Déclaration de Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, en hommage à la Résistance, à Besançon le 8 octobre 2023.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Patricia Mirallès - Secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire

Circonstance : Discours d'inauguration du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon.

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la présidente du Conseil régional,
Madame la présidente du Conseil départemental,
Madame la maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et messieurs, en vos grande et qualités,

Parce que la mémoire ne prend pas de vacances, j'ai souhaité cet été inciter chacun à donner un supplément d'âme à ses congés. Dans la série "Tourisme de mémoire" que j'ai lancée sur les réseaux sociaux, Y avais invité les Françaises et les Français à aller visiter le musée de la résistance en Morvan à l'occasion de l'étape "Bourgogne - Franche Comté".

Aujourd'hui et à l'avenir, je serai heureuse de les inviter à venir découvrir le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon qui, après trois ans et demi de fermeture pour rénovation, s'ouvre de nouveau au public.

Ce musée, le troisième de la Citadelle de Besançon, ne serait pas le même s'il avait été érigé ailleurs. Il est intrinsèquement lié aux pierres de cette montagne dont tout le monde connaît l'importante charge historique et mémorielle.

Épargnée lors de la première guerre mondiale, c'est lors de la seconde guerre mondiale que la douleur s'abat sur la Citadelle. Occupée par les Allemands dès le mois de juin 1940, celle-ci devient un lieu dont l'occupant avait banni toute idée d'humanité.

En 4 ans, 98 résistants ont été fusillés ici, les yeux bandés, le dos appuyé contre le bois triste des poteaux d'exécution devant lesquels nous nous sommes recueillis à l'instant.

Certains de ces hommes étaient âgés, d'autres dans la fleur de l'âge, d'autres enfin entraient à peine dans leur vie d'adulte. Ils partageaient un engagement résolu à se battre pour la survie de notre pays.

Parmi ces hommes, 17 membres du groupe "Guy Môquet" dont le nom orne aujourd'hui nombre de nos lieux publics. Arrêtons-nous un instant sur un jeune homme de 17 ans, Henri FERTET. Arrêté chez ses parents dans la nuit du 2 juillet 1943, il fut torturé puis fusillé. Quelques heures avant sa mort, il écrit à ses parents vouloir "une France libre et des Français heureux".

Ce lieu si symbolique de l'acharnement nazi contre les résistants, il nous revient de le faire vivre.

C'est précisément la mission que se donne le musée de la Résistance et de la Déportation. Il nous rappelle le sens des sacrifices consentis. Il a la mission de transmettre l'immense valeur de l'héritage d'humanité et de justice dont est dépositaire la Citadelle.

Une femme a dédié sa vie à ce devoir qui nous engage collectivement: Denise LORACH. c'est elle, ancienne déportée, qui a œuvré avec une énergie inlassable pour que ce site de martyre rende justice au tragique de l'histoire qui s'est manifesté ici. Ce musée, c'est le grand œuvre de Denise LORACH.

En 1969, l'Association des Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation lance une large collecte d'archives et d'objets. Rassemblés, ils forment la première collection du musée qui est inauguré en 1971. Grâce à la particularité du processus de formation de ses collections, le musée est d'une incroyable richesse et réussit une articulation rare et remarquable entre la diversité des histoires individuelles, et l'unité de notre histoire nationale.

Et cela n'a pas changé avec la rénovation. Le musée, labellisé "Musée de France" en 2002, puis rénové avec ambition et précision ces trois dernières années, retrouve pleinement sa place dans le réseau national des musées de la Résistance et de la Déportation. Il a su s'adapter à son temps tout en restant fidèle à ses origines.

La singularité du musée tient à sa collection d'art concentrationnaire qui est l'une des plus grandes d'Europe. L'art concentrationnaire, c'est un art particulièrement centré  sur la déportation de répression. La collection du musée, née de la première collecte, enrichie par de nombreux dons depuis, présente une grande diversité qui est aussi une grande richesse. Plus de cent-vingt-mille dessins, photographies, cartes, plans, et divers objets sont réunis dans les salles.

Nous pouvons être fiers de cette collection unique. L'art concentrationnaire, c'est un art de la survie. C'est la manifestation d'une pulsion de vie si puissante. En exprimant l'indicible de l'horreur, en donnant une forme à ce dont notre imagination ne peut faire le tour, ces œuvres d'art permettaient aux déportés de ne pas être réduits à leurs souffrances, d'en faire un objet distinct d'eux-mêmes.

En installant ce clivage entre le sujet et l'objet, l'art concentrationnaire permettait aux déportés de conserver leur humanité. Malgré le projet des nazis. Malgré la déshumanisation qui était à l'œuvre dans les camps. Car l'art reste le propre de l'homme, et celui qui crée affirme sa condition humaine.

Celui qui souhaite comprendre cet art particulier ne doit pas passer à côté de sa dimension testimoniale. C'est une dimension essentielle, et celle-ci est particulièrement visible dans les dessins de Léon DELABRE. Ce conservateur au musée de Belfort, résistant déporté, a dessiné des tranches de vie aux camps d'Auschwitz, de Buchenwald et de Bergen-Belsen. Pendant plus d'un an, entre 1944 et 1945, il fige pour l'éternité de nombreuses scènes de l'expérience concentrationnaire.

Revenu des camps, il fait don de la plus grande partie de ses dessins au musée. Je vous invite vraiment à aller découvrir ses croquis; vous comprendrez alors l'engagement moral qu'on pris les prisonniers. Vous comprendrez aussi pourquoi dessiner, c'est résister.

Ce musée nous offre aujourd'hui la chance unique de découvrir cet art fragile qui fut caché aussitôt créé, car le dissimuler était une condition de survie des artistes. Ces bouts de papiers fragiles, ces mots griffonnées d'une main fatiguée, ils ont permis aux déportés de ne pas oublier la haute idée qu'ils avaient de l'espèce humaine. Même aux heures les plus dures.

Ces précieuses collections, c'est-à-dire notre précieux héritage, il s'agit de les faire vivre. Ce que nous ont transmis les résistants et les déportés, nous ne pouvons pas nous contenter de le placer sous une vitrine avec le sentiment du devoir accompli.

Contrairement à ce que l'on pense, et surtout lorsqu'il est question de notre patrimoine commun, les objets n'ont pas une vie en propre : il nous revient de les animer et, pour cela, de les faire vivre avec nous, en même temps que nous. Voilà toute l'ambition de cette rénovation de plus de 3 ans.

La volonté du ministère des armées et de tous les autres partenaires de la rénovation est de faire du musée un établissement résolument moderne, dans son architecture comme dans ses actions.

D'abord, l'établissement s'inscrit dans un projet citoyen que soutien résolument le Ministère des Armées, notamment à destination des jeunes publics. Le musée jouera son rôle dans l'apprentissage de ce qu'est la République et la Nation. Ce lieu de pédagogie, par l'exemple qu'il donne des existences illustres qui nous ont précédés, est un espace de transmission des valeurs que nous avons reçues en héritage et en partage.

En janvier, la Première ministre a annoncé que chaque élève devra visiter un lieu de mémoire au cours de sa scolarité. Ce musée en sera un lieu incontournable pour les jeunes de la région.

Dans ce but, l'accueil des publics a été particulièrement réfléchi et le concept d'accessibilité a été placé au centre de sa conception. Il s'est agi de rendre le musée accessible à tout le monde: aux personnes à mobilité réduites, aux groupes, aux personnes atteintes de déficience intellectuelle ou encore aux très jeunes. Ainsi, la politique d'explication des collections occupe une place centrale dans la nouvelle offre culturelle du musée.

Rien n'a été négligé : mise aux normes ERP, conception d'une muséographie modulable, intégration d'applications numériques, parcours ludiques pour les enfants, centre de ressource accessible à tous…

Vous l'aurez compris : le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon a aujourd'hui achevé sa mue. La rénovation traduit la volonté de sa direction d'être en prise avec notre temps et de faire résonner vos collections avec notre histoire nationale.

Le travail très abouti de contextualisation des collections amène les visiteurs à aller au-delà des trajectoires personnelles qui sont dévoilées ici. Autant que celle de certaines femmes et de certains hommes, c'est toute l'histoire de la résistance et de la déportation qui s'expose dans les salles.

Le Ministère des Armées, à travers sa Direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives, œuvre résolument pour la reconnaissance du patrimoine de nos régions et son ouverture à tous les publics. C'est aussi, je vous le confie, une cause qui me tient particulièrement à cœur.

Ici, le Ministère des Armées a investi 500 000 euros. Ailleurs en France, depuis l'anniversaire du centenaire de la première guerre mondiale, ce sont 20 millions d'euros qui ont été attribués à 60 collectivités pour soutenir leurs projets mémoriaux d'envergure. Plus spécifiquement, le Ministère a consacré 800 000 euros exclusivement aux musées en 2022 puis à nouveau en 2023.

Avec Sébastien LECORNU, le Ministre des Armées, nous sommes convaincus qu'il ne faut pas opposer la mémoire locale et la mémoire nationale. La mémoire est à portée de main, elle s'offre aux regards dans nos rues, dans nos bâtiments et sur nos places publiques.

Notre mémoire collective n'existe pas comme une idée sans contour ni forme précise. Au contraire : elle s'incarne dans des personnes et dans des paysages, dans ceux qui passent et dans ce qui reste.

Avant que nous coupions le ruban, je tiens à avoir un mot pour les combattants d'hier et d'aujourd'hui qui sont présents. Je n'oublie pas non plus les anciens déportés. Ce musée est le vôtre. Plus qu1à quiconque, son héritage vous revient. Vous êtes les exécuteurs testamentaires de ceux qui vous ont précédé, et nos enfants seront les nôtres demain.

Si je vous dis cela, c'est pour souligner que cet héritage nous oblige. Il nous est transmis avec le devoir d'enseigner et de le transmettre à notre tour. Je pense particulièrement aux enseignants. Je veux les inciter à s'emparer du musée: la richesse de ses collections trouvera forcément sa place dans leurs projets pédagogiques, quel que soit l'âge des élèves.

Comme le rappelait le Président de la République citant THUCYDIDE : "La force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens". Venir en ces lieux c'est en tirer la force morale qui nous permet d'avancer.

Voilà les quelques mots que je voulais vous dire aujourd'hui, dans cette cour et devant ce musée où l'avenir se façonne dans le passé.

Je lui souhaite de rencontrer le succès qui lui revient.


Source https://www.defense.gouv.fr, le 10 octobre 2023