Texte intégral
Avant d'entrer dans le vif des sujets, j'aimerais vous témoigner, à vous et aux élus locaux que vous représentez, mon soutien et ma solidarité face aux événements des derniers jours. Dans ces moments où la démocratie est attaquée, vous jouez un rôle indispensable et courageux pour amener du dialogue, apaiser la situation et trouver des solutions de fond. Ces événements nous rappellent l'impératif d'être unis en toutes circonstances pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
J'aimerais donc échanger avec vous sur l'action que je mène au service de la politique étrangère du Gouvernement, auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna.
Le monde est en train de changer. Les crises se superposent et de grandes visions s'affrontent. Le risque est grand d'une fracturation, qui conduirait à un monde du chacun pour soi. Nos concitoyens sont très préoccupés, ils nous demandent d'agir en matière de lutte contre les inégalités, de lutte contre le changement climatique ou d'accès aux services publics. Mais ces préoccupations sont universelles, pas uniquement françaises : tous les Etats sont confrontés à des enjeux similaires, comme je le constate au cours de mes nombreux déplacements.
Dans ce contexte, il faut apporter des réponses au plan national, bien sûr, mais aussi agir à l'international, car, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est l'heure de l'interdépendance.
Nous devons faire un choix, et le choix qu'a fait le Président de la République, c'est de refuser le repli, la perte de l'autre, c'est de nous ouvrir, c'est d'accepter la nouvelle donne, bâtir des solutions et chercher des alliés pour donner du poids à la vision française du monde.
Pour cela, il faut parler à tous. Le monde ne se décide plus au G7 ; il n'y a plus de petits pays ou de partenaires négligeables. Nous devons donc nouer avec chacun des partenariats, permettant de défendre nos intérêts économiques, nos intérêts en matière de biens publics mondiaux ou de stabilité de nos pays voisins. Il faut aller partout pour convaincre : pour être fort aujourd'hui, il faut avoir des alliés.
Tel est le sens de ma mission : bâtir les partenariats internationaux dont nous avons besoin pour relever les défis et défendre nos intérêts.
Quelle est la méthode mise en oeuvre ? Voyant que nous devons parler à tous, je me rends partout pour renforcer nos partenariats stratégiques et réfléchir, sujet par sujet, à la façon dont nous pouvons mieux coopérer avec chaque pays. Ainsi, depuis ma nomination en mai 2022, je me suis déplacée dans plus de 55 pays, y compris là où nous ne sommes jamais allés, pour rencontrer les dirigeants et les acteurs de la société civile. J'ai participé à tous les grands rendez-vous européens ou internationaux.
Je suis par exemple allée en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Vanuatu, île du Pacifique qui n'avait plus reçu de ministre français depuis quatre décennies. Au cours de ces visites, nous avons approfondi notre partenariat sur la préservation de l'environnement, mais aussi notre partenariat dans le cadre de notre stratégie pour l'Indopacifique et de l'intégration régionale de nos territoires d'outre-mer.
Première ministre française à me rendre sur cette île, j'ai également noué une relation forte avec la Première ministre de la Barbade, Mme Mia Mottley. Cette visite nous a permis de renforcer considérablement l'ambition et l'écho du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui s'est tenu voilà deux semaines à Paris.
Dans ce dialogue qu'il faut entretenir avec tout le monde, il faut aussi user d'une posture différente. Nous, Français, devons être à l'écoute, dans le dialogue, dans le respect de l'autre ; nous devons parler à chacun en partenaire égal, en ayant l'humilité d'apprendre des autres. Comme je l'ai souvent dit, la France n'a rien à imposer nulle part : il faut négocier et proposer des solutions.
Bien sûr, le plus central de nos partenariats internationaux est celui qui nous lie au continent africain.
Depuis 2017, le Président de la République a mis son renouveau au coeur de sa politique étrangère. Nous sommes effectivement convaincus que ce continent est notre premier partenaire pour favoriser la croissance et relever les défis globaux, que notre relation avec l'Europe et la relation entre l'Europe et l'Afrique sont au coeur des enjeux géopolitiques actuels et à venir. C'est par l'axe euro-africain que nous pourrons peser dans le monde.
Pour autant, il n'y a plus de pré carré ou d'exclusivité. Les pays africains choisissent aujourd'hui leurs partenaires - et c'est tant mieux. Il nous revient donc, face aux discours anti-français, de leur montrer la richesse des partenariats que nous pouvons leur offrir, au niveau tant français qu'européen, avec des partenariats à 360 degrés incluant sécurité, développement, actions humanitaires, économiques et culturelles. Nous devons avoir le courage de répondre aux questions qui nous sont posées, dire clairement qui nous sommes et quels sont nos intérêts. C'est ce que je fais lors de chacun de mes déplacements, parfois dans des conditions particulièrement difficiles, comme lorsque je me suis rendue au Burkina Faso pour parler aux autorités de transition ou en République démocratique du Congo pour défendre l'image de notre pays, accusé de collusion avec le Rwanda.
Enfin, mon action marque bien sûr l'engagement français dans les instances multilatérales. Rien que cette année, nous avons annoncé une contribution historique de 1,8 milliard d'euros au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Nous avons participé, avec nos partenaires européens, à un accord historique pour la création du fonds "pertes et dommages" lors de la COP27. Nous avons organisé avec le Gabon le One forest summit, ayant permis d'accroître la mobilisation internationale pour la préservation des forêts tropicales. Nous préparons, avec le Costa Rica, la conférence de l'ONU pour les océans, prévue à Nice en 2025.
Mais la France est aussi présente pour jouer un rôle moteur et engager des initiatives multilatérales nouvelles et originales, comme l'initiative COVAX pendant la pandémie ou la coalition pour la protection de 30% des terres et mers, rejointes par plus de 100 pays.
Le meilleur exemple de notre politique de partenariats internationaux est le sommet pour un nouveau pacte financier mondial, qui s'est tenu la semaine dernière et a réuni, pour la première fois, le monde du développement et le monde des finances. Plus de 50 chefs d'Etat, des centaines d'acteurs politiques, associatifs, économiques se sont retrouvés à Paris pour affirmer que personne ne doit avoir à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte contre le changement climatique. C'est là l'atout de la France, mesdames, messieurs les sénateurs : être une force d'équilibre, qui peut réunir tout le monde et mobiliser autour de défis communs. La présence de tant de partenaires à ce sommet prouve que nous sommes reconnus pour cela. Je n'entrerai pas dans le détail, mais, à Paris, de nombreuses avancées concrètes ont été obtenues, des engagements passés ont été tenus, des coalitions ont été formées. Ce sommet a créé une dynamique politique, que nous allons poursuivre et amplifier lors des prochains rendez-vous internationaux.
Au-delà de la méthode - et de la fierté que je ressens à appartenir à cette grande Nation -, il y a l'outil, c'est-à-dire, à la fois, notre politique d'aide publique au développement, la francophonie et notre place au sein de l'Union européenne.
La politique d'aide publique au développement est un outil central dans notre politique étrangère. Depuis 2017, l'APD a connu une hausse historique, la France étant désormais le quatrième bailleur mondial dans ce domaine. Cela doit avoir un impact positif sur notre image, notre influence, nos intérêts, et je voudrais remercier les rapporteurs pour avis de votre commission, MM. Hugues Saury et Rachid Temal, pour leur travail sur ce sujet dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2023.
Notre politique de développement doit mieux répondre aux enjeux du monde actuel. C'est pourquoi le 5 mai, lors du Conseil présidentiel du développement, le Président de la République nous a fixé deux orientations, que le CICID doit conforter. J'ai beaucoup échangé autour de ces axes avec les parlementaires, les élus locaux et la société civile.
Nous voulons, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, mieux aligner notre politique d'aide publique au développement à nos intérêts, nos valeurs et nos priorités politiques, en assumant la construction de partenariats plus transactionnels. Nous voulons renforcer notre agilité, notamment en repensant la répartition géographique de notre action pour nous diriger vers des pays comme la Zambie, qui veut travailler avec nous, ou la Papouasie-Nouvelle-Guinée, acteur clé du Pacifique. Il faut par ailleurs actualiser nos priorités thématiques, en particulier en prenant mieux en compte les questions de vulnérabilité climatique ou de soutien à l'entreprenariat et à la formation professionnelle. Enfin, nous devons bien sûr moderniser nos instruments et nos moyens d'action, en vue, notamment, de mobiliser davantage le secteur privé et la jeunesse de notre pays.
La francophonie est un autre outil de création de partenariats. Elle m'est chère et je sais, d'après nos échanges, que plusieurs d'entre vous lui accordent beaucoup d'importance.
Grâce au plan Langue française et plurilinguisme, lancé en 2018 par le Président de la République, nous faisons déjà énormément pour le rayonnement et l'apprentissage de notre langue.
Plusieurs rendez-vous importants nous attendent dans les prochains mois, à commencer par l'ouverture prochaine de la Cité internationale de la langue française et par la tenue en octobre 2024 du sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie, que notre pays aura l'honneur d'accueillir. J'aurai à coeur d'oeuvrer pour que ce sommet permette de nouvelles avancées, notamment pour mieux faire connaître aux Français les opportunités offertes par cet espace francophone de 88 pays en termes d'emplois, d'éducation, de formation, d'entreprenariat, de coopération scientifique, de développement d'outils numériques. J'aurai besoin de vous pour faire vivre la francophonie partout.
Comme je le rappelle sans cesse, nos partenariats doivent aussi être pensés au niveau européen. Je le dis, non pas seulement du fait de mon parcours, mais parce que, si je me suis engagée en politique, c'est pour défendre l'Europe, une Europe géopolitique qui porte sa voix et ses valeurs partout, qui agit et pèse à 27.
Ce fut par exemple l'objectif du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine qui a été organisé, sous la présidence française, en février 2021 à Bruxelles. C'est aussi l'objectif du plan "Global Gateway", prévoyant 300 milliards d'euros d'investissement, dont 150 milliards d'euros pour l'Afrique.
Enfin, nous avons tous une part à prendre dans la construction de nos partenariats internationaux. Ces derniers ne s'établissent pas uniquement entre Etats, entre gouvernements ; ils se jouent à tous les niveaux - entreprises, scientifiques, associations, artistes - et, bien sûr, ils passent aussi par nos parlementaires, à travers la diplomatie que ceux-ci mettent en oeuvre, et par nos collectivités territoriales. Nous avons tous un rôle à jouer ; nous devons tous répondre à cette envie de France, qui est une réalité. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a une envie de France ! Nous devons être fiers de notre pays !
J'entretiens avec vous, notamment avec votre président, des échanges réguliers. Vos idées, les préoccupations que vous nous faites remonter, nos discussions me sont très précieuses. Ma porte vous est toujours ouverte, notamment pour lier nos territoires à l'action internationale, mais aussi parce que j'ai l'envie de vous associer, y compris à mes déplacements. Face aux défis vertigineux, il faut être unis, il faut agir ensemble. Au-delà de nos couleurs politiques, nous sommes tous l'équipe France !
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L'organisation du sommet pour un nouveau pacte financier mondial visait précisément à ne pas opposer la lutte contre le changement climatique et la lutte contre la pauvreté. Le changement climatique entraîne des déplacements, de l'instabilité et, en conséquence, de la pauvreté. Il ne faut donc pas opposer ces deux luttes, et c'est précisément autour de cette question que les acteurs des Nations unies et du monde des finances sont venus travailler.
S'agissant des pays prioritaires, il a été décidé dans le cadre du CPD de placer au coeur de notre action les pays les moins avancés, qui concentrent les besoins, les défis, les crises et représentent une très grande part de la population mondiale en situation d'extrême pauvreté. Si vous consultez la liste de ces pays, vous constaterez que les 19 pays évoqués figurent dans cette nouvelle cible élargie. Cela prouve par ailleurs que la réduction de la pauvreté reste l'un de nos objectifs principaux.
Par ailleurs, le Président de la République, le Gouvernement et moi-même sommes très attachés à un pilotage politique efficace, cohérent et lisible par tous, afin que l'action de l'AFD, opérateur placé sous la tutelle de l'Etat, soit bien alignée avec nos priorités, nos valeurs et nos intérêts. Tous les deux mois environ, je tiens le comité de suivi de l'AFD avec la direction générale du trésor et la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international. Nous pilotons finement la répartition géographique des crédits budgétaires. S'ajoute à cela le conseil d'administration de l'agence, dans lequel le Parlement est représenté.
Je suis par ailleurs très attachée au renforcement du pilotage de notre dispositif sur le terrain via nos ambassadeurs. Notre expertise est importante, mais il faut encore travailler à la coordination. Je ne suis pas favorable à la proposition de donner le rôle de COCAC au directeur local de l'AFD. En revanche, le Président de la République a demandé que l'ambassadeur, en qualité de chef d'orchestre, voie son rôle renforcé et qu'il ait les moyens d'agir vite.
Enfin, vous le savez très bien, notre pays est pionnier en matière de taxation innovante pour financer la solidarité internationale, comme le montrent la taxe de solidarité sur les billets d'avion du président Jacques Chirac et, depuis 2012, la taxe sur les transactions financières, dont une part importante finance notre action en matière de santé mondiale et notre action climatique à l'international. L'enjeu est désormais d'enclencher une dynamique internationale, notamment en élargissant la réflexion sur d'autres sujets, comme, par exemple, la taxation du secteur maritime. Après la tenue du sommet pour un nouveau pacte financier mondial, nous allons porter notre action sur la promotion de la TTF.
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Comme vous, je respecte pleinement le rôle du Parlement. La commission d'évaluation est une avancée majeure de la loi du 4 août 2021, le Gouvernement s'est mobilisé pour la mettre en place, les décrets d'application ont été publiés en mai 2022. Le ministère des affaires étrangères finalise les nominations pour le collège d'experts et nous échangeons à cette fin avec la Cour des comptes ; cependant, le schéma de gouvernance doit être accepté par tous, c'est une condition pour travailler dans la sérénité. Nous prenons en compte la perspective du dépôt d'un texte législatif pour aboutir, sachez en tout cas que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères souhaite une mise en place rapide de cette commission.
Vous me dites que nous n'aurions pas de ligne politique en matière d'aide publique au développement ? Je vous rappelle que les agences sont certes sous tutelle, mais qu'elles ont aussi leurs initiatives. Surtout, nous poursuivons l'objectif de consacrer 0,7% du RNB à l'aide publique au développement, tel qu'il est inscrit dans la loi du 4 août 2021, alors même que bien des choses ont changé dans le monde en deux ans et malgré les difficultés budgétaires nouvelles. La France est d'ailleurs dans le peloton de tête pour l'aide publique au développement, avec 15 milliards d'euros, c'est ce qui intéresse nos partenaires du sud, ils attendent de nous des projets concrets, beaucoup plus que de gagner des places dans les comparaisons internationales.
Le monde a changé avec l'agression russe en Ukraine, elle a des conséquences profondes et c'est pourquoi j'ai voulu réunir un CICID, le dernier s'est tenu il y a cinq ans : c'est une décision politique que de le réunir. En cinq ans, nous avons accru nos moyens d'aide publique au développement, d'un milliard d'euros, et avec 0,15% du RNB à l'aide aux pays les moins avancés, nous sommes parmi ceux qui fléchons le mieux l'aide publique au développement vers les pays les plus pauvres, pour une aide concrète à de grands projets.
Je me suis rendue plusieurs fois en Afrique comme médecin, comme députée, je peux témoigner que la situation dans la région des grands lacs est une source d'inquiétude sur le plan international - et que la France y a une position cohérente avec ses principes. Le Président de la République parle à ses homologues de la région, une médiation est en cours, conduite par le Kenya et l'Angola, nous avons condamné le soutien au groupe M23, nous suivons la situation de près et nous vous en tiendrons informés.
En janvier dernier, des experts indépendants mandatés par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ont confirmé que le groupe Wagner est un groupe criminel, mafieux, dont l'objectif est de piller les ressources des pays où il intervient, au détriment de ces pays et au prix de souffrances atroces pour les populations. Nous le disons aux pays qui choisissent le groupe Wagner, certains d'entre eux commencent à regretter de s'être associés à ce groupe criminel, certains veulent s'en dissocier - et des voisins du Mali s'inquiètent vivement des suites de cette prédation, voilà à quoi nous assistons s'agissant de la présence du groupe Wagner au Sahel.
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À écouter certaines interventions, on croirait que le Gouvernement ne fait rien... Au Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, il y a eu quatre groupes de travail sur la dette, je suis fière du travail du Club de Paris, il est reconnu par tous les pays africains - le Mozambique et le Ghana, qui sont très endettés, le disent clairement. Comment pérenniser les mécanismes vertueux dans le cadre du pacte financier mondial ? Nous recherchons des pistes. De même, nous travaillons sur l'innovation, car l'argent public ne peut résoudre toute la pauvreté du monde. Nous mobilisons le privé, nous sommes également exemplaires sur la TTF. Il faut compter, aussi, avec ce que fait l'Union européenne, qui a un grand programme d'infrastructures doté de 150 milliards d'euros pour l'Afrique. Curieusement, nous ne sommes pas capables d'en être fiers, nous ne mettons pas suffisamment cette action en avant, alors que nous aidons des projets pour l'éducation, pour la formation, pour la sécurité - il faut le dire davantage.
Il est faux de dire, ensuite, que le Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial se soit déroulé sans les Etats-Unis : Janet Yellen, la secrétaire d'Etat au Trésor, était avec nous dès le début, son administration a travaillé pendant quatre mois à la préparation - et ce que l'on constate, c'est que le langage du Sommet est repris par les Etats-Unis, ce qui est souhaitable puisqu'on ne peut guère avancer loin sans les Américains sur le sujet de la dette.
Nous ne ferions pas assez avec la société civile ? Je viens de la société civile, j'ai consacré un rapport à la participation de la société civile dans l'aide publique au développement, je le tiens à votre disposition. Quant au fonds de soutien aux organisations féministes, il a été lancé en 2019 avec 120 millions d'euros sur trois ans, j'ai annoncé sa poursuite en septembre dernier depuis New-York, cette pérennisation est aussi à mettre à notre actif. Nous avons soutenu plus de 1 000 organisations féministes, quatre sur cinq sont en Afrique, nous avons mobilisé 133 millions d'euros depuis 2020 - tout ceci est très concret.
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Effectivement, l'agression russe a montré l'importance de la sécurité et de la souveraineté alimentaires, dont la France a fait une priorité. En mars 2022, alors que j'étais députée européenne, le Président de la République a lancé un plan dans le cadre de l'initiative européenne FARM (Food and Agricultural Resilience Mission), pour soutenir les pays les plus touchés par la crise alimentaire mondiale. Nous aidons aussi les pays du sud sur le long terme, en mobilisant le secteur privé pour développer l'agro-écologie et structurer les filières agricoles. La France a quintuplé son aide alimentaire, à 150 millions d'euros, pour agir en particulier contre la mal nutrition maternelle et infantile. Nous nous sommes engagés également dans le sommet "Nutrition pour la croissance", qui développe des programmes d'alimentation scolaire, c'est très important en Afrique ; nous allons accueillir première réunion mondiale cet automne sur le sujet, vous y êtes tous invités.
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La réforme de la Banque mondiale est portée par les Etats-Unis, j'ai suivi certaines discussions en tant que parlementaire européenne et je témoigne qu'avec l'Allemagne en particulier, nous allons dans la même direction. Une réunion s'est tenue en avril dernier, elle a constitué une première étape importante ; les gouverneurs ont retenu deux points communs : l'intégration des biens publics mondiaux dans le champ d'intervention de la Banque mondiale, et l'adoption d'un premier paquet financier augmentant de 50 milliards de dollars sa capacité de prêts sur les 10 prochaines années. Le processus de réforme va être long, nous partageons nos objectifs avec les autres Européens, le nouveau président de la Banque mondiale a été élu avec notre soutien, il arrive à un moment crucial pour la Banque et avec la volonté de faire avancer la réforme par des mesures ambitieuses, nous travaillons main dans la main avec l'Allemagne.
Quant à notre stratégie humanitaire, il reviendra au prochain Cicid de confirmer son caractère prioritaire - nous sommes présents partout dans le monde - et d'en augmenter les moyens.
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Les collectivités territoriales ont un rôle très important dans la coopération internationale. Vous m'interrogez sur leur rôle au Mali, vous savez combien la situation est difficile dans ce pays pour l'aide publique au développement, depuis que la junte s'est alliée au groupe Wagner ; nous avons considéré que les risques de détournement des financements y étaient devenus trop importants pour poursuivre l'aide publique au développement. Nous avons aussi décidé de maintenir notre aide d'urgence et notre aide humanitaire, mais les Maliens y ont mis fin, avec le décret que vous mentionnez : ce n'est pas nous qui avons décidé cette suspension, c'est la décision d'un pays souverain, quand bien même elle est en défaveur de sa population. Nous avons fait beaucoup pour aider le Mali, avec 100 millions d'euros d'aide humanitaire, avec le soutien militaire, mais nous devons nous adapter à la nouvelle donne - et je ne peux guère vous dire autre chose aujourd'hui que notre coopération décentralisée sera étudiée au cas par cas.
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L'égalité entre les hommes et les femmes est une priorité depuis 2017, c'est aussi l'objectif du fonds de soutien aux organisations féministes dont j'ai déjà parlé - et l'Etat fixe aussi des objectifs très clairs en la matière à ses agences. Nous sommes au rendez-vous, nous avons engagé 249 projets spécifiques, 20 % des projets de l'AFD font de cette égalité leur objectif principal, par exemple des programmes dédiés de prise en charge de victimes de violences sexistes ou conjugales.
Le soutien au parc national de Kahuzi-Biega national, en RDC, a été annulé. Le gouvernement congolais nous avait sollicités, mais nous avons eu des soupçons sur le respect des populations autochtones, nous avons donc décidé de demander à l'AFD de suspendre l'instruction, puis nous avons abandonné ce projet, par respect des droits humains. Cela ne remet pas en cause la protection des milieux naturels, nous avons organisé en mars un sommet sur le bassin du Congo.
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Je ne répondrai pas sur l'Ukraine, la ministre suit directement la situation, un envoyé spécial a été nommé sur la reconstruction.
Je comprends votre demande que l'AFD intervienne aussi en Ukraine, mais il faut cependant ne pas prêter le flanc à ceux qui nous reprochent de faire deux poids, deux mesures - il faut considérer le monde dans son ensemble et voir par exemple qu'en Afrique, on met en avant qu'il y a eu 600 000 morts en Ethiopie, c'est un enjeu considérable. Nous sommes tous mobilisés pour la reconstruction de l'Ukraine, avec la Banque publique d'investissement (BPI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), mais pour ce qui est de l'AFD, il faut compter avec le risque d'effet d'éviction pour des projets concernant d'autres pays.
(Q - Dans la période actuelle, il ne faut pas mettre de l'huile sur le feu. Or, la porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme interpelle la France et lui demande de s'attaquer aux questions de racisme au sein des forces de l'ordre. Nous en avons été très choqués. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?)
R - Il me semble, Monsieur le Sénateur, que c'est le ministre de l'intérieur qu'il faut interpeller sur cette question.
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À mon tour, je vous remercie pour cette audition et répète que je suis prête à travailler avec vous.
L'un des intervenants a dénoncé une absence de contrôle politique. Nous sommes, je le rappelle, dans un secteur où de nombreux acteurs interviennent. Je fais tous les efforts pour les réunir autour de la table et les faire se coordonner, mais, comme vous le savez, il y a des habitudes et des prés carrés.
Bien sûr, la loi doit être respectée. Mais le CPD et le CICID ne s'y opposent pas. J'ai encouragé le premier car il permettait d'avancer dans l'esprit de la loi et offrait un moyen d'intéresser tout le monde, notamment la société civile.
J'espère également que la commission d'évaluation pourra être investie le plus rapidement possible. J'ai insisté lors du CPD sur l'importance d'avoir un retour des deux ministères.
Je peux en tout cas vous garantir que mon engagement est total.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 juillet 2023