Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur le conflit en Ukraine après 500 jours de conflit, à New York le 17 juillet 2023.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Intervention au Conseil de sécurité des Nations unies

Texte intégral

Monsieur le Président,

Notre Conseil s'était réuni à niveau ministériel le 24 février dernier, après 365 jours d'une guerre abominable choisie par la seule Russie. La veille, l'Assemblée générale lui avait à nouveau demandé de cesser son agression, mais elle continue.

Cela fait désormais plus de 500 jours qu''elle mène une guerre d'agression contre l'Ukraine. 500 jours qu'elle détruit, bombarde, prend délibérément pour cible les populations et les infrastructures civiles. 500 jours qu'elle commet exactions et crimes de guerre, enlève et déporte des milliers d'enfants, emploie le viol comme arme de guerre, torture et tue.

500 jours de trop.

Nous avons fondé les Nations unies au sortir de la Seconde Guerre mondiale en prenant un engagement collectif : celui de faire en sorte que les horreurs de la guerre ne se reproduisent plus, celui de privilégier le règlement pacifique des différends et de respecter des règles et des principes communs pour régir les relations entre Etats. Ce sont ces principes, ces règles, que la Russie, pourtant membre permanent du Conseil de sécurité et ayant à ce titre une responsabilité particulière, a choisi de violer en agressant sans raison un pays voisin.

Ce qui se joue en Ukraine concerne tous nos Etats.

D'abord parce que cette agression, en remettant ouvertement en cause les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, crée un risque de précédent et que la manière dont nous y répondrons déterminera largement la stabilité et la sécurité collectives pour les décennies à venir. Tous ceux qui pourraient être tentés de penser que cette guerre est trop lointaine, qu'elle est une affaire européenne ou qu'elle ne les concerne pas, doivent le mesurer. Si nous acceptions que la force prime sur le droit, que la souveraineté et l'intégrité territoriale soient impunément bafouées, que l'agresseur et l'agressé soient mis sur un pied d'égalité, alors nous contribuerions à créer les conditions pour d'autres guerres. N'en doutons pas, si nous laissions cette agression être récompensée, d'autres agressions se produiront, là ou ailleurs.

Si cette guerre nous concerne tous ici, c'est aussi parce que ses conséquences pèsent lourdement sur les populations du monde entier, notamment celles des pays les plus pauvres et les plus vulnérables, et que l'agression russe a trop de conséquences négatives partout.

Pendant que la Russie prétend être solidaire mais ne propose rien pour venir en aide aux autres, nous avons organisé à Paris les 22 et 23 juin un Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui a permis des résultats concrets, y compris sur la gestion de la dette, et a permis de tracer une dynamique claire pour mobiliser des financements à destination des pays qui en ont le plus besoin. Pendant que la Russie déploie ses milices pour piller les ressources du continent africain, la France a accru ses partenariats pour le développement et est devenue le quatrième bailleur mondial d'aide publique. Et pendant que la Russie exerce un chantage inacceptable à la reconduction de l'initiative céréalière de la mer Noire alors que c'est elle qui entrave la liberté de circulation en mer Noire, l'Union européenne poursuit et améliore ses "corridors de solidarité", qui ont permis d'exporter plus de 38 millions de tonnes de céréales.

Monsieur le Président,

Après 500 jours d'une guerre d'agression illégale, injustifiable et vouée à l'échec, il est essentiel que nous renforcions notre mobilisation pour la paix. Je tiens de ce point de vue à saluer les nombreuses initiatives qui se sont fait jour au cours des dernières semaines. Elles montrent que l'attachement à l'idéal qui a fondé les Nations unies reste largement partagé.

Mais nos efforts n'auront de sens que s'ils permettent de créer les conditions d'une paix juste et durable, dans le respect des principes fondamentaux de la Charte que sont la souveraineté et l'intégrité territoriale des Etats. Soyons lucides : toute solution conduisant à entériner les annexions illégales de pans entiers du territoire ukrainien par la Russie ne ferait que poser les jalons de conflits futurs. Penser le contraire serait une funeste erreur.

À cette agression qui a violé tous les principes en lesquels nous croyons, ici aux Nations unies, nous devons répondre par des solutions fondées sur le droit et la justice.

C'est la raison pour laquelle la lutte contre l'impunité pour les crimes commis par la Russie en Ukraine est si importante.

C'est la raison pour laquelle la sûreté et la sécurité des installations nucléaires civiles ukrainiennes est une priorité alors que la Russie les met en danger de façon irresponsable en occupant Zaporijjia.

Nous resterons aussi engagés pour la protection des civils et pour venir en aide aux près de 18 millions de personnes qui ont besoin d'assistance humanitaire en Ukraine.

L'Ukraine, pays agressé alors qu'elle ne menaçait en rien la Russie, continue pourtant à chercher le dialogue et a placé l'ensemble de ces principes au coeur de sa vision pour la paix, répétée avec constance depuis l'an dernier. Et c'est la raison pour laquelle nous la soutenons.

Ce soutien durera, aussi longtemps qu'il le faudra.

Je vous remercie.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juillet 2023