Texte intégral
C'est la première réunion du Conseil Affaires étrangères, c'est-à-dire les 27 ministres des Affaires étrangères et le vice-président de la Commission, haut représentant, et pas seulement une réunion de la Commission.
Le message est très simple : nous sommes ici, littéralement, au sens propre, aux côtés de l'Ukraine, pour qu'elle puisse se défendre, et non seulement se défendre, mais recouvrer sa souveraineté, son indépendance, son intégrité territoriale. C'est la première fois que le Conseil se réunit ainsi en-dehors de l'Union européenne, et je crois que le moment était bien choisi pour montrer que nous sommes là, nous sommes là pour longtemps ; et nous sommes aux côtés de l'Ukraine parce que c'est aussi notre sécurité, en Europe et au-delà, qui est en jeu. Le message est simple : nous sommes unis, nous sommes à ses côtés, nous sommes à ses côtés pour longtemps.
Q - Et pourtant il y a des failles, quand même, dans le soutien européen en ce moment, avec, on l'a vu, la Slovaquie, la Pologne...
R - La Slovaquie vient de connaître des élections, mais nous ne connaissons pas encore le gouvernement qui sortira de ces élections. Et je veux croire que la ligne de ce gouvernement sera, pour ce qui concerne l'Ukraine et pour ce qui concerne nos valeurs, la même que celle du gouvernement précédent. Nous devons rester unis pour pouvoir aider l'Ukraine comme il le faut. Il y a des interrogations aussi du côté du comportement de la Hongrie. Je crois que nous avons tous dit à notre collègue hongrois ce que nous pensions. Il faut maintenant débloquer un certain nombre de décisions ; il est temps. Je rappelle que par exemple, pour une tranche de ce qu'on appelle la facilité européenne pour la paix, cela fait des mois que la Hongrie tergiverse ; il est temps maintenant de passer à l'acte.
Q - Juste pour compléter sur la Slovaquie, en apprend que M. Robert Fico vient d'être nommé Premier ministre. Est-ce que c'est un mauvais signal, selon vous, pour l'Ukraine ?
R - L'avenir nous le dira. Il a été chargé de former le gouvernement, il doit négocier avec un certain nombre de partis, il n'a pas, à lui seul, la majorité. Et donc, je vous répondrai mieux lorsqu'un gouvernement sera formé. Je forme le vœu, je l'ai fait, je le répète, que nous restions tous unis au soutien de l'Ukraine, parce que c'est notre intérêt. Ça n'est pas seulement l'Ukraine qui est en jeu. Son existence même évidemment, sa liberté, sa souveraineté, son indépendance bien sûr sont en jeu, mais notre sécurité en Europe est en jeu, donc il est important de rester absolument unis et de travailler pour l'intérêt de nos peuples et de nos nations.
Q - L'Allemagne vient d'annoncer qu'elle poussait pour un plan contre l'hiver rude, ou en tout cas ce à quoi s'attendent ici les Ukrainiens à Kiev. Quels sont les dossiers que vous avez, vous, essayé de mettre en avant, tout à l'heure, lors de la réunion ?
R - Alors, celui-ci, mais nous avions déjà annoncé, lors d'une conférence sur la reconstruction de l'Ukraine cet été à Londres : 40 millions d'euros, dont une partie va servir à ce qu'on appelle la résilience des populations ukrainiennes cet hiver, avec à nouveau des générateurs, des transformateurs, tout ce qui lui a permis de tenir, l'hiver dernier, et qui certainement sera utile pour l'aider à tenir avec l'hiver qui va bientôt commencer et avec la campagne de bombardements russes sur les infrastructures civiles ukrainiennes, et notamment les infrastructures électriques qui, semble-t-il, a commencé. Au-delà, nous avons surtout travaillé, puisque ceci est acquis, sur une aide à long terme pour l'Ukraine. Souvenez-vous qu'au moment de la réunion de l'OTAN, en juillet, à Vilnius, les pays du G7 ont pris un engagement de contribuer, par des garanties de sécurité, à l'avenir de l'Ukraine, à son soutien, à son aide : reconstruction, aide économique, aide humanitaire, mais aussi armement, pour plusieurs années. Et c'est ce que nous faisons. Nous pensons pouvoir terminer ce travail avec l'Ukraine dans les mois qui viennent, peut-être d'ici la fin de l'année. Les pays de l'Union européenne, pour la plupart, ont rejoint le même type d'engagement, et donc travaillent, eux aussi, à élaborer un plan sur plusieurs années qui permette d'être aux côtés de l'Ukraine et de lui donner à la fois l'assurance que nous sommes là pour autant de temps qu'il le faudra, mais permette aussi d'adresser un message à la Russie, ce même message que nous sommes aux côtés de l'Ukraine aussi longtemps qu'il le faudra.
Q - Néanmoins, le Kremlin aujourd'hui a dit qu'il y avait une lassitude du soutien croissant. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
R - Que généralement, depuis quelques temps et depuis que la Russie, malheureusement, a choisi d'envahir l'Ukraine, d'agresser l'Ukraine. Je ne crois pas spontanément ce que dit le Kremlin ; je crois même plutôt, souvent, l'inverse de ce qu'il dit. Nous sommes unis, nous sommes aux côtés de l'Ukraine, nous le resterons, c'est aussi notre intérêt. Donc ce message doit être clairement énoncé, mais aussi clairement compris par la Russie. Voilà ce que je lui dis.
Q - Est-ce que vous avez senti une forme d'inquiétude qui montait auprès du gouvernement ukrainien, vis-à-vis de ces failles dans le soutien, dans l'unité de l'Union européenne, de certains pays occidentaux ? Est-ce que vous sentez qu'il y a ça qui monte chez eux, en ce moment ?
R - Il est important que ce que nous faisons aujourd'hui soit vu pour ce que c'est, c'est-à-dire une manifestation d'unité et de soutien. Encore une fois, cela ne s'est jamais fait : les 27 sont là, et nous voulons passer, ce faisant, le message que nous restons aux côtés de l'Ukraine et que nous devons tous être unis, au-delà d'ailleurs de l'Europe évidemment, pour lui permettre de recouvrer sa souveraineté et, je le redis, pour faire en sorte que l'ordre international fondé sur la règle de droit, sur les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, soit respecté. Il en va vraiment de la stabilité et de la sécurité dans le monde.
Q - Il y a eu des décisions concrètes, ce matin ?
R - Beaucoup d'échanges sur un certain nombre d'aspects - j'en ai évoqué quelques-uns ; la question de la sécurité alimentaire aussi, où nous avons décidé d'accroître nos investissements pour ce qu'on appelle les "corridors de solidarité", qui permettent à l'Ukraine d'exporter notamment ses céréales, qui ont été le principal moyen d'exportation des céréales ukrainiennes vers les pays qui en ont besoin, plus de 50 millions de tonnes déjà, c'est-à-dire plus que par la mer Noire. Et donc nous accroîtrons nos investissements, de façon à ce que ces corridors de solidarité soient encore plus efficaces. Et tant et tant d'autres sujets. Les questions aussi de redevabilité, comme on dit, de lutte contre l'impunité, sont évoquées. Nous avons beaucoup à faire encore ; également pour, au-delà de ceux qui sont réunis aujourd'hui, les 27 et l'Ukraine, convaincre le reste du monde qu'il faut se joindre à ces efforts pour dire à la Russie ce que l'Assemblée générale des Nations unies lui a dit à trois reprises, à une très forte majorité, venant de toutes les régions du monde : elle doit cesser son agression, se retirer sans condition et pleinement. Voilà le message qu'il faut porter et il faut être, je pense, tous à même de le porter, chacun avec sa voix, chacun peut-être avec ses motivations, sa sensibilité, mais unissons-nous pour faire que la Russie cesse cette agression.
Q - Le Président Zelensky était là ce matin ? Quel a été son message ?
R - Oui, il était là. Il a – je ne veux pas parler en son nom, mais – remercié ce geste exceptionnel que font les Européens d'être ici, à Kiev, à ses côtés, et toujours demandé qu'on travaille plus ensemble pour permettre à l'Ukraine d'atteindre ses objectifs. Et ces objectifs, nous les partageons : l'indépendance, le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2023