Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-allemandes, Lauterbourg (Bas-Rhin) le 21 juillet 2023.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec Mme Annalena Baerbock, ministre des affaires étrangères de la République fédérale d'Allemagne

Texte intégral

Permettez-moi de vous dire quelques mots pour présenter notre journée franco-allemande en Allemagne et en France, parce que c'est toute l'idée.

Madame la Ministre, chère Annalena, heureuse de vous revoir. Nous nous sommes quittées il y a quelques heures, mais c'est bien de vous revoir si vite.

Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur l'Ambassadeur,
Madame la Préfète,
Monsieur le Secrétaire d'Etat,
Mesdames et Messieurs,


Je suis vraiment heureuse d'avoir réussi à être aujourd'hui à Lauterbourg, au siège de l'Eurodistrict. Je veux remercier toutes nos équipes et toute l'équipe dirigeante de l'Eurodistrict de la préparation de cette visite et de leur accueil.

C'est évidemment un lieu qui est un symbole très fort de l'amitié franco-allemande, et pour vous expliquer tout, et vous dire toute la vérité, toute la genèse de ce déplacement, Mme Baerbock m'avait proposé, en début d'année, parce qu'on avait fait un déplacement assez lointain en Ethiopie, et donc Annalena avait eu l'idée qu'on en fasse un, un peu plus proche de nos bases, en France et en Allemagne. Et je crois qu'on ne pouvait pas choisir meilleur endroit que Lauterbourg, à quelques mètres seulement de la frontière allemande, donc pile entre le Palatinat et l'Alsace.

Alors, je vous l'ai dit, nous nous voyons souvent. Nous étions hier à Bruxelles pour un Conseil affaires étrangères, comme l'on dit, donc les 27 ministres des affaires étrangères des 27 pays de l'Union européenne. Nous étions lundi ensemble à New- York, pour une réunion au Conseil de sécurité des Nations unies sur l'Ukraine. Nous étions, il y a quelques semaines, en Mongolie. Alors, vous allez dire "que faisiez-vous en Mongolie ?" : nous participions à une importante réunion sur la diplomatie féministe avec des ministres des affaires étrangères de beaucoup de régions du monde. Car nos deux pays s'honorent d'avoir une diplomatie féministe, cela veut dire une diplomatie qui, parmi ses priorités - ce n'est pas la seule - place très haut tout ce que l'on peut faire pour améliorer l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est encore nécessaire, même si cela progresse. Et je précise toujours que c'est l'intérêt de tout le monde, bien évidemment, y compris des Hommes. Donc aidez-nous à promouvoir une meilleure égalité. Et donc voilà, nous nous sommes dit que ce serait bien de nous voir également chez nous, en France et en Allemagne.

Nous voilà ici, à Lauterbourg, vraiment de part et d'autre de la frontière, ce village qui était un poste de douane, et qui ne l'est plus, parce que, aujourd'hui, comme vous pouvez le constater, comme vous le savez, c'est un lieu de circulation ininterrompue entre nos deux pays. Tout à l'heure, en venant de l'aéroport, nous sommes passés d'une moitié du pays à l'autre, et nous l'avons fait tout à l'heure en revenant d'Allemagne.

La coopération transfrontalière est l'un des éléments clés de la coopération franco-allemande. Elle est importante à mes yeux, comme elle l'est aux yeux de toutes celles et ceux qui sont ici. Merci, à ce titre, au comité de coopération transfrontalière, issu du tout récent traité d'Aix-la-Chapelle, qui nous aide à progresser. Cette coopération se décline au fil des années, et à l'échelle régionale elle reprend les efforts qui sont les nôtres, ceux de nos deux pays au niveau européen, pour faire en sorte que la France et l'Allemagne travaillent toujours plus étroitement ensemble.

Nous avons tenu le 22 janvier dernier, jour, dont chacun sait combien il est important, puisqu'il marque l'anniversaire du traité de l'Elysée, un Conseil des ministres franco-allemand, autour du Président de la République et du Chancelier. Cela a été, je crois, un bon moment de l'amitié franco-allemande, cela a été un moment qui permet de rappeler aussi à nos partenaires la force de ce lien, l'importance de ce lien. Et puis nous avons prolongé, avec le 9 mai - autre date importante, je n'ai pas besoin de dire ce que représente le 9 mai pour nos pays - la venue à Paris de Mme Baerbock, en tant que non seulement invitée, mais participante au Conseil des ministres français. Mme Baerbock a participé à l'ensemble du Conseil des ministres du 9 mai. Ce sont quelques-unes des illustrations visibles, et nous les voulons visibles, c'est important, des liens que nos deux pays ont su tisser.

Alors vous savez que le Président de la République aurait dû effectuer, il y a quelques semaines, une visite d'Etat, en Allemagne, à l'invitation du Président Steinmeier. Hélas, cette visite, pour les circonstances que l'on sait, a dû être reportée. Mais elle aura lieu, et elle sera un moment important pour marquer au niveau le plus élevé l'amitié et la coopération entre nos deux pays. Nous sommes des pays importants en Europe, nous ne sommes pas les seuls, mais nous avons ceci de particulier, que nous sommes des partenaires importants, mais nous sommes des voisins. Et avec nos 450 kilomètres de frontière commune, c'est ce que vous disiez, Madame la Députée ?, on a un certain nombre d'occasions d'interagir. Nous avons aussi des questions à régler, des dizaines de milliers de frontaliers franchissent la frontière chaque jour, et nous nous efforçons d'améliorer toujours davantage la fluidité des liaisons entre l'Allemagne et la France. Nous sommes venus ici, tout à l'heure et maintenant, montrer comment cela se fait pratiquement.

Ainsi, il y a quelques dizaines de minutes, nous étions de l'autre côté, à Steinfeld, en Allemagne, pour visiter la station d'eau potable qui est toute neuve, toute belle, faite dans les règles de l'art, et faite avec, pour une bonne partie, des fonds européens, qui a pour caractéristique de fournir de l'eau potable à l'Allemagne, mais aussi à la France ; donc c'est le même système, et ensuite les tuyaux partent dans chaque direction. C'est un aspect de notre coopération concrète, c'est un aspect aussi de l'Europe concrète, et puis, nous l'avons aussi choisi un petit peu pour ça, c'est un bon exemple de ce que nos pays font ensemble pour faire attention à la sobriété, en matière d'eau, et pas seulement, à la sobriété énergétique en général, et faire attention à la préservation de la biodiversité. Nous avons besoin de ces infrastructures interconnectées pour garantir notre approvisionnement, mais aussi pour nous montrer ce qu'est la coopération quotidienne.

J'ai dit, mais je répète, parce qu'on ne le dit jamais assez, que ce projet, cette réalisation a bénéficié du soutien financier de l'Union européenne à travers le programme " Interreg ". Et je crois que c'est utile de se souvenir que Français et Allemands, France et Allemagne, nous sommes plus forts, plus efficaces quand nous nous inscrivons dans cet idéal commun qu'est la construction européenne. L'Union européenne consacre un tiers de ses budgets à nos régions. Je suis toujours très malheureuse quand j'entends dire "Bruxelles, c'est loin, l'Union européenne, c'est abstrait...". Non, ce n'est pas abstrait ! C'est concret. On va parler d'eau, on va parler tout à l'heure d'un autre aspect de l'Europe concrète. L'Europe c'est aussi sur le terrain beaucoup, et beaucoup de choses, donc un tiers du budget de l'Union européenne va aux actions régionales. Cela fait tout de même 330 milliards d'euros sur la période - vous savez que les budgets européens sont pluriannuels - donc sur la période 2021-2027, je répète : 330 milliards d'euros. Ce sont des milliers de projets concrets, des réseaux ferrés transfrontaliers, les ponts routiers, on en voyait un en venant, tout à l'heure, de l'aéroport, ce qu'on fait sur les eaux du Rhin, c'est aussi des achats de scanners pour nos hôpitaux... Nous pourrions multiplier nos exemples. Toutes les 3 minutes en France, et je voudrais que nos compatriotes, Madame la Députée, chère Fabienne, Monsieur le Député, s'en souviennent, toutes les 3 minutes, il y a un projet qui est financé par l'Union européenne en France. Et je suis sûre que c'est la même chose en Allemagne.

Un petit mot sur un sujet qui nous tient à coeur, Annalena et moi, l'égalité entre les femmes et les hommes, je voudrais rappeler que le 12 juin a été signée une convention sur l'accès des femmes allemandes à la maternité française de Wissembourg, qui est à une vingtaine de kilomètres d'ici : donc là aussi, une preuve concrète de notre coopération et de ce que l'on peut faire ensemble.

Enfin, dans quelques instants, nous aurons le plaisir, l'honneur, le privilège, de signer avec Annalena la convention franco-allemande sur l'apprentissage transfrontalier, une convention dont je sais qu'elle est très attendue du côté français, très certainement du côté allemand aussi. Concrètement, cela veut dire qu'un jeune, qui est en formation dans un centre d'apprentis en France, pourra faire, après sa formation théorique, scolaire en France, pourra faire son apprentissage concret dans une entreprise en Allemagne. Evidemment, la réciproque est vraie. Donc nous allons renforcer, je pense, nos échanges humains. On va renforcer aussi la compétitivité de nos industries, l'employabilité de notre jeunesse. C'est une convention qui est très utile et très attendue, qui lève un certain nombre d'interrogations qu'il y avait sur le décalage entre le système allemand d'apprentissage et le système français d'apprentissage. Donc on avance dans l'Europe des compétences.

Merci, à ce titre, je veux le faire, à mes collègues, Olivier Dussopt et Carole Grandjean, ministre du travail, du plein emploi, et de l'insertion, et ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnelle, parce qu'en réalité c'est eux qui ont beaucoup travaillé là-dessus, et pas moi. Donc m'appuyant sur leur travail et pour montrer les avancées du franco-allemand et la beauté de l'Europe, je voulais leur rendre hommage.

Voilà, on essaie de composer le programme de cette journée, d'une façon concrète et d'une façon qui illustre ce que nous voulons faire ensemble, au-delà de nos deux personnes et au service de l'Europe. Ce qu'on fait ici, c'est donc, j'espère, un bon exemple de l'approfondissement des relations franco-allemandes, mais aussi de la réussite du projet européen. Merci beaucoup.

(...)

Q - Je sais que vous n'étiez pas aux affaires, ni M. Dussopt, mais pourquoi il a fallu trois ans pour arriver à rédiger cet accord et à le signer, puisque, la loi réformant l'apprentissage date de 2018, maintenant ?

R - Merci de votre question, Monsieur. En effet, c'est avant que j'arrive, mais mon arrivée n'a pas permis d'accélérer particulièrement la conclusion de cet accord. Je vous ai dit combien j'y étais contributrice tardive, voilà, et j'ai rendu hommage à Olivier Dussopt. Tout simplement parce que, comme vous l'a dit Annalena Baerbock, nous avons pensé, dans un premier temps, pouvoir passer par des mécanismes régionaux, après la nouvelle loi française, et que cela s'est révélé plus compliqué que prévu, - je crois avoir dit "source d'interrogations" - et il était bon maintenant de lever toute ambiguïté et de conclure au niveau des deux Etats cet accord qui va être, je crois, très bien perçu par nos jeunes des deux côtés de la frontière.

(...)

R - Je voudrais ajouter, avant que l'on passe à la signature et il le faut en effet, un petit mot simplement pour saluer la nouvelle stratégie allemande vis-à-vis de la Chine, qui correspond bien à la stratégie de l'Union européenne, et qui dit bien, je crois, ce que nous essayons de faire, les uns et les autres, pas seulement l'Allemagne, pas seulement la France, mais comme l'a dit Annalena Baerbock, tous les Européens : être partenaires avec la Chine - puisque votre question portait sur la Chine - quand nous le pouvons. C'est possible et c'est même souhaitable dans le domaine climatique, dans le domaine du traitement de la dette, dans tant et tant d'autres sujets. Et être parfois amenés à constater nos différences. Tenter de les réduire, mais les assumer pleinement, comme c'est le cas dans le domaine de l'Etat de droit ou des droits de l'Homme, pour ne citer que ces deux domaines. Mais je voudrais également ajouter que cette volonté commune allemande, française, européenne - je dis bien européenne - de ne pas se trouver en excessive dépendance sur certains secteurs clés ou sur certains produits, dont nous avons absolument besoin, vis-à-vis de certains pays dépasse le cadre de votre question. Cela ne concerne pas que la Chine, même s'il y a une immense question chinoise, évidemment. L'Europe et nos pays, nous voulons avoir la liberté de nos choix, notre pleine souveraineté, et regagner en souveraineté vis-à-vis d'autres ensembles dans le monde, même ceux qui sont beaucoup plus démocratiques que la Chine, même ceux qui respectent l'Etat de droit. Il s'agit de construire une Europe plus forte, plus souveraine, qui va plus loin, qui rend davantage service à ses citoyens, contre personne, croyez-le, mais pour nous-mêmes et pour nos peuples.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2023