Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur l'Union européenne face au conflit en Ukraine, à Paris le 27 juin 2023.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Edgars Rinkevics, ministre des affaires étrangères de la République de Lettonie, M. Gabrielius Landsbergis, ministre des affaires étrangères de la République de Lituanie, et M. Margus Tsahkna, ministre des affaires é

Texte intégral

Monsieur le Président élu, cher Edgars,
Messieurs les ministres, cher Gabrielius, cher Margus,


Je veux tout d'abord vous remercier d'avoir répondu à mon invitation pour cette réunion, dans ce format collectif à Paris, un format utile, et une réunion qui vient à point nommé, vu le contexte dans lequel elle se tient.

Nous étions ensemble à Luxembourg hier, tous les quatre, pour un Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne. Nous avons rappelé une nouvelle fois notre plein soutien à l'Ukraine. Nous avons pu prendre aussi des décisions importantes, avec notamment l'adoption du 11ème paquet de sanctions pour peser sur l'effort de guerre russe, ou avec l'augmentation du plafond de la facilité européenne de paix.

Je voudrais, avant de poursuivre, tout d'abord féliciter devant vous, une nouvelle fois, mais cette fois devant vous, chaleureusement, Edgars pour son élection à la présidence de la République de Lettonie, le 31 mai dernier. Il vit ses derniers moments de semi-liberté. En tout cas, je suis très heureuse et très fière de l'avoir ici à Paris. Félicitations, cher Edgars, et tous nos remerciements, au nom des collègues, ceux qui sont ici et ceux qui n'y sont pas, pour la façon dont vous avez occupé vos fonctions depuis 2011. Vous avez marqué tous vos interlocuteurs par la finesse de vos analyses, par la sagesse de vos positions, par la défense, bien sûr, des intérêts de votre pays, et toujours, toujours, par la promotion de l'esprit européen. Merci de cela.

Il s'agit pour moi de la première réunion que je tiens dans ce format quadrilatéral. Un format qui a été inauguré ici, à Paris, sous votre impulsion, cher Edgars, et celle de mon prédécesseur, en janvier 2021. Et pourquoi en janvier 2021 ? Parce que nous célébrions, à cette occasion, le centenaire de l'établissement des relations diplomatiques de la France avec vos pays. Gabrielius, vous étiez là aussi. Donc il y a deux nouveaux dans la pièce ; mais un bon format !

Le contexte de début 2021 était évidemment tout autre. La guerre n'avait pas fait son retour sur le continent européen, nous n'étions pas exposés à la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons tous, du fait de l'agression russe en Ukraine. Mais déjà, déjà, nous voulions faire vivre ce format, souligner notre unité sur beaucoup des grands sujets géopolitiques en Europe, et puis faire davantage ensemble, essayer de faire avancer des choses, trouver des solutions.

Comme l'a dit tout récemment le Président de la République à Bratislava, dans un discours important, je veux le souligner à nouveau pour exprimer la vision française du futur de notre Europe : dans notre Europe, il n'y a pas d'Européens de l'Est et d'Européens de l'Ouest, il n'y a que des Européens, à l'ouest de la Russie. Des Européens qui partagent des valeurs essentielles, ces valeurs qui sont inscrites dans le projet politique de l'Union européenne. Et aujourd'hui, ce format, je le disais, ce format des 3+1 est plus utile et plus nécessaire que jamais, dans le contexte nouveau que nous vivons.

Cette rencontre s'inscrit au milieu d'une séquence diplomatique et stratégique importante pour la stabilité du continent et pour notre sécurité collective aussi. Après le deuxième Sommet de la Communauté politique européenne à Chisinau, le 1er juin, un important Conseil européen se tient, jeudi et vendredi. Et peu après, ce sera, vous le savez, le Sommet de l'OTAN à Vilnius, les 11 et 12 juillet.

Et donc ce matin, sans que cela vous surprenne, bien sûr, nous avons, durant la première partie de nos échanges, largement parlé, évoqué, débattu de la situation en Ukraine et de notre position à cet égard, à ce moment particulier que nous venons de vivre. Tout d'abord, nous avons fait un constat. Et ce constat, il est commun, je pense pouvoir dire qu'il est partagé d'ailleurs au-delà de nous, par tous les Etats membres de l'Union européenne. Ce constat, c'est que 18 mois bientôt après le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine, la Russie a échoué dans sa tentative. Elle a échoué face à la résistance admirable de l'Ukraine et des Ukrainiens, face au courage des Ukrainiens et à leur capacité de résilience. Cet échec est perceptible en Europe, mais je pense qu'il est perceptible dans le reste du monde aussi, là où la Russie échoue à rassembler des soutiens. Il est aussi sans doute perceptible également en Russie même, et c'est peut-être l'une des raisons des événements qui se sont déroulés au cours du week-end, qui ont souligné les tensions internes, souligné la fragilité du système. Je ne vais pas revenir longuement sur ce qui s'est passé samedi ; le Président de la République s'est exprimé ; je me suis exprimée moi-même hier, et il faut à nouveau souligner que ces événements relèvent des affaires intérieures russes. Par ailleurs, vous l'avez vu ce weekend, notre priorité à tous a été d'abord et avant tout la sécurité de nos ressortissants. Cela dit, à l'évidence, ces événements mettent en lumière les tensions internes qui existent en Russie, et pour reprendre une expression que nous avons beaucoup utilisée les uns et les autres, met en lumière aussi les fissures et même les fractures et, j'irais plus loin, je dirais même les failles qui existent dans le système. Mais gardons-nous de faire des analyses définitives, il y a beaucoup de zones d'ombre et je crois que toutes les conséquences de ces événements ne sont pas encore visibles. Pour ce qui nous concerne, tout ceci nous conduit tout simplement, comme nous l'avons dit et répété, à continuer d'être vigilants sur la situation et à continuer à soutenir l'Ukraine dans sa légitime défense. C'est l'objet de notre action depuis le 24 février 2022.

Nous devons aussi faire tous nos efforts pour faire comprendre à la Russie que le temps ne joue pas en sa faveur. Elle s'est mise dans une impasse, elle a fait une erreur stratégique, mais le temps ne joue pas en sa faveur. L'Europe de la Défense se renforce. Nous avons pris des décisions fortes en matière de production et de dons à

l'Ukraine de munitions, de missiles, de capacités de défense aérienne et d'autre nature. Et donc tout ceci, nous le poursuivrons. Nous avons décidé de le poursuivre, il y a déjà plus d'un an : c'est l'Agenda de Versailles, l'agenda de souveraineté européenne, renforcé par les dispositions précises que nous avons prises, il y a deux mois, pour ce qui est de nos capacités de production et de livraison de missiles et de munitions à l'Ukraine, de façon accélérée et renforcée, avec notamment des achats communs et le renforcement des capacités européennes de production.

Nous avons évidemment aussi parlé de la perspective du Sommet de Vilnius, que Gabrielius accueillera, et qui vient dans deux semaines, avec en premier lieu la question de la perspective d'adhésion de l'Ukraine et des formules que nous pouvons trouver, celle du soutien qui lui sera apporté et donc des garanties de sécurité que, bilatéralement, nous pouvons donner à ce pays. Nous le ferons d'ici Vilnius, pour ce qui nous concerne. Et puis nous avons aussi évoqué la question du renforcement de notre présence sur le flanc oriental de l'Alliance atlantique. C'est nécessaire, et c'est nécessaire partout, mais c'est nécessaire aussi en Baltique. La France y prend toute sa part : nation-cadre en Roumanie, vous le savez, avec maintenant le niveau brigade, mais également nous sommes présents dans la région baltique, avec une présence permanente à Tapa et des rotations dans le ciel balte, et nous continuerons.

Donc voilà quelques-uns des sujets que nous avons traités. Nous continuerons lors du déjeuner qui va suivre, en parlant de l'Union européenne, en parlant de ses relations avec l'Afrique, des enjeux de développement, des relations avec la Chine. Un agenda ambitieux, que pour poursuivre, je vais donc laisser la parole à mes trois collègues, au Président élu tout d'abord, puis à mes deux collègues, avant que nous répondions à vos questions. Merci, en tous cas, de votre présence. Je redis, et c'est un message que je souligne volontiers, que cette réunion vient à point nommé, dans un environnement stratégique qui nous pousse à davantage de coopération et davantage d'actions en commun. Donc merci à vous et, Edgars, à vous.

(...)

Merci beaucoup.

Mesdames et Messieurs, vous avez eu déjà beaucoup de réponses à quelques-unes des questions que vous vous posiez, j'en suis sûre, mais je suis sûre aussi que vous aurez encore des questions à poser.

Q - Merci de prendre ma question. Une question qui s'adresse à vous quatre : je voulais savoir, Messieurs, si vous aviez demandé à la France des moyens supplémentaires pour sécuriser vos frontières ? Et vous avez évoqué aussi la police de l'air ; est-ce que les rotations qui se font, avec le concours de l'OTAN, est-ce qu'il y a des moyens supplémentaires, c'est une question pour Mme Colonna, qui ont été annoncés ou proposés, justement pour renforcer la sécurité, à la fois aux frontières, et aussi en matière de surveillance et de police de l'air ?

R - Alors, je réponds la première, même si la question s'adressait à tous, et à moi en dernier : d'abord, je pense qu'il faut dire et rappeler l'évidence, qui est notre détermination à assurer notre sécurité en tant qu'Etats de l'Union européenne. Nous sommes déjà, à titre national, en tant que nation-cadre, présents sur le flanc oriental de l'Alliance en Roumanie, je l'ai dit, à hauteur d'une brigade. Nous sommes aussi présents avec des forces et du matériel à Tapa, j'ai eu l'occasion de m'y rendre, comme le ministre l'a dit. Et puis nous effectuons des missions, à tour de rôle, depuis plusieurs années, de présence et de police du ciel dans le ciel balte. Je m'étais également rendue sur place, pour pouvoir marquer notre soutien ; et notre soutien continue. Je crois me souvenir que la prochaine rotation est prévue pour novembre ou décembre. Donc dans ce cadre, notre présence est là, et je veux redire que personne ne doit douter ni de notre volonté, ni de notre capacité à nous défendre en tant qu'Européens.

(...)

Q (traduit de l'anglais) - Ma question s'adresse à tous les quatre : pensez-vous que l'Ukraine accomplit suffisamment de progrès pour démarrer les négociations d'adhésion à l'Union européenne cette année ?

(...)

R - Le rapport oral de la Commission montre que des réformes ont été faites, et dans des conditions extrêmement difficiles, puisque, en effet, une guerre fait rage en Ukraine. D'autres réformes devront être faites, d'ici la fin de l'année, puisque c'est à la fin de l'année seulement qu'une décision devra être prise. Nous espérons, bien sûr, que l'Ukraine pourra avoir fait ces pas. Et non seulement nous l'espérons, mais nous devons l'aider à accomplir celles des réformes qui ne sont pas encore achevées. Nous avons également une responsabilité à cet égard. Je pense que nous sommes vraiment tous sur la même ligne.

Merci beaucoup. Nous allons continuer notre conversation et nos échanges bien utiles et intéressants.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 2023