Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Bonjour à tous. Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique, est donc l'invité de CNEWS et d'Europe 1. Bonjour Madame la Ministre.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Bonjour Romain DESARBRES.
ROMAIN DESARBRES
Merci d'être avec nous. On va parler du prix de l'électricité, du prix de l'essence évidemment. Je voulais d'abord vous interroger sur la situation migratoire. Vous êtes membre du gouvernement français ; 7.000 migrants sont arrivés en quelques heures sur l'île de Lampedusa, en provenance d'Afrique essentiellement. Qu'est-ce qu'il faut leur dire à ces migrants ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors d'abord permettez-moi de dire mon indignation par rapport à l'attitude de Marion MARECHAL - LE PEN - je le dis parce que vous l'aurez sur votre plateau tout à l'heure…
ROMAIN DESARBRES
Je l'aurai en direct de Lampedusa…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
On ne fait pas de la politique de manière "charognarde", on ne se met pas en scène devant des malheureux qui ont traversé la Méditerranée, comme vous le dites, au péril de leur vie. Alors nous, nous agissons ; nous agissons avec humanisme parce qu'il faut prendre en compte ce que vivent ces gens et les raisons qui les poussent à traverser la Méditerranée au péril de leur vie ; nous agissons avec fermeté parce que ceux qui n'ont pas leur place en Europe, doivent être raccompagnés à la frontière ; et nous agissons de manière implacable vis-à-vis des réseaux qui aujourd'hui organisent ce qui s'apparente à une traite des humains, il faut quand même le dire. Et vous savez que le ministre de l'Intérieur a doublé les effectifs à la frontière entre la France et l'Italie, les effectifs de police, les effectifs de gendarmerie, que les militaires de l'opération Sentinelle ont également été doublés, qu'il y a une brigade franco-italienne, ce qui montre l'importance aussi de la coopération européenne. Nous agissons sur le terrain et cela a des effets : le nombre d'accompagnements à la frontière a été augmenté de 68 % depuis le début de l'année et aujourd'hui, nous avons démantelé plus de 200 réseaux de passeurs et je crois que c'est ça qui est l'essentiel, c'est de démanteler les passeurs.
ROMAIN DESARBRES
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous savez que le point faible, c'est évidemment le renvoi des personnes en situation irrégulière. D'ailleurs, votre gouvernement projette de donner des papiers à des personnes qui sont en situation irrégulière, celles qui travaillent dans les métiers en tension.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'on est en train de tout mélanger : il y a une différence entre des migrants qui arrivent aujourd'hui aux frontières de l'Europe et des gens qui travaillent depuis des années, dans l'hypocrisie la plus totale parce que tout le monde est très content de profiter de leur travail en France et qui effectivement appellent à un traitement adapté – et je ne suis pas la seule à le dire puisque vous le savez que madame MELONI est la première à parler de régularisation de sans-papiers, monsieur ORBAN qui est pourtant le grand défenseur… l'allié de madame LE PEN, est le premier à régulariser des sans-papiers. Donc il faut bien faire la différence entre des gens qui sont intégrés sur notre territoire, qui travaillent, qui paient des charges sociales parce que c'est parfois le cas ou en tout cas qui contribuent au fonctionnement de notre pays ; et ceux qui arrivent à nos frontières et pour lesquels il faut trouver des solutions. Il faut trouver des solutions parce qu'il y a un enjeu aussi de comprendre l'origine des migrations – est-ce que c'est économique ? C'est le travail que nous menons avec certains pays de la Méditerranée pour avoir des partenariats, des accords pour les retenir dans leur pays – est-ce que c'est d'origine climatique ? - vous savez qu'aujourd'hui, le dérèglement climatique va induire des déplacements et c'est pour ça qu'il est aussi irresponsable de ne pas regarder cet aspect-là – ou est-ce que c'est pour des raisons de risques pour leur vie, de guerre dans leur pays ? Et là il faut faire preuve effectivement d'humanité.
ROMAIN DESARBRES
Mais vous savez, Agnès PANNIER-RUNACHER, que ce que vous dites, c'est entendu en Afrique ; on entend des migrants qui sont à Vintimille, qui veulent aller travailler en France parce qu'ils disent que les Français ne veulent pas occuper certains postes. Donc ça crée un appel d'air de fait, ça fait venir des illégaux en France.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Romain DESARBRES, d'abord je crois qu'il faut rappeler que la France n'est pas le plus grand pays d'accueil en ce moment, c'est factuel ; les migrants choisissent plutôt le Royaume-Uni ou plutôt l'Allemagne, c'est un premier fait. Peut-être parce que notre politique est une politique aussi de fermeté, c'est-à-dire que nous sommes effectivement humains mais nous avons aussi de la fermeté et nous agissons contre les passeurs et ça je crois que c'est essentiel d'agir contre l'immigration illégale.
ROMAIN DESARBRES
Le prix de l'électricité, Agnès PANNIER-RUNACHER, invité de "La grande interview" sur CNEWS et Europe 1 ; le prix de l'électricité, il a augmenté de 15 % en février dernier ; il a augmenté de 10 % en août. La patronne de la CRE, la Commission de régulation de l'énergie, a parlé de 10 à 20 % au 1er février prochain ; elle a parlé un petit peu vite, Emmanuelle WARGON, la patronne de la CRE ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est une autorité administrative indépendante mais moi je vais être très claire, Bruno LE MAIRE l'a encore dit hier, il y a une différence entre le calcul… je dirais technique que fait la CRE sur quel serait le prix théorique que devraient payer les Français en matière d'électricité et le prix que payent les Français. Depuis 2 ans, nous avons mis en place un bouclier énergétique, un bouclier électricité qui permet aux Français de payer le prix de l'électricité parmi les plus bas d'Europe. Ça c'est factuel : aujourd'hui, en 2023, nous prenons en charge 37 % de la facture d'électricité des Français. Et nous le disons pour 2024 : effectivement, nous allons retirer progressivement ce bouclier énergétique mais Bruno LE MAIRE l'a bien dit : le prix de l'électricité n'augmentera pas de plus de 10 %.
ROMAIN DESARBRES
Au 1er février.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Au 1er février, sur l'année 2024.
ROMAIN DESARBRES
Ça veut dire qu'il peut y avoir une autre augmentation en août ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Au 1er février et sur l'ensemble de l'année 2024.
ROMAIN DESARBRES
Pas plus de 10 % sur l'ensemble de l'année 2024.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
ROMAIN DESARBRES
Le bouclier tarifaire, vous y faisiez allusion ; 18 milliards en 2022. 25 milliards cette année. On a encore les moyens d'aider l'année prochaine ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Je rappelle une chose, c'est que ce bouclier tarifaire est financé aussi en grande partie par les recettes que nous avons faites sur les producteurs d'énergie. Nous avons prélevé plus de 20 milliards d'euros sur les producteurs d'énergies renouvelables. Pourquoi ? Parce qu'avec l'envolée des prix de l'électricité, nous sommes allés récupérer les profits exceptionnels qu'ils faisaient pour les redistribuer aux Français ; nous avons fait la même chose avec EDF. Il faut le rappeler : ce bouclier, c'est effectivement une charge dans le budget de l'État mais il a aussi été financé par les profits des producteurs d'électricité.
ROMAIN DESARBRES
Donc c'est encore plus de dettes.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non je le redis, les profits des producteurs d'électricité ont permis de financer une très grande partie du bouclier énergétique…
ROMAIN DESARBRES
Mais pas tout…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Mais pas l'intégralité parce que nous sommes responsables et que nous amortissons la facture des Français.
ROMAIN DESARBRES
L'année prochaine, le bouclier sera établi en fonction des revenus ou vous allez aider tout le monde ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Le bouclier énergétique s'applique au coût de l'électricité, donc il est sur le contrat d'électricité de tous les Français ; en revanche, nous avons un chèque énergie qui est en place depuis des années et qui permet d'apporter un soutien aux ménages les plus vulnérables, ceux qui ont du mal à faire face à leurs fins de mois et pour ceux-là, ils vont évidemment bénéficier à nouveau de cette mesure.
ROMAIN DESARBRES
Est-ce qu'il faut s'affranchir du système européen de fixation des prix de l'électricité qui est en notre défaveur, il faut le dire ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors ce n'est pas exact puisque je viens de le dire, les Français payent aujourd'hui un prix d'électricité parmi les plus bas d'Europe ; et il y a une espèce de fake new qui circule selon laquelle tels pays seraient sortis du marché de l'électricité. C'est faux ! C'est faux : l'Espagne et le Portugal ne sont pas sortis du marché de l'électricité. Ils ont mis en place des subventions, comme nous l'avons fait avec le bouclier énergétique, pour baisser le prix de l'électricité pour les Portugais et les Espagnols… C'est exactement la même chose que nous.
ROMAIN DESARBRES
Comment on en arrive à payer l'électricité aussi chère alors qu'on a une magnifique entreprise qui est EDF, avec de magnifiques centrales nucléaires ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
La difficulté peut-être qu'il faut signaler, c'est que l'année dernière, nous avons consommé plus d'électricité qu'EDF n'en a produit ; il ne vous aura donc pas échappé que nous avons dû acheter de l'électricité en dehors de France. Et lorsqu'on achète de l'électricité en dehors de France - mais c'est la même chose que lorsqu'on achète du carburant ou lorsqu'on achète du gaz qu'on ne produit pas en France - eh bien ça coûte plus cher ; nous ne sommes pas maîtres du prix de ce que nous achetons à l'extérieur de France et c'est tout l'enjeu aujourd'hui de produire plus d'électricité en France ; produire plus d'électricité en France, c'est produire plus d'électricité nucléaire ; ça, c'est comment nous accélérons les maintenance dans les réacteurs nucléaires pour qu'ils puissent fonctionner à pleine puissance et je veux à nouveau saluer le travail des salariés d'EDF qui ont vraiment fait un effort considérable puisque l'année dernière, nous avons dû importer de l'électricité et cette année, nous en exportons, nous sommes redevenus le premier exportateur d'électricité en Europe et on le voit, ça permet au prix de l'électricité sur les marchés européens de baisser. Et puis la deuxième chose, c'est comment nous produisons de l'électricité sur la base de renouvelables parce que c'est ça qui va nous permettre, avant 2030, d'augmenter notre production d'électricité.
ROMAIN DESARBRES
Vous avez peut-être lu dans Le Figaro l'échange ou entendu les échanges entre Arnaud MONTEBOURG et Bernard ACCOYER sur l'électricité, le nucléaire, l'inflation ; et il en ressortait notamment que s'il y a de l'inflation en France, c'est à cause des prix de l'énergie qui ont explosé. Les entreprises répercutent les hausses sur les prix des produits. On a interrogé un boulanger, il s'appelle Thibault SALOMÉ ; il est président des boulangers du Nord et du Pas-de-Calais. On lui a dit que vous étiez ce matin sur les antennes de CNEWS et d'Europe 1 et il a une question à vous poser.
THIBAULT SALOMÉ, PRÉSIDENT DES BOULANGERS DU NORD ET DU PAS-DE-CALAIS
C'est des petits coups de pouce. Alors on sait très bien que le gouvernement ne peut pas non plus faire des miracles mais on se dit que par exemple aujourd'hui, une boulangerie pâtisserie qui est en 100 % maison, enfin voilà, qui est reconnue et s'engage dans une démarche de 100 % maison, donc avec de la main d'œuvre derrière, pourrait éventuellement avoir une bonification, une baisse de charges patronales. Enfin voilà, des petits coups de pouce vraiment ciblés sur les entreprises qui sont les plus qualitatives et qui emploient le plus de monde, le plus de personnes.
ROMAIN DESARBRES
Voilà, le prix de l'électricité, ça impacte l'activité des PME et des TPE et les boulangers sont des TPE…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Une précision : les TPE aujourd'hui, à l'exception de celles qui utilisent beaucoup d'électricité, bénéficient du bouclier énergétique…
ROMAIN DESARBRES
Jusqu'à 10 salariés…
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Jusqu'à 10 salariés ; c'est les très petites entreprises, c'est la définition, c'est plus de 1,7 million d'entreprises en France qui bénéficient de ce bouclier énergétique. Là où Monsieur a parfaitement raison, c'est que les boulangers ont une consommation d'électricité qui est très forte puisqu'évidemment ils ont des fours, ils ont des chambres froides, donc par leur métier, ils sont plus exposés au coût de l'électricité et c'est pour ça que nous les avons accompagnés spécifiquement – je rappelle qu'Olivia GRÉGOIRE, la ministre des PME, a été à leurs côtés tout au long de l'année, qu'il y a eu des aides particulières de Bercy et je sais qu'elle sera effectivement à leur écoute sur les préoccupations de ces boulangers – en tout cas, moi de mon côté, au niveau de l'énergie, nous souhaitons prolonger l'amortisseur, nous souhaitons prolonger ces soutiens qui ont permis à ces entreprises de de passer la crise. Et je veux rappeler qu'aujourd'hui, nous créons plus de boulangeries qu'il ne s'en ferme en France et c'est une très bonne nouvelle.
ROMAIN DESARBRES
Quelques questions un petit peu plus politiques à propos de la vie chère : Fabien ROUSSEL, le numéro un du PC, appelle à envahir les préfectures, si nécessaire pour protester contre les prix chers. C'est digne d'un responsable politique, Agnès PANNIER-RUNACHER ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non je ne crois pas. On est en train de jouer au concours Lépine de l'irresponsabilité ; ça n'apporte absolument rien. Les préfets, vous le savez, sont au service des Français ; ce sont des fonctionnaires qui portent l'ensemble des politiques de l'État ; ils sont sur tous les fronts : sur le front de la sécurité, sur le front du développement économique, sur le front de l'accompagnement des Français et je crois que c'est une attitude tout à fait indigne de la part d'un responsable politique.
ROMAIN DESARBRES
On a parlé du prix de l'électricité, les prix à la pompe autour de de 2 euros le litre, 1,90, comment ça va évoluer dans les prochaines semaines, les prochains mois ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
D'abord je veux dire que là aussi moi j'ai réuni l'ensemble des pétroliers et des distributeurs et que je leur ai demandé de faire des efforts, de faire des efforts de solidarité avec les Français. Pourquoi ? Je le redis encore une fois le pétrole c'est un marché mondial et nous ne produisons pas de pétrole en France, donc ce prix malheureusement il est fixé sans que nous puissions intervenir dessus. Mais il serait inacceptable que certains fassent de la marge sur cette facture qui augmente et qui impacte les Français.
ROMAIN DESARBRES
Vous pensez à l'État qui se fait de la marge, non, avec le prix de l'essence qui augment ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non en l'occurrence je rappelle que la taxe principale, elle est au litre et elle n'a rien à voir avec le prix, donc je pense qu'il faut arrêter avec cette polémique. L'État, il aide les Français, l'État était au rendez-vous l'année dernière pour accompagner la facture de carburant. Je rappelle que l'indemnité carburant, elle date de 2023 et elle a permis de 7 millions de Français qui utilisent leur voiture pour aller travailler de bénéficier d'une baisse qui représente l'équivalent de 13 centimes pour un conducteur moyen à la pompe, donc ce n'est pas rien. Et nous aidons également les Français surtout à ne plus avoir besoin de carburant, à baisser leur facture de carburant en changeant leur voiture avec la prime à la casse, avec le bonus écologique, en rendant les voitures qui sont économes en carburant voire les voitures électriques beaucoup moins chères. Savez-vous qu'une voiture électrique tous les 10 000 kilomètres, ce qui est un peu moins que ce que roule un consommateur moyen, c'est 1 000 euros d'économie de carburant, donc 1 000 euros d'économies chaque année donc nous devons agir pour les Français pour leur pour les sortir de cette situation où ils sont dépendants du carburant à l'extérieur de la France et moi je le redis solidarité des distributeurs et des pétrolier, TOTAL a annoncé qu'il prolongeait leur plafonnement du prix du carburant en stations-service à 2 euros, les distributeurs ont annoncé qu'ils faisaient des opérations prix coûtant et nous allons continuer à accompagner la. Filière.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER, merci d'être venue ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2023