Interview de M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, à France 2 le 22 janvier 2023, sur le doublement du temps consacré à l'enseignement moral et civique en 2024 et le plan interministériel mis en place pour lutter contre le harcèlement scolaire.

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Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenu dans « Les 4V », Pap NDIAYE.

PAP NDIAYE
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Il va y avoir un plan interministériel dès la rentrée scolaire pour lutter contre le harcèlement scolaire. On a envie de dire enfin, mais concrètement, qu’est-ce qui va changer ? Qu’est-ce qui va changer à l’école ? Au collège ? Au lycée ?

PAP NDIAYE
On se mobilise depuis de nombreuses années contre le harcèlement dans les établissements scolaires, dans les écoles également. On a besoin d’accélérer en la matière. Ça veut dire, plus de formation pour les enseignants, ça veut dire la possibilité pour des élèves harceleurs en primaire d'être déplacés plutôt que les élèves…

THOMAS SOTTO
Et qu'on déplace le harceleur, l’agresseur plutôt que le harcelé, la victime.

PAP NDIAYE
Plutôt que le harcelé, voilà. Ce sera possible à partir de la rentrée.

THOMAS SOTTO
Ce sera systématique ?

PAP NDIAYE
Alors non, en cas, bien entendu, de difficultés lorsqu’un élève posera des problèmes de sécurité et de santé pour les autres élèves. Il faut tout de même enquêter, on a affaire à des enfants.

THOMAS SOTTO
Oui, bien sûr.

PAP NDIAYE
On va également généraliser le dispositif phare. Vous savez, ce dispositif de prévention, de détection et de prise en charge des victimes dans tous les lycées. Il est généralisé, pour l’instant, aux écoles et aux collèges. Il faut qu’il soit d’ailleurs homogénéisé pour que ça se passe au mieux. Il y aura un enseignant ou en tout cas, un adulte référent dans chaque établissement qui sera chargé de la mise en place…

THOMAS SOTTO
Dès la rentrée de septembre ?

PAP NDIAYE
Dès la rentrée de septembre.

THOMAS SOTTO
Ecoles, collèges, lycées ?

PAP NDIAYE
Ecoles, collèges, lycée. Et qui sera... Non, collèges, pardon. Pour cela, et qui sera rémunéré à cet effet, qui sera chargé de la mise en place et du suivi du plan anti-harcèlement. Et puis enfin, avec mes collègues de l'Intérieur, de la Justice et du Numérique, nous assurons qu'il y a une bonne coordination entre tous les services de l'Etat, que la police et la Justice embrayent bien lorsqu’il y a une situation de harcèlement avérée.

THOMAS SOTTO
Toutes ces intentions sont évidemment louables, le problème ce sont les effets d'annonce. Il devait y avoir une heure de sensibilisation organisée dans les 7 000 collèges de France au mois de juin.

PAP NDIAYE
Ça a été fait.

THOMAS SOTTO
Elle n’a pas eu lieu partout.

PAP NDIAYE
Elle peut se faire cette semaine également. Ça peut être la semaine dernière bien sûr. Et puis, en fonction des contraintes …

THOMAS SOTTO
Il y a des collèges où on arrête les cours ce soir et ça n’a pas été fait.

PAP NDIAYE
Ça se poursuivra à la rentrée. Ça s'est fait dans un très grand nombre de collèges, je peux vous le garantir. C'est une heure de sensibilisation aussi au cyberharcèlement parce que le cyberharcèlement se poursuit pendant les vacances. Donc on a besoin de sensibiliser les élèves là-dessus mais nous allons poursuivre nos efforts bien entendu à la rentrée avec notamment, j'insiste sur ce point, une sensibilisation des parents parce que nous avons besoin des parents pour lutter contre le cyberharcèlement. L'école peut faire beaucoup mais elle ne peut pas tout faire ; on a besoin de mobiliser les parents sur le sujet.

THOMAS SOTTO
Il y a une enveloppe budgétaire qui est débloquée, notamment pour la rémunération supplémentaire du professeur référent ? Ça fait combien ça.

PAP NDIAYE
Oui, ça, ce sont des calculs budgétaires que nous allons faire. Mais, bien entendu, ça coûte de l'argent. La formation des personnels ça coûte de l'argent. J'ai annoncé également que le 30 18, vous savez, ce numéro gratuit qui rencontre d'ailleurs un grand succès, si je puis dire, aura des moyens augmenter. Tout cela montre notre détermination.

THOMAS SOTTO
Tout ça dès septembre.
Il y un enseignement qui partait d'une belle intention mais dont on se demande aujourd'hui à quoi il sert, c'est l'enseignement moral et civique. Vous avez prévu de le réformer, Pap NDIAYE. Qu'est-ce qui va changer concrètement ?

PAP NDIAYE
Oui, c'est un enseignement important pour ancrer les questions et les valeurs de la République et aussi celle de laïcité chez nos élèves. Mais c'est souvent un enseignement qui sert de variable d'ajustement pour les professeurs d'histoire-géographie. Je ne leur jette d'ailleurs pas la pierre, on a besoin de mieux le sécuriser, cet enseignement.

THOMAS SOTTO
Alors qu’est-ce qui va changer ?

PAP NDIAYE
Il y a deux choses qui vont changer : un, on va doubler le temps consacré à l'enseignement moral et civique. Aujourd'hui, en moyenne, c'est une demi-heure par semaine ; ce sera une heure par semaine.

THOMAS SOTTO
Une heure par semaine à partir de la rentrée prochaine ?

PAP NDIAYE
A partir de la rentrée 2024. Il faut le temps de faire les programmes, bien entendu. Et puis, deuxièmement, c'est la refonte des programmes. Actuellement, ce sont des programmes un petit peu vieillis, ils ont une plus d'une dizaine d'années. On va les refondre autour de trois pôles : un, le pôle valeurs de la République, laïcité. Il convient bien entendu d'insister sur ce point. Deux, les questions de développement durable, former à l'éco-citoyenneté. Vous savez que les élèves sont très mobilisés et entrent…

THOMAS SOTTO
Il y a des éco-délégués maintenant dans les collèges.

PAP NDIAYE
Il y a des éco-délégués et on a besoin d'ancrer cela sur des savoirs scientifiques et puis, sur une citoyenneté renouvelée par les questions de développement durable. Et puis, troisièmement, les questions du numérique ; on en parlait à propos de cyberharcèlement. Elle compte beaucoup : l'accès à l'information, la manière dont les élèves... Voilà ces trois pôles.

THOMAS SOTTO
On va y aller étape par étape. Sur les questions de laïcité, ça fait des années et des années qu'on a l'impression que tous les ministres de l'Education mettent un peu le couvercle sur la casserole, qu'on achète un peu la paix sociale en fermant les yeux. Dans les faits aujourd’hui, on voit qu'il y a beaucoup d'incidents dans des établissements et notamment des abayas. Est-ce qu'elles vont continuer à être tolérées ou est-ce qu'il va y avoir, à partir de la rentrée, une règle ferme et définitive ? Quand on est habillé avec un vêtement qui a une connotation religieuse, on ne rentre pas.

PAP NDIAYE
On ne tolère rien du tout. Les règles de la laïcité sont appliquées fermement. D'ailleurs, on ne met pas la poussière sous le tapis. On publie des données chaque mois.

THOMAS SOTTO
C’est quoi les dernières données là-dessus ?

PAP NDIAYE
Les dernières données montrent une baisse pour le mois de mai mais au mois d'avril, c'était une hausse. Donc, on a des variations saisonnières.

THOMAS SOTTO
Avec combien de cas à peu près ?

PAP NDIAYE
Pour le mois de mai, environ 400 cas. C’est 400 cas de trop, bien entendu. C'est pour cela qu'il faut se mobiliser, à la fois, sur les questions de port de tenues à dimension religieuse. Elles sont interdites dans les espaces scolaires. Et puis aussi, sur les questions de contestation pédagogique, de refus d'aller en cours. Tout cela nous mobilise, bien entendu. On le fait en formant les personnels, on le fait aussi en sanctionnant, dans les établissements scolaires, les élèves…

THOMAS SOTTO
Pour vous, la règle et la consigne sont extrêmement claires, extrêmement fermes, ça, c’est sûr.

PAP NDIAYE
C'est clair, c'est ferme. On continue à former. Et je vais publier une circulaire avec un certain nombre d'exemples sur lesquels les chefs d'établissements vont pouvoir se fonder. Mais s'il y a bien une boussole qui est la mienne, c'est la loi de 2004 qui interdit tout vêtement à connotation religieuse dans les écoles et les établissements scolaires.

THOMAS SOTTO
Pap NDIAYE, cette année scolaire aurait été la première du bac nouvelle version avec un avancement des épreuves les plus importantes qui ont lieu au mois de mars. Il y a une conséquence, c'est que ça a quasiment tué le 3e trimestre pour beaucoup d'élèves de terminale qui se sont dit « c'est bon, on a fini, on n’est plus obligé d'aller en cours. Est-ce que vous allez revoir ce calendrier pour l'année prochaine ou revoir les règles ?

PAP NDIAYE
Nous allons revoir les choses. En effet, on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle ; celle d'un 3e trimestre qui, vous l'avez dit, s'effiloche.

THOMAS SOTTO
Fantôme.

PAP NDIAYE
Un peu fantôme parce que les élèves ne sont plus motivés depuis la fin du mois de mars. On a donc un problème majeur avec ce 3e trimestre. Vous savez, ça fait quinze ans que les ministres de l'Éducation parlent de reconquérir le mois de juin. Maintenant, il faut reconquérir…

THOMAS SOTTO
Maintenant, on a perdu le mois de mai et le mois d’avril.

PAP NDIAYE
Voilà, donc c'est le 3e trimestre qu'il faut reconquérir. Donc, j'ai chargé un ancien recteur - William MAROIS - d'une mission. Il va me remettre ses conclusions au mois de septembre.

THOMAS SOTTO
Mais c'est quoi les pistes ? C’est de revoir ces examens en mars ? Les décaler ? C’est de ne pas donner les résultats tout de suite ? C’est quoi ?

PAP NDIAYE
Alors, il y a plusieurs pistes.
Non, moi, j'écarte la possibilité de ne pas donner les résultats tout de suite. On ne va pas faire attendre les familles pendant des mois à propos des résultats.

THOMAS SOTTO
Et la piste de décaler ces examens en début du mois de mars à plus tard ?

PAP NDIAYE
C'est une possibilité, mais il y a d'autres possibilités que nous examinons.

THOMAS SOTTO
Lesquelles ?

PAP NDIAYE
Je prendrais, par exemple, un système à l'anglaise, avec des admissions universitaires « oui si ». Vous êtes admis à telle université si vous poursuivez votre travail tout au long du 3e trimestre.

THOMAS SOTTO
Conditionner à la présence.

PAP NDIAYE
Voilà. Conditionner l'admission Parcoursup à un travail régulier et assidu au 3e trimestre. C'est une possibilité ; il y en a d'autres en tout cas.

THOMAS SOTTO
Ce sera tranché quand, ça ?

PAP NDIAYE
En septembre.

THOMAS SOTTO
En septembre pour l’année prochaine.

PAP NDIAYE
Pour l’année prochaine. On a absolument besoin de changer les choses. La situation actuelle ne convient pas.

THOMAS SOTTO
On va parler de la rentrée justement. Y aura-t-il un enseignant par classe à la rentrée ? Est-ce qu'on manque encore de postes ? Est-ce qu'on va encore avoir du speed dating et des profs recrutés en vingt minutes ?

PAP NDIAYE
Alors, ça va mieux que l'année dernière parce que les concours…

THOMAS SOTTO
Ça va moins mal, on va dire.

PAP NDIAYE
Ça va moins mal, si vous voulez. Les concours de recrutement ont été meilleurs. On a également titularisé des professeurs contractuels. On a encore des difficultés dans trois académies, principalement Créteil, Versailles et la Guyane.

THOMAS SOTTO
Vous nous confirmez que plus de 1 250 postes n'ont pas encore été pourvus de professeurs des écoles pour l'année prochaine, pour la rentrée de septembre ? C’est le chiffre des syndicats,1 250.

PAP NDIAYE
C'est un peu moins, en réalité. Donc nous avons, bien sûr, à recruter, comme l'année dernière, des professeurs contractuels mais nous recrutons d'ores et déjà, nous les formons. Ce ne sont pas des professeurs qui sont recrutés à la dernière minute.

THOMAS SOTTO
Mais il y aura encore du speed dating comme l'an dernier ? Vous disiez, vous-même, l'an dernier, « on ne devient pas professeur en quatre jours. »

PAP NDIAYE
Oui, on ne devient pas professeur en quatre jours. Professeur, c'est un métier qui s'apprend et qui nécessite du temps, que l'on soit contractuels ou que l'on soit titulaire d'ailleurs, je ne le note au passage. Donc on a besoin d'avoir recours à des professeurs contractuels.

THOMAS SOTTO
Mais il manque aussi de candidats, Pap NDIAYE.

PAP NDIAYE
Ça va mieux.

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous allez, du coup, repêcher des recalés ?

PAP NDIAYE
Nous faisons, notamment du côté des académies en difficulté, nous allons du côté des listes complémentaires, en effet.

THOMAS SOTTO
Donc, ça s'appelle repêcher les recalés, une liste complémentaire.

PAP NDIAYE
Alors, repêcher, ce sont des candidats qui sont des candidats de valeur, donc nous faisons cela. Et puis, d'une manière générale, comme vous le savez, nous revalorisons à la fois d'un point de vue matériel et moral le métier de professeur. Les professeurs vont être augmentés à la rentrée.

THOMAS SOTTO
100 à 230 euros net par mois s’ils s’engagent à faire davantage.

PAP NDIAYE
Voire plus, notamment en début et plus en début de carrière. Et donc ça, ça va avoir des effets à partir de la rentrée 2024. On a déjà, si vous voulez, des signes positifs, quelques hirondelles qui ne font pas encore le printemps mais ça va déjà un peu mieux.

THOMAS SOTTO
Une question rapidement ; le député LFI - Louis BOYARD – a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la présence d'amiante dans huit classes sur dix, dit-il. Il dénonce une bombe sanitaire. Vous l’avez opposé à une fin de non-recevoir ; mais sur le fond, quelle est la proportion de classes qui sont amiantées en France ? Est-ce que certains de nos professeurs et de nos enfants sont en danger quand ils sont en salle de classe ?

PAP NDIAYE
Alors il y a des mesures qui sont des mesures régulières du taux d'amiante qui sont faites en collaboration avec les collectivités qui sont en charge du bâti scolaire et de l'entretien des bâtiments scolaires. Je le rappelle, nous avons, au ministère, une cellule qui est spécialisée dans le bâti scolaire.

THOMAS SOTTO
On a un ordre d’idée ?

PAP NDIAYE
On n'a pas d'ordre d'idée à l'échelle nationale, on fait des mesures ; il y a des mesures dans chaque…

THOMAS SOTTO
Ça vous inquiète cette situation ?

PAP NDIAYE
Nous regardons de près les choses, en effet, en lien avec les collectivités, en particulier…

THOMAS SOTTO
Est-ce que vous aurez une photo globale de la situation ?

PAP NDIAYE
En particulier dans les bâtiments qui sont d'une génération où on a mis beaucoup d'amiantes. Donc ce qui est important, c'est de se concentrer sur les bâtiments où il y a suspicion d'amiante et où des mesures ont montré qu'il y a problème.

THOMAS SOTTO
Quand est-ce que vous aurez une image globale ?

PAP NDIAYE
Donc nous allons mesurer tout cela au cours de l'automne et puis engager les travaux nécessaires avec les collectivités qui sont en charge de cela.

THOMAS SOTTO
Vous serez dans quelque classe, vous, l'année prochaine ?

PAP NDIAYE
Dans quelle classe, vous voulez dire ? J'ai fini mes études.

THOMAS SOTTO
On parle beaucoup de remaniements, on parle beaucoup de.... Il y a un conseil de classe imminent visiblement au Gouvernement.

PAP NDIAYE
Je ne commande pas les rumeurs, je prépare la rentrée comme vous l'avez entendu. Et puis, ça fait quelques années quand même que j'ai fini mes études.

THOMAS SOTTO
Vous vous projetez au ministère de l’Education ?

PAP NDIAYE
Tout à fait.

THOMAS SOTTO
Vous avez envie de continuer ?

PAP NDIAYE
Absolument.

THOMAS SOTTO
Et vous voyez qu’avec la question de la lutte contre le harcèlement, la question des savoirs fondamentaux, la question de l'enseignement moral et civique et celle de la revalorisation des professeurs…

THOMAS SOTTO
Il y a du boulot.

PAP NDIAYE
Il y a du boulot et du pain sur la planche.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Pap NDIAYE. Je rappelle le numéro anti-harcèlement, c'est celui-là, le 30 18, numéro fondamental.

PAP NDIAYE
Très important.

THOMAS SOTTO
Merci, bonne journée à vous.

PAP NDIAYE
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 26 juin 2023