Interview de M. Olivier Klein, ministre délégué, chargé de la ville et du logement, à RTL le 6 juillet 2023, sur la politique de la ville après les émeutes.

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Média : RTL

Texte intégral

STEPHANE CARPENTIER
Merci à vous tous d’être là. C’est donc le ministre délégué à la Ville et au Logement qui est en direct et en studio l’invité de RTL matin, Olivier KLEIN, ancien maire de Clichy-sous-Bois. On va essayer de comprendre avec vous ce que vous allez faire pour les quartiers, pour les zones sensibles après ces émeutes et ces pillages qui ont marqué le pays. D’abord cette nuit a été plutôt calme sur le territoire comme les trois précédentes après une fin de semaine dernière de haute intensité. Vous croyez, vous, à une accalmie réelle ou vous pensez que ça peut repartir ?

OLIVIER KLEIN
Bonjour. Ecoutez, on ne peut jamais prévoir mais la priorité du gouvernement c’était ce retour au calme, ce retour à l’ordre parce que les quartiers populaires, les habitants de ces quartiers souhaitent ce retour au calme et ce retour à l’ordre. C’est absolument nécessaire. On ne peut pas accepter cette violence, cette violence qui se tourne contre son propre quartier, contre ces équipements publics, contre ces élus et donc on s’est donné les moyens de ce retour au calme, il faut qu'il continue. Je salue le travail aussi des élus, des habitants, des militants associatifs, des parents qui ont contribué à ce retour au calme. Il faudra qu’il continue et qu’on s’en donne les moyens aussi longtemps que nécessaire.

STEPHANE CARPENTIER
Vous nous dites que c’est difficile de prévoir mais on peut imaginer que les 13, 14 juillet prochains ça sera sans doute compliqué.

OLIVIER KLEIN
Ecoutez, c'est toujours des périodes qui peuvent l'être mais je peux vous assurer que l'action du gouvernement prévoit ces moments particuliers avec des feux d'artifice, un moment populaire. Le 14 Juillet, c'est une belle fête dans laquelle il faut être fier, se réunir, faire des pique-niques, des choses qu'on a l'habitude de voir, participer pour ceux qui le souhaitent à ces événements et le faire dans le calme et dans l'ordre.

STEPHANE CARPENTIER
Alors. Olivier KLEIN, et maintenant qu'est-ce qu'on fait pour panser les plaies, pour reconstruire avant de tenter d'améliorer enfin les choses dans ces banlieues souvent délaissées ? Emmanuel MACRON a annoncé une loi d'urgence pour la reconstruction après les émeutes. C'est quoi cette loi ?

OLIVIER KLEIN
Bien évidemment, il y a des équipements publics qui ont été abîmés donc il faut les réparer. Il faut accompagner les collectivités locales à se donner les moyens de réparer vite. Quand une bibliothèque n'a pas pu rouvrir ses portes, quand une mairie ne peut plus accueillir ses concitoyens pour faire des passeports, de l'action sociale, un conservatoire, il faut aider les collectivités à réparer plus vite. Donc il y a le travail des assurances bien sûr, il y a le travail financier. Le ministre de l'Intérieur a annoncé 20 millions d'euros pour remettre en route les caméras de vidéoprotection. Et puis il y a des règles d'urbanisme et donc il y a des circulaires qui disent : dans ce cadre-là, on peut aller plus vite si on reconstruit à l'identique, pas besoin de permis. Enfin, tout ce qui permet d'aller plus vite pour que nos concitoyens puissent retrouver l'accès à leurs services publics si importants dans les quartiers populaires.

STEPHANE CARPENTIER
Là il vous écoute et quand ils entendent " plus vite ", ça veut dire quoi concrètement ?

OLIVIER KLEIN
À l'impossible, nul n’est tenu. Vous savez, la bibliothèque de Clichy-sous-Bois que je connais bien a été très abîmée. Il va falloir des analyses. Aujourd'hui l'expert de l'assurance passe donc ça dépendra du niveau de dégradation, mais parfois il y aura aussi des modulaires pour rouvrir plus vite l'accès aux services publics. J'étais à Persan samedi matin, le maire ne pourra pas réouvrir sa mairie comme ça, en claquant des doigts. Il y a beaucoup de travaux à faire malheureusement mais on l'accompagnera, d'abord dans une dimension provisoire, et c'est le travail que mène le préfet, et puis ensuite pour réouvrir complètement sa belle mairie.

STEPHANE CARPENTIER
Et les circulaires et la loi d'urgence ? Vous ne me répondez pas sur le calendrier, ça semble un peu flou.

OLIVIER KLEIN
Non, non, pas du tout. Il y a eu une première version qui a été montrée en conseil des ministres hier. Le président de la République a souhaité être encore plus efficace, donc les démarches sont déjà en cours. Vous savez, les maires n'attendent pas le gouvernement pour aller voir leur assurance et leur préfet, donc c'est maintenant.

STEPHANE CARPENTIER
C'est maintenant donc, et pour la loi d'urgence devant les parlementaires c'est pour quand ?

OLIVIER KLEIN
Si la loi est nécessaire, elle passera pendant l'été bien évidemment.

STEPHANE CARPENTIER
Avant la pause estivale ?

OLIVIER KLEIN
C'est l'objectif, sinon il y aura des décrets, des ordonnances. Tout ce qui peut être fait sera fait pour que les réparations démarrent le plus vite, mais je peux vous assurer que les maires et les préfets à leurs côtés sont déjà au travail.

STEPHANE CARPENTIER
Alors ça c'est reconstruire et c'est une première étape. Qu’est-ce qu’on fait ensuite pour améliorer les choses sur le terrain dans ces quartiers sensibles, que vous connaissez si bien avec Clichy-sous-Bois ?

OLIVIER KLEIN
Oui, oui, bien sûr. D'abord il faut se dire qu'on a déjà fait beaucoup dans ces quartiers.

STEPHANE CARPENTIER
Oui, mais…

OLIVIER KLEIN
Oui mais on ne peut pas expliquer ou excuser, il faut aussi le temps de la décantation et comprendre ce qui s'est passé bien sûr. Comment un drame, je le rappelle, comme la mort du jeune Nahel débouche sur un tel niveau de violence autodestructrice. Donc ça, il faut le comprendre. Mais en même temps, il ne faut pas oublier tout ce qui a été fait : le renouvellement urbain, des centaines de millions d'euros qui ont été investis dans ces quartiers, le premier programme de renouvellement urbain, le deuxième que j'ai eu la chance de lancer comme président de l'ANRU, le gouvernement précédent est passé de 5 milliards à 12 milliards pour l'Agence nationale du renouvellement urbain : ça veut dire qu'on va dépenser 50 milliards pour renouveler ces quartiers, les changer en profondeur et, en même temps, soutenir les associations. Vous savez, à Marseille lundi soir, le président a commencé à annoncer Quartiers 2030, avant ce drame et avant ces émeutes. Il a dit qu'on allait continuer à amplifier l'effort dans l'école, notamment les cités éducatives. Dans le gouvernement précédent, on a créé 200 cités éducatives. Tout le monde parle du plan Borloo, la réalité c'est que ça c'était l'élément phare du rapport Borloo : c’est ces cités éducatives, faire que tout le monde s'occupe des enfants, et on le sait et on le voit aujourd'hui, cette priorité pour l'enfance. Eh bien le président de la République a dit à Marseille : on va généraliser ces cités éducatives, on va accueillir les enfants encore plus jeunes à l'école. Parce que, on le voit, le dédoublement des classes préparatoires, 100% des classes préparatoires ont été doublées dans les quartiers populaires lors du précédent quinquennat. Personne ne l'avait fait avant le gouvernement d'Emmanuel MACRON et l'enseignant que j'étais voit à quel point ça marche. Ça marche dans la rapidité de l'apprentissage de la lecture, donc ne disons pas que rien n'a été fait. Au contraire, beaucoup a été fait et ne disons pas parce qu'il s'est passé ça, d'un seul coup, on sait ce qu'il faut faire parce que personne n'a la recette magique. Il faut comprendre ce qui s'est passé, l'analyser et tirer des conclusions pour là où il faut faire plus d'efforts.

STEPHANE CARPENTIER
Il y a des gens qui vont vous dire : on a dépensé tellement de milliards pour ces quartiers-là avec ça à l’arrivée.

OLIVIER KLEIN
Heureusement qu'on a dépensé tellement de milliards

STEPHANE CARPENTIER
Ça aurait pu être prise du coup, ça veut dire ?

OLIVIER KLEIN
Non, ce n’est pas ça. C'est que ces quartiers, ils ont besoin d'être accompagnés, ils ont besoin qu'on les aide, ils ont besoin qu'on leur dise qu'on les aime et qu'on les accompagne. Vous savez, une des difficultés dans ces quartiers, c'est quand les gens vont mieux, ils quittent ces quartiers. La réalité, c'est qu'on ne s'adresse pas toujours aux mêmes personnes. J'ai été maire, vous l'avez, j’habite Clichy-sous-Bois depuis que je suis né donc je connais cette ville. Quand on va mieux dans un quartier populaire, souvent parce que la politique d'émancipation marche, on le quitte. Ce qu'il faut qu'on réussisse, c’est donner envie aux habitants de ces quartiers d’y rester et je crois qu’à ce moment-là, on aura beaucoup progressé. Et pour qu'ils aient envie d'y rester, ils ont besoin de beaux logements, ils ont besoin de transports pour aller bosser le matin, ils ont besoin de tranquillité. La tranquillité est essentielle. Les habitants des quartiers populaires comme tout le monde et peut-être encore plus que d'autres veulent vivre tranquillement dans leur ville.

STEPHANE CARPENTIER
Dans RTL événement, je ne sais pas si vous l’avez entendu à 7 heures et quart tout à l'heure, on était à Nanterre. On entendait des associations, des mots assez durs parce qu’elles se demandent si elles n’ont pas participé à l'échec, ces associations qui sont sur le terrain. Qu'est-ce que vous leur dites ?

OLIVIER KLEIN
Les associations, je les ai vues en début de semaine. Je vous quitte pour avoir une autre réunion avec beaucoup d'associations des quartiers populaires. D'abord il ne faut pas céder au découragement. Dans un moment comme celui-là, une forme de sidération, on a tous à se demander ce qu'on a fait de bien et ce qu'on aurait pu faire de mieux. Mais les associations, ils sont essentiels. Ils jouent un rôle de service public, ils jouent un rôle de lien social dans ces quartiers, donc ma responsabilité comme Ministre de la Ville et du Logement à travers les nouveaux contrats de ville qu'on va signer en janvier, à travers la mission que j'ai confiée à Mohamed MECHMACHE, c'est de mieux les écouter, de mieux construire avec eux du sur-mesure. Chaque quartier, ce qu'on va faire à Nanterre ce n'est pas ce qu'on va faire à Clichy-sous-Bois, ce n'est pas ce qu'on va faire rapidement à Pissevin à Nîmes, c'est du sur-mesure avec les habitants de ces quartiers, avec les associations - les petites notamment - de ces quartiers.

STEPHANE CARPENTIER
On va rester sur cet espoir positif. Merci à vous Olivier KLEIN d’avoir été l'invité de RTL Matin, Ministre délégué à la Ville et au Logement.

OLIVIER KLEIN
Merci.


Source : Service d’information du Gouvernement, le 13 juillet 2023