Interview de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à France Info le 26 septembre 2023, sur la vente des carburants à prix coûtant et la planification écologique.

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Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Christophe BÉCHU.

CHRISTOPHE BÉCHU
Bonjour Salhia BRAKHLIA.

SALHIA BRAKHLIA
Vous étiez aux côtés d'Emmanuel MACRON hier lors du conseil de planification écologique, on va en parler en détail dans un instant, mais d'abord la Première ministre réunit distributeurs et raffineurs cet après-midi pour leur demander de vendre les carburants à prix coûtant, ils ont déjà dit non pour la vente à perte, que se passera-t-il s'ils vous disent non une nouvelle fois pour le prix coûtant ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Je n'ai aucun doute sur le fait qu'ils ne seront pas dans cette posture. Une partie d'entre eux ces dernières semaines, comme d'ailleurs certains distributeurs, ont expliqué que s'ils ne pouvaient pas baisser les prix, s'ils ne pouvait pas faire d'effort, c'était parfois en raison de textes, du fait qu'ils étaient obligés d'avoir des temps de négociation qui étaient longs, qu'il y avait des dates qui étaient impératives, qu'il y avait des textes qui les corsetaient, donc à partir de ce moment-là je n'ai aucun doute sur le fait qu'ils souhaitent, comme nous, faire en sorte de limiter l'inflation sur les Français.

SALHIA BRAKHLIA
Vous leur demandez de vendre à prix coûtant pendant combien de temps ?

CHRISTOPHE BÉCHU
On leur demande de faire un effort qui soit évidemment le plus long et le plus adapté possible. Il faut bien comprendre deux choses. On est à la fois dans une volonté de sortir des énergies fossiles et donc l'idée qu'on utiliserait massivement de l'argent public pour aller soutenir le pétrole elle va à l'encontre de la transition écologique, mais dans le même temps c'est une transition, donc on a aujourd'hui des gens qui dépendent de leur voiture, en particulier ceux qui se retrouvent à faire beaucoup de kilomètres parce qu'ils habitent loin de leur travail, ou ceux qui ont besoin de leur voiture parce qu'il n'y a pas encore les alternatives existantes, et donc, pour ceux-là, on considère qu'il est juste qu'il y ait aussi un effort qui soit fait par ceux qui ne se sont pas oubliés quand les prix ont augmenté et qui ont aussi profité de cette inflation, il faut dire les choses.

SALHIA BRAKHLIA
Vous parlez des raffineurs aussi, puisqu'Emmanuel MACRON a dit on va regarder les marges des raffineurs, sauf qu'en fait il n'y a pas besoin de les regarder, on est tous au courant, elles ont été multipliées par presque 5 ces derniers mois, la marge était autour de 25 euros la tonne, aujourd'hui c'est autour de 122, est-ce qu'il est question de les taxer ces marges ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Il n'y a pas de tabou. Il ne vous a pas échappé qu'on a précisément été chercher les surprofits des énergéticiens pour faire en sorte de financer une partie du bouclier tarifaire, le sujet c'est bien que ce soit toute la chaîne de valeur qui soit " mise " à contribution pour qu'on puisse avoir des prix qui permettent de conjuguer la nécessité de ne pas utiliser de l'argent public pour soutenir le fossile et dans le même temps de tenir compte de cette…

SALHIA BRAKHLIA
Donc une taxe sur les marges.

CHRISTOPHE BÉCHU
Non. Ce que nous disons, ce que le président de la République a exprimé, ce que la Première ministre va dire à tout le monde, c'est tout le monde doit faire un effort et vous ne pouvez pas seulement vous contenter d'aller commenter les choses ou d'expliquer que ce serait de la faute du gouvernement, c'est ni vrai et c'est beaucoup trop facile.

JÉRÔME CHAPUIS
Et quand vous dites, Christophe BÉCHU, qu'on ne peut pas subventionner massivement les énergies fossiles, ça aboutit à ce que certains considèrent comme des demi-mesures, 100 euros par véhicule et par an pour les travailleurs les plus modestes, la prime carburant, c'est trop ou trop peu ?

CHRISTOPHE BÉCHU
On aura ce débat à l'infini Monsieur CHAPUIS, et je l'entends parfaitement. Ce que je dis c'est que de ne pas avoir une ristourne qui profite à tout le monde, y compris à ceux qui n'en n'ont pas besoin…

JÉRÔME CHAPUIS
C'est un plein par an.

CHRISTOPHE BÉCHU
Mais… encore une fois, les choses elles sont très simples, quand on débat ou quand on discute de manière théorique, il y a derrière des femmes et des hommes qui ont, pour certains, absolument besoin de leur voiture, on ne peut pas utiliser les ressources collectives des Français pour financer, pour entretenir notre dépendance au pétrole, il faut qu'on investisse cet argent pour développer des alternatives, pour pousser à l'électrification, pour soutenir les pompes à chaleur, pour faire en sorte qu'on ait des alternatives qui nous permettent de lutter contre le dérèglement climatique, et en même temps on assume le fait que l'obsession de la fin du monde et de la manière de se mobiliser contre, elle ne doit pas nous conduire à ignorer les fins de mois qui peuvent être compliquées, c'est le chemin d'une transition solidaire, ce sera toujours trop pour certains, trop peu pour d'autres, quand vous êtes en responsabilité vous ne pouvez pas vous réfugier derrière des "y a qu'à", des "faut qu'on" ou des fausses radicalité.

SALHIA BRAKHLIA
Christophe BÉCHU, Emmanuel MACRON a présenté sa planification hier pour atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050, sauf que l'Agence internationale de l'énergie dit ce matin qu'il faut que les pays riches avancent leurs objectifs à 2045. Ça veut dire quoi, ça veut dire qu'en fait votre plan il est déjà has been, il est déjà dépassé ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Notre plan il est surtout extrêmement précis pour les années qui nous séparent de 2030, et je vais vous dire, c'est bien, parce que ceux qui prennent des engagements pour dire qu'ils seront au top en 2049, mais qui ne vous expliquent pas comment ils vont y arriver, ceux-là il y a peu de chances qu'on soit capable de les suivre. On est le premier pays au monde qui documente la manière dont en 2030 on sera à 55% de baisse, donc on discutera de 2045 quand déjà on aura atteint nos objectifs de 2030. Il n'y a pas un pays au monde, à la minute où on se parle là, qui ait trouvé la martingale complète pour être dans le bon rythme de baisse des émissions. Ce qu'on essaye, ce qu'on a mis en place, ce que nous sommes le premier pays à faire, c'est une planification systématique qui explique où sont les endroits où nous allons faire collectivement des efforts pour baisser nos émissions.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais sur cette injonction ou ce conseil de l'AIE ce matin, avancer de 5 ans les objectifs qui étaient prévus pour 2050 à 2045 pour les pays riches, est-ce que la France dit oui ?

CHRISTOPHE BÉCHU
La France elle va, à l'échelle européenne, à la fois regarder la position de l'AIE et arrêter une position commune, c'est ce que nous faisons depuis le début, la fin de la vente des voitures thermiques c'est en européens qu'on l'a décidée, la mise en place du pacte vert européen, qui est cet ensemble de 75 mesures pour accélérer de manière collective, on l'a fait ensemble. L'Europe elle est, aujourd'hui, le continent où les émissions ont le plus baissé, 30 % depuis 1990, dans le même temps les émissions elles ont baissé de 10 % aux États-Unis, donc nous pays développés, européens, nous ne sommes pas à la traîne par rapport aux autres, et pour autant il faut quand même qu'on accélère pour tenir nos engagements.

SALHIA BRAKHLIA
Eh bien rentrons dans le concret si vous le voulez bien Monsieur le Ministre, on en vient à parler des chaudières à gaz, pas d'interdiction dit Emmanuel MACRON, mais une volonté de développer les installations de pompes à chaleur "made in France". Pour ceux qui souhaitent y avoir accès, ils auront droit à une aide, parce que ça coûte cher en fait les pompes à chaleur, entre 5 et 30.000 euros ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Effectivement en fonction de la taille, du volume, de ce que vous avez à chauffer. Le sujet il est très simple, faire en sorte de lutter contre le dérèglement climatique c'est d'abord sortir des énergies fossiles, et donc on a deux sujets, il ne faut plus de chaudières fioul et il faut beaucoup moins de chaudières gaz, mais le problème c'est qu'effectivement une pompe à chaleur ça coûte plus cher, donc qu'est-ce qu'on fait ?

SALHIA BRAKHLIA
Alors on fait comment ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Un, on dit avant toute autre chose il faut qu'on aide nos industriels à construire un maximum de pompes à chaleur pour pas qu'on se retrouve demain à aller subventionner des pompes à chaleur polonaises, ce sont eux qui sont les plus forts sur les pompes à chaleur, ou chinoises, de manière massive, donc on refuse une interdiction qui poserait des difficultés, on préfère un double mouvement, une écologique qui soit bonne pour l'économie, donc un soutien à une filière pour qu'on puisse produire jusqu'à 1 million de pompes à chaleur par an, et en même temps…

SALHIA BRAKHLIA
Pour les consommateurs ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Une augmentation des moyens consacrés à MaPrimeRénov' pour que le reste à charge sur une pompe à chaleur soit comparable à celui d'une chaudière gaz, notamment pour les plus modestes.

JÉRÔME CHAPUIS
La question du rythme est très importante, une spécialiste nous disait ce matin sur France Info "1 million par an c'est bien, mais il y a 30 millions de logements à équiper, il faudrait 30 ans", alors que là on parle d'un plan sur 7 ans.

CHRISTOPHE BÉCHU
Ce n'est pas tout à fait exact. Il y a 11 millions de ménages qui se chauffent avec des chaudières gaz…

JÉRÔME CHAPUIS
Donc l'objectif c'est les chaudières gaz, c'est les 11 millions ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Pour être précis, ce sont les un peu moins de 3 millions de chaudières fioul et 11 millions de chaudières gaz sur lesquelles, là, on a à faire des efforts, et on considère que si dans 7 ans on a la quasi-totalité des chaudières fioul et plus de la moitié des chaudières gaz qui ont déjà été remplacées, on sera au rendez-vous des -55%, et ensuite on aura jusqu'en 2045 ou 2050 pour être capable de…

SALHIA BRAKHLIA
Mais ça, est-ce que c'est valable pour les territoires ruraux ? nombre d'habitants dans les territoires disent en fait "non, la pompe à chaleur ce n'est pas possible chez nous, nos maisons sont trop grandes et elles sont mal isolées", donc en fait ce n'est pas la solution.

CHRISTOPHE BÉCHU
Plusieurs choses. D'abord, il n'y a pas une solution unique, ce que je veux vous dire c'est qu'on est aussi en train de regarder comment développer la géothermie, qui dans tous les pays du nord de l'Europe, et en particulier en Hollande, je parle d'une géothermie de surface, peu profonde, est en train d'équiper massivement la plupart des logements et c'est une source d'énergie qu'on a partout et sur laquelle on est en train de faire des progrès, et donc en parallèle si on dit on n'interdit pas c'est bien parce qu'il y a une diversité géographique, et de situations, et qu'une décision d'interdiction elle est facile à expliquer à Paris, ou à prendre à Paris, mais elle ne correspond pas à la réalité des territoires. On assume cette écologie d'incitations et qui se soucie à la fois des conséquences économiques et sociales.

JÉRÔME CHAPUIS
Encore beaucoup de questions à vous poser Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, on vous retrouve juste après le Fil info.

(…)

JÉRÔME CHAPUIS
Toujours avec Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Au cœur du projet, dit le président, il y a l'électricité dans cette planification écologique, il promet de reprendre le contrôle du prix sur notre électricité, ça mérite explication, on n'a pas très bien compris comment ça allait se passer, Christophe BÉCHU.

CHRISTOPHE BÉCHU
Il ne vous a pas échappé qu'on a connu des explosions sur les prix de l'énergie à cause de la guerre en Ukraine, à cause du fait qu'on a décidé d'arrêter d'acheter du gaz et du pétrole aux Russes, et parce que dans le même temps, on s'est retrouvé avec des quantités de travaux sur nos centrales nucléaires, et on s'est retrouvé avec une sécheresse qui a diminué notre production hydro-électrique. On n'est plus aujourd'hui dans cette situation, EDF a, en grande partie, repris la main, il y aura donc au mois d'octobre un temps entre le gouvernement et cette entreprise qui – je vous le rappelle – a été renationalisée par le gouvernement au cours de ces derniers mois, pour qu'on définisse un prix qui permette à l'ensemble des acteurs de se projeter, à la fois en termes de business plan, et en termes de vision, en annonçant ce que doit être le prix de l'électricité, et c'est une donnée cruciale pour la transition écologique.

SALHIA BRAKHLIA
Reprendre le contrôle, ça veut dire baisser les prix pour les consommateurs ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Ça veut dire donner de la visibilité à l'ensemble des acteurs y compris économiques.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais le prix aujourd'hui, il dépend en un marché européen, c'est-à-dire qu'on sort du marché européen.

CHRISTOPHE BÉCHU
Ça veut dire que le président de la République, le gouvernement, ils auront l'occasion de préciser la manière dont on va reprendre ce contrôle…

JÉRÔME CHAPUIS
Mais reprendre le contrôle, pardon, mais ça fait référence au Brexit, parce que c'est exactement le slogan des Brexiteurs, ça veut dire qu'on sort des engagements européens qu'on a sur ce marché de l'électricité ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Non, ça veut dire que nous assumons le fait que, à partir du moment où nous redevenons exportateurs d'énergies, nous avons des moyens de fixer un prix en France, à la fois, avec une modification des règles européennes, et en utilisant le fait que l'opérateur EDF est un opérateur national.

SALHIA BRAKHLIA
Sauf que l'opérateur EDF a 63 milliards de dettes, alors, on fait comment ?

CHRISTOPHE BÉCHU
C'est vrai, c'est vrai, mais cette réalité ne l'empêche pas aujourd'hui ni de produire ni d'avoir des projets. Il faut regarder la hauteur de la dette par rapport, à la fois, à la hauteur du chiffre d'affaires et par rapport aux perspectives qui sont devant nous.

JÉRÔME CHAPUIS
Le charbon, le président de la République a annoncé la sortie du charbon, c'est-à-dire la fermeture des deux centrales, des deux dernières centrales électriques qui fonctionnent au charbon d'ici 2027, le problème, c'est qu'en 2017, déjà, il faisait cette promesse pour 2022, comment est-ce qu'on est sûr sur que cette fois-ci, la promesse sera tenue ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Il ne vous a pas échappé qu'une des raisons pour lesquelles ces centrales fonctionnent encore aujourd'hui, c'est précisément la guerre en Ukraine.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais il peut y avoir d'autres aléas à d'ici 2027.

CHRISTOPHE BÉCHU
Oui, sauf que là, la manière dont on le dit, et le temps qu'on se donne font que cette promesse, elle sera tenue, et c'est un engagement ferme, et l'engagement du président de la République, c'est même qu'on aille plus vite, 2027, c'est la date ultime, le sujet, c'est comment sur Cordemais et sur Saint-Avold, on transforme ces centrales…

JÉRÔME CHAPUIS
En Moselle et…

CHRISTOPHE BÉCHU
Pour faire en sorte qu'elles soient effectivement éligibles à de la biomasse.

SALHIA BRAKHLIA
Donc ce sera sûr. Emmanuel MACRON a aussi annoncé un inventaire des ressources minières sur notre territoire, le cobalt, le lithium et l'hydrogène naturel, ça veut dire que vous n'excluez pas le cas échéant d'ouvrir des mines ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Ça veut dire qu'on aura besoin, dans un certain nombre de cas, par exemple, de pouvoir bénéficier de lithium, quel sens ça aurait de construire une transition écologique dans laquelle on se retrouverait à devoir importer de manière massive des produits qui viennent du bout du monde, dans des avions ou dans des bateaux qui sont chargés en kérosène, c'est-à-dire avec une empreinte carbone qui serait particulièrement lourde ; il faut aussi qu'on pense à rapatrier une partie de notre production, et donc à produire ici, c'est tout ça qu'il faut refaire, réindustrialiser le pays, c'est une façon de s'inscrire dans une écologie concrète, bonne pour les emplois, mais bonne pour la planète aussi…

SALHIA BRAKHLIA
Rouvrir des mines avec tout ce que ça comporte…

JÉRÔME CHAPUIS
Eh bien, oui, le lithium, vous en parlez, il y en a en Lozère, ça veut dire qu'on ouvre une mine de lithium en Lozère, par exemple ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Il faut de la cohérence, on ne peut pas à la fois expliquer qu'on a besoin de lithium pour faire tourner des batteries électriques, et de l'autre, dire : moi je veux bien du lithium à condition qu'il vienne de Chine, qu'il vienne d'Afrique et qu'il ne soit pas près de chez nous. Pour être clair, on a, à la fois, des normes, des suivis, des process pour faire en sorte qu'on ait un respect de l'environnement, comme ça se passe donc quasiment aucun autre pays du monde, mais n'allons pas faire croire qu'il y a des solutions simplistes, vous savez, tout ce qu'on est en train de se dire…

SALHIA BRAKHLIA
Donc vous dites aux riverains qui pourraient être proches de mines, eh bien, voilà, ce n'est pas grave, on doit produire en France…

CHRISTOPHE BÉCHU
Non, ce que je dis, ce que je dis, c'est que tout ça, il y a besoin d'explications, parce qu'on est en train de prendre un cap nouveau, et cette explication, ça va être le sens du tour de France que je commence jeudi, pour aller à la fois la rencontre des élus et à la rencontre des Français, et pour montrer, pour présenter la complexité qu'il peut y avoir parfois à faire en sorte de tenir compte de l'ensemble de ces impératifs, et en même temps, pour répondre aux questions, pour être engueulé, si ça doit être le cas, pour défendre ce que nous faisons, pour l'expliquer et pour emmener tout le monde, parce que la transition écologique, ce n'est pas seulement une affaire de spécialistes, si on n'embarque pas toute la population, on n'y arrivera pas.

SALHIA BRAKHLIA
Alors, justement, l'une des clés de la planification écologique, c'est la réussite de la rénovation énergétique des bâtiments, des logements, et en ce sens, le budget de MaPrimeRénov', donc que vous avez évoqué tout à l'heure, va passer de 2,4 à 4 milliards l'an prochain, insuffisant, dit l'écologiste Yannick JADOT, qui était à votre place hier.

YANNICK JADOT, DEPUTE EUROPEEN EUROPE ECOLOGIE-LES VERTS
Tous les experts disent que MaPrimeRénov'…

JÉRÔME CHAPUIS
Qu'est-ce qu'on peut faire de plus alors ?

YANNICK JADOT
C'est une catastrophe, vous savez qu'on a un tiers, 40 % des Français qui ont froid l'hiver, dans les quartiers populaires…

SALHIA BRAKHLIA
Donc 4 milliards, c'est insuffisant ?

YANNICK JADOT
La chaleur l'été, c'est 70 % des logements. Il faut mettre, et c'est tout ce que les experts disent, au moins 10 milliards par an sur le logement.

SALHIA BRAKHLIA
Il faut mettre dix milliards d'euros par an, on en est à 4, là, on en est loin ?

CHRISTOPHE BÉCHU
On n'en est pas tout à fait à 4, en fait, on est déjà à 5, parce que, indépendamment de MaPrimeRénov'…

SALHIA BRAKHLIA
Bon, on est à moitié moins…

CHRISTOPHE BÉCHU
Il y a des CEE, mais il n'y a pas que ça. Vous avez à côté l'argent qu'on met sur les logements sociaux, et l'argent qu'on met sur les bâtiments publics, c'est tellement facile d'aller dire "y a qu'à", "faut que", d'abord, il faut des bras, il faut qu'on soit capable de massifier, et après, j'aimerais juste revenir à la fois sur ce qu'on a fait et sur ce qu'on va faire, 2017, quand les écologistes étaient en responsabilité, 70.000 rénovations de logements, l'année dernière, 700.000, on a multiplié ce chiffre par 10…

SALHIA BRAKHLIA
Mais pas des rénovations globales…

CHRISTOPHE BÉCHU
Prochaine étape…

SALHIA BRAKHLIA
C'est la critique de la Cour des comptes…

CHRISTOPHE BÉCHU
Vous avez raison, sur les 70.000…

SALHIA BRAKHLIA
C'est de l'argent dispatché…

CHRISTOPHE BÉCHU
On n'en a que 10% qui sont globales. Tout l'enjeu, et ça, c'est l'année prochaine, c'est la réforme de MaPrimeRénov', avec deux piliers, un pilier performance, un pilier efficacité, une modification des règles pour qu'on augmente le nombre de rénovations globales, ce qui explique qu'on augmente le budget dans ces proportions, d'une manière qui soit aussi massive, et ce n'est pas fini. On aura des occasions d'en reparler très vite.

JÉRÔME CHAPUIS
Il y a un rapport parlementaire trans-partisan qui va être présenté aujourd'hui, il préconise une taxation européenne sur le patrimoine des plus fortunés pour financer la transition, qu'est-ce que vous en pensez ?

CHRISTOPHE BÉCHU
D'abord, je pense que c'est une bonne chose de poser ce sujet à l'échelle européenne, quand vous prenez des mesures fiscales dans un seul pays, vous avez toujours le risque que ça ait un certain nombre d'impacts, je l'ai dit dès le début de cette émission, l'Europe, c'est l'échelle à laquelle il faut avancer sur ces questions de transition écologique...

JÉRÔME CHAPUIS
Sauf qu'à la fin, c'est vous qui faites le budget, c'est en France qu'on le vote…

CHRISTOPHE BÉCHU
C'est en France qu'on vote une partie des budgets, mais il y a un Parlement européen qui est amené à se prononcer, qui a mis en place un système de crédit carbone aux frontières pour justement qu'on aille moraliser la mondialisation et éviter qu'on ait du dumping environnemental, qui a pris des règlements contre la déforestation, qui vont entrer en vigueur dans les prochaines semaines pour qu'on contrôle par satellite le fait qu'on n'achète pas en Europe des produits pour…

SALHIA BRAKHLIA
Mais taxer les plus riches pour financer la transition écologique, qu'est-ce que vous en dites ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Ce que je souhaite, c'est que ce débat ait lieu à l'échelle européenne, exactement comme les auteurs trans-partisans de ce rapport vont le présenter, si j'ai bien compris, cet après-midi, en commission des finances…

JÉRÔME CHAPUIS
Mais plus largement, on n'a pas compris comment vous financiez de tels investissements, parce que ça se compte en dizaines de milliards, sans à un moment ou à un autre augmenter les impôts.

CHRISTOPHE BÉCHU
Vous savez, si l'écologie, ça devient le prétexte à la fois pour interdire ou renier des libertés ou pour taxer, on est à peu près certain qu'on n'emmènera pas tout le monde, donc je vais vous répondre, 33 milliards d'euros, c'est la somme que nous avons consacrée cette année globalement à la transition écologique, on passe à 40 milliards, comment on fait, d'abord, en assumant, et ce sera présenté demain, un certain nombre de taxes sur des activités brunes. Il ne vous a pas échappé…

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais ça ne vous rapporte pas 40 milliards…

CHRISTOPHE BÉCHU
Ensuite, non, mais ce que je veux dire, c'est qu'en parallèle, si vous faites une écologie qui consiste à taxer massivement, et qu'à la fin, vous avez moins d'entreprises, vous vous retrouvez avec moins d'emplois, et donc à importer davantage de choses, vous avez perdu, et sur le social et sur l'économie et sur l'écologie…

JÉRÔME CHAPUIS
Mais il n'y a pas une illusion à faire croire que l'écologie, et l'énorme effort qu'on nous demande pour les sept prochaines années, ça va se faire sans douleur ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Je ne dis pas ça, ce que je dis, c'est que si vous insistez systématiquement sur la douleur, et que vous n'êtes pas capable de tenir un discours qui embarque tout le monde, à la fin, vous êtes sûr de rater, moi, vous savez, il y a deux choses qui m'inquiètent, ceux qui vous expliquent qu'on ne fait rien, c'est faux, notre pays a fait la moitié du chemin, il lui reste la moitié, il faut accélérer, et ceux qui vous disent, et ils sont de plus en plus nombreux, précisément qu'on est en train d'en faire trop, et qui sont dans une forme de climato-scepticisme qui est en train de trouver du regain, pas seulement sur les réseaux sociaux, mais aussi à l'extrême droite.

JÉRÔME CHAPUIS
Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires, on vous retrouve juste après le Fil info.

(…)

SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe BÉCHU. Emmanuel MACRON disait hier vouloir baisser de 30 % la dépendance des agriculteurs au glyphosate dans le pays, ça veut dire que la France ne s'opposera pas à la prolongation pour 10 ans encore du glyphosate dans l'UE ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Ça veut dire que la position qui consisterait à dire on en reprend pour 10 ans sans limitation n'est pas une position qui est acceptable et qu'on doit poursuivre une baisse de notre dépendance aux intrants. 30% c'est d'ores et déjà, malgré l'absence d'interdiction, la diminution de notre dépendance au glyphosate de ces dernières années, interdiction dans les parcs, dans les jardins publics, diminution des usages dans l'agriculture. On a une position aujourd'hui de la Commission européenne qui propose, sans restriction, 10 ans de plus, ce n'est pas la position de la France.

SALHIA BRAKHLIA
Mais comment on peut avoir votre discours de sauvegarde de la biodiversité quand on va autoriser le glyphosate pour encore 10 ans ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Non, je n'ai pas dit ça, nous ne soutiendrons pas une ré-autorisation pour 10 ans sans condition. Toute la difficulté, je ne vais pas entrer dans le détail parce que c'est technique, c'est que si on n'arrive pas à trouver une position sur laquelle il y a une majorité qualifiée européenne, à la fin c'est la Commission européenne qui décide seule, et si elle décide seule c'est 10 ans sans condition, ça pour nous ce n'est pas acceptable.

SALHIA BRAKHLIA
On ne peut pas se retirer du processus unilatéralement ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Si vous faites ça vous vous retrouvez avec des écarts de compétitivité qui sont problématiques et une forme d'hypocrisie, parce que si vous faites entrer dans le pays des produits qui ont été faits avec du glyphosate, à l'extérieur de nos frontières, vous êtes dans une hypocrisie environnementale, donc tout le sujet aujourd'hui c'est de travailler à une majorité des deux tiers pour ne pas être sur la position de la Commission, et les pourparlers sont intenses et l'activité diplomatique également.

JÉRÔME CHAPUIS
Christophe BÉCHU, il faut parler de la situation catastrophique à Mayotte. Depuis plusieurs mois maintenant le département français fait face à une situation de sécheresse aiguë, deux jours sur trois là-bas quand les habitants ouvrent leurs robinets ils n'ont pas d'eau. Un député les Républicains dit "nous sommes à l'orée d'une grave crise humanitaire", ça se passe sur le sol français, que fait le gouvernement ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Plusieurs choses. Vous avez raison de dire qu'on a une situation qui est dramatique, qui a été provoquée également par une sécheresse, on est légèrement décalé, la saison des pluies à Mayotte on l'espère à partir du mois de novembre, mais on est donc là sur des semaines qui sont encore très compliquées, à la fois parce que les réserves collinaires sont à sec, parce qu'on a globalement des taux de fuites, et une gestion globale du réseau d'eau là-bas qui devrait être considérablement améliorée, et donc là on pare à l'urgence. L'urgence ce sont des millions de bouteilles qu'on achemine pour faire en sorte de pouvoir accompagner ce qu'on appelle les tours d'eau, qui sont des dispositifs spécifiques, le ministre Philippe VIGIER, chargé des Outre-mer aux côtés du ministre de l'Intérieur, s'est déjà rendu plusieurs fois sur place, en ce moment même une des principales cadres de mon ministère est sur place, la directrice de l'eau et de la biodiversité, pour être aux côtés des équipes là-bas, et aux côtés d'experts, pour que passer la crise les prochaines semaines on soit capable d'aller entreprendre des travaux massifs. Usine de dessalement pour faire en sorte d'augmenter la capacité, ce n'est pas la solution miracle, mais il se trouve que là-bas on a absolument besoin de ça, amélioration du mode de gestion, réflexion sur d'autres réserves collinaires, il y a un chantier considérable, nécessitant des dizaines de millions d'euros, sur lequel les ministères, à la fois de la Transition écologique et des Outre-Mer, sont en train de travailler.

SALHIA BRAKHLIA
Est-ce que vous agissez assez vite et de manière assez coordonnée, puisque les élus locaux sur place demandent le plan Orsec, c'est-à-dire une organisation à partir du préfet pour que tout s'arrange le plus vite possible ?

CHRISTOPHE BÉCHU
Je peux vous assurer que c'est très exactement le sens de tout ça. On est confronté à deux difficultés, d'abord une… plus exactement à trois, d'abord une difficulté organisationnelle, il faut regarder les choses en face, la compétence telle qu'elle a été exercée, y compris par les élus locaux, sur l'île, n'a pas été à la hauteur des besoins. Deuxièmement la crise migratoire, les installations quand elles ont été faites elles n'ont pas été conçues en imaginant qu'on aurait près de la moitié de la population qui serait irrégulière. Et puis enfin la situation climatique, avec une saison des pluies qui n'a pas suffisamment rechargé les nappes, qui n'a pas suffisamment rechargé les retenues et qui nous posent aujourd'hui cette difficulté.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais d'un mot vous voyez un horizon à quel moment pour un retour à la normale à Mayotte ?

CHRISTOPHE BÉCHU
C'est ce que je vous dis, on a évidemment tous les yeux braqués vers le mois de novembre, pour le moment on est dans des mesures d'urgence, de soutien, dans des tours d'eau, dans des achats massifs de bouteilles pour pouvoir faire en sorte, y compris d'aller accompagner les scolaires et les plus fragiles, et dans une situation qui est suivie au jour le jour par une cellule de crise à la fois au ministère des Outre-mer et à celui de la Transition écologique.

SALHIA BRAKHLIA
Christophe BÉCHU, vous êtes le secrétaire général d'Horizons, le parti d'Édouard PHILIPPE, est-ce que pour vous c'est le meilleur héritier du macronisme ?

CHRISTOPHE BÉCHU
C'est en tout cas quelqu'un qui dans la façon dont il a conduit l'État a su montrer aux Français qu'il avait du sang-froid, qu'il avait une capacité à prendre des décisions pour le pays, mais le sujet aujourd'hui ce n'est pas la suite du président de la République, et ce n'est pas son héritage, c'est l'activité au quotidien que nous devons pour les Français.

SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas ce que dit Édouard PHILIPPE, il se place clairement pour 2027.

CHRISTOPHE BÉCHU
Non, il dit qu'il a une idée claire pour la suite, mais l'essentiel du discours qu'il a consacré pour sa rentrée c'était bien sur ce qu'il convient de faire aujourd'hui, sur les défis qui nous attendent, sur les réformes qu'il faut faire pour le pays, parce que penser que la suite et ce qui se passera au-delà de 2027, quoi qu'il arrive c'est écrit dans le marbre, c'est à la fois irrespectueux des électeurs et c'est surtout pas du tout à l'échelle de l'attente de nos concitoyens, ce qu'ils veulent c'est de l'action et des résultats, sur la question de l'écologie avec cette accélération, et le tour de France que je vais avoir l'occasion d'entreprendre dans quelques jours pour aller à leur rencontre, pour parler de biodiversité dont on n'a pas eu le temps de parler de façon importante ce matin, pour parler…

SALHIA BRAKHLIA
Si un peu avec le glyphosate.

CHRISTOPHE BÉCHU
Pour parler de rénovation, pour parler de lutte contre l'étalement urbain, pour parler de reconstruction de la ville sur elle-même, pour parler de tant d'autres sujets, ça commence jeudi.

JÉRÔME CHAPUIS
On aura sans doute l'occasion de vous entendre à nouveau sur France Info…

CHRISTOPHE BÉCHU
Ce sera avec joie.

JÉRÔME CHAPUIS
Pour parler de tous ces sujets, Christophe BÉCHU merci beaucoup d'avoir été l'invité de France Info, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires


source : Service d'information du gouvernement, le 27 septembre 2023