Texte intégral
SEBASTIEN KREBS
L'invitée du jour, c'est la ministre de la Transition énergétique. Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Sébastien KREBS.
SEBASTIEN KREBS
Bienvenue dans le studio de RMC. Nos factures d'électricité vont donc augmenter de 10% la semaine prochaine, le 1e août, après 15% en février, ça fait donc 25 sur l'année, 31% depuis 2021. Colère des associations de consommateurs, ils parlent de coup de poignard au coeur de l'été. Les critiques dans l'opposition qui vous accuse d'avoir menti, parce qu'on avait tous compris que la hausse serait plafonnée grâce au bouclier énergétique, à 15% sur l'année 2023. Qu'est-ce que vous leur répondez ce matin ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je leur réponds que la hausse est plafonnée, c'est-à-dire que si nous n'avions pas eu le bouclier énergétique et si nous nous ne l'avions pas prolongé l'année prochaine, la hausse elle aurait été de 100%. Et nous avons été absolument transparents sur ce sujet-là, et vraiment je comprends à quel point la hausse de l'énergie, la hausse des produits alimentaires, sont une préoccupation des Français. Je veux dire, moi aussi je fais mes courses comme tout le monde, je reçois ma facture, et nous sommes évidemment très attentifs, et c'est pour ça que nous continuerons à protéger les Français, nous sommes le pays aujourd'hui où l'électricité est parmi la plus basse en termes de prix en Europe, précisément parce que nous avons mis en place un bouclier énergétique, précisément parce qu'il se poursuit en 2023, et qu’il se poursuivra en 2024. Cette hausse, elle est proportionnée…
SEBASTIEN KREBS
Avant de s'éteindre, l'engagement a été pris que ce, enfin la précision a été donnée…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
SEBASTIEN KREBS
… ce bouclier va s'éteindre en 2024. Ça veut dire que ces prix vont continuer d’augmenter ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Pas nécessairement, parce que comme vous avez pu le constater, les prix sur les marchés de gros, donc pas ceux que nous payons nous en tant que ménages, parce que nous sommes protégés par le bouclier énergétique mis en place par le Gouvernement, mais le prix notamment que paient les entreprises, les grandes entreprises qui elles ne sont pas protégées par un bouclier énergétique mais par d'autres dispositifs, ces prix ont beaucoup augmenté l'année dernière, ils sont en train de rebaisser, et tout l'enjeu et tout notre travail consiste à retrouver un niveau de prix correct, plus normal, qui sera celui que paieront les Français à horizon 2025.
SEBASTIEN KREBS
On sait qu'il y a surtout un gros sujet budgétaire, sur les déficits de l'Etat. C'est ça qui l'emporte aujourd'hui dans la décision, c'est la fin du quoiqu'il en coûte, c'est ça qui l'emporte dans les décisions, de faire disparaître ce bouclier ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je veux rappeler une chose : la CRE, dans ses calculs, indiquait que c'était une augmentation de 75%, qu’il aurait fallu effectuer pour être au niveau des prix du marché au 1e août. Le Gouvernement a décidé de faire une augmentation de 10%, c'est ça la réalité, la France paie son électricité beaucoup moins chère que l'Allemagne, que la Belgique, que l’Italie…
SEBASTIEN KREBS
Ça aurait pu être bien pire, c'est ce que vous nous dites ce matin. Ça aurait pu être bien pire.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce que je vous dis, c'est qu'effectivement nous avons massivement soutenu les Français sur le prix de l'électricité, et que non seulement nous l'avons fait, mais nous continuons à le faire, toute la fin d'année et toute l'année prochaine.
SEBASTIEN KREBS
Où en est notre production d'électricité aujourd'hui ? On se souvient, on a beaucoup parlé l'hiver dernier de tous ces réacteurs nucléaires qui étaient à l'arrêt pour des travaux de maintenance, combien sont toujours à l'arrêt aujourd'hui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, aujourd'hui ce qu'il faut surtout retenir, c'est que nous sommes massivement exportateurs d'électricité. C'est plus facile évidemment de le faire l'été, puisque nous avons une consommation qui est moindre, et nous exportons massivement vers la Suisse, vers l'Allemagne, vers d'autres pays. Et pour l'hiver prochain, nous avons plus de réacteurs qui seront connectés au réseau. Nous ne sommes pas encore revenus à une situation normale. La situation normale c'est celle que nous avions en 2019, nous sommes revenus grosso modo à une situation qui correspond à l'année 2021, où il y avait des tensions sur le réseau électrique, mais pas du tout dans les mêmes proportions que l'année dernière.
SEBASTIEN KREBS
Ça veut dire que le risque de coupures dont on a parlé l'hiver dernier, avec des alertes Ecowatt etc. ce risque n'aura pas disparu l'hiver prochain, il sera toujours là ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire que si nous continuons à baisser notre consommation d'énergie, comme nous l'avons fait tout l'hiver dernier, mais comme nous continuons à le faire, puisque moi je veux remercier les Français et toutes les grandes entreprises, toutes les administrations, toutes les collectivités locales qui ont fait cet effort de baisse de la consommation d'électricité et de gaz, nous sommes aujourd'hui encore au 1e semestre dans une situation où nous avons baissé notre consommation d'énergie de plus de 10%, c'est énorme et donc ce n'est pas seulement la crainte du passage de l'hiver qui nous motive collectivement, c’est évidemment faire un geste pour la planète et puis c'est être soucieux de bien dépenser son argent et de diminuer le poids de la facture. Eh bien si nous continuons ces efforts, nous devrions passer l'hiver dans de bonnes conditions, mais il ne faut surtout pas baisser la garde, parce que nous n'avons pas encore retrouvé le productible nucléaire que nous avons connu ou que nous avions entre 2015 et 2020, donc il faut continuer à travailler.
SEBASTIEN KREBS
Alors, il y a les réacteurs actuels en maintenance et puis il y a les futurs réacteurs dont la construction va être lancée, les EPR 2. On connaît les sites qui ont été retenus, il y en aura deux à Penly en Seine-Maritime, deux à Gravelines dans le Nord, deux au Budget dans l'Ain. Est-ce qu'il n'est pas risqué de s'engager dans ces nouveaux EPR, sachant ce qui se passe à Flamanville avec ses 12 ans de retard, sachant ce qui se passe en Chine avec un réacteur EPR qui est à l'arrêt depuis 6 mois à cause là aussi de problèmes de corrosion ? Est-ce que ces réacteurs sont prêts à être de nouveau construits et être opérationnels ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut peut-être mentionner aussi les réacteurs qui fonctionnent, celui de la Finlande par exemple, qui tourne à plein régime, et je peux vous dire que les Finlandais étaient très enthousiastes de ce réacteur qui leur a permis de passer l'hiver beaucoup plus confortablement, parce qu'ils avaient une production très importante, pilotable, et avec un coût compétitif au moment où les marchés de l'électricité étaient en train de s'envoler. Donc la réalité c'est qu'effectivement nous avons besoin de réacteurs. Pourquoi, parce que mon combat c'est la sécurité d'approvisionnement des Français, c'est l'indépendance énergétique de notre pays. Et cette indépendance énergétique, elle se construit avec les réacteurs nucléaires. Elle se construit aussi avec les énergies renouvelables. Je n'oppose pas l'un à l'autre, et vous savez que l'année dernière jamais la France n'a connecté autant de capacités de production de renouvelables, mais les réacteurs nucléaires ce sont des capacités de production qui fonctionnent quand on veut, qui ne sont pas dépendantes de la météo. Ce sont des capacités de production qui permettent de produire une énergie abondante, bon marché, et en utilisant finalement assez peu de terrains fonciers. Et c'est pour ça que nous faisons cette relance du nucléaire, il faut avoir en tête que, avec le travail que nous faisons sur les réacteurs actuels pour augmenter notre production, nous allons pouvoir augmenter massivement notre production d'électricité dans les 7 ans qui viennent. Donc, le nucléaire c'est ici et maintenant. Lorsque j'étais à Budget hier, les perspectives d'augmentation de la production électrique de Budget sont très importantes, l'enjeu c'est 30 % d'augmentation, ça sera autant que ce qu'on fera en renouvelables. Et avec les réacteurs futurs, ça nous permettra de préparer une chose importante, c'est que nos réacteurs, à un moment vont arriver en fin de vie et il faudra les remplacer.
SEBASTIEN KREBS
Alors, ce sont des investissements qui sont colossaux, le patron d'EDF a chiffré à 25 milliards d'euros par an les besoins en financement pour toute la filière nucléaire, à la fois l'entretien des centrales actuelles, la construction des nouvelles. Où est-ce qu'on va trouver l'argent et est-ce qu'on va puiser dans l'épargne des Français, puisque cette piste a été évoquée notamment par Bruno LE MAIRE, qui a parlé de mettre à contribution le Livret A, c'est une piste qui est sur la table ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, attention, un investissement dans ce type d'installation c'est est un retour, c'est un retour sur investissement. Si par exemple vous devez mobiliser la ressource de Livret A, les Français bénéficieraient de paiements, de taux d'intérêt réguliers au rythme de Livret A. Donc nous investissons dans l'avenir, il faut savoir que nous investissons en France un petit peu moins de 10 milliards d'euros chaque année sur les énergies renouvelables. Nous investissons également sur les réseaux, les réseaux ils vont devoir être adaptés au réchauffement climatique, ils vont devoir être renforcés, puisque à chaque fois que vous mettez une installation d'énergies renouvelables il faut la connecter au réseau, donc ça fait une installation en plus à réaliser. Et dans cet ensemble d'investissement, les nouveaux réacteurs nucléaires c'est de l'ordre de 3 milliards d'euros par an, à comparer à des investissements réseaux de 10 milliards d'euros par an ou le réinvestissement dans les nouveaux…
SEBASTIEN KREBS
Donc l’épargne…
AGNES PANNIER-RUNACHER
… de 4 à 5 milliards.
SEBASTIEN KREBS
L’épargne c'est possible, ce n'est pas seulement l'Etat qui va s’endetter…
AGNES PANNIER-RUNACHER
C’est les Français qui choisiront de savoir où ils veulent mettre leur épargne, ce sera une faculté qui pourra leur être ouverte, mais moi j'entends autour de moi beaucoup de gens qui sont, qui soutiennent le nucléaire, qui veulent redévelopper le nucléaire, et qu'effectivement si le nucléaire leur permet de lier l'utile, à savoir sécuriser notre approvisionnement, à l’agréable, à savoir voir leur épargne fructifier…
SEBASTIEN KREBS
Donc ça, ce dont vous parlez, c'est le nouveau Livret, alors on a parlé du Livret A, mais il y a aussi ce livret qui a été créée par la loi industries vertes, qui a été votée la semaine dernière…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
SEBASTIEN KREBS
… Plan épargne avenir climat. Donc Plan épargne avenir climat, si on met de l'argent dessus, ça financera les nouvelles centrales nucléaires.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si on met de l'argent dessus, ça permet de financer tout ce que nous appelons l'industrie verte, c'est-à-dire toutes les installations, les usines qui emploient des gens sur notre territoire et qui permettent eh bien d'assurer la transition énergétique et écologique de notre pays, c'est la fabrication de batteries électriques, c'est la fabrication d'éoliennes, c'est la fabrication de composants pour les usines nucléaires, tout ça est essentiel aujourd'hui si nous voulons effectivement, à la fois encore une fois assurer l'indépendance énergétique de notre pays, moi, les prix se sont envolés parce que nous étions dépendants de pays comme la Russie, parce que nous étions dépendants de pays comme les Etats-Unis, comme le Moyen-Orient pour livrer de l'énergie en France. Cette situation il faut progressivement y mettre un terme. Et puis c'est aussi encore une fois un enjeu climatique, et notamment l'énergie nucléaire est une des énergies qui permet d'émettre le moins de gaz carbonique, et donc de limiter le réchauffement climatique.
SEBASTIEN KREBS
Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a l'électricité, il y a aussi le gaz. Est-ce que dans cette transition écologique qui nous attend, il faut mettre fin aux chaudières à gaz, est-ce qu'il faut arrêter de se chauffer au gaz ? La Première ministre avait parlé d'une date, 2026, pour interdire la vente de chaudières, y compris dans les logements anciens. C'est la perspective qui se dessine aujourd'hui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je pense qu’il y a une confusion. Ce qui est interdit et qui a vocation à être mis en oeuvre, c'est l'interdiction de la pose de chaudières gaz dans des constructions nouvelles. C'est-à-dire qu’au moment où on veut effectivement décarboner le bâtiment, il faut éviter d'utiliser des énergies fossiles, dans de nouvelles installations, et aller…
SEBASTIEN KREBS
Ce n’est pas déjà le cas, aujourd’hui ce n’est pas interdit ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
… directement à la conclusion. Vous avez des dates de rentrée en vigueur qui sont progressives pour les logements individuels et pour les logements collectifs. Donc ces dates sont en train d'être mises en vigueur. Le logement individuel…
SEBASTIEN KREBS
Et si on a déjà une chaudière à gaz, on pourra toujours la changer.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si on a une chaudière à gaz, nous avons lancé une consultation pour effectivement poser la question, à la fois à la filière mais également aux associations représentant les consommateurs, et cette consultation elle est ouverte très largement, jusqu'au 28 juillet, pour poser la question de comment peut-on accompagner progressivement la diminution de l'utilisation du gaz dans les bâtiments. Pourquoi ? Parce que c'est la première cause, c'est la première source d'émissions de gaz à effet de serre, et que si on veut sérieusement travailler sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre, si on veut sérieusement lutter contre le dérèglement climatique, il faut prendre sujet par sujet et regarder comment on accompagne la diminution de l'utilisation des énergies fossiles, en particulier le gaz et le pétrole. On l'a fait pour le fioul, s'agissant du gaz il y a différentes solutions, on va développer du biogaz c'est-à-dire du gaz dont facture en termes d'émissions de CO2 est beaucoup plus faible que le gaz fossile. On va également s'appuyer sur des chaudières qui sont hybrides, c'est-à-dire qui utilisent, et de l'électricité et du gaz, l'électricité l'essentiel de l'année, le gaz quand il y a des pointes de froid. Ce sont des systèmes qui existent, qui en plus sont fabriqués en France. On peut s'appuyer sur la géothermie. Donc il y a des solutions et notre sujet c'est comment on accompagne les gestes, enfin tous ceux qui ont soit sont logés, donc les ménages, pour progressivement sortir du gaz, mais également les grands bâtiments tertiaires, les grands bâtiments publics, pour sortir progressivement du gaz.
SEBASTIEN KREBS
Merci…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc rien n’est fait à ce stade, mais nous y travaillons.
SEBASTIEN KREBS
Merci d'être venue ce matin sur RMC, Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique. Très bonne journée à vous.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 26 juillet 2023