Texte intégral
Bonjour à toutes et tous,
Monsieur le Président de la Fédération nationale, cher Claude,
Messieurs les Présidents des Fédérations départementales,
Monsieur le Sénateur,
Mesdames et Messieurs,
C'est un plaisir pour moi de revenir aujourd'hui face à vous pour votre congrès annuel qui est, je le sais, un temps fort pour vos fédérations. L'opportunité m'est donnée de revenir sur les avancées de l'année écoulée en matière de préservation des milieux, et partager avec vous les chantiers qui sont devant nous.
Vous avez rappelé, Monsieur le Président, l'impact des sécheresses successives et l'engagement déterminant des fédérations départementales, et évidemment de leurs pêcheurs durant cette période. Je voudrais vraiment vous remercier pour cet engagement qui a été le vôtre.
Je voudrais aussi partager avec vous les avancées majeures du plan eau. Présenté par le Président de la République le 30 mars dernier, il a donné un nouveau souffle à la politique de l'eau en France. La sécheresse de 2022 a fait prendre conscience au plus grand nombre de l'importance de la ressource en eau. Pour chacun ici dans cette salle, c'est une évidence, mais pour la majorité des Français, ce n'était jusqu'ici pas un sujet.
Nous avons capitalisé sur cette période pour réaffirmer que l'eau est précieuse pour notre santé, précieuse pour nos écosystèmes, mais aussi précieuse pour notre économie et que nous devons donc collectivement en prendre soin.
Le plan eau, c'est donc la concrétisation d'un travail de réflexion collectif que nous avons souhaité porter largement avec les usagers de l'eau dans le Comité national de l'eau, et avec les territoires dans les comités de bassin.
Trois ambitions fortes y sont assumées. Engager la sobriété avec tous les acteurs, optimiser également la disponibilité de la ressource, et préserver la qualité de l'eau et restaurer les écosystèmes sains et fonctionnels.
Elles sont accompagnées dans le plan eau d'objectifs concrets. Le premier, économiser 10 % de nos prélèvements d'ici 2030. Cette trajectoire sera déclinée avec une double logique : une logique sectorielle d'une part, et une logique territoriale d'autre part.
Je sais que nombre d'entre vous sont investis dans les comités de bassin, vous l'avez rappelé, Monsieur le Président, et également dans les commissions locales de l'eau. Je ne peux que vous encourager évidemment à poursuivre votre implication active en faveur de la protection de l'eau et des milieux aquatiques. Vous y jouez un rôle capital en tant que porte-parole de la vie aquatique.
Le deuxième axe vise à optimiser la disponibilité de la ressource. Il s'agit pour l'eau potable de résorber 170 points noirs de fuite et sécuriser l'alimentation en eau potable des 2 000 communes fragiles. En parallèle, nous allons engager avec détermination un développement sans précédent de réutilisation des eaux usées traitées.
Les efforts seront concentrés sur le littoral, là où l'eau douce traitée est rejetée à la mer. Il n'est évidemment pas question que cela se fasse aux dépens des écosystèmes aquatiques déjà très fragiles en période d'étiage.
Enfin, le troisième volet vise à améliorer la qualité de nos eaux. Une priorité a été donnée à la protection des zones de captage. Nous allons accompagner des évolutions de pratiques agricoles pour utiliser moins de pesticides, moins d'engrais chimiques sur ces zones qui sont, vous le savez, particulièrement sensibles, mais ce sont bien tous les écosystèmes aquatiques évidemment qui en bénéficieront. L'accélération de la mise aux normes des stations d'épuration non conformes, avec 50 millions d'euros supplémentaires par an, sera aussi un pas en avant significatif pour retrouver la qualité des rivières.
Pour concrétiser ces trois volets du plan eau, nous avons mis des moyens aussi à la hauteur de nos ambitions, avec un effort financier inédit. Les moyens des agences de l'eau augmenteront de 475 millions d'euros par an, ce qui représente 20% de plus pour assurer la mise en place du plan.
Vous m'avez également interpellée, cher Claude, sur la question de la redevance pour la protection des milieux aquatiques, la RMA. Aujourd'hui, la RMA représente 7,7 millions d'euros et en retour, je dois dire aujourd'hui que vous êtes largement bénéficiaires des aides des agences de l'eau à hauteur de 12 millions d'euros. Et surtout, vous siégez en Conseil d'administration des agences. La RMA est donc un levier important, avec un retour positif pour le monde de la pêche. Vous avez souhaité, Monsieur le Président, que nous puissions en reparler et je m'engage à le faire évidemment avec vous.
J'entends d'ailleurs vos attentes, notamment pour le financement d'un observatoire des milieux aquatiques et pourquoi pas sa création. Nous en reparlerons également. Il faut que nous regardions ça avec sérieux.
Concernant les 475 millions d'euros supplémentaires du plan, ils seront financés par les redevances des usagers de l'eau. Cette montée en charge va se traduire par un renforcement du principe préleveur-pollueur-payeur. Nous allons rééquilibrer en tendance la contribution des différentes catégories
d'usagers. Ainsi, en maintenant la contribution de la RMA, sa part relative va diminuer. C'est une marque de reconnaissance du travail que vous effectuez en faveur des milieux aquatiques.
D'autres chantiers importants sont devant nous, notamment la Stratégie Nationale de la Biodiversité, que vous avez rappelée également, Monsieur le Président. Sans évidemment dévoiler trop tôt son contenu, je peux déjà vous dire qu'il y aura des avancées concrètes pour les milieux aquatiques.
Premièrement, nous allons engager d'ici 2030 des mesures de restauration. 30% des écosystèmes sont dégradés. Il faut donc pouvoir les restaurer. Pour les rivières, il y aura donc des opérations concrètes pour reconquérir le bon état écologique.
Deuxièmement, nous allons placer sous protection forte 10% du territoire national. L'enjeu est de reconnecter nos citoyens à la nature, vous l'aurez compris. Je crois beaucoup notamment dans l'éducation des plus jeunes, pour leur apprendre à connaître et également à aimer la nature. La Première ministre a annoncé à l'occasion de la Fête de la nature l'objectif de passer de 1 000 à 18 000 aires éducatives. Il s'agit d'un dispositif où la gestion d'un petit bout de nature est confié à une classe. Il existe aujourd'hui des aires marines éducatives et des aires terrestres aussi éducatives. Nous allons de plus en plus développer le concept d'aire éducative fluviale.
C'est une chance pour notre jeunesse et la restauration des cours d'eau, et j'ai besoin de vous pour accompagner la dynamique que nous lançons autour de ce beau projet. Nous souhaitons réaliser ces 18 000 aires éducatives en 2030 et cela ne pourra pas se faire sans vous.
J'en profite également pour mentionner que la Première ministre a annoncé la reconduction du Fonds vert à hauteur de 2 milliards d'euros. C'est un montant d'au moins 150 millions pour des actions en faveur de la biodiversité qui sont ainsi renouvelés. Pour 2023, six dossiers seulement ont été déposés par des fédérations ou des associations de pêche. Certains dossiers sont encore en cours d'instruction.
En Eure-et-Loir et en Loir-et-Cher, où les dossiers sont déjà validés, le Fonds vert permettra respectivement de mener des opérations de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, et un suivi aussi des écrevisses à pattes blanches.
De nombreuses autres actions sont portées par les fédérations de pêche qui peuvent être éligibles, et je regrette évidemment ce manque d'engouement des fédérations en local, autour du Fonds vert. Vraiment, n'hésitez pas à vous en saisir. C'est un levier financier pour concrétiser des projets qui sont souvent de côté. Il ne faut vraiment pas hésiter à l'utiliser et je compte vraiment sur vous pour vous en saisir.
Je souhaite à présent aussi évoquer un dossier plus épineux qui a fait fortement réagir le monde de la pêche, celui du cormoran. Vous l'avez dit, Monsieur le Président, personne ne se bat contre le cormoran, mais bien en faveur de la biodiversité.
Je me suis longuement entretenue à ce sujet avec vous. Vous avez porté avec vigueur et détermination les positions exprimées localement, et je veux vous remercier, cher Claude, pour les échanges que je peux qualifier de musclés mais constructifs que nous avons eus. Nous différons sur la stratégie adoptée, mais je suis sensible aux arguments que vous avez défendus.
Je suis préoccupée comme vous par la disparition de certaines espèces de poissons menacés qui peuvent subir la prédation du cormoran, mais dans un contexte où tous les recours contentieux ont été perdus par l’Etat, mon seul et unique objectif est bien de trouver la réponse adéquate pour la prévention des dégâts de grands cormorans en eau libre.
Je veux être sincère avec vous. Je ne souhaite pas rentrer dans une séquence juridique interminable qui ne serait positive pour personne, ni pour les fédérations ni pour le gouvernement. Je veux apporter des éléments solides pour convaincre de l'impact des cormorans sur les milieux aquatiques.
Je m'étais ainsi engagée devant vous, l'année dernière, à rouvrir ce dossier sur la base de données objectives. Nous avons avancé. La FNPF a travaillé étroitement avec mes services pour établir le cadre d'un protocole robuste, validé et notifié en février, qui s'appuie sur un travail bibliographique, sur l'exploitation également des données démographiques existantes, pour analyser les corrélations entre abondance de cormorans et résultats des pêches électriques, et sur des études ad hoc portées par les fédérations départementales de l'Aude, de la Haute-Loire, du Lot-et-Garonne et des Vosges.
Les quatre fédérations ont fini de rejoindre le dispositif. Les Vosges ont rejoint ce dispositif le 2 juin dernier, et je tiens vivement à remercier les quatre fédérations pour leur implication. Cela a pris un peu de temps. J'aurais aimé que ça aille plus vite, mais c'est pour cela d'ailleurs que j'ai envoyé un courrier aux quatre préfets concernés pour qu'ils accompagnent prioritairement ces dossiers.
J'ai mobilisé les préfets, l'Office Français de la Biodiversité. Je salue d'ailleurs son Directeur général, bien sûr récemment nommé, mais j'ai déjà eu l'occasion de le féliciter. J'ai également mobilisé la Direction de l'eau et de la biodiversité et j'ai réservé des financements nécessaires. L'Etat, je vous le dis, sera à vos côtés.
Je vous invite de votre côté, bien évidemment aussi, à prendre pleinement la part de vos travaux. C'est nécessaire, car votre Président a défendu l'option de rouvrir des tirs sans attendre. De mon côté, j'assume d'être constante, de maintenir la position que j'ai exprimée devant vous en septembre dernier.
Je suis convaincue que ces éléments sont un prérequis pour consolider un cadre robuste. Sinon, tout sera attaqué et la jurisprudence sera en votre défaveur. Cher Claude, avec les premières études engagées, je vous propose que nous refassions le point à l'automne.
Je connais votre impatience, et je souhaite réaffirmer devant vous ma volonté d'avancer sur ce sujet, mais je veux le faire sérieusement et dans de bonnes conditions aussi. Nous avons de nombreux chantiers sur lesquels nous collaborons, et je souhaite souligner la légitimité de la FNPF et la qualité de son investissement en faveur de la vie aquatique.
Vous êtes la vigie des rivières, les observateurs les plus attentifs du terrain. Votre connaissance des milieux est un atout précieux. Aussi, je souhaite saluer et soutenir officiellement le travail que vous engagez cette année sur le thème " Connaître pour mieux protéger et mieux défendre ", dans le cadre de votre campagne de communication, " Sauvons nos rivières. "
Vous avez abordé, Monsieur le Président, la nécessité de relever et de connaître plus souvent la température de l'eau. Je souhaite également annoncer ici aujourd'hui que le programme de réseau de suivi de la thermie sera soutenu financièrement par les Agences de l'eau. Les sécheresses se répètent. Nous avons besoin de mieux qualifier les pressions sur des espèces très sensibles à l'augmentation des températures.
Ce travail de précision pourra être couplé avec des données satellitaires pour une information la plus exhaustive possible. Cet été, je crains malheureusement que nous soyons à nouveau confrontés à des sécheresses sévères. 16 départements sont d'ores et déjà en crise. Nous avons mobilisé très tôt les préfets pour prendre des mesures en anticipation.
Il faudra également se préparer ensemble à la mise en place de mesures d'urgence telles que les pêches de sauvegarde. Vous étiez très engagés l'année dernière. Je crains, et j'ai besoin de vous également encore cette année. Soyons vigilants ensemble, compte tenu de la situation que nous allons vivre encore cet été, je le crains.
Vous aviez fait un travail remarquable. Il est évidemment indispensable que nous puissions compter sur votre implication. Sachez que je suis vraiment ravie d'avoir pu introduire cet événement aux côtés de votre Président, avec qui je continuerai de travailler main dans la main.
Je vous remercie, Monsieur le Président, pour vos mots de confiance qui me touchent beaucoup. Évidemment, la confiance, ça se maintient, et donc je tâcherai de rester à la hauteur de la confiance que vous me faites. Je ne serai pas plus longue ce matin.
Pour renforcer la protection des écosystèmes aquatiques, et également pour perpétuer votre passion au plus près de la nature, je souhaite continuer à être à vos côtés, et je vous souhaite un excellent congrès aujourd'hui.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.federationpeche.fr, le 18 juillet 2023