Interview de M. Thomas Cazenave, ministre délégué, chargé des comptes publics, à France Info le 15 septembre 2023, sur la dette publique, la politique budgétaire, le pouvoir d'achat, les médicaments et la question migratoire.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN-RÉMI BAUDOT
Bonjour Thomas CAZENAVE.

THOMAS CAZENAVE
Bonjour.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Je vais commencer par un petit bilan. Le gouvernement baisse ses prévisions de croissance à 1,4 %. La France emprunte 1/3 de son budget. La charge de la dette, ce que nous coûte d'emprunter, c'est 48 milliards d'euros l'an prochain, c'est l'équivalent du budget de la Défense. Avec de tels chiffres, est-ce que notre pays n'est pas au bord de la faillite ?

THOMAS CAZENAVE
Alors, d'abord, vous l'avez dit, on a une économie qui a bien résisté en 2023, on va avoir 1 % de croissance, nos entreprises continuent à créer des emplois, et ça c'est une très bonne nouvelle. On a des incertitudes internationales pour 2024, vous l'avez vu, les Allemands par exemple sont rentrés en récession, l'économie chinoise ralentit, donc on a des incertitudes, on a préféré réviser notre croissance, avec quand même une hypothèse, 1,4 % de croissance, c'est une croissance dynamique, c'est de la création d'emplois. Mais l'enjeu, vous l'avez dit, c'est réduire notre déficit public…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Parce qu'on a une dette qui est quand même abyssale.

THOMAS CAZENAVE
Parce qu'on a une dette, absolument, de 3 000 milliards…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Est-ce que l'on n'est pas à la merci de nos créanciers, des agences de notation notamment ?

THOMAS CAZENAVE
On a 3 000 milliards de dette…

JEAN-RÉMI BAUDOT
3 000 milliards.

THOMAS CAZENAVE
Vous avez tout à fait raison. Aujourd'hui, pour le budget 24, c'est 40 milliards d'euros, et on anticipe que ça dépassera le budget de l'Éducation nationale d'ici 2027. Donc c'est notre responsabilité…

JEAN-RÉMI BAUDOT
On vous sent très détendu avec ces chiffres, qui sont quand même affolants.

THOMAS CAZENAVE
Non, j'essaie de faire de la pédagogie pour expliquer pourquoi moi je défends, avec Bruno LE MAIRE, l'idée qu'il faut réduire notre déficit public. Nous avons protégé, protégé les Français, protégé les entreprises pendant la période de crise. Vous savez qu'avant la crise du Covid, nous avions réduit notre déficit public. On doit retrouver ce chemin, où nous réduisons nos déficits publics pour retrouver notre souveraineté et retrouver des marges de manœuvre. Si on veut investir dans la transition écologique, il faut réduire notre dette.

AGATHE LAMBRET
On va y venir, Thomas CAZENAVE.

THOMAS CAZENAVE
Donc c'est tout l'enjeu du programme de stabilité de notre budget 2024.

AGATHE LAMBRET
Justement, vous en avez présenté les grandes lignes. Hier, aucune trace de baisse de taxes ou de ristourne sur le carburant avec un litre à 2 €. Est-ce que l'État ne se fait pas de l'argent sur le dos des contribuables ?

THOMAS CAZENAVE
Alors là, vous me donnez l'occasion de rétablir quelques vérités. J'ai entendu dire que nous nous ferions de l'argent sur le dos des contribuables dans cette période…

AGATHE LAMBRET
C'est ce que dit Xavier BERTRAND, le président des LR.

THOMAS CAZENAVE
Oui mais, Xavier BERTRAND, il se trompe et il le sait pertinemment. Je vais vous dire pourquoi. Cette année on a à peu près dépensé 40 milliards d'euros pour protéger les Français contre l'inflation, avec les boucliers énergétiques, avec les primes, avec les soutiens à la consommation du carburant…

AGATHE LAMBRET
Mais aujourd'hui on sort du bouclier énergétique, et le litre est…

THOMAS CAZENAVE
Laissez-moi finir ma démonstration. 40 milliards d'euros d'un côté, et de l'autre côté l'augmentation des prix du carburant c'est 2 milliards d'euros de TVA. Bon, vous comparez 40 milliards d'euros et 2 milliards d'euros, la réalité c'est qu'en période d'inflation, ça coûte à l'État, ça coûte…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Vous n'êtes pas un profiteur de guerre, comme dit la droite ?

THOMAS CAZENAVE
Mais non on n'est pas un profiteur de guerre ! On protège les Français, 40 milliards d'euros pour les protéger contre l'inflation, c'est ça la réalité. Et si on a un déficit public important et qu'on souhaite en sortir progressivement, c'est bien parce qu'on a protégé les Français. C'est toujours une mauvaise nouvelle pour les Français, l'inflation, mais aussi pour l'État, parce qu'il protège les Français.

AGATHE LAMBRET
Mais, Thomas CAZENAVE, ce qui coûte aux Français aujourd'hui, c'est notamment le prix du carburant. Ce que vous nous dites ce matin, c'est que quoi qu'il arrive, il n'y aura plus aucune aide sur l'essence, ni générale, ni ciblée.

THOMAS CAZENAVE
Je vous donne un chiffre. La baisse des prix du carburant, la ristourne carburant, 12 milliards d'euros qui avaient été consacrés, et de manière identique pour tout le monde, que vous soyez bas revenus ou que vous ayez les moyens de faire votre plein. Moi je ne suis pas favorable à ce que l'on remette une ristourne qui consiste à dépenser 12 milliards d'euros, non pas dans la poche de l'État, mais c'est aux contribuables qu'on va demander de…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Mais vous l'assumiez politiquement à l'époque, c'était une demande de la droite, mais ça été accepté par le gouvernement.

THOMAS CAZENAVE
Ce que je veux vous dire, c'est qu'aujourd'hui moi je préfère la démarche qui consiste non pas à réparer après l'augmentation des prix du carburant, mais traiter le problème à la source, c'est-à-dire dialoguer avec les distributeurs, avec les pétroliers, maintenir le prolongement du bouclier qu'ils ont installé, notamment TotalEnergies, en disant "on ne dépassera pas les 2 €".

AGATHE LAMBRET
Vous avez redonné la patate chaude aux entreprises.

THOMAS CAZENAVE
Non.

AGATHE LAMBRET
Vous comptez sur TOTAL pour maintenir son plafonnement.

THOMAS CAZENAVE
Pourquoi ? Mais c'est plus efficace. C'est plus efficace. On ne va pas, par exemple laisser les entreprises augmenter leurs prix, puis ensuite les taxer pour faire mettre en place un chèque. On va directement à la source, on discute avec elles, parce que c'est plus efficace. Négocier avec les distributeurs, regarder les marges notamment des raffineurs, donc on a un travail qui a été en cours, le dialogue continu. Généraliser les opérations à prix coûtant, bref travailler à la source pour assurer la maîtrise du prix des carburants.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Bruno LE MAIRE envisage de taxer les profits excessifs des raffineurs. Ça veut dire combien ? On parle en quelques centimes, on parle en pourcentages, qu'est-ce que vous avez dans les cartons là-dessus ?

THOMAS CAZENAVE
À ce stade c'est sur la table. D'ailleurs, avec le secteur pétrolier…

JEAN-RÉMI BAUDOT
C'est un moyen de pression, pour l'instant ?

THOMAS CAZENAVE
Avec le secteur pétrolier, tout est sur la table. On avait mis dans le budget 2023 une contribution de solidarité du secteur. On l'a déjà fait, on est capable de le faire. Ce qu'on souhaite, c'est discuter avec les distributeurs pétroliers, regarder leurs marges, voir quels engagements ils peuvent prendre, mais nous n'excluons aucune réponse, et celle-ci peut en faire partie, le moment venu.

AGATHE LAMBRET
Est-ce que vous nous confirmez qu'il n'y aura pas de hausse des prix de l'électricité de 10 à 20 % en 2024 ? On sait qu'ils venaient d'augmenter en août.

THOMAS CAZENAVE
Alors, aujourd'hui, vous savez l'État prend en charge 37 % de la facture d'électricité des Français. On a des prix de l'énergie qui ont considérablement baissé par rapport au pic de la crise en 2022. Nous on souhaite sortir progressivement des boucliers. Je l'ai dit pourquoi ? Parce qu'on a un déficit public très important, et qu'on doit progressivement retrouver des marges de manœuvre. Nous connaîtrons l'évolution des prix de l'électricité en décembre, pas avant, là c'est trop tôt pour dire comment vont évoluer les prix de l'électricité. En revanche l'engagement que nous avons pris c'est que si évolution à la hausse il y a, elle n'ira pas au-delà de 10 %.

AGATHE LAMBRET
D'accord, donc l'État, le bouclier tarifaire pourra continuer d'une certaine façon sur l'électricité, en partie.

THOMAS CAZENAVE
Nous sortons progressivement des boucliers, parce que nous devons sortir progressivement des dispositifs de gestion de crise. Nous n'avons pas les moyens de maintenir des dispositifs aussi coûteux, alors que nous avons un déficit public important, et surtout parce que des prix de l'énergie ont continué à baisser.

AGATHE LAMBRET
Fabien ROUSSEL, le secrétaire national du Parti communiste sur France Info, hier disait redouter demain des irruptions de la faim, parce qu'il n'y a pas que l'essence et l'électricité qui augmentent. Si rien n'est fait, il appelle les Français à passer à l'action. Écoutez.

FABIEN ROUSSEL, SECRETAIRE NATIONAL DU PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS
Il y a des mesures concrètes à mettre en œuvre, pour baisser les prix. Si tout cela n'est pas mis en œuvre dans les semaines qui viennent, oui nous appelons à être mobilisés, à envahir les stations-essence, les grandes-surfaces…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Envahir…

FABIEN ROUSSEL
… les préfectures, parce que l'État est responsable. Je ne supporte plus un président de la République qui dit : l'État ne peut pas tout, l'État est impuissant, l'État ne peut pas faire. Eh bien s'il ne peut pas faire, il s'en va.

AGATHE LAMBRET
Votre réaction à ces propos de Fabien ROUSSEL, Thomas CAZENAVE.

THOMAS CAZENAVE
D'abord, je veux dire, je suis choqué. Choqué qu'on puisse inciter les Français à aller envahir les préfectures, nos services publics. Nos agents publics, ils sont au service de tous, c'est notre bien commun. Pourquoi les pointer du doigt comme ça ? Moi j'étais en Gironde vendredi dernier auprès des agents des finances publiques, qui ont vu leur centre des impôts partir en fumée, leur outil de travail. Ne pas comprendre aussi pourquoi ils étaient la cible d'une certaine des attaques. Je trouve ce discours peu responsable. Et quand Fabien ROUSSEL dit qu'on ne fait rien, alors que je le rappelais, on a consacré plus de 40 milliards d'euros à protéger les Français contre l'inflation, je trouve là aussi que c'est méconnaître tout ce que nous avons fait.

JEAN-RÉMI BAUDOT
On va revenir dans un instant sur la question de l'inflation, du budget et évidemment des nouvelles dépenses ou pas de l'État, juste après le Fil Info

AGATHE LAMBRET
Avec Thomas CAZENAVE, ministre délégué chargé des Comptes publics. On entendait à l'instant Fabien ROUSSEL qui dit redouter des irruptions de la fin. Vous venez de Bordeaux, bastion des Gilets jaunes que personne n'avait vu venir. Aujourd'hui, est-ce qu'il n'y a pas tous les ingrédients en germe pour une nouvelle explosion de colère ?

THOMAS CAZENAVE
Non mais est-ce que la situation est difficile ? Aujourd'hui, moi, je le reconnais, je le vois. On l'a vu au moment de la rentrée scolaire, on le voit avec le prix des carburants ? C'est aussi la raison pour laquelle nous avons été très clairs avec Bruno LE MAIRE, il n'y aura pas d'augmentation d'impôt. Et même, je peux vous dire qu'on va bâtir pour 2024 des mesures qui protègent contre l'inflation. Je voudrais donner quelques exemples. On va indexer les pensions de retraites sur l'inflation. C'est une manière de protéger les retraités contre l'inflation. On va également indexer ce qu'on appelle le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation. Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous avez des salariés qui voient leur rémunération augmenter par leurs employeurs pour les protéger de l'inflation.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Qui ne vont pas changer de tranche.

THOMAS CAZENAVE
Ils ne vont pas changer de tranche parce que nous, on prendrait d'un côté ce qu'on leur a donné de l'autre, on peut dire.

AGATHE LAMBRET
Vous auriez récupéré 6 milliards d'euros parce que ça aurait été difficile à comprendre aussi pour les Français. Donc c'est une mesure de bon sens.

THOMAS CAZENAVE
Non mais c'est une mesure qui protège l'inflation. Donc les prestations sociales seront indexées, les pensions de retraite sont indexées et les salariés protégés. Donc c'est l'équivalent, je le redis quand même, cet effort-là de 25 milliards d'euros. C'est un véritable bouclier inflation. Donc on a conscience, tous les jours, que cette question est prioritaire. C'est la raison pour laquelle on a un travail avec les industriels qui a été lancée par Bruno LE MAIRE et Olivia GRÉGOIRE, qu'on a ce travail avec les distributeurs de carburant, donc un travail tous les jours à Bercy. Nous regardons ces sujets de près pour apporter des réponses aux Français.

AGATHE LAMBRET
Mais juste là, on parle de Français qui sautent des repas. La consommation alimentaire a diminué de 10 % selon l'INSEE en dix ans. 10 % c'est énorme. Est-ce que le risque ce n'est pas de paraître un peu déconnecté dans le contexte ? Est-ce que vous parlez suffisamment à ces Français-là, à ces classes populaires ? Gérald DARMANIN qui est ministre de votre Gouvernement a l'air d'en douter.

THOMAS CAZENAVE
Je vais vous dire, on a tous un ancrage local. J'habite Bordeaux, je suis au contact des Français, des Bordelais tous les week-ends quand je fais mon marché. Donc, moi, je me sens pas du tout déconnecté à la réalité. Je connais la réalité qui est difficile pour certains d'entre nous. Et quand je vous dis que nous réagissons d'une part parce qu'on va indexer toutes les prestations, les pensions de retraites sur l'inflation pour protéger les Français, c'est une réponse. Quant à Bercy, il n'y a pas une journée où il n'y a pas une réunion avec des industriels, avec des distributeurs de carburant, avec des pétroliers pour traiter le problème à la racine c'est-à-dire maîtriser l'augmentation des prix ; et nous allons tout faire pour faire baisser l'inflation. D'ailleurs on prévoit en 2024 une inflation à 2,6 %. Donc c'est notre priorité : réduire l'inflation dans le pays.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Tout ça dans un contexte où vous annoncez – vous en parlez au début de cette interview – un budget plus écologique, plus vert. Vous mettez sur la table 7 milliards d'euros pour la transition écologique. Si je reviens sur le rapport de l'économiste Jean PISANI-FERRY, lui proposait 66 milliards. Est-ce qu'on est un peu loin du compte ?

THOMAS CAZENAVE
Alors, on a deux dettes. On a parlé de notre dette financière : 3 000 milliards d'euros, il faut absolument qu'on réduise notre déficit public parce qu'on n'a plus de marge de manœuvre y compris pour faire la transition écologique. Et pourquoi il faut la faire ? Parce que la deuxième dette, c'est la dette écologique. Il ne faut pas opposer ces deux dettes. Je considère que le monde a changé, je ne peux pas encore investir beaucoup plus massivement. Je vais y venir, je ne peux pas me comporter comme un ministre du budget d'il y a 20 ou 30 ans qui ne regarderait que la dette financière. On a aussi la dette écologique et c'est le budget le plus vert de notre histoire : 7 milliards d'euros de plus pour l'État. Mais vous oubliez l'investissement des collectivités territoriales : 70 % de l'investissement public, près de 15 milliards d'euros d'investissements que nous allons mobiliser. Nous travaillons avec les collectivités territoriales autour de la planification écologique. Ne réduisons pas les investissements climats évoqués notamment par le rapport de Jean PISANI-FERRY et Selma MAHFOUZ au seul budget de l'État.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Donnez-nous quelques exemples très concrets alors sur ce budget vert de 7 milliards ; c'est quoi ?

THOMAS CAZENAVE
Par exemple, on va booster la prime Rénov' ; permettre aux Français d'isoler leur logement. On va mettre près d'un milliard d'euros supplémentaires sur le sujet. On va permettre de financer avec les collectivités territoriales la rénovation de 40 000 écoles dans notre pays. Et je trouve que c'est un magnifique chantier. C'est à la fois réduire les émissions climatiques, mettre nos enfants et nos enseignants à l'abri y compris des très grosses chaleurs comme on l'a vu.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Ça, c'est combien dans le budget par exemple ?

THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, c'est plus de 500 millions d'euros que l'on met dans le cadre du budget vert. Le budget vert c'est comment l'État accompagne les collectivités territoriales ? 2 milliards et demi pour adapter nos villes au réchauffement climatique. Et nous avons aussi une ligne très importante : accompagner les agriculteurs dans la nouvelle donne climatique, la réindustrialisation du pays. Donc vous voyez, le budget a pour priorité la transition écologique. On l'assume ; nous sommes attendus sur ce sujet-là et c'est conforme aussi à toute la stratégie de planification écologique qui est la nôtre.

AGATHE LAMBRET
Vous disiez tout à l'heure qu'il n'y avait pas de hausse d'impôts pourtant vous augmentez bien des taxes. Vous voulez doubler notamment la part prise en charge par les patients en cas d'achat de médicaments ou d'actes paramédicaux dans le budget de la Sécurité sociale. Est-ce que vous assumez cette mesure ?

THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, les dépenses de produits de santé sont extrêmement dynamiques. Vous savez, les dépenses de médicaments c'est 35 milliards et aussi on constate…

AGATHE LAMBRET
Dynamique, ça veut dire qu'on dépense beaucoup.

THOMAS CAZENAVE
Ça dépense beaucoup, ça prescrit beaucoup, ça consomme beaucoup de médicaments.

AGATHE LAMBRET
Mais les généralistes disent qu'il n'y a pas d'abus des Français.

THOMAS CAZENAVE
Les généralistes, on constate aussi que parfois, il y a de la surprescription. La Haute autorité de santé le constate aussi. Donc notre sujet c'est qu'il y a des malades qui ont absolument besoin d'accéder aux produits de santé. Et cela, il n'y aura aucun changement pour eux parce qu'il y a aujourd'hui un plafonnement de 50 euros par an ; il ne bougera pas. Qu'on ait une réflexion aujourd'hui en disant "comment est-ce qu'on réduit des prescriptions de médicaments qui ne sont pas toujours très utiles ?" Chacune et chacun d'entre nous constate que dans sa boîte à pharmacie, il y a parfois beaucoup de médicaments.

JEAN-RÉMI BAUDOT
C'est des médicaments de confort ; les Français prennent trop de médicaments par confort ?

THOMAS CAZENAVE
Je dis que dans l'acte de prescription, y compris avec les médecins, dans les réflexes des Français, on a un usage extrêmement important des médicaments. Mais je vous invite à regarder chez vous ; on a tous beaucoup de médicaments. Donc il faut regarder la prescription, il faut regarder aussi la prescription à l'immunité donc c'est un travail…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Les conditionnements notamment.

THOMAS CAZENAVE
Les conditionnements absolument. Donc on pourrait quand même convenir tous ensemble qu'il y a un peu de gaspillage sur ce sujet. On pourrait faire des économies. Donc c'est l'idée de comment est-ce qu'on fait quelques économies parce que quand même, le budget de la Sécurité sociale, il faut aussi qu'on le maîtrise. On est attaché à notre modèle. Et pour faire de même, il faut quand même se dire : est-ce qu'on peut réguler nos dépenses de santé pour garantir et pérenniser notre modèle ?

AGATHE LAMBRET
Mais donc, il y a une hausse des taxes sur les médicaments ; en revanche, pas touche à l'alcool. Vous vous êtes battu pour qu'il ne soit pas taxé davantage. Donc les médicaments oui, mais l'alcool non ?

THOMAS CAZENAVE
Moi, je vais vous dire, ma conviction c'est qu'il ne faut pas penser dans notre pays que dès qu'on a un problème, on va résoudre ce problème par une taxe. Sincèrement si on pense qu'on va résoudre les problèmes (qui est un vrai problème) d'alcoolisme dans le pays parce qu'on va augmenter de quelques euros ou quelques centimes d'euros le prix par exemple d'une bouteille de vin, honnêtement ce serait un mensonge.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Mais là, vous parlez en tant que ministre ou en tant qu'élu de Bordeaux ?

THOMAS CAZENAVE
Ce que je veux vous dire par là c'est que oui, il faut des campagnes de lutte contre l'alcoolisme. Mais ne laissez pas penser aux gens que parce qu'on va augmenter une taxe, on va réduire l'alcoolisme. L'alcoolisme est un sujet sérieux, c'est un sujet de campagne, d'information, de prévention. Et moi, je peux vous dire comme élu de Bordeaux, en effet, que quand vous arrachez 10 000 hectares de vignes dans le Bordelais, nous avons un secteur viti-vinicole en crise dans notre pays. Voilà, donc attention, la lutte contre l'alcoolisme, ce n'est pas nécessairement une taxe. La fiscalité ne peut pas tout dans notre pays ; j'aimerais bien arriver aussi à passer cette conviction.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Vous promettez donc il n'y aura pas de hausse d'impôts. Il y avait néanmoins des baisses d'impôts promises notamment par Emmanuel MACRON qui avait promis 2 milliards pour les classes moyennes. Elle est remisée ? On la verra, on ne la verra pas cette baisse ?

THOMAS CAZENAVE
L'engagement sera tenu.

JEAN-RÉMI BAUDOT
À quelle échéance ?

THOMAS CAZENAVE
L'engagement sera tenu ; on y travaille pour 2025 avec une ambition : nous souhaitons soutenir les classes moyennes, celles et ceux qui travaillent. Et donc on a maintenant devant nous quelques mois de travail pour lui donner une forme qui viendra en …

JEAN-RÉMI BAUDOT
Ce sera quel genre de forme enfin ?

THOMAS CAZENAVE
On peut travailler… Tout est ouvert. D'ailleurs, c'est un dialogue qu'on a avec l'ensemble des parlementaires par exemple.

JEAN-RÉMI BAUDOT
On sent que ce n'est pas mûr encore.

THOMAS CAZENAVE
Non mais ce n'est pas pour ce budget. Si c'était pour ce budget, je serais plus précis. Pourquoi ? Parce que c'est ouvert. On en discute avec les parlementaires : quelle forme ça peut prendre ? Est-ce qu'on travaille sur le barème par exemple de l'impôt sur le revenu dont on a parlé. Vous savez qu'on avait déjà baissé les premières tranches de l'impôt sur le revenu au début de la dernière mandature : moins 25 milliards d'ailleurs de…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Le droit de succession, ça pourrait être envisagé ?

THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, ce n'est pas sur la table, mais la question c'est qu'en 2025, pour le budget 2025, tout est sur la table.

AGATHE LAMBRET
Toujours avec Thomas CAZENAVE, ministre délégué chargé des Comptes publics. Vous voulez aussi taxer les autoroutes, mais les autoroutes ça n'a rien à voir avec les énergéticiens qui ont bénéficié d'un effet d'aubaine avec la guerre en Ukraine. Est-ce qu'on peut vraiment parler de surprofits des autoroutes ?

THOMAS CAZENAVE
Notre stratégie, je vous le disais, c'est le budget historiquement le plus vert. Avec 7 milliards d'euros, il y a aussi un verdissement de notre fiscalité. Et la réflexion qui est la nôtre, c'est comment on met à contribution les gestionnaires de grandes infrastructures de transport au service du financement du ferroviaire, au service du financement de la décarbonation de nos modes de transport. Donc c'est cohérent avec notre stratégie en matière de planification écologique.

AGATHE LAMBRET
Vous parlez de transport au pluriel parce que le Conseil d'État vous a mis en garde. Une taxe sur les autoroutes seules n'est pas possible, il faudrait taxer d'autres concessions. Concrètement vous allez taxer les aéroports, lesquels ?

THOMAS CAZENAVE
La réflexion, ce n'est effectivement pas uniquement les concessionnaires d'autoroutes, ce sont les grandes infrastructures de transport dans laquelle nous pourrions inclure, en effet, les aéroports.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Ce budget, il va bien falloir l'adopter. Vous avez encore un espoir de convaincre certains partenaires politiques, la droite, Les Républicains, ou est-ce qu'un 49.3 est inévitable ?

THOMAS CAZENAVE
Ma priorité comme ministre des Comptes publics, c'est que nous soyons dotés d'un budget avant la fin de l'année.

JEAN-RÉMI BAUDOT
En fait, on a besoin d'un budget.

THOMAS CAZENAVE
On a besoin. J'insiste là-dessus parce que, on y reviendra sur le 49.3, mais notre pays a besoin avant la fin de l'année d'un budget. Sinon pas de financement de nos hôpitaux, de nos agents publics, un pays à l'arrêt, donc on doit avoir un budget. Je pense que les Français ne comprendraient pas qu'on laisse le pays sans budget. Est-ce qu'ils peuvent comprendre que des groupes d'opposition ne votent pas le budget parce qu'ils sont dans l'opposition ? Peut-être. En revanche, vraiment moi ce que je rappelle ici, c'est que le 49.3 il a été utilisé – il a été, pardon – pensé justement pour éviter de se trouver dans une situation où nous n'aurions pas de budget, pas de capacité à financer nos services publics, pas de capacité à financer nos agents publics.

JEAN-RÉMI BAUDOT
… 49.3, potentielle motion de censure et donc risque de faire tomber le gouvernement. C'est la menace de la droite.

THOMAS CAZENAVE
Mais ce que je voulais vous dire, c'est que même si on n'arrive pas à trouver un accord sur le budget, nous discutons de manière extrêmement rapprochée avec tous les groupes, y compris les groupes d'opposition. J'ai réuni la semaine dernière à Bercy, dans le cadre des dialogues de Bercy, tous les groupes de l'opposition et de la majorité. Assemblée, Sénat. On a convenu de se revoir la semaine prochaine sur des objets très concrets : financement de la transition écologique, les économies, le logement.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Vous pourriez avoir le soutien des Verts par exemple.

THOMAS CAZENAVE
On pourrait. Moi ce que je souhaite avec l'ensemble des forces politiques, c'est à défaut de se mettre d'accord sur le budget de manière générale – et c'est à eux de nous dire s'ils veulent franchir le pas de voter un budget – est-ce qu'on peut néanmoins se mettre d'accord sur quelques sujets ? Lutte contre la fraude, j'ai entendu des groupes d'opposition me parler lutte contre la fraude ; d'autres me parler économie dans le champ de l'État, des collectivités ; d'autres sur le financement de la transition écologique. Ce que je souhaiterais, et je pense que les Français l'attendent, c'est qu'au-delà de nos divergences on puisse, sur quelques sujets, travailler ensemble et c'est tout le travail que nous continuons à faire. Je continue à le faire en recevant les parlementaires pour travailler sur des solutions concrètes au service des Français et qui nous permettent de dépasser sur quelques sujets.

AGATHE LAMBRET
Mais juste d'un mot, vous prenez au sérieux la menace d'une motion de censure de la part des Républicains ?

THOMAS CAZENAVE
Honnêtement, la motion de censure ça leur appartient. Moi mon objectif, j'explique aux Français que mon objectif c'est qu'on ait un budget avant la fin de l'année. Donc 1/ faut-il utiliser le 49.3 si on n'a pas de majorité, oui c'est prévu pour ça un budget. Après, il appartiendra aux Républicains et aux autres groupes politiques de décider ou pas de se joindre à une éventuelle motion de censure. Moi je suis concentré sur notre projet, l'explication de notre projet et le dialogue avec l'ensemble des forces politiques.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Thomas CAZENAVE, 7 000 migrants ont débarqué sur l'île italienne de Lampedusa mercredi, c'est l'équivalent de la population locale. Gérald DARMANIN a convoqué une réunion de crise aujourd'hui. Est-ce que la France doit accueillir une partie de ces migrants ?

THOMAS CAZENAVE
Vous savez, c'est un sujet très difficile y compris humainement quand vous voyez les images à Lampedusa. On a un cadre européen qui doit s'appliquer et en fait, la question de la gestion de nos frontières, la gestion de l'accueil des migrants est déjà prévue par nos accords européens. Il faut une solidarité européenne parce que c'est comme ça qu'on arrivera d'abord à mieux contrôler nos frontières et à mieux gérer la politique migratoire.

AGATHE LAMBRET
Le sujet est inflammable en tout cas en France. Ça fait plus d'un an d'ailleurs qu'on attend la loi immigration du gouvernement. Des élus de la majorité et de la Nupes réclament dans une tribune commune la régularisation des travailleurs sans-papiers qui menace de disparaître du texte. Si vous étiez encore député, est-ce que vous auriez signé cette tribune ?

THOMAS CAZENAVE
Alors je ne suis plus député, je suis ministre je suis ministre des Comptes publics.

AGATHE LAMBRET
Mais vous pouvez avoir un avis.

THOMAS CAZENAVE
Moi je crois qu'il y a deux sujets qu'il faut regarder en face. Le premier, c'est est-ce qu'il faut ramener plus vite à l'extérieur de nos frontières ceux qui le doivent. Et donc, oui il faut de la fermeté, oui la question de l'immigration c'est un sujet. Mais il faut aussi permettre à ceux qui travaillent aujourd'hui dans nos entreprises, parfaitement intégrés, qui participent à notre vie économique dans des secteurs en tension où justement les chefs d'entreprise peinent à recruter, pour notre vie sociale leur permettre aussi de rester. Et moi je tiens – et c'est le projet du gouvernement qui a déjà été expliqué – aux deux jambes. Aux deux jambes. Cette tribune, elle dit une chose, elle dit "n'oublions pas la jambe métiers en tension, régularisation", moi je tiens aux deux jambes. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est les deux.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Votre collègue à Bercy, Roland LESCURE, lui se montre très volontariste sur cette idée. Vous êtes à l'aise justement avec cette idée des régularisations.

THOMAS CAZENAVE
Moi je suis très à l'aise, pourquoi ? Parce que quand vous discutez avec des chefs d'entreprise qui vous expliquent leurs difficultés, mais aussi quand vous êtes parlementaire, vous recevez en permanence des situations individuelles de personnes qui sont là sur notre territoire depuis de très nombreuses années, qui travaillent, qui sont parfaitement intégrées, qui contribuent à la vie de notre pays. Combien de députés ont sollicité leur préfet pour demander des régularisations…

JEAN-RÉMI BAUDOT
Donc il y a une forme de déni de la part notamment de la droite ?

THOMAS CAZENAVE
Non. Moi je pense que ce sujet, il mérite qu'on le regarde de manière à la fois objective et concrètes. La réalité, c'est que les députés de tous bords à un moment sont intervenus auprès de leur préfet parce qu'ils étaient saisis eux-mêmes d'une situation individuelle, parce que notre pays en a besoin, parce que dans nos restaurants, parce que sur nos chantiers, parce que dans nos entreprises on a cette situation-là. Et moi, je pense qu'on en a besoin. Mais on a besoin des deux.

AGATHE LAMBRET
Est-ce que ce sujet mérite aussi un référendum quand on voit les questions que pose l'immigration en France ?

THOMAS CAZENAVE
Le problème des référendums, c'est toujours comment vous posez la question. Vous voyez bien qu'en plus, on est sur un sujet complexe. Il y a deux volets dans la question migratoire. On ne peut pas réduire l'immigration, je crois, à une seule question. On le voit avec la nécessité notamment de traiter les deux aspects.

JEAN-RÉMI BAUDOT
Merci beaucoup Thomas CAZENAVE d'avoir répondu à nos questions, Ministre délégué chargé des Comptes publics.

THOMAS CAZENAVE
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 septembre 2023