emplois, et pour éviter que des entreprises partent vers les États-Unis, c'est avoir une électricité la moins chère possible, avec de la visibilité sur le prix, et c'est ça que nous voulons garantir à la fois aux ménages et au monde économique français.

AMANDINE BEGOT
Ça a un coût, 9,7 milliards d'euros, c'est beaucoup, comment on finance ça, on n'augmentera pas les tarifs de l'électricité pour financer ça ?

BRUNO LE MAIRE
Nous on y travaille, on cherche aujourd'hui des options, il faut avoir des solutions à partir de 2026, donc on a un peu de temps pour définir ces solutions.

AMANDINE BEGOT
Il y a une inquiétude aussi du côté des syndicats qui redoutent que cette nationalisation débouche à moyen terme sur un démembrement d'EDF, vous les rassurez ce matin, il n'y aura pas… ?

BRUNO LE MAIRE
Ce serait quand même un peu "Shadock" de prendre 100% du contrôle pour démanteler l'entreprise, si l'État prend 100 % du contrôle c'est justement pour garantir l'unité d'EDF…

AMANDINE BEGOT
Mais vous avez refusé que ce soit inscrit dans la loi.

BRUNO LE MAIRE
Mais parce que quand vous prenez 100% du contrôle, je sais que certains ont voulu après faire de nouveaux textes de loi, il y a beaucoup de textes de loi inutiles, donc quand vous prenez 100 % du contrôle c'est bien pour garantir l'unité, l'efficacité, l'indépendance d'EDF.

AMANDINE BEGOT
Donc EDF restera indépendant, uni, et l'objectif, vous nous le dites ce matin…

BRUNO LE MAIRE
Mais avec un objectif très clair, c'est qu'ils augmentent leur production d'électricité nucléaire, l'objectif c'est le plus vite possible 350 térawattheures de production.

AMANDINE BEGOT
Dans ce contexte Elisabeth BORNE a présenté hier un grand plan pour réduire au plus vite les émissions de gaz à effet de serre, tout un tas de secteurs sont concernés, ça va des transports au bâtiment en passant par l'agriculture, l'idée, on le rappelle, c'est de réduire de 50% nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, c'est-à-dire dans six ans et demi, et tout cela a un coût, François LENGLET en parlait à l'instant, 66 milliards, en tout, en plus chaque année dit Jean PISANI-FERRY, 34 milliards d'euros d'investissements publics en plus, il plaide pour un impôt exceptionnel et temporaire sur le patrimoine des Français les plus riches, vous répondez quoi, bonne idée ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne pense pas que ce soit la solution, mais je voudrais d'abord rappeler à quel point la transition climatique c'est l'enjeu stratégique des générations qui viennent, de notre génération et des générations qui viennent, donc il faut prendre le problème à bras-le-corps. Le coût, je rejoins totalement Jean PISANI-FERRY là-dessus, il est très élevé, 60 à 70 milliards d'euros par an, et Jean PISANI-FERRY a fait un travail remarquable avec ce rapport pour bien chiffrer à chaque fois les dépenses et ce que ça représente pour notre économie. Est-ce que l'impôt est une solution ? non, pour une raison qui est simple, c'est que les 10 % dont parle Jean PISANI-FERRY, mais il le mentionne uniquement comme une option, pas comme une nécessité, ces 10 % de contribuables ils payent déjà 75 % de l'impôt sur le revenu, notre politique est de baisser les impôts, de baisser la pression fiscale, dans un pays qui a la pression fiscale la plus élevée de tous les pays développés, ça restera notre politique…

AMANDINE BEGOT
Mais vous le trouvez où cet argent, 60 à 70 milliards par an, c'est énorme ?

BRUNO LE MAIRE
Mais je veux d'abord vraiment rassurer tous les contribuables qui nous écoutent, nous n'augmenterons pas les impôts, nous ne pensons pas que dans un pays qui est le plus taxé, une nouvelle taxe, un nouvel impôt, soit la solution. Est-ce qu'il existe des solutions alternatives ? oui, j'en vois au moins quatre.

AMANDINE BEGOT
Lesquelles ?

BRUNO LE MAIRE
La première, et elle est mentionnée par Jean PISANI-FERRY à juste titre, c'est de verdir la fiscalité existante, si vous investissez sur la transition climatique, eh bien il faut arrêter de financer les énergies fossiles ou les activités qui sont polluantes. Quand je propose dans la loi industrie verte, que nous examinerons dans quelques semaines, d'alourdir la fiscalité sur les véhicules les plus lourds, de baisser le seuil de 1,8 tonne à 1,7 ou 1,6, de déplafonner le malus qui aujourd'hui est plafonné à 50% de la valeur du véhicule sur les véhicules les plus polluants, eh bien vous verdissez la fiscalité, et donc vous dégagez…

AMANDINE BEGOT
Donc vous prenez de l'argent…

BRUNO LE MAIRE
Vous prenez de l'argent, sur ceux qui polluent, c'est quand même plus intelligent que d'aller le prendre sur le contribuable, il faut verdir notre fiscalité, vous ne pouvez pas à la fois garder des avantages fiscaux pour les énergies fossiles, et dans le même temps dire que vous allez financer la transition écologique, ce serait totalement contradictoire, moi j'aime la clarté et la simplicité, notre fiscalité doit être verte.

AMANDINE BEGOT
Alors justement, pardon, soyons très concrets juste sur ce point. Vous parlez de verdir et de ne plus… est-ce qu'on peut par exemple taxer plus le carburant, puisque ça ça pollue ?

BRUNO LE MAIRE
Mais vous avez des avantages fiscaux…

AMANDINE BEGOT
C'est une piste ou pas ?

BRUNO LE MAIRE
Par exemple sur le gazole non routier, sur lesquels nous discutons, sur lesquels il faudra faire évoluer la fiscalité, mais en accompagnant les gens. Prenez une entreprise de travaux publics, qui aujourd'hui bénéficie d'une fiscalité avantageuse sur le GNR, lorsque vous récupérez de l'argent en réduisant les avantages fiscaux sur les énergies fossiles, il faut ici en redistribuer à tous ceux qui doivent acheter un véhicule électrique, qui doivent acheter un engin de chantier électrique, et qui disent « je ne peux pas le financer », c'est comme ça qu'on réussira la transition écologique, en étant clair et en accompagnant les gens.

AMANDINE BEGOT
Mais du coup vous ne répondez pas à ma question, est-ce que par exemple il faudrait taxer plus le carburant, qui lui pollue ?

BRUNO LE MAIRE
Non, il ne s'agit pas de taxer plus le carburant, il s'agit juste de réduire des avantages fiscaux qui existent sur des énergies fossiles. Deuxième option, mobiliser l'épargne des Français, vous avez aujourd'hui 530 milliards d'euros qui sont sur le Livret A, sur le Livret de développement durable, et qui ne sont pas forcément fléchés vers les investissements verts, nous voulons les flécher vers les investissements verts. Là aussi je reprends le projet de loi industrie verte, le plan d'épargne verte, que nous mettrons en place, avec des conditions fiscales extrêmement avantageuses, il doit financer intégralement la transition écologique, nous allons obliger, dans les plans d'assurance-vie, chaque plan d'assurance-vie à avoir ce qu'on appelle une unité de compte, qui doit servir au financement de la transition écologique, aux investissements verts, nous devons mobiliser toute l'épargne des Français, le plus possible, vers la transition écologique, c'est la deuxième option.

AMANDINE BEGOT
Ça ne passera pas par une politique du chèque…

BRUNO LE MAIRE
Non.

AMANDINE BEGOT
D'ailleurs, au passage, Pierre MOSCOVICI ce matin vous " rappelle un peu à l'ordre " en disant il faut en finir.

BRUNO LE MAIRE
J'y viendrai, mais je finis juste sur les solutions alternatives…

AMANDINE BEGOT
Il nous reste peu de temps Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
La troisième c'est le financement par les entreprises, parce qu'il ne faut quand même pas oublier que c'est l'intérêt des entreprises d'aller investir dans les éoliennes ou dans les panneaux solaires, ça leur rapporte de l'argent ensuite. Enfin, la quatrième solution, c'est la mobilisation des banques, la mobilisation de la Banque européenne d'investissement qui doit devenir la Banque du climat. Voilà quatre solutions alternatives que je mets ce matin sur la table, verdir notre fiscalité, mobiliser l'épargne des Français, financer avec les entreprises, mobiliser les banques, et notamment les banques européennes, tout ça doit nous permettre d'avoir les moyens de financer la transition écologique.

AMANDINE BEGOT
Sans aggraver l'état de nos finances publiques.

BRUNO LE MAIRE
Sans aggraver l'état de nos finances publiques. Les deux options qui ne sont pas de bonnes options à mon sens, c'est l'augmentation des impôts, ou l'augmentation de notre dette qui est déjà trop élevée.

AMANDINE BEGOT
Deux petites questions autour de l'inflation, c'est la préoccupation du moment pour la plupart de nos auditeurs. Concrètement, les négociations, reprise des négociations, vous l'avez annoncé la semaine dernière, entre la grande distribution et les industriels, elles vont reprendre quand ces négociations et quand est-ce qu'on verra en rayons le résultat ?

BRUNO LE MAIRE
Je crois qu'elles reprennent d'ici de la semaine, début de la semaine prochaine, c'est-à-dire vraiment la fin du mois de mai, je me réjouis de voir que maintenant tout le monde joue le jeu, les distributeurs qui vont prolonger le trimestre anti-inflation au-delà du 15 juin, les grands industriels, les 75 grands industriels de l'agroalimentaire, qui ont accepté de rouvrir les négociations commerciales, c'est la première fois que ça arrive…

AMANDINE BEGOT
Mais ce n'est pas parce qu'on rouvre les négociations qu'on négocie vraiment.

BRUNO LE MAIRE
Eh bien on négocie pour baisser les prix, je vais être très clair, que le consommateur voit dans le rayon que les prix baissent, et ces prix ils doivent baisser à partir de la rentrée prochaine, je prends l'exemple du paquet de pâtes, on doit stopper l'inflation sur le prix du paquet de pâtes et sur les produits alimentaires, c'est l'objectif de ces négociations.

AMANDINE BEGOT
Baisser ou arrêter d'augmenter ?

BRUNO LE MAIRE
Arrêter d'augmenter, c'est la première chose, et ensuite baisser.

AMANDINE BEGOT
D'un mot, vous parliez du paquet de pâtes, ce week-end ans l'émission " Quelle époque  sur France 2 vous avez évoqué vos quatre enfants à nourrir, ce sont vos mots, ça a suscité pas mal de polémique d'une partie de l'opposition qui dénonce une déconnexion. Est-ce qu'à vouloir…

BRUNO LE MAIRE
Mais déconnexion pourquoi ?

AMANDINE BEGOT
Je vous pose la question. Est-ce qu'à vouloir essayer de dire la vraie vie je connais, vous ne vous êtes pas un peu pris les pieds dans le tapis Bruno LE MAIRE ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien non, parce que la vraie vie, oui, je la connais, comme n'importe quel autre responsable politique, comme vous journaliste, comme ceux qui nous écoutent…

AMANDINE BEGOT
Sauf que les fins de mois d'un ministre ne sont pas forcément les mêmes que…

BRUNO LE MAIRE
Bien sûr que non que les fins de mois d'un ministre ne sont pas les mêmes que les fins de mois de quelqu'un qui touche 1200 ou 1300 euros par mois, mais je vous des chiffres qui circulent sur les réseaux sociaux, sur le montant de rémunération des ministres, qui sont totalement faux, ma rémunération elle est totalement transparente…

AMANDINE BEGOT
C'est combien ?

BRUNO LE MAIRE
C'est 7450 euros net par mois une fois les impôts déduits, j'ai une famille, j'ai quatre enfants, je fais mes courses, je paye mon alimentation, et c'est bien normal, contrairement à ce qui est dit dans les réseaux sociaux, je n'occupe pas mon logement de fonction, je paye mon loyer, voilà, c'est des choses qui méritent d'être dites. Je ne vois pas pourquoi les politiques seraient mieux traités que les autres, et je ne vois pas pourquoi ils seraient moins bien traités.

AMANDINE BEGOT
Eh bien elles sont dites ce matin, merci beaucoup Bruno LE MAIRE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mai 2023