Texte intégral
MARC FAUVELLE
Bonjour Christophe BÉCHU.
CHRISTOPHE BÉCHU
Bonjour Marc FAUVELLE.
MARC FAUVELLE
Vous vous rendez tout à l'heure dans les Deux-Sèvres et en Charente-Maritime aux côtés des sinistrés du tremblement de terre qui a touché l'Ouest en fin de semaine dernière. Qu'allez-vous leur dire tout à l'heure ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je vais d'abord aller à la rencontre à la fois des autorités préfectorales, des maires, des pompiers, de tous ceux qui depuis vendredi ont fait en sorte de se porter au secours de ces populations qui ont été particulièrement secouées, à la fois par la secousse, par la réplique mais aussi parce que nous avons des dizaines de maisons qui sont classées noires ou rouges, dans lesquelles les gens ne peuvent pas rentrer. Il y a des procédures de solidarité ou de relogement qui ont été mises en place, coordonnées à la fois par les préfets, par les conseillers départementaux. Il y a beaucoup d'interrogations sur le processus d'indemnisation, sur la manière dont les choses vont se passer et c'est tout ça que je vais évoquer avec eux.
MARC FAUVELLE
Combien de personnes ne rentreront pas chez elles ? On le sait déjà aujourd'hui ou pas ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On est, d'après les chiffres qui m'ont été communiqués, sur un peu moins de 200 personnes qui sont concernées par des logements dans lesquels il est ou interdit ou souhaitable de ne pas retourner, et ce sont ces détails-là qui vont aussi m'être donnés. Je veux vraiment souligner le fait que malgré un séisme qui est à plus de 5 sur l'échelle de Richter, ce qui est quelque chose qui n'arrive en France qu'une fois tous les dix ans, on a un bilan humain qui est proche de 0 avec seulement deux personnes blessées. On a des secours qui ont réagi de manière extrêmement rapide. On a des procédures de solidarité, de soutien et de relogement qui se sont mises en place. Il arrive souvent, et c'est normal, qu'on pointe les domaines dans lesquels il y a des choses qui ne vont pas. Là, on a une chaîne de secours qui a fonctionné, on a manifestement aussi des réglementations antisismiques qui ont permis de limiter une partie des dégâts sur le bâti. Je pense qu'il faut aussi être capable parfois de souligner ce qui va bien. L'essentiel pour moi aujourd'hui, c'est d'être aux côtés de ces habitants, c'est de leur dire que dans les prochaines semaines les indemnités vont pouvoir arriver dans le cadre des assurances.
MARC FAUVELLE
L'arrêté de catastrophe naturelle est déjà tombé ou pas encore ?
CHRISTOPHE BÉCHU
L'arrêté de catastrophe naturelle, il déclenche un processus qui fait qu'en gros il faut un petit mois, le temps qu'on ait la remontée…
MARC FAUVELLE
Mais là, il est déclenché, ça y est.
CHRISTOPHE BÉCHU
Il est déclenché et ce déclenchement fait qu'en gros, au bout d'un délai de quatre semaines, on a les premières primes qui peuvent à ce moment-là arriver directement sur le compte des gens.
SALHIA BRAKHLIA
Christophe BÉCHU, le week-end dernier a été marqué par la manifestation contre le projet de TGV Lyon-Turin. Des heurts ont éclaté avec les forces de l'ordre. Pourquoi à chaque fois ça se passe comme ça ? On l'a vu à Sainte-Soline, on l'a vu à Nantes. Pourquoi à chaque fois il y a des heurts ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Il faut le demander à une certaine ultra-gauche qui, sous prétexte d'écologie, vient pour porter atteinte physiquement à des forces de l'ordre. On parle d'un projet qui existe depuis une trentaine d'années et qui a une ambition particulièrement écologique. Aujourd'hui, on a un million et demi de poids lourds qui transitent entre la France et l'Italie et 90 % de ce trafic de marchandises se fait sur la route et il entraîne de la pollution dans la vallée de la Maurienne ou de l'Arve. Le projet, c'est un million de poids lourds qu'on bascule de la route vers le rail. Et vous avez des gens qui vous expliquent qu'il y a des à-côtés, il y a des conséquences, que le chantier lui-même porte des conséquences en termes d'artificialisation. Il n'y a pas de travaux qui à, un moment, n'entraînent pas des conséquences. Le sujet, c'est vers quoi on va.
SALHIA BRAKHLIA
Donc vous assumez ces arguments-là. Les arguments des opposants au projet, c'est : déjà, il existe une voie ferroviaire, celle qui passe par le tunnel du Mont-Cenis, et on ne l'exploite pas au maximum.
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce n'est pas vrai. Le trafic a diminué parce que le principe de précaution et les exigences de sécurité, en particulier après ce qui s'est passé au Mont-Blanc, font qu'aujourd'hui nous n'avons plus le droit de faire passer autant de trains pour des raisons de sécurité.
MARC FAUVELLE
Il y a quarante trains seulement quotidiens chaque jour qui empruntent ce tunnel.
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est vrai, c'est trois fois moins qu'avant.
MARC FAUVELLE
Oui, et on devrait pouvoir monter jusqu'à 54, ce qui permettrait quand même d'augmenter quasiment d'un tiers. Ça se fera ou pas ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce n'est pas à la hauteur. Oui, mais même en augmentant, ça n'est pas à la hauteur. Je viens de vous dire que le chiffre, c'était un million de poids lourds. Qu'on soit capable d'augmenter de 20 % effectivement par le Mont-Cenis ce qui passe en ferroutage, bien sûr qu'il faut le faire. Mais le besoin que nous avons compte tenu de la réalité de ce trafic de marchandises, il n'est pas à la hauteur du tunnel du Mont-Cenis. Il nécessite la réalisation de cette infrastructure. Si on veut cette ambition écologique de décarbonation, si on veut soutenir le fret de manière importante, on a besoin de ce projet. C'est la raison pour laquelle…
SALHIA BRAKHLIA
Quitte à creuser dans la montagne et retirer l'équivalent de sept pyramides - c'est ce que dit Jean-Luc MÉLENCHON - de terre.
CHRISTOPHE BÉCHU
Je l'entends mais, encore une fois, il faut savoir ce qu'on veut. Et en l'espèce, si on veut éviter d'avoir une pollution à l'air libre, si on veut faire comme nos amis suisses qui ont massivement investi dans du ferroutage et dans des tunnels, ce projet soutenu par l'Europe, voulu à la fois par la France et l'Italie depuis plusieurs dizaines d'années, il s'inscrit dans cette logique qui va permettre de diminuer la pollution routière et de diminuer les émissions.
MARC FAUVELLE
Donc ce projet se fera quoi qu'il se passe sur place.
CHRISTOPHE BÉCHU
Comment 3 000 personnes pourraient…
MARC FAUVELLE
Je vous pose la question parce qu'il y a quelques semaines, il y a eu des manifestations contre un projet d'autoroute et que, dans la foulée, certains de vos collègues du gouvernement on dit : non, non, les grands chantiers on peut les remettre à plat, effectivement il faut réfléchir au cas par cas. Le Lyon-Turin ne fait pas partie du cas par cas ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Lyon Turin est un chantier qui est parti, et si vous faites référence effectivement à des discussions disant qu'il fallait faire une revue de projets des projets existants, oui, mais des projets non lancés. Vous avez une déclaration d'utilité publique, vous avez déjà des milliards d'euros qui ont été investis, il y a plus de 30 kilomètres de ce tunnel qui ont commencé à être forés et 3 000 personnes, c'est l'équivalent du nombre de camions chaque jour qui sera évité quand le Lyon-Turin sera réalisé. Donc il faut aussi mettre les choses à leur place : 3 000 personnes ne peuvent pas remettre en cause – ou 10 000 ou 30 000 - les conséquences d'un projet qui se chiffre en dizaines, en centaines de milliers d'habitants qui gagneront en qualité de l'air et en lutte effective pour améliorer la baisse des émissions.
SALHIA BRAKHLIA
Parmi les opposants au projet, il y a les militants écologistes des Soulèvements de la Terre, menacée de dissolution au prochain conseil des ministres cette semaine. Pour vous, ce sont des éco-terroristes ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez, les mots et la façon dont on les désigne pour moi ce n'est pas ça qui est important.
SALHIA BRAKHLIA
C'est important pour votre collègue Gérald DARMANIN.
CHRISTOPHE BÉCHU
Je l'entends, mais à force de se focaliser sur la manière dont on les appelle, on oublie le fond de l'histoire. Le sujet, ce n'est pas de savoir ce qu'ils sont, c'est de savoir ce qu'ils font. Est-ce que vous vous rendez compte que le week-end dernier, ils ont été démolir, détruire des serres appartenant à 200 maraîchers pas loin de chez moi, à Nantes, y compris des serres qui servent à savoir comment on peut avec moins d'eau et moins d'intrants faire en sorte de pouvoir cultiver dans de bonnes conditions du maraîchage. Même Valérie MASSON-DELMOTTE, membre du GIEC, a fait part de sa consternation après des choses de ce type.
MARC FAUVELLE
Mais ça, ça peut mériter une condamnation en justice mais est-ce que ça mérite une dissolution ? Est-ce qu'ils font courir un risque aujourd'hui à la République ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez, même cette procédure elle est encadrée. Elle fait l'objet d'un suivi par le juge, elle fait l'objet d'une possibilité de recours. Donc s'il y a des recours…
MARC FAUVELLE
Mais vous êtes sûr que ce sera le cas ? Parce que ça fait plusieurs semaines que ce décret de dissolution est attendu et qu'on l'attend ou pas d'ailleurs juridiquement à chaque conseil des ministres, et pour l'instant il ne vient pas.
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce qui est complexe, c'est qu'on n'est pas devant une association normale, on est aussi devant une nébuleuse d'associations. Mais malheureusement chaque week-end où ils appellent à des manifestations interdites, qui se terminent par des blessés dans les rangs des forces de l'ordre, ils ajoutent un chapitre j'allais dire dans le dossier qui pourrait mener à leur dissolution. Et de ce point de vue, les douze gendarmes et policiers qui ont été blessés ce week-end alors qu'ils ne faisaient que leur travail, en étant la cible de manifestants qui sont venus manifester dans le cadre d'une manifestation interdite, ça montre à nouveau à quel point on ne doit pas transformer l'écologie en prétexte pour alimenter une haine des forces de l'ordre, parce qu'il y a beaucoup de ça dans ceux qui manifestent.
MARC FAUVELLE
Toujours avec le ministre de la Transition écologique, Christophe BÉCHU. Emmanuel MACRON inaugure ce matin le Salon du Bourget, qui fait son retour après 4 années d'absence. L'aviation représente en France un peu moins de 7 % de nos émissions de gaz à effet de serre, sur la planète, c'est 3 %. Est-ce que le chef de l'Etat doit en profiter tout à l'heure pour lancer un appel à la réduction du trafic aérien, comme le réclame une quinzaine d'associations écologistes ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord, ce Salon du Bourget, vous l'avez dit, après 4 ans d'absence, il est évidemment très important, il va être totalement tourné vers ces questions de climat. Parce qu'indépendamment des appels, on voit bien qu'il y a aujourd'hui de plus en plus de gens, de jeunes en particulier, qui, avant de prendre l'avion, examinent des alternatives ou qui refusent de le prendre. Et donc très concrètement, ça pèse aussi sur les compagnies, et qu'il y ait des changements de comportement qui sont liés à cette prise de conscience de l'intensité du dérèglement climatique, ce n'est pas une question de décision, c'est une réalité d'ores et déjà.
MARC FAUVELLE
Mais ça passe pour vous par une réduction naturelle ou forcée du trafic aérien, vous pensez qu'il y aura par exemple – ce n'est pas ce que disent les compagnies aériennes, qui disent : on est en train de doubler aujourd'hui notre nombre d'avions dans les 20 ans qui viennent – mais vous pensez qu'il y aura moins d'avions dans les années qui viennent ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je pense que les comportements ont déjà changé, qu'ils vont continuer à changer, mais qu'à côté de ça, les besoins ou la tendance à vouloir voyager conduira à une hausse malgré tout du trafic. Et c'est la raison pour laquelle même quand on prend des mesures pour interdire les vols quand il y a une alternative en train, même quand on s'aperçoit qu'il y a des compagnies qui font en sorte de changer leur politique en termes de voyages d'affaires, même quand on voit le nombre de particuliers qui décident de modifier leur plan pour les vacances pour tenir compte de tout ça, se dire que demain, il n'y aura pas d'avion, non seulement, ça ne correspond pas à la réalité, mais c'est même encore plus important pour nous, Français et Européens, qui produisons la moitié des avions de la planète, d'avoir une stratégie de décarbonation, parce que quand vous donnez les chiffres d'émission, c'est vrai, mais les avions qui sont produits en France, en particulier, ils volent dans le monde entier, et donc leur niveau de consommation n'a pas seulement un impact sur nos émissions, mais partout. Et là, le président de la République aujourd'hui, il va confirmer ce qu'il a laissé entendre avant le week-end, le fait qu'on va, à la fois à l'échelle française et à l'échelle européenne, avancer dans deux directions pour baisser ce niveau d'émission. Comment par rapport aux moteurs, comment par rapport aux avions eux-mêmes, on diminue leur consommation, et de l'autre, comment on fait en sorte d'aller vers des carburants qui soient des carburants durables.
SALHIA BRAKHLIA
Justement, les carburants durables, quels sont les objectifs, le gouvernement va débloquer 200 millions d'euros, pour quels objectifs ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Pour faire en sorte qu'on puisse incorporer dans le kérosène des carburants durables je veux dire un mot très simple là-dessus, parce qu'on dit parfois des choses fausses, le carburant durable, ce n'est pas prendre de la terre agricole qui pourrait servir à nourrir la planète pour fabriquer du carburant, ça, c'était la vision, il y a une dizaine d'années…
SALHIA BRAKHLIA
Donc on ne va pas mobiliser les terrains pour les avions ?
CHRISTOPHE BÉCHU
C'est très clairement utiliser des résidus d'algues, de bois, des huiles usagées, des choses qui son durables et qui ne nous conduisent pas à détourner une forme de production pour ça.
MARC FAUVELLE
Mais ça, on peut en mettre combien dans les réservoirs de carburant, des carburants, parce qu'il y aura toujours une part de kérosène classique ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Alors, c'est une excellente question, 1°) : ça dépend de la façon dont les moteurs sont construits, donc il y a un enjeu pour aller construire des moteurs qui permettent d'en absorber une large part…
MARC FAUVELLE
Et renouveler toute la flotte…
CHRISTOPHE BÉCHU
Et 2°) : il y a : produire ces carburants qui vont ensuite l'alimenter. Aujourd'hui, on a des objectifs d'incorporation, à la fois sur le plan européen et sur le plan mondial, pour aller vers 6 % à la fin de cette décennie, mais avec l'enjeu de dépasser 50 % de carburants durables dans les années 2050, de façon à diminuer…
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous entendez ce que disent les compagnies, ça reste quand même trop cher, les carburants durables, c'est 5 fois plus cher que le kérosène, donc, elles n'ont pas tendance à aller vers ça.
CHRISTOPHE BÉCHU
On disait la même chose des énergies renouvelables quand elles ont été lancées, et il faut qu'on s'habitue désormais aussi à se dire que dans les énergies fossiles, on n'a pas tous les prix, on ne voit pas les conséquences que les énergies fossiles continuent de produire sur notre planète, sur notre environnement, et le coût de réparation des dégâts…
MARC FAUVELLE
Christophe BÉCHU, les Américains, par exemple, subventionnent massivement…
CHRISTOPHE BÉCHU
La production de ces carburants durables…
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas le cas en Europe, est-ce que ce sera le cas justement pour aider les compagnies ou est-ce que ce sont les passagers qui paieront ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Alors, je vais être très clair avec vous, pour amorcer à la fois la recherche, l'innovation et la production d'une partie de ces carburants, il y a bien une enveloppe de 200 millions d'euros qui a été annoncée par le président de la République, mais pour l'essentiel, ces prix, ils ont vocation à être répercutés, on ne peut pas à la fois se dire qu'il y a des comportements qu'il faut qu'on encourage, tous les déplacements décarbonés, et de l'autre, ne pas faire en sorte que ceux qui utilisent les déplacements qui sont les plus carbonés ne paient pas le juste prix…
SALHIA BRAKHLIA
Donc les billets d'avion vont être plus chers ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On n'a pas vocation à financer par de l'argent public des voyages en avion…
SALHIA BRAKHLIA
Donc les billets d'avion vont être encore plus chers…
MARC FAUVELLE
En fait, le tri, si tri il y a, il se fera par le prix des billets. C'est ce que vous dites ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Mais si vous voulez, de la même manière que l'année dernière, au milieu de la polémique sur : faut-il interdire ou pas les jets privés, le sujet, ce n'est pas l'interdiction, le sujet, c'est de de faire en sorte que ce soit le juste prix sur les justes choses, et très clairement, quand on a mis fin à l'avantage fiscal du kérosène sur l'essence, au moment du CLF dernier…
MARC FAUVELLE
Mais vous savez que le juste prix, ça ne marche pas toujours comme ça, quand une compagnie aérienne low-cost profite de subventions locales pour s'installer, et que ça lui permet de vendre des billets à perte, ou en tout cas, en ne gagnant quasiment rien, la concurrence libre et non faussée dans ce cas-là, elle a des limites…
CHRISTOPHE BÉCHU
Je le sais très bien, quand j'étais maire d'Angers, une des premières décisions que j'ai prises, j'étais loin de penser que j'aurais cette explication avec vous sur ce plateau ce matin, ça a été de couper toutes les subventions sur l'aéroport d'Angers à des compagnies low-cost qui, en fait, quel que soit le prix des billets, étaient subventionnées par une mairie, et assuraient déjà leur chiffre d'affaires avant même de faire rentrer le premier passager dans l'avion. Donc, oui, c'est une évolution plus large que la question des moteurs, c'est aussi une évolution des mentalités.
MARC FAUVELLE
L'évolution des tarifs, que vous dessinez, là, Christophe BÉCHU, ils ont déjà pris 20 % en un an, les billets d'avion, ça va continuer au même rythme, c'est-à-dire, il faut s'attendre à ce que chaque année les prix des billets prennent 10, 20 % ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Je ne sais pas répondre, ce que je sais c'est que, 1°) : penser un monde sans aviation, ça n'aurait pas de sens, et 2°) : penser qu'on va rester dans le statu quo, ça n'en a pas non plus. Donc il faut de l'innovation, il faut des évolutions profondes sur le poids des avions, sur les moteurs, sur les carburants, et tout ça, ça doit à la fois s'accompagner par un peu d'argent public pour accélérer la recherche et l'innovation, mais ce sera ensuite bien à payer par ceux qui prendront l'avion pour faire en sorte d'amortir les coûts et d'arrêter qu'on ait des activités qui soient néfastes pour le climat, sans que ces activités ne contribuent à financer la restauration nécessaire.
SALHIA BRAKHLIA
Christophe BÉCHU, est-ce que l'été 2023 sera pire que l'été 2022 en termes de sécheresse ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On a une situation, quand on la compare à l'année dernière à la même époque, qui est inquiétante. L'année dernière, à la même époque, on avait des nappes phréatiques qui étaient en dessous des normales de saison, mais un peu moins qu'aujourd'hui, là, on est à 68 % des nappes phréatiques en dessous des normales de saison, avec une situation qui est plus grave sur le pourtour méditerranéen et dans la vallée du Rhône, et qui est en revanche plus rassurante, moins inquiétante dans le Grand Ouest, et en particulier en Bretagne, et dans une partie de la Normandie et des pays de la Loire.
SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire qu'il y aura plus de restrictions, plus importantes en tout cas et dans plus de régions cet été ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Ça veut dire d'abord, au risque de dire une banalité, que les semaines qui viennent vont être déterminantes, ce qui avait aggravé, de manière considérable, les choses l'année dernière, c'était le mois de juillet où on avait eu 90 % de déficit pluviométrique en un seul mois. Donc on tend le dos, parce que si on a un mois de juillet qui correspond à celui de l'année dernière, là, on aura une situation pire. Si à l'inverse, on a, comme ça a été le cas durant ces premiers jours de juin, quelques pluies dans divers endroits, ça peut permettre de limiter la pression, mais on a déjà 60 départements à la minute où on se parle dans lesquels il y a ou des arrêtés de vigilance ou des arrêtés d'alerte, et pour une quinzaine d'entre eux, des arrêtés de crise, c'est-à-dire d'ores et déjà des restrictions pour faire en sorte de limiter les usages à l'eau potable. A date, ça montre qu'on est plus vigilant, qu'on a pris davantage de mesures et qu'on regarde vraiment tous les jours, le mot n'est pas trop fort, comment la situation évolue, en lien avec les préfets pour que les décisions ne tardent pas quand elles doivent être prises.
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec Christophe BÉCHU, le ministre de la Transition écologique. Qui dit sécheresse dit possible canicule, vous avez dévoilé un plan de 15 mesures au début du mois. Par exemple, vous demandez aux écoles et aux crèches d'avoir des pièces rafraîchies. Comment on fait quand on sait que 80 % des écoles en France ne sont pas correctement isolées ?
CHRISTOPHE BÉCHU
En fait ce plan, il vient d'essayer de regarder ce que sont les trous qu'on a dans la raquette. En 2003, à l'issue d'une canicule, on s'est concentré sur les personnes âgées en disant qu'il fallait faire des pièces fraîches dans les EHPAD, en mettant en place des registres communaux de sauvegarde. On voit qu'avec le dérèglement climatique, le nombre de journées chaudes augmente : 33 jours de canicule l'année dernière et on voit bien d'après ce que nous disent les experts que ça va se poursuivre. L'idée de ce plan, c'est de poser les bases de règles complètement nouvelles sur le suivi des chantiers, pour les plus petits dans les crèches, dans les écoles, au moment des examens, pour initier un mouvement qui va à la fois produire des effets dès cet été - recenser les fontaines qui sont disponibles et les points d'eau, faire en sorte qu'on puisse…
SALHIA BRAKHLIA
Sur les pièces fraîches dans les écoles, je rappelle que 80 % des écoles ne sont pas isolées, correctement isolées.
CHRISTOPHE BÉCHU
Alors deux choses simples. D'abord repérer les travaux qui peuvent être conduits mais parfois aussi les bons gestes qui consistent à tenir compte de l'état du bâti pour isoler de manière plus rapide telle ou telle pièce, mais il y a un deuxième élément : c'est repérer les pièces fraîches qui sont à proximité immédiate de ces bâtiments pour qu'en cas de chaleur…
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire ? On peut aller où ?
SALHIA BRAKHLIA
À l'extérieur ?
MARC FAUVELLE
Ça peut être quoi par exemple ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Ça peut être un gymnase qui est à proximité, ça peut être un espace y compris appartenant à la mairie ou une autre collectivité locale qui n'a pas de fonction aujourd'hui…
MARC FAUVELLE
Et dans ces cas-là, toute l'école déménage pendant les pics de chaleur dans ce gymnase et tout le monde fait classe dans le gymnase.
CHRISTOPHE BÉCHU
Alors, je reconnais que dit comme ça, ça peut sembler un peu basique. Ce que je veux dire c'est que jusqu'à maintenant, on ne s'est pas préoccupé des plus jeunes en termes de réglementation. Avec ce plan, on pose les bases de ce qui va nous conduire principalement dans l'année qui arrive aux côtés des maires à les accompagner et à les aider pour investir, pour faire en sorte d'isoler ces pièces. Mais les repérer dès maintenant, faire en sorte tout de suite qu'on ait une idée de là où elles sont, du nombre qu'on a et y compris de la hauteur de la marche, parce que quand vous dites que 80 % des écoles sont mal isolées, c'est vrai. Dans un premier temps, il ne s'agit pas que toutes les pièces soient fraîches. Dans un premier temps, il s'agit qu'on puisse repérer les endroits qui, à l'intérieur de chaque établissement scolaire, permettent d'avancer.
SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais on ne va pas mettre tous les élèves d'une école dans une pièce. Mais vous êtes prêt vous, par exemple au gouvernement, à fournir des climatiseurs à toutes les écoles qui en ont besoin ?
CHRISTOPHE BÉCHU
Le climatiseur, ce n'est pas forcément la meilleure solution et vous le savez.
SALHIA BRAKHLIA
Mais comme on n'a pas les moyens.
CHRISTOPHE BÉCHU
Je ne dis pas ça. Je dis juste qu'on a une politique qui se décline département par département, parce qu'on n'a pas forcément une vague de chaleur qui touche la totalité de la France en même temps. C'est donc là aussi avec les préfets qu'on bâtit l'ensemble de ce plan. Et en parallèle, puisque vous parlez des écoles, nous sommes sur le point d'aller préciser le grand plan écoles qui a été annoncé par le président de la République, pour faire en sorte justement en termes de confort thermique, de rénovation de pouvoir lancer une première tranche de 10 000 écoles d'ici la fin du quinquennat qui pourront bénéficier à la fois de déminéralisation de leur cour d'école pour éviter les îlots de chaleur, mais de travaux pour faire en sorte qu'on puisse éviter d'avoir trop de passoires et l'hiver et l'été, en termes d'absence de confort pour les élèves et les enseignants.
MARC FAUVELLE
Christophe BÉCHU, les sénateurs de droite vous demandent de reporter le calendrier de mise en place des ZFE, les zones à faible émission dans les métropoles qui visent à interdire progressivement la circulation des voitures les plus polluantes. Est-ce que le calendrier est encore négociable ?
CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord on a un calendrier qui est borné par des lois, et ce calendrier il est ensuite borné par une deuxième chose : c'est par deux décisions du Conseil d'Etat qui ont condamné notre pays pour dépassement des seuils de pollution atmosphérique, nous demandant de lutter de manière plus efficace contre un fléau qui aujourd'hui tue 47 000 personnes d'après Santé publique France…
MARC FAUVELLE
Donc ça ne bougera plus, le calendrier. Interdiction des Crit'Air 4.
CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je veux dire, c'est qu'on a parfois tendance à faire comme si les ZDE, c'était quelque chose qui était fait pour emmerder les gens, alors qu'on oublie qu'avant toute chose c'est fait pour éviter les deux ans de perte moyenne d'espérance de vie de chaque Français, liée à cette pollution atmosphérique.
MARC FAUVELLE
Vous n'avez pas le sentiment d'être en train de revivre avec les ZFE ce qu'on a connu au moment des portiques et de l'écotaxe ?
CHRISTOPHE BÉCHU
À côté de ça, j'entends les critiques. Nous les entendons et on a le sentiment qu'il y a sans doute de la confusion à la fois dans les règles qui sont applicables, y compris parce qu'il y a eu parfois des décisions locales, allant plus vite ou plus loin que la loi qui ont participé à cette confusion. J'attends donc la remise officielle de ce rapport par les sénateurs à la fin du mois de juin. Et en parallèle, le maire de Toulouse Jean-Luc MOUDENC, la vice-présidente de l'Eurométropole de Strasbourg Anne-Marie JEAN, je les ai chargés de me rendre un rapport au début du mois de juillet sur vu de métropole qui appliquent la ZFE, qu'est-ce qu'il faut changer, qu'est-ce qu'il faut assouplir, quels sont les éléments que nous pourrions bouger ? Et l'enjeu, ce sera au milieu de cette première quinzaine de juillet, de pouvoir effectivement annoncer des assouplissements en fonction de ces deux rapports, en gardant un objectif qui est celui de la préservation de la santé des Français, mais en tenant compte des critiques qui s'expriment pour que ce soit plus lisible.
MARC FAUVELLE
Prendre un peu plus de temps pour arriver à l'objectif final.
CHRISTOPHE BÉCHU
J'attends la remise de ces deux rapports. Si je commence à vous donner des réponses avant même de les avoir reçues…
MARC FAUVELLE
Ils ont fuité dans la presse, c'est que vous les avez…
CHRISTOPHE BÉCHU
Celui des sénateurs, mais il me semble que vous n'avez pas encore vu celui de Jean-Luc MOUDENC.
MARC FAUVELLE
Non, c'est vrai.
SALHIA BRAKHLIA
Christophe BÉCHU, c'est Élisabeth BORNE qui va conclure tout à l'heure les assises des Finances publiques organisées par Bercy. L'objectif, c'est de faire des économies partout, dans tous les ministères notamment pour réduire la dette. Ma question, elle est simple : c'est si on mettait en place un ISF climatique comme l'a suggéré l'économiste Jean PISANI-FERRY, on n'aurait peut-être pas besoin de faire des économies.
CHRISTOPHE BÉCHU
Je crains que si, parce que ce n'est pas le rendement de l'ISF qui nous exonérerait aujourd'hui de quelque économie que ce soit, mais je veux surtout - et c'est très bien que vous me posiez cette question…
SALHIA BRAKHLIA
Je vous pose la question parce que vous disiez : il n'y a pas de tabou par rapport à l'ISF climatique.
CHRISTOPHE BÉCHU
Cette revue de Finances publiques, elle sert à quoi ? Elle sert à dégager des milliards d'euros qui vont pouvoir être mis sur la planification écologique. Et ce que dit le rapport Pisani-Ferry, il explique qu'il y a une marche à franchir. Dans les 160 pages, il y en a une sur l'ISF climatique mais il y en a des dizaines sur le coût…
MARC FAUVELLE
Mais il dit aussi : c'est comme ça qu'on fera accepter dans l'opinion les efforts.
CHRISTOPHE BÉCHU
Si je peux répondre à plusieurs questions en même temps, il y a évidemment besoin de montrer que cette transition elle est juste, à la fois dans la façon dont elle est financée et dans ceux qui bénéficient des crédits, mais elle a aussi avant tout besoin d'être financée. Et la hauteur du besoin nécessite de revoir dans nos finances publiques à la fois certaines dépenses où aujourd'hui finalement on soutient ce qu'on appelle des dépenses brunes, c'est-à-dire des dépenses qui financent ou qui baissent le coût du gaz, du fuel, du pétrole. Et de l'autre, on a au contraire besoin d'aller pousser des financements pour accélérer la rénovation des écoles mais aussi des maisons individuelles, des copros, des logements sociaux.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous entendez juste ce qu'on sous-entend avec nos questions. C'est comment vous allez pouvoir expliquer aux Français qu'on ne peut plus rembourser par exemple certains soins dentaires parce qu'on n'a plus d'argent, mais qu'en même temps on refuse de demander aux plus riches de mettre un peu plus la main à la poche alors qu'ils se sont enrichis depuis le Covid ?
CHRISTOPHE BÉCHU
On ne peut pas comparer ce qui relève de la santé et des autres dépenses budgétaires. Il y a l'équilibre interne des dépenses de santé qui est un sujet, et ensuite les choix qu'on fait pour le budget de la nation. Et là, notre pays est à la fois un de ceux qui a le niveau de prélèvements obligatoires qui des plus élevés au monde. Ma conviction, c'est qu'il ne faut pas utiliser l'écologie comme prétexte pour augmenter les impôts. On a une transition fiscale à conduire, ce n'est pas la même chose. C'est-à-dire baisser certains impôts, en augmenter et d'autres et si demain on a des émissions qui globalement on a des impôts qui reposent sur les émissions, ça contribuera à faire payer plus ceux qui émettent le plus, et donc ceux qui ont les modes de vie les plus riches.
MARC FAUVELLE
Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, était ce matin l'invité de Franceinfo. Merci à vous.
CHRISTOPHE BÉCHU
Merci à tous les deux.
MARC FAUVELLE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juin 2023